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26/11/1959 | MAROC | N°P447

Maroc | Maroc, Cour suprême, 26 novembre 1959, P447


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par Triaureau contre un arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Rabat du 16 décembre 1958, relaxant Vve Micheau du chef de spéculation illicite sur les loyers et se déclarant incompétent sur l'action civile.
26 novembre 1959
Dossier n° 2182
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION pris de la violation des articles 159, 189,191, 211 du Code d'instruction criminelle rendu applicable au Maroc par l'article 13 du dahir du 12 août 1913, ainsi que les dispositions du dahir du 1er décembre 1950 modifié par le dahir du 22 avril 1954, défaut et in

suffisance de motifs, manque de base légale, violation et fausse appli...

Cassation sur le pourvoi formé par Triaureau contre un arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Rabat du 16 décembre 1958, relaxant Vve Micheau du chef de spéculation illicite sur les loyers et se déclarant incompétent sur l'action civile.
26 novembre 1959
Dossier n° 2182
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION pris de la violation des articles 159, 189,191, 211 du Code d'instruction criminelle rendu applicable au Maroc par l'article 13 du dahir du 12 août 1913, ainsi que les dispositions du dahir du 1er décembre 1950 modifié par le dahir du 22 avril 1954, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation et fausse application de la loi ;
Vu les textes sus-visés ;
Attendu que tout arrêt doit contenir des motifs propres à justifier la décision rendue ;
Attendu que pour confirmer le jugement du tribunal qui a relaxé veuve Micheau prévenue de spéculation illicite sur les loyers, et s'est par voie de conséquence déclaré incompétent sur la demande en dommages- intérêts de Triaureau, l'arrêt déféré se borne à qualifier de «minima»les évaluations de l'expert et à constater que celles-ci faisant ressortir un revenu brut de 14% environ, il n'est pas permis d'affirmer que la dame Micheau a manifestement dépassé la rémunération légitime du capital investi, lequel en l'espèce coïncide avec la valeur actuelle du capital mis à la disposition du locataire ;
Attendu que si les appréciations des experts judiciairement commis ne s'imposent pas au juge, celui-ci, légalement tenu de motiver sa décision, ne peut les modifier ou les démentir par l'unique affirmation d'une opinion différente dénuée de la moindre justification ; que par suite, en se bornant à affirmer, sans en indiquer les motifs, que constituait une estimation minima la valeur du mètre carré que l'expert avait au contraire déclaré correspondre à son estimation maxima en raison de considérations tenant à la construction de l'immeuble, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que dès lors, et sans même relever, ni que ledit arrêt a par une approximation modératrice non motivée réduit à « 14% environ » le pourcentage précis de 14,92 % retenu par l'expert et par les premiers juges, ni que la Cour d'appel a, comme le tribunal de première instance, omis de rechercher si le loyer perçu n'était pas hors de proportion avec les avantages ou les utilités que la situation des lieux loués et les conditions de leur aménagement étaient de nature à procurer au preneur soit pour son habitation, soit pour l'exercice de sa profession, éléments constitutifs du délit expressément visés par l'article 2 du dahir du 1er décembre 1950, il échet de casser et annuler l'arrêt attaqué, mais uniquement en ce qui concerne les intérêts civils, faute de pourvoi du ministère public;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties, quant aux intérêt civils seulement, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rabat le 16 novembre 1958, et pour être à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Rabat autrement composée.
Président : M. Ac. -Rapporteur : M. Aa. -Avocat général : M. Ak. - Avocats : MM. Poussier, Achour.
Observations
Sur le manque de base légale, v. la note sous Cour supr., Crim., arrêt n° 201 du 12 févr. 1959.
Il appartenait aux juges du fond, pour donner une base légale à leur décision, de rechercher si les éléments constitutifs du délit de spéculation illicite sur les loyers, prévu et puni par l'art. 2, al. Ire, du dahir du 20 Safar 1370 (Ire déc. 1950) étaient réunis. Ce texte est le suivant: «Se rend coupable de spéculation illicite et sera comme tel puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 30000 francs à 2 millions de francs quiconque perçoit ou tente de percevoir un prix de location ou de sous-location manifestement supérieur à la rémunération légitime du capital représentant la valeur actuelle de la propriété et du capital réellement engagé ou hors de proportion avec les avantages ou les utilités que la situation des lieux loués et les conditions de leur aménagement sont de nature à procurer au preneur, soit pour son habitations, soit pour l'exercice de sa profession ».
Sur cette infraction, v. Af Ah, Répression de la spéculation illicite et juste prix, Rev. maroc. dr. 1952. I ; Ab Ae, Les infractions en matière de location (Etude du droit positif au 15 avril 1955), Rev. maroc. dr. 1955. 241 ; Rabat, 23 mars 1953, Gaz Trib. M. 1953. 121 ; 22 mars 1954, Gaz. Trib. M. 1954. 60 ; 31 déc. 1954, Rev. Maroc. dr. 1955. 267 ; 13 juin 1955, Gaz Trib. M. 1955. 128 ; 23 mars 1956, Rec. T. 18. 550 ; Crim. 3 juin 1955, Rec. T. 18. 155, Gaz Trib. M. 1956. 3 ; Rabat, 4 févr. 1957, Rev. Maroc. dr., 1957. 179 et la note de M. Ab Ae ; 5 janv. 1960, Gaz. Trib. M. 1960. 9.
L'appréciation des données fournis par un rapport d'expertise rentre dans le pouvoir souverain du juge du fond (Crim. 28 juin 1939, B.C. 139; 13 juill. 1939, B.C. 163 ; 10 févr. 1944, B.C. 43 ; 17 mars 1944, D.A. 1944. 75) qui n'est pas lié par l'avis de l'expert (Crim.25
janv. 1873, B.C. 25 ; 30 juill. 1932, B.C. 196; 11 mars 1958, B.C. 258 ; 12 juin 1958, B.C. 459). Mais s'il s'écarte de cet avis, il doit motiver sa décision (Civ. II juill. 1899, D.P. 1900. I. 395 ; Req. 8 juill. 1908, D.P. 1909. I. 10 ; 4 nov. 1908, D.P. 1910. I. 500). Il a été jugé qu'encourt la cassation l'arrêt correctionnel qui déclare constant un fait en contradiction avec ceux énoncés dans un rapport d'expertise auquel il prétend l'emprunter (Crim. 23 juill. 1932, B.C. 188 ; 24 mai 1945, B.C. 58).
Sur l'expertise, V. Rép. pr. civ., V° Expertise, par Am Ai ; Rép. Crim., V° Expertise, par Aj An, n°s 41 s. ; Ag Ad, Du rôle de l'expert en matière pénale et de la forme de ses conclusions, Gaz. Pal. 5 oct. 1954 ; Ao Al, De la contradiction dans l'expertise, Rev. science crim. 1956. 243 ; Szekely, Le rôle de l'expert dans la procédure pénale, Rev. Science crim. 1958. 43).
_______________


Synthèse
Numéro d'arrêt : P447
Date de la décision : 26/11/1959
Chambre pénale

Analyses

SPECULATION ILLICITE SUR LES LOYERS - Relaxe - Manque de base légale.

Manque de base légale l'arrêt qui, pour fonder une relaxe du chef de spéculation illicite sur les loyers, se borne, sans aucune justification, à qualifier de minima les évaluations de l'expert judiciairement commis, et omet de rechercher si le loyer perçu n'était pas hors de proportion avec les avantages ou les utilités que les lieux loués étaient de nature à procurer au preneur.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1959-11-26;p447 ?
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