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08/12/1959 | MAROC | N°C48

Maroc | Maroc, Cour suprême, 08 décembre 1959, C48


Texte (pseudonymisé)
Dossier n° 329

48-59/60
Ai Ab c/ Ag Aa Ac Ab
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 12 octobre 1957.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN:
Attendu qu'il résulte de la procédure et de l'arrêt déféré (Rabat 12 octobre 1957) que Ag Aa Ac Ab Ad a été blessé à la main gauche alors qu'il exécutait un travail pour le compte de Ai Ab ; que celui-ci ayant sur la demande d'indemnité formée contre lui exposé qu'il n'était pas l'employeur de la victime, le tribunal de Fès a, par jugement en date du 3 octobre 1956, reconnu qu'

il était le patron de Mustapha, responsable comme tel de l'accident en vertu du dahir du 2...

Dossier n° 329

48-59/60
Ai Ab c/ Ag Aa Ac Ab
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 12 octobre 1957.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN:
Attendu qu'il résulte de la procédure et de l'arrêt déféré (Rabat 12 octobre 1957) que Ag Aa Ac Ab Ad a été blessé à la main gauche alors qu'il exécutait un travail pour le compte de Ai Ab ; que celui-ci ayant sur la demande d'indemnité formée contre lui exposé qu'il n'était pas l'employeur de la victime, le tribunal de Fès a, par jugement en date du 3 octobre 1956, reconnu qu'il était le patron de Mustapha, responsable comme tel de l'accident en vertu du dahir du 25 juin 1927, et, avant dire droit au fond, a ordonné une expertise à l'effet de vérifier l'état de la victime et de déterminer le taux de l'incapacité dont elle était atteinte ; que Ai Ab a demandé à la Cour d'appel d'infirmer le jugement outre celui du 24 avril 1957 qui, intervenu à la suite de ladite mesure d'instruction, allouait à Mustapha une rente annuelle de 36000 francs calculée d'après un taux d'incapacité permanente partielle de 30% ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, en violation de l'article 230 du dahir de procédure civile, déclaré que le jugement interlocutoire du 30 octobre 1956 rendu en matière d'accident du travail, n'ayant pas dans les 60 jours de son prononcé, était devenu définitif et ne pouvait plus désormais faire l'objet d'une requête d'appel ;
Mais attendu que les juges du second degré ont à juste titre déclaré tardif l'appel de Ai Ab en tant que dirigé contre les dispositions du jugement du 3 octobre 1956 qui statuaient définitivement sur la nature de l'accident et la responsabilité de l'employeur, dès lors que cet appel interjeté le 16 mai 1957 n'avait pas été formé dans le délai légal ;
Que le moyen n'est pas fonde ;
....................................
SUR LE TROISIEME MOYEN
Attendu qu'il est encore fait grief à la décision attaquée d'avoir statuéultra petita en ce qu'elle a accordé à la victime une rente de 36000 francs alors que celle-ci était demandée dans la requête introductive d'instance à concurrence de 24000 francs seulement ;
Mais attendu qu'aucun des griefs de la nature de ceux qui sont énoncés à l'article 13 du dahir relatif à la Cour suprême n'est invoqué, et qu'il n'est pas allégué que le calcul de la rente imposée par le dahir du 25 juin 1927 qui est d'ordre public ait été erroné ;
D'où il suit que le griefd'ultra petitane pouvait être présenté devant la Cour suprême ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Seghrouchni-Avocat général: M CB A Aj, Sabas.
Observation
1-et II-L'art 259 Dh 25 juin 1927, modifié en la forme-par Dh 6 févr 1963, dispose que le délai d'appel contre les décisions contradictoires rendues en application de ce texte est de 60 jours à dater de leur, prononcé ; mais l'article 258 renvoie au droit commun pour toutes les autres règles relatives à l'appel. Sont donc applicables en matière d'accident du travail les dispositions de l'article 230 C proc civ selon lesquelles l'appel des jugements avant dire droit peut être formé, soit avant le jugement définitif, soit conjointement avec l'appel de celui-ci. Bien que relatif à l'appel d'une décision rendue en application du Dh Sur la réparation des accidents du travail, l'arrêt rapporté a donc une portée générale en ce qu'il tranche la question de l'application des dispositions de l'article 230 C proc civ aux jugements mixtes, c'est-à-dire aux jugements qui comportent à la fois des dispositions définitives sur le fond et des dispositions avant dire droit.
Trois solutions peuvent théoriquement être envisagées en ce qui concerne l'appel de ces jugements: appliquer pour le tout les règles relatives aux jugements avant dire droit, c'est-à-dire permettre à l'appelant d'exercer à son choix son recours avant ou après la décision définitive sur le fond, appliquer pour le tout les règles relatives aux jugements définitifs c'est-à-dire imposer à l'appelant de former son appel immédiatement, sans attendre la décision définitive sur le fond ; ou encore appliquer distributivement aux deux sortes de dispositions du jugement mixte les règles édictées, d'une part pour les décisions avant dire droit, d'autre part pour les décisions sur le fond. C'est cette dernière solution qui est adoptée par l'arrêt rapporté:
Sur la solution différente adoptée par la jurisprudence française à propos d'une difficulté analogue, voir notamment Ah Af, Rev trim. dr civ 1958, p 139, n 11.
