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28/10/1958 | MAROC | N°C16

Maroc | Maroc, Cour suprême, 28 octobre 1958, C16


Texte (pseudonymisé)
16-58/59
Ad Ac et Mutru c/ Fauconnier et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 novembre 1956.
La Cour:
SUR LE MOYEN DU POURVOI PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE:
Attendu qu'il résulte des productions, notamment du jugement correctionnel en date du 18 juillet 1956 et de l'arrêt attaqué (Rabat, 2 novembre 1956), que, le 2 juillet 1954, Mutru, au volant d'une automobile de tourisme, a doublé un car de transport en commun de la Compagnie Auxiliaire de Transport (C.T.M), conduit par Fauconnier, au moment même ou celui-ci dépassait une cam

ionnette qui, stationnant sur le bas-côté droit de la route de Casabla...

16-58/59
Ad Ac et Mutru c/ Fauconnier et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 novembre 1956.
La Cour:
SUR LE MOYEN DU POURVOI PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE:
Attendu qu'il résulte des productions, notamment du jugement correctionnel en date du 18 juillet 1956 et de l'arrêt attaqué (Rabat, 2 novembre 1956), que, le 2 juillet 1954, Mutru, au volant d'une automobile de tourisme, a doublé un car de transport en commun de la Compagnie Auxiliaire de Transport (C.T.M), conduit par Fauconnier, au moment même ou celui-ci dépassait une camionnette qui, stationnant sur le bas-côté droit de la route de Casablanca à Rabat, empiétait de 75 cm sur la route goudronnée de 8 mètres ; que la voiture de Mutru, ayant emprunté pour effectuer cette manouvre le bas-côté gauche, dont le sol était sablonneux, a dérapé et est entrée en collision avec le car ; que le conducteur de la camionnette et Mutru, seuls poursuivis pénalement, ont été relaxés; qu'ensuite Mutru et ses assureurs le «Llyod Nord-Marocain» et la compagnie «Le Patrimoine» d'une part, Fauconnier; la C. T. M et ses assureurs d'autre part, ont introduit des demandes réciproques en «le réparation» de leurs dommages en vertu de l'article 88 du dahir des obligations et contrats ;
Attendu que Af et ses assureurs soutiennent que l'arrêt confirmatif, qui les a déboutés, aurait violé les dispositions de l'article 88 du dahir des obligations et contrats, manquerait de motifs et de base légale, en ce qu'il a décidé que Fauconnier s'exonérait de la présomption de responsabilité qui pesait sur lui au motif que la collision était due à un cas fortuit ;
Mais attendu que la Cour d'appel a confirmé le jugement par motifs propres et ceux des premiers juges, par lesquels ils déclaraient aussi que Aa avait bien fait tout le nécessaire pour éviter l'accident «observant une vitesse horaire de 75 km sur une route rectiligne», et «s'étant rendu compte qu'il était suivi par Mutru, en ayant, avant de commencer le dépassement de la camionnette, actionné le bras de changement de direction et fait signe de ralentir avec son bras gauche» ;
Que le moyen ne saurait être accueilli en sa première branche ;
SUR LES DEUXIEME ET TROISIEME BRANCHES DU MOYEN:
Attendu qu'il est encore fait grief à la Cour d'appel d'avoir admis que le dérapage de la voiture de Mutru constituait un cas fortuit, alors qu'en règle générale, il n'est pas considéré comme tel, et alors qu'aucune des parties n'attribuait l'accident à un cas de force majeure ;
Mais attendu que les juges du fond ont relevé qu'il résulte du procès-verbal de gendarmerie que l'automobile de Mutru «qui circulait à vive allure est allée», pour effectuer le dépassement du car de la C.T.M, «sur le bas-côté gauche de la route dont le sol était sablonneux, a dérapé», et qu'ensuite,» projetée sur la partie goudronnée de la route elle a tamponné à plusieurs reprises le côté gauche du car»; que de ces constatations souveraines la Cour d'appel a pu déduire que le dérapage de la voiture légère, «conséquence de la nature sablonneuse du sol», était bien, pour Fauconnier, en la circonstance des précautions prises par lui, l'événement qu'un homme prudent ne devait prévoir et dont il ne pouvait éviter les effets ;
Que d'autre part, l'arrêt, à juste titre, a déclaré que Aa qui prétendait s'exonérer aux termes du paragraphe 2 de l'article 88 du Code des obligations et contrats, était sans droit à invoquer la faute de la victime, mais que, dans l'alternative proposée par ce texte, il avait rapporté la preuve du cas fortuit ;
Que le moyen n'est pas fondé en ses deuxièmes et troisième branches ;
SUR LA QUATRIEME BRANCHE DU MOYEN:
Attendu que le pourvoi reproche enfin à l'arrêt d'avoir, en violation des articles 450 et 451 du dahir des obligations et contrats, méconnu l'autorité de la chose jugée par le jugement correctionnel qui aurait imputé la faute de l'accident à Fauconnier ;
Mais attendu que cette autorité n'a lieu qu'à l'égard de ce qui en fait l'objet ou de ce qui en est une conséquence nécessaire, ainsi qu'en a justement décidé la Cour d'appel en refusant ce caractère au motif du jugement pénal imputant la faute de l'accident à Aa, «qui n'était pas partie au procès» ;
Qu'il n'y a pas lieu d'accueillir la quatrième branche du moyen ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés au pourvoi et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: MMazoyer-Rapporteur: Mme.Houel-Avocat général: M Ae,-Avocats: MM Sabas, Lorrain.
Observations
I. et II._Le juge de cassation a le contrôle des conséquences de droit que les juges du fait ont tirées de leurs constatations matérielles. Affirmer que tels et tels faits établissent que le gardien d'une chose a fait tout le nécessaire pour éviter le dommage, affirmer que le dommage est dû à un événement imprévisible et irrésistible constitutif d'un cas fortuit ou de force majeure, sont des appréciations de droit (V pour le contrôle de la faute: Besson n 1923 et s ; pour celui de la force majeure: Besson n 1935 et s, Rép.civ, V° responsabilité du fait des choses, par Ag Ab, n 334 et s).
II_La distinction entre le cas fortuit et le cas de force majeure est aujourd'hui abandonnée par la plupart des auteurs et par la jurisprudence française (V rép civ V° Force majeure par J Radouant n 4 et 5, Mazeaud n 1559 et s); ce qui importe c'est le caractère imprévisible et irrésistible de l'événement, quelque soit la qualification donnée à celui-ci.
Sauf circonstances particulières, la jurisprudence française n'admet pas que le dérapage d'une automobile constitue pour son conducteur un événement imprévisible et irrésistible (V rép civ V° Responsabilité du fait des choses, préc, n.337 et les décisions citées) ; il en est évidemment autrement lorsque, comme en la cause, il s'agit du dérapage d'un véhicule venu heurter celui du gardien contre qui est exercée l'action en responsabilité.
III._La chose jugée au pénal a autorité à l'égard de tous; ainsi, bien que n'ayant pas été partie au procès pénal, Fauconnier ne pouvait invoquer ni la faute de Mutru, ni celle du conducteur de la camionnette puisque tous deux avaient été acquittés par la juridiction répressive.
Mais, cette autorité se limite à ce qui a fait l'objet de la décision pénale et à ce qui en est la conséquence nécessaire, c'est-à-dire à l'existence du fait incriminé, sa qualification, l'innocence ou la culpabilité de celui auquel il est imputé ; dès lors, même en cas d'acquittement fondé sur la faute d'un tiers, cette autorité ne s'étend pas aux constatations du juge répressif relatives à la faute de ce tiers demeuré étranger au litige (V.Rép civ V° chose jugée par Roger Perrot n 267).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C16
Date de la décision : 28/10/1958
Chambre civile

