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04/02/2021 | GUINéE | N°04

Guinée | Guinée, Cour suprême, 04 février 2021, 04


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME
ARRET N°04
Du 04/02/2021
CHAMBRE
ADMINISTRATIVE
AFFAIRE :
Monsieur Aa
A,
de nationalité française,
ayant pour conseil Maître
Bernard Sâa Dissi
MILLIMONO, avocat au
barreau de Guinée,
demandeur,
ET
Le Ministère de l’urbanisme et de l’habitat, représenté
par l'agent judiciaire de
l’Etat, ayant pour conseil Me Sëh SAOUROMOU, avocat au barreau de Guinée,
défendeur ;
Recours en annulation de l’Arrêté N°
99/2176/MUH/CAB du 23
avril 1999 qui reverse un
immeuble dans le portefeuille REPUBL

IQUE DE GUINEE
Travail - Justice - Solidarité
Au nom du Peuple Guinéen
Audience du 04 Février 2021
La Cour Suprême de la Répub...

COUR SUPREME
ARRET N°04
Du 04/02/2021
CHAMBRE
ADMINISTRATIVE
AFFAIRE :
Monsieur Aa
A,
de nationalité française,
ayant pour conseil Maître
Bernard Sâa Dissi
MILLIMONO, avocat au
barreau de Guinée,
demandeur,
ET
Le Ministère de l’urbanisme et de l’habitat, représenté
par l'agent judiciaire de
l’Etat, ayant pour conseil Me Sëh SAOUROMOU, avocat au barreau de Guinée,
défendeur ;
Recours en annulation de l’Arrêté N°
99/2176/MUH/CAB du 23
avril 1999 qui reverse un
immeuble dans le portefeuille REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail - Justice - Solidarité
Au nom du Peuple Guinéen
Audience du 04 Février 2021
La Cour Suprême de la République de Guinée statuant en matière administrative, sur le recours en annulation de l’Arrêté N°99/20176/MUH/ CAB du 23 avril 1999, en son audience publique du 04 février deux mil Vingt et un, en premier et dernier ressort, à laquelle siégeaient :
J= Mr Mohamed Aly THIAM, président de chambre, Président ;
2 Mr Amadou SAGNANE, conseiller rapporteur ;
3 Monsieur Mohamed Bachir FAYE, Conseiller à la Cour
Suprême, Conseiller ;
4- Monsieur Mohammed Sidiki ZOUMANIGUI, Conseiller à la
Cour Suprême, Conseiller ;
5- Monsieur Mohamed Cheick KEITA, Conseiller à la Cour Suprême, Conseiller ;
En présence de Monsieur Aboubacar CAMARA, Avocat Général substituant Monsieur le Procureur Général empêché ;
Avec l'assistance de Hadja Ramatoulaye BAH, Greffière à ladite Cour ;
Dans la cause entre :
Monsieur Aa A, né le … … … à Conakry, de nationalité française, domicilié à 37 rue de Paris 13008 Marseille, France, ayant pour conseil Maître Bernard Säa Dissi MILLIMONO, avocat au barreau de Guinée, demandeur ;
D’une part ;
Le Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, représenté par l'Agent Judiciaire de l'Etat, ayant pour Conseil Me Sèh SAOUROMOU, Avocat au Barreau de Guinée, défendeur ;
D'autre part ;
DECISION
(VOIR DISPOSISIF) Vu la requête, en date du 30 avril 2019, de monsieur Aa A, enregistrée au greffe de la cour suprême et signifiée au ministère de l'urbanisme et de l'habitat le même jour, ensemble les mémoires ampliatif et en défense, déposés au greffe, respectivement les 30 avril et 26 juin 2019 ;
Vu la loi organique L/2017/003/AN portant attributions, organisation et fonctionnement de la cour suprême ;
Vu les dispositions du Code Civil ;
Vu les dispositions du Code Domanial et Foncier ;
DEBATS
L'affaire a été appelée à l'audience de la Chambre administrative à la date du 07 janvier 2021, au cours de laquelle elle a été débattue.
Après avoir entendu :
_ Le conseiller, Monsieur Amadou SAGNANE, en son rapport ; pa Les conseils des parties en leurs moyens, dire et conclusions ; = Monsieur Elhadj Aboubacar CAMARA, avocat général substituant le procureur général en ses observations ;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour décision être rendue le 04 février 2021 ;
Advenue cette date, après en avoir délibéré conformément à la loi, elle a statué en ces termes :
Considérant que, par la requête en date du 25 avril 2019, Monsieur Aa A a introduit un recours en annulation contre un acte explicite de l'autorité exécutive, en l’occurrence, l'arrêté N°99/2176/MUH/CAB du 23 avril 1999, qui reverse dans le portefeuille de l'Etat, en application du Décret N° 049/PRG/1978, l'immeuble bâti sur la parcelle N°8 du lot 61 du plan cadastral de Conakry, objet du Titre foncier N° 457, d'une contenance de 2 298.95 m?;
En la forme :
Sur la recevabilité :
Considérant que les articles 49, 50 et 51 de la loi L/2017/003/AN du 23 février 2017 sur la cour suprême prescrivent que :
- Le pourvoi en cassation et le recours en annulation sont formés par une requête écrite, déposée au greffe de la cour suprême, qui doit, sous peine d’irrecevabilité ;
- (ndiquer, pour les personne morales leurs formes, leur dénomination et leur siège contenir un exposé sommaire des faits et moyens des parties ainsi que les conclusions
- Etre accompagnée de l'expédition de la décision juridictionnelle ou administrative attaquée ; ,
- Le demandeur est tenu, sous peine de déchéance, dans le délai de deux mois, à compter de l'introduction du recours, une caution dont le montant fixé par ordonnance du premier président, sur avis du bureau de la cour, et justifier cette caution par la production d'un récépissé de versement dans les trente jours à compter de la notification de l'ordonnance fixant le montant de la caution ;
Considérant que le demandeur a observé ces exigences légales ;
