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11/12/1958 | MAROC | N°P159

Maroc | Maroc, Cour suprême, 11 décembre 1958, P159


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par Ae Ak Ao B, dit « Bouchaib », contre un jugement rendu le 21 juillet 1958 par le tribunal criminel de Rabat qui l'a condamné à une année d'emprisonnement pour recel.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 6 du dahir du 12 août 1913 sur l'organisation judiciaire au Maroc, en ce que le jugement attaqué a statué a l'égard de l'exposant alors que celui-ci, sujet marocain, prévenu du délit de recel et n'ayant aucun coauteur ou complice français ou européen ne pouvait être déféré devant les juridictions institu

ées par le dahir précité du 12 août 1913 ;
Attendu que des dispositions...

Rejet du pourvoi formé par Ae Ak Ao B, dit « Bouchaib », contre un jugement rendu le 21 juillet 1958 par le tribunal criminel de Rabat qui l'a condamné à une année d'emprisonnement pour recel.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 6 du dahir du 12 août 1913 sur l'organisation judiciaire au Maroc, en ce que le jugement attaqué a statué a l'égard de l'exposant alors que celui-ci, sujet marocain, prévenu du délit de recel et n'ayant aucun coauteur ou complice français ou européen ne pouvait être déféré devant les juridictions instituées par le dahir précité du 12 août 1913 ;
Attendu que des dispositions des articles 296, alinéa premier, et 365 du Code d'instruction criminelle (1) il résulte que l'arrêt de la Chambre des mises en accusation non frappé de pourvoi et renvoyant un accusé devant le tribunal criminel attribue irrévocablement compétence à cette juridiction ; qu'il en est ainsi même au cas où postérieurement à cet arrêt l'accusé renvoyé devant un tribunal criminel créé par le dahir du 12 août 1913 prétendrait, en raison de sa nationalité, relever d'une autre juridiction marocaine ;1
(1er)Les dispositions de l'alinéa 1de l'article 296 du Code d'instruction criminelle ont une équivalence dans celles de l'alinéa 4 de l'article 452 du code de procédure pénale du 1er chaabane 1378 (10 février 1959), et l'article 456 du même code dispose que l'accusé qui n'a pas formulé de pourvoi contre l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation n'est pas recevable à invoquer ultérieurement une quelconque nullité ou irrégularité de cet arrêt.
Attendu que Ae Ak Ao ben M'Bark a été renvoyé devant le tribunal criminel de Rabat par arrêt de la Chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Rabat en date du 3 juin 1958 ; que cet arrêt lui a été notifié le 9 juillet 1958 ; que le même jour il a été interrogé par le président du tribunal criminel qui lui a adressé l'avertissement prévu par l'art. 269 du Code d'instruction criminelle ;
Attendu que Ae Ak Ao ben M'Bark n'a formé aucun recours contre ledit arrêt;
Que la compétence du tribunal criminel de Rabat ayant été ainsi fixée d'une manière irrévocable, Ae Ak Ao ben M'Bark ne peut la contester ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION pris de la violation de l'article 163 du
Code d'instruction criminelle (2), de l'ordonnance du 3 mai 1945(3) et de l'article 13 du dahir du 27 septembre 1957 pour défaut de motifs en ce que le jugement attaqué ne préciserait pas le témoignage ou la constatation ayant déterminé la décision, sur le point de savoir Si le prévenu avait eu connaissance de la provenance frauduleuse des choses recelées ;
attendu que pour déclarer l'inculpé coupable du délit de recel, le jugement attaqué constate : « qu'il résule de l'information et des débats, charges suffisantes à l'encontre de Ae Ak Ao ben M'Bark d'avoir à Rabat dans le courant de l'année 1956, en tout cas depuis moins de trois ans, sciemment recelé un certain nombre d'objets, notamment deux pistolets et un appareil photographique frauduleusement soustrait par Lahcen ben Brahim au préjudice de la demoiselle Rossi et des sieurs Foignet et Manich-Oliva » ;
Attendu que par cette constatation d'un recel sciemment commis le tribunal criminel de Rabat a caractérisé la connaissance qu'avait 1'inculpé de l'origine frauduleuse des objets recelés.
Que, par suite, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président M. Deltel. - Rapporteur : M. Ac. - Avocat général : M. Am. - Avocat : Me Luciani.i.
Observations
(2) L'obligation de motiver les jugements et arrêts rendus en matière pénale est maintenant prescrite par l'article 347 du code de procédure pénale.
(3) rendue applicable au Maroc par le dahir du 22 rejeb 1364 (3 juillet 1945)
I. - SUR LE PREMIER POINT L'arrêt ci-dessus rapporté a été rendu sous l'empire du Code d'instr. crim.
Il était admis que l'arrêt de renvoi devant le tribunal criminel n'était pas seulement déclaratif, comme l'arrêt de renvoi devant le tribunal correctionnel, mais attributif de juridiction. Aussi, lorsque cette décision était passée en force de chose jugée, soit parce qu'elle n'avait pas été attaquée devant la chambre criminelle, soit parce que le pourvoi avait été rejeté, le tribunal criminel, qui a plénitude de juridiction, ne pouvait se déclarer incompétent et devait juger tous les faits dont il avait été saisi(Rép. prat. V°Chose jugée, nos 287 et 288, V°Compétence, n° 270, V°Instruction criminelle, nos 816 et 1402 Rép. crin., Vo Compétence, par Al Aa, nos 40 s. Nouv. Rép., V°Compétence criminelle. n0 96 Crim. 7 août 1947, D. 1947.463, 15 janv. 1948, J.C.P. 1948. 11.4370 et la note de M. Ag Ai).
