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17/12/1959 | MAROC | N°P481

Maroc | Maroc, Cour suprême, 17 décembre 1959, P481


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par Ah contre un arrêt de la Cour d'appel de Tanger du 11 mars 1959 qui l'a condamné pour escroquerie à deux années d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 50 50000 francs et à payer conjointement et solidairement avec Soos, 3 500000 francs à titre de dommages- intérêts à Aa, partie civile.
17 décembre 1959
Dossier n° 2727
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION EN SES SEPT BRANCHES pris de la "violation de l'article 207 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale, provoqués en partie par la violation de l'article 291 du

Code de procédure criminelle également reprochée, ainsi qu'interprétation e...

Rejet du pourvoi formé par Ah contre un arrêt de la Cour d'appel de Tanger du 11 mars 1959 qui l'a condamné pour escroquerie à deux années d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 50 50000 francs et à payer conjointement et solidairement avec Soos, 3 500000 francs à titre de dommages- intérêts à Aa, partie civile.
17 décembre 1959
Dossier n° 2727
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION EN SES SEPT BRANCHES pris de la "violation de l'article 207 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale, provoqués en partie par la violation de l'article 291 du Code de procédure criminelle également reprochée, ainsi qu'interprétation erronée, donc violation de l'article 507 du Code des obligations et contrats, »(1)
en ce que premièrement - pour retenir le délit d'escroquerie, l'arrêt attaqué, d'une part, s'écarte de l'ordonnance de renvoi et d'autre part se borne à énoncer que les faits reprochés à
(1)Les textes legislatives visés au moyen font partie des Codes promulgués par le dahir du 19 joumada II 1343 (15 janvier 1925) relatif à l'administration de la justice dans la zone de Tanger.
Les termes de l'article 207 du Code penal mentionné sont les mêmes que ceux de l'article 405, alinéa 1er du Code pénal applicable dans l'ancienne zone sud du Maroc.
Quant aux articles 291 du Code de procédure criminelle et 507 du Code des obligations et contrats , leur rédaction est la suivante :
Art. 291 C. pr. Crim. : L'appel ne soumet au juge qui en est saisi que les faits appréciés en prermière instance et dans les limites fixées par l'appel.
Art. 507, C. o. et c. : La vente de la chose d'autrui est valabe : 1° Si le maître la ratifie ;
2° Si le vendeur acquiert ensuite la propriété de la chose.
Dans le cas où le maître refuse de ratifier, l'acquéreur peut demander la résolution de la vente ; le vendeur est
tenu, en outre, des dommages-intérêts, lorsque l'acquéreur ignorait, au moment de la vente, que la chose était à autrui.
La nullité du contrat ne peut jamais être opposée par le vendeur à raison de ce que la chose était à autrui.
l'inculpé constituent le délit d'escroquerie prévu par l'article 207 du Code pénal sans en caractériser les éléments constitutifs énoncés par cet article;
en ce que deuxièmement - pour retenir le délit d'escroquerie, l'arrêt ne précise pas de quoi l'inculpé a persuadé la victime par l'emploi de manouvres frauduleuses elle mêmes non précisées;
en ce que troisièmement - pour retenir le délit d'escroquerie, l'arrêt se fonde sur des faits postérieurs à la remise des fonds : l'envoi du navire à Viareggio;
en ce que quatrièmement - pour retenir le délit d'escroquerie, l'arrêt qualifie d'usage de fausse qualité, l'affirmation du prévenu d'être propriétaire du navire, alors d'ailleurs que la vente de la chose d'autrui n'est pas nulle et qu'au surplus l'arrêt constate l'existence d'un acte de vente par les précédents propriétaires à la société «Akron » qui s'identifie avec l'autre prévenu Ross, et que la perfection de cet acte était réalisable;
en ce que cinquièmement - l'arrêt constate que la remise des fonds a été déterminée par la prise d'une fausse qualité alors que la cause directe de cette remise était la vente du navire;
en ce que sixièmement - il appartenait à la Cour d'établir, du moment que c'était la vente du navire qui avait déterminé la remise des fonds, que la fausse entreprise était précisément cette vente et que les premiers propriétaires pouvaient revendiquer le navire en l'Etat, c'est-à- dire sans demander au préalable la résiliation du contrat par lequel ils ont vendu le navire aux inculpés;
en ce que septièmement- les faits reprochés consistent en la non délivrance d'un navire vendu à crédit, sur lequel une partie du prix seulement a été versée par l'acquéreur, navire que les vendeurs ont eux-mêmes acquis à crédit, et dont, au moment de sa vente à l'acquéreur, ils n'ont pas encore intégralement acquitté le prix auprès de leurs auteurs qui, de leur part n'ont jamais manifesté d'opposition à la vente par leurs acheteurs, vendeurs par rapport à l'acquéreur, faite à ce dernier, et ce que ces faits ne sont susceptibles d'engendrer que des rapports commerciaux ou civils entre les inculpés et la partie civile;