III et IV-Parmi les cas d'ouverture à cassation prévus à l'art 13 Dh 27 sept 1957 relatif à la Cour suprême, figurent la violation de la loi, la violation des formes substantielles de procédure et l'excès de pouvoir ; d'autre part, aux termes de l'art 240 C proc civ, le recours en rétractation est ouvert notamment dans les cas suivants «Si les formes substantielles ont été violées.». «s'il a été statué sur choses non demandées, ou adjugé plus qu'il n'a été demandé ou s'il a été omis de statuer sur un chef de demande». A l'aide de la doctrine et de la jurisprudence française relatives aux dispositions analogues du droit français, il est possible de déterminer les domaines respectifs de ces deux voies de recours, en ce qui concerne la violation des formes substantielles (1°), le fait de statuer extra ou ultra petita (2°) et l'omission de statuer sur un chef de demande (3°).
1°En ce qui concerne la violation des formes substantielles, la jurisprudence française décide que le pourvoi en cassation l'emporte, lorsque cette violation a été commise par le juge, ou lorsque, commise par les parties, elle a été dénoncée aux juges qui n'en ont pas tenu compte (Rép.pr.civ, V° Requête civile, par Ah Ae, n 94 et s); ainsi, le domaine du recours en rétractation (appelé «requête civile» par la loi française) se limite au cas où la violation de forme a été commise par les parties et non dénoncée aux juges. La Cour suprême ne parait pas avoir eu à connaître d'un tel cas; elle a rendu en revanche de nombreux arrêts admettant la recevabilité de moyens de cassation fondés sur la violation de règles de forme commise par le juge (notamment de moyens tirés de l'absence d'audition du ministère public, du défaut de lecture d'un rapport écrit, du défaut de motif) ; son interprétation paraît donc identique à celle de la Cour de cassation française.
2°Bien que pouvant paraître constituer un excès de pouvoir ou une violation de la loi au sens large, le fait de statuer extra ou ultra petita n'entre pas dans la définition stricte de ces deux ouvertures à cassation (sur l'excès de pouvoir, v notamment Besson, n 1414 et 1415 ; sur la violation de la loi, v notamment Besson, n 1387 et s), et il n'est sanctionné, en principe, que par la voie de la rétractation ; il n'en est autrement que lorsque, selon la formule de la Cour de cassation française, ce fait «se complique d'une violation de la loi», ou lorsque le juge a statuéextra ou ultra petita, non par inadvertance, mais par suite d'une erreur de droit sur l'étendue de sa saisine ou de ses pouvoirs (un bon exemple en est fourni par l'arrêt rapportéinfra, n°155-v la note in fine sous cet arrêt). Sur ces critères qui sont souvent d'application malaisée, vRép.pr.civ, V° Requête civile, préc, n°116 et s. ; Besson, n1466 et s ; Ah Af, Revtrim.dr.civ, 1949, p 128).
L'arrêt rapporté fait application de ces règles puisque, pour déclarer irrecevable le moyen pris de ce que la décision attaquée avait alloué une rente d'accident du travail excédant le montant de la demande, il souligne que les juges n'ont pas violé les dispositions du Dh 25 juin 1927 (dans le même sens, notamment arrêts 29-57/58 du 17 juin 1958 ; 59-59/60 du 23 déc 1959-6-60/61 du 19 oct 1960, infra, n°109).
3°Les domaines respectifs du recours en rétractation et du pourvoi en cassation sont en pratique plus difficile à délimiter en cas d'omission de statuer sur un chef de demande. Le principe est le même que dans le cas précédent: sauf violation de la loi, il y a lieu à rétractation et non à cassation mais son application dépend de l'interprétation souvent délicate, de la décision attaqué ; en effet, l'omission de statuer peut être interprétée soit comme un oubli pur et simple, soit comme le rejet implicite et non motivé de la demande ; dans la première hypothèse la rétractation est seule recevable, dans la seconde le juge a violé la loi en ne motivant pas sa décision et seul est ouvert le recours en cassation (v Rép pr Civ V° Requête civile préc, n 141 et s ; Ah Af, Rev trim dr civ, 1947, p 359).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C48
Date de la décision : 08/12/1959
Chambre civile

Analyses

1°APPEL-Délai-Point de départ-Jugement avant dire droit comportant des dispositions définitives.2°ACCIDENT DU TRAVAIL -Appel-Délai-Point de départ. 3°RETRACTATION-Ouverture-Ultra petita sans violation de la loi. 4°CASSATION-Ouverture-Ultra petita sans violation de la loi (non).

1°Lorsqu'un jugement rendu en matière d'accident du travail comporte à la fois des dispositions sur le fond et une disposition préparatoire, la règle édictée par l'article 230 du Code de procédure civile, selon laquelle tout jugement avant dire droit peut être frappé d'appel en même temps que le jugement définitif sur le fond,n'est pas applicable en tant que l'appel est dirigé contre les dispositions statuant définitivement sur la nature de l'accident et sur la responsabilité de l'employeur.2°L'appel des jugements rendus contradictoirement en matière d'accident du travail doit être formé dans les 60 jours de leur prononce.3°et4°Le fait de statuer ultra petita ne donne pas ouverture à cassation (mais à rétractation) lorsque aucun des griefs énumérés à l'article 13 du dahir du 27 septembre 1957 n'est invoqué par le demandeur.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1959-12-08;c48 ?
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