Analyses

1° RESPONSABILITE CIVILE-Responsabilité du fait des choses -Exonération - Preuve que le gardien a fait tout le nécessaire pour éviter ledommage - Constatations suffisantes. 2° RESPONSABILITE CIVILE-Responsabilité du fait des choses-Exonération - Cas fortuit - Constatations suffisantes.3° CHOSE JUGEE-chose jugée au pénal-Autorité sur le civil-Effet-Etendue.

1° Lorsqu'un accident de la circulation s'est produit au cours d'un dépassement en troisième position, déclare à bon droit que le conducteur qui effectuait le premier dépassement a fait tout le nécessaire pour éviter le dommage, la décision qui constate que ce conducteur circulait à 75 km à l'heure sur une route rectiligne et qu'avant de commencer sa manouvre il a actionné son bras de changement de direction et a fait signe de ralentir au conducteur qui le suivait.2° Le dérapage d'une automobile constitue pour le conducteur d'un véhicule heurté par cette automobile un événement imprévisible et irrésistible.3° L'autorité de la chose jugée au pénal n'a lieu qu'à l'égard de ce qui en fait l'objet ou de ce qui en est la conséquence nécessaire. Ainsi la constatation par le juge répressif de la faute d'un conducteur non partie à l'instance pénale, n'empêche pas la juridiction civile appelée à statuer sur l'action civile dirigée contre lui en application de l'article 88 du Code des obligations et contrats d'exonérer ce conducteur de toute responsabilité.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1958-10-28;c16 ?
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