Attendu que par ordonnance du juge d'instruction du tribunal régional de Tanger du 10
juin 1958, Roos et Ah ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir à Tanger . en faisant usage de la fausse qualité de propriétaires, en employant des manouvres frauduleuses, vendu le bateau « Isola Madre » pour le prix de 10800 livres sterling au plaignant Aa qui versait comptant la somme de 3500000 fracs, et d'avoir ainsi escroqué la totalité ou partie de la fortune d'autrui; qu'il était précisé dans cette ordonnance, que ces faits constituaient le délit prévu et réprimé par l'article 207 du Code pénal;
Attendu que pour réformer le jugement du tribunal correctionnel qui avait relaxé les prévenus, l'arrêt attaqué, statuant sur les mêmes faits, constate que Ah et Roos ont vendu le 19 octobre 1957, à Ag Aa, le bateau « Isola Madre » moyennant le prix de 10800 livres sur lequel ils ont touché ledit jour 3500000 francs, en déclarant faussement qu'ils en
possession de Ah en vertu d'un contrat de location du 29 juillet 1957, et que d'autre part les inculpés n'ignoraient pas que ce bateau n'était pas leur propriété, puisque les livres de bord et titres de propriété du bateau portaient encore les noms des précédents propriétaires et que l'acte de vente sous signes privés daté du 27 juillet 1957 avait été passé entre les précédents propriétaires et l'inculpé Ah qui agissait en qualité de représentant de la société tangéroise par actions « Akron » et non comme acheteur pour son compte personnel ou celui de l'inculpé Roos;
Que l'arrêt attaqué constate également que, dans le but de donner crédit à leurs allégations mensongères et d'amener Aa à verser une somme importante, Ah et Roos se sont fait assister dans leurs négociations par les intermédiaires Ac et Ab, qui, lors de la visite du bateau, au cours de la quelle Ah portait les livres de bord qu'il a exhibés à Aa et donnait des ordres au commandant, ont tous deux affirmé que ledit Ah était bien le propriétaire de l' « Isola Madre »; qu'une commission dépassant le cadre d'une simple opération de courtage avait été promise à Ac et Ab qui, aussitôt le contrat signé, se sont présentés chez Roos pour exiger la commission promise, menaçant Roos de violences s'il ne s'exécutait pas;
Attendu que de ces constatations de fait, l'arrêt a à bon droit déduit que Ah s'était rendu coupable d'escroquerie; que si son affirmation de propriétaire du bateau faite en vue d'obtenir d'Onwuka la remise de 3500000 francs, était un simple mensonge, cette allégation a été corroborée par l'intervention de tiers largement rétribués, par la visite du bateau en compagnie de ceux-ci, par les affirmations réciproques de ces tiers et des prévenus; qu'elle a pris ainsi le caractère d'une manouvre frauduleuse destinée à persuader l'existence d'une fausse entreprise, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, alors que la propriété du navire n'avait été transférée ni à Roos ni à Ah et que la remise des fonds a été la conséquence directe de ces affirmations et de cette mise en scène;
Attendu que Ah, ne saurait devant la Cour suprême remettre en discussion les faits souverainement constatés par les juges du fond, alors que contrairement à ses allégations ils ne présentent aucun défaut de concordance avec ceux relevés par l'ordonnance de renvoi;
Que les juges d'appel, loin de violer la loi, l'ayant régulièrement appliquée et ayant par des motifs pertinents donné à leur décision une base légale, le moyen invoqué se trouve mal donné en ses diverses branches;
D'ou il suit que le pourvoi doit être rejeté;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Aj. -Rapporteur : M. Ae. -Avocat général : M. Ad. -Avocat : Me Sorger.r.
Observations
En ce sens que l'intervention d'un tiers de mauvaise foi suffit à caractériser l'escroquerie,
v. Crim., 15 mai 1931, B.C. 134. Sur la question du tiers intervenant, v. Rép. Crim., V° Escroquerie, par Af Ai, nos 193 s., Nouv. Rép., V° Escroqurie, n° 14 ; Crim. II févr. 1926, D. H. 1926. 165 ; 31 juill 1926, D.H. 2926. 482 ; 3 mars 1932, D.H. 1932, 221 ; 21 juin 1934, D.H. 1934. 433 ; 2 mars 1935, D.H. 1935. 237 ; 5 nov. 1936, B.C. 108, D.H. 1937. 21 ; 15 avril 1937, B.C. 74, Gaz. Pal. 1937. 2. 253 ; 9 mars 1938, B.C. 68 ; 26 juill. 1938, Gaz. Pal. 1938. 2. 528 ; 2 juill. 1942 ; B.C. 81 ; 24 janv. 1946, B.C. 35, J.C.P. 1946, II. 3108 ; 27 avr. 1955, D. 1955. 455.
____________


Synthèse
Numéro d'arrêt : P481
Date de la décision : 17/12/1959
Chambre pénale

Analyses

ESCROQUERIE - Manouvres frauduleuses - Intervention de tiers - Affirmations mensongères de tiers rétribués.

L'intervention de tiers rétribués corroborant l'affirmation mensongère selon laquelle le vendeur d'une chose en est propriétaire caractérise les manouvres frauduleuses, élément constitutif du délit d 'escroquerie.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1959-12-17;p481 ?
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