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31/05/2000 | MADAGASCAR | N°05-HCC/D2

Madagascar | Décision n°05-HCC/D2 Statut de la Chambre de Commerce, d'industrie et d'Agriculture de Madagascar


Texte (pseudonymisé)
Décision n°05-HCC/D2 du 31 Mai 2000
Statut de la Chambre de Commerce, d'industrie et d'Agriculture de Madagascar

Décision n°05-HCC/D2
Du 31 mai 2000
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Principe d'égalité : élection - discrimination.
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Sommaire :
Par le biais d'une exception d'inconstitutionnalité devant la Chambre administrative, sieur B Aa a demandé à la Haute Cour Constitutionnelle de constater l'inconstitutionnalité des dispositions d'un article d'un décret pris en violation de l'article 8 de la Constitution relatif à l'égalité

entre nationaux et à l'exercice des libertés fondamentales.

La juridiction constitut...

Décision n°05-HCC/D2 du 31 Mai 2000
Statut de la Chambre de Commerce, d'industrie et d'Agriculture de Madagascar

Décision n°05-HCC/D2
Du 31 mai 2000
--------------------
Principe d'égalité : élection - discrimination.
--------------------
Sommaire :
Par le biais d'une exception d'inconstitutionnalité devant la Chambre administrative, sieur B Aa a demandé à la Haute Cour Constitutionnelle de constater l'inconstitutionnalité des dispositions d'un article d'un décret pris en violation de l'article 8 de la Constitution relatif à l'égalité entre nationaux et à l'exercice des libertés fondamentales.

La juridiction constitutionnelle a fait droit à la demande.

Résumé :

Le décret attaqué est celui n°98-469 du 2 juillet 1998 portant statuts de la Chambre de Commerce, d'Industrie et d'Agriculture de Madagascar (CCIAM). En son article 6, ledit décret a basé les voix électorales des " ressortissants " ou " adhérents " sur le montant de leur taxe professionnelle respective.

La juridiction constitutionnelle a estimé que la discrimination entre nationaux fondée sur la fortune fait l'objet d'une interdiction générale et expresse par la Constitution et que cette interdiction ne prévoit pas de limitation quant à son domaine d'application.

*

47/00

Repoblikan'i Ab
A
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Décision n°05-HCC/D2 du 31 mai 2000
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La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution et la Convention du 31 octobre 1991 ;
Vu l'ordonnance n°92-018 du 8 juillet 1992 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par le biais d'une exception d'inconstitutionnalité soulevée devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême ayant sursis à statuer par arrêt n°106 du 6 octobre 1999, le sieur B Aa, ayant pour conseil Maître Elysé Paul RAMIADAMAHEFA, Avocat au barreau de Madagascar, par requête enregistrée au greffe le 28 mars 2000, demande à ce qu'il plaise à la Haute Cour Constitutionnelle constater l'inconstitutionnalité du décret n°98-469 du 2 juillet 1998 portant statuts de la Chambre de Commerce, d'Industrie et d'Agriculture de Madagascar (CCIAM) ;

Considérant que selon le requérant, " Ce décret a violé le principe constitutionnel à plus d'un titre ;
Que l'article 6 dudit décret dispose que " les listes électorales seront basées sur le paiement de la taxe professionnelle ou de l'impôt synthétique, selon le cas, pour les membres assujettis à cette taxe ou à cet impôt. Les autres ressortissants seront inscrits sur les listes sur la base des critères spécifiques qui seront, en tant que de besoin, fixés par voie d'arrêté. Les listes électorales sont établies par une commission préparatoire composée :


- du Président de la Délégation spéciale du Faritany ou son représentant comme Président ;
- d'un représentant du Ministère chargé du Commerce et d'un représentant de l'Administration fiscale ;
- de dix représentants des opérateurs économiques du ressort de la Chambre concernée comme membres dont trois issus des titulaires de l'ancienne Chambre, s'il en existe, quatre issus des groupements professionnels et associations patronales de la région et trois choisis par le Ministre chargé du Commerce parmi les opérateurs notoirement connus dans la région n'appartenant pas à des organisations patronales.
Les ressortissants payant une taxe professionnelle de plus de un million de francs malagasy (1.000.000 fmg) auront chacun cinq (5) voix et moins de un million de francs malagasy (1.000.000 fmg), trois voix.
Ceux qui paient l'impôt synthétique auront deux (2) voix. Les autres ressortissants disposeront chacun d'une voix ".
Qu'en prenant cet acte actuellement incriminé, le Gouvernement a manifestement violé le principe constitutionnel, justifiant le présent recours ;
Qu'en effet, les dispositions prises au nombre de voix des ressortissants sont contraires au principe de la Constitution en vigueur ou plus exactement antidémocratique ;
Que le nombre de voix électorales des ressortissants ne peut se baser sur le montant de leur taxe professionnelle ;
Que les principes - les modalités pratiques dans son paragraphe 3- et le nombre des membres titulaires dans son paragraphe 10 de la circulaire interministérielle n°024-MCC/MI/SG/SOR du 9 février 2000 ci-jointe ont toujours confirmé les dispositions anticonstitutionnelles ;
Que les dispositions de l'article 1er du décret n°2000-3S complétant les dispositions de l'article 5 du décret n°98-469 du 2 juillet 1998 portant Statuts de la Chambre de Commerce, d'Industrie, d'Artisanat et d'Agriculture en date du 20 janvier 2000 ci-joint en fait foi ;
Que cependant, aux termes de l'article 8 de la Constitution en vigueur, " Les nationaux sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination fondée sur le sexe, le degré d'instruction, la fortune, l'origine, la race, la croyance religieuse ou l'opinion " ;
Que, sans distinction, chaque ressortissant doit disposer chacun d'une voix ;
Que tel n'est pas le cas d'espèce ;
Qu'ainsi, cette décision administrative de l'article 6 cause de grand préjudice irréparable et porte atteinte à l'honorabilité des ressortissants de la Chambre de commerce " ;