Cependant, lorsque l'incompétence prétendue était basée sur l'extraneité de l'accusé ou sur des dispositions légales qui rendaient l'accusé étranger justiciable des tribunaux de droit commun, à l'exclusion des juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 -relatif à l'organisation judiciaire, l'incompétence de ces dernières était absolue et pouvait être invoquée pour la première fois devant le tribunal criminel malgré le silence ou le consentement de l'accusé au cours de l'information et malgré le défaut de pourvoi contre l'arrêt de renvoi. La Chambre criminelle estimait que l'arrêt de la Chambre des mises en accusation renvoyant des accusés devant le tribunal criminel n'avait un effet attributif de compétence qu'autant qu'il avait été lui-même compétemment rendu (Crim 27 mai 1936, B.C65, Gaz Pal. 1936.2.397, Rec. t. 8.505 20 nov. 1946, B.C. 203, Rec. t. 14.109, Rev,.science crim, 1947.272 ; 16 juill. 1948, B.C 198 ; Rev. Maroc. dr.1949.95 et notre note, Rec. t. 15.136, Gaz. Trib. M. 1949.22 2 août 1951 Rec.t. 16.437 V également Crim.11 juill. 1850, B.C. 217, D.P. 1850.1.212 ; 10 janv. 1873, B.C. 10, D.P. 1873.1.141 ; 19 avr.1888, D.P. 1888.1.284 ; Trib. crim. Casablanca, 6 nov. 1952, Rev. Maroc. dr. 1955.464 et la note de M. Ad Aj Af ; Ah de Vabres, n° 1225 note 2 Ab An, note sous Crim. 20 oct. 1955, Rev. Jur. et pol. Union Franç. 1956.366, V).
L'arrêt ci-dessus rapporté abandonne cette jurisprudence et décide que « des dispositions des art. 296, al. 1er, et 365 C. instr. crim., il résulte que l'arrêt de la chambre des mises en accusation non frappé de pourvoi et renvoyant un accusé devant le tribunal criminel attribue irrévocablement compétence à cette juridiction ; qu'il en est ainsi, même au cas où postérieurement à cet arrêt, l'accusé renvoyé devant un tribunal criminel créé par le dahir du 12 août 1913 prétendrait, en raison de sa nationalité, relever d'une autre juridiction marocaine».
En effet, Si antérieurement à l'indépendance du Royaume les tribunaux criminels français du Maroc n'avaient pas plénitude de juridiction à l'égard des Marocains dont les crimes devaient, on vertu de l'art. 10 du dahir du 24 oct. 1953, être jugés en principe par le Haut tribunal chérifien, il n'existe plus dans le Royaume depuis son indépendance que des juridictions marocaines, modernes ou de droit commun, qui rendent toutes la justice au nom de S.M. le Roi.
L'effet attributif de compétence de l'arrêt de renvoi, qui n'est qu'une conséquence de la plénitude de juridiction dont est investi le tribunal criminel, a donc pu être affirmé sans restriction.
L'art. 435 du dahir du 1chaabane 1378 (10 févr. 1959) formant Code de procédure pénale a consacré législativement cette solution en prescrivant que « le tribunal criminel » « est saisi par l'arrêt de la chambre d'accusation dans les conditions prévues aux articles » 235 et 236 du présent Code.
« Le tribunal criminel ainsi saisi ne peut se déclarer incompétent ».
Il. SUR LE DEUXIEME POINT: Une condamnation pour recel n'est légalement justifiée que si la décision de condamnation précise les circonstances dans lesquelles ont été perpétrées les infractions à l'aide desquelles les fonds recelés Ont été obtenus (Crim 12 mai 1944, B.C. 125 ; 5 dec 1946 B C 223 ; 19 juin 1947 B C 162) La constatation de la mauvaise foi est nécessaire et les décisions de condamnation reproduisent généralement les termes de la loi en déclarant que le coupable a "sciemment » recelé les choses provenant d'un délit La formule est suffisante (V Crim 27 oct 1916 D.P. 1920.1.92 30 juill 1920, B.C. 347 ; 27 déc 1924 B C 427 ; 5 oct 1954 B C 284 24 juill. 1956, B C 580 ; 28 nov. 1957, B C 786).
_________________


Synthèse
Numéro d'arrêt : P159
Date de la décision : 11/12/1958
Chambre pénale

Analyses

1°CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêt de renvoi définitif - Renvoi devant le tribunal criminel - Attribution de compétence.2°RECEL - Connaissance de la provenance délictueuse - Preuve - Motivation de la décision de condamnation.

1°Toute les juridictions du royaume, qu'elles soient modernes ou de droit commun, étant marocaines, l'arrêt de la Chambre d'accusation, non frappé de pourvoi. renvoyant un accusé devant le tribunal criminel, attribue irrévocablement compétence à cette juridiction, nonobstant l'incompétence qui aurait pu être invoquée à raison de la nationalité de l'accusé.2° Est suffisamment motivé le jugement qui constate qu'il ressort de l'information et des débats que l'accusé avait sciemment recelé un certain nombre d'objets, sans préciser le témoignage ou la constatation d'où résulte la conviction du juge que l'accusé avait eu connaissance de la provenance délictueuse des choses recelées.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1958-12-11;p159 ?
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