Considérant que pour sa part, l'Etat Malagasy soutient " Qu'aux termes de l'ordonnance n°93-021 du 4 mai 1993 portant restauration de la CCIAM, celle-ci a un rôle de représentation des intérêts commerciaux, industriels, artisanaux et agricoles au niveau régional et national ;
Que dès lors la représentation ainsi conçue devrait être proportionnelle et basée sur la capacité contributive des opérateurs sur le plan fiscal ;
Que d'ailleurs, le principe d'égalité prévue par la Constitution ne peut et ne doit pas être appliqué de manière absolue ;
Qu'ainsi, le recours présenté par sieur Aa B est mal fondé et qu'il mérite d'être rejeté " ;

EN LA FORME :

Considérant que les dispositions de l'article 122, alinéa 2, de la Constitution révisée ainsi que celles de l'article 35 de l'ordonnance n°92-018 du 8 juillet 1992 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ont été respectées ; qu'il y a lieu de déclarer le recours recevable ;


AU FOND :

Considérant que selon la législation et la réglementation en vigueur, la Chambre de Commerce est un établissement public chargé d'assurer au niveau régional et national la représentation équitable des intérêts professionnels de ses adhérents appelés " ressortissants " en l'espèce, ressortissants qui relèvent des divers secteurs économiques du ressort ;

Considérant que pour l'élection des membres titulaires de la Chambre de Commerce, membres titulaires que les ressortissants élisent parmi eux pour les représenter dans les organes collectifs de l'établissement public, l'article 6 du décret attaqué attribue auxdits ressortissants un nombre de voix fixé en fonction du montant de leurs taxes professionnelles respectives, instaurant ainsi la pratique d'un suffrage inégalitaire basé sur la capacité contributive du ressortissant au plan fiscal, soit en d'autres termes, fondé sur sa capacité financière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Constitution, " Les nationaux sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination fondée sur le sexe, le degré d'instruction, la fortune, l'origine, la race, la croyance religieuse ou l'opinion " ;

Considérant, d'une part, que la discrimination entre nationaux fondée sur la fortune fait l'objet d'une interdiction générale et expresse prescrite par la Constitution ; que cette interdiction ne prévoit pas de limitation quant à son domaine d'application ;

Considérant, d'autre part, que l'élection des membres titulaires de la Chambre de Commerce, non seulement concerne l'universalité des ressortissants, mais surtout se rapporte à l'exercice d'un droit rattaché à la qualité même de ressortissant ; que le fait de payer un montant différent d'impôts n'est pas admis à créer une différence de situation entre les ressortissants vis-à-vis de leur droit à l'électorat ;
Qu'en effet, la technique de la proportionnalité appliquée en matière d'assiette fiscale, dans un souci d'équité et en vertu du principe d'égalité devant les charges publiques, ne saurait en aucune façon, à moins d'établir une discrimination fondée sur la fortune, justifier l'attribution d'un privilège de suffrage à des ressortissants égaux en droit et qui doivent élire leurs représentants dans les mêmes conditions, au moyen d'un vote égal, en vertu du principe de l'égalité devant la loi ;

Considérant que de ce qui précède, il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 6 du décret n°98-469 du 2 juillet 1998 comme ayant été prises en méconnaissance de l'article 8 de la Constitution qui interdit la discrimination entre nationaux fondée sur la fortune ;

En conséquence,

D é c i d e :
Article premier.- La requête de sieur B Aa est déclarée recevable et fondée.

Art 2.- Les dispositions de l'article 6 du décret n°98-469 du 2 juillet 1998 portant statuts de la Chambre de Commerce, d'Industrie, d'Artisanat et d'Agriculture sont déclarées non conformes à la Constitution et doivent être extirpées dudit décret.

Art3.- La présente décision sera notifiée au requérant, à la Chambre Administrative de la Cour suprême, à l'Etat Malagasy et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le mercredi 31 mai 2000 à 10 heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. BOTO Victor, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller - Doyen
M.MANANJARA, Haut Conseiller
Mme RAKIVOLAHARIVONY Jeanine Hortense, Haut Conseiller
M. INDRIANJAFY Georges Thomas, Haut Conseiller
Ac RABEMAHEFA Berthe, Haut Conseiller
M. Jean-Michel RAJAONARIVONY, Haut Conseiller
M. FLORENT Rakotoarisoa, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO Andriantsihafa Dieudonné, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 05-HCC/D2
Date de la décision : 31/05/2000
Type d'affaire : Décision

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Fonds documentaire ?: SAFLII
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mg;haute.cour.constitutionelle;arret;2000-05-31;05.hcc.d2 ?
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