Sur l'exception de déchéance soulevée par le défendeur :
Considérant qu'avant tout débat sur le fond, le défendeur soulève la déchéance du demandeur, au motif que celui-ci a versé la caution de 30.000FG, avant même d’avoir introduit son recours, violant ainsi l’article 50 de la loi organique L/2017/003/AN du 23 février 2017 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême ;
Considérant que ledit article 50 dispose : « Le demandeur est tenu, sous peine de déchéance, de consigner au greffe de la Cour Suprême, dans le délai de deux mois, à compter de l'introduction du recours, une caution, dont le montant est fixé par ordonnance du Premier Président, sur avis du bureau de la Cour suprême » ;
Considérant qu'il est reproché au demandeur d'avoir effectué le versement de la caution, en anticipant sur l'ordonnance du Premier Président, entendu que la fixation du montant de la caution est un préalable à son versement ;
Considérant que de l'avis du Ministère public, la caution dont il est question, est celle encore en vigueur d'un montant de 30 000 FG, accompagnant la requête introductive du recours en annulation, prévue par l'article 102 de la loi L/1991/008/CTRN, portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême ;
de la distinguer de la caution de garantie, prévue par Qu'il l'article importe 81 de la loi organique L/2017/003/AN du 23 fevrier.
2017, dont le montant est effectivement fixé par ordonnance du Premier Président, les deux cautions étant différentes, tant en leur objet qu’en leur mode de fixation et en leur montant ;
Considérant que l'article 50 susdit fixe le délai, c'est-à-dire l'intervalle de temps prévu pour ce paiement pour justifier le paiement de la caution et non la date ;
Que la justification du paiement par le demandeur étant faite avant l'expiration des deux mois, donc dans le délai, il importe de déclarer le moyen mal fondé ;
Considérant qu'il ressort des conclusions des parties et, notamment, des observations du ministère public, qu'il convient de distinguer la caution de 30 000FG, accompagnant la requête introductive de la procédure en annulation d’une décision des autorités exécutives, de la caution de garantie accompagnant la requête de sursis à exécution ;
Que de tout ce qui précède, il résulte que ce recours réunit les conditions de forme de recevabilité de la requête en annulation fixées par l’article 102 de la loi organique du 23 décembre 1991 et repris par l'article 88 de la loi organique du 23 février 2017, en conséquence, le moyen tiré de la déchéance est inopérant ;
Que les conditions de forme prescrites étant réunies, la requête de monsieur Aa A est recevable ;
Sur_le Fond :
Considérant que A, Alexandre et Efthymos, étaient propriétaires de l'immeuble bâti formant la parcelle N° 8 du lot 61 de Conakry d’une contenance de 2 298,95 m°, objet du titre foncier n° 457, VOL Ill F 60 de Conakry ; que par mutations successives, l'immeuble est revenu à monsieur Aa A en 1999, suite au décès des parents et à la renonciation des autres cohéritiers de leurs parts respectives ;
Que, revenu en République de Guinée, après plusieurs décennies d'absence, Monsieur Aa A trouve que la personne à laquelle la concession avait été confiée, en vue de percevoir les loyers, est décédée et que l'arrêté N° 99/2176/MUH/CAB querellé a versé ledit immeuble dans le portefeuille de l'Etat, après ce décès ;
Que c'est ainsi qu'est né le litige, objet de la présente nstnce 7 Considérant que le requérant affirme que l'arrêté critiqué a été pris en violation des règles d'édiction des actes administratifs subjectifs, notamment ceux comportant expropriation d'immeubles ; que dans ses écritures, déclare : « il est de notoriété publique, qu’à la faveur de la normalisation des relations entre la France et la Guinée, après l'indépendance les deux Etats ont entendu régler à l'amiable leur différend, dit ‘Contentieux financier franco-guinéen, suivant le Protocole d’Accord signé le 26 janvier 1977; qu'il soutient que ledit immeuble, ni aucun des immeubles immatriculés au nom de A, n'a été concerné par le contentieux franco-guinéen comme le prétend le défendeur ;
Que, selon le défendeur « la parcelle n°8 du lot du plan cadastral de Conakry1, objet du Titre foncier n°457 et de l'arrêté attaqué, procède sans nul doute du contentieux franco-guinéen… dès lors le demandeur est et demeure désormais de tout droit sur ladite de sorte qu'il n'a aucun droit d'engager la présente action contre l'Etat » ;
Considérant, par ailleurs et concernant le délai, que l'arrêté querellé a été pris sous l'empire de l’article 102 de la loi organique L/91/008 du 23 Décembre 1991, portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême ;
Que cette disposition a été reprise par l'article 88 de la loi organique L/2017/003/AN du 23 février 2017 ;
Que la loi organique relative à la Cour suprême (tant celle de décembre 1991, comme celle de février 2017), exige qu'il soit dirigé contre une décision explicite ou implicite d'une autorité exécutive : ce qui est le cas, quant à l’objet du recours, puisque l'arrêté N° 99/2176/MUH/CAB du 23 avril 1999 est, de toute évidence, un acte décisoire explicite ayant pour effet exécutoire de transférer, d'une personne à une autre, un droit de propriété ;
Le demandeur soutient que l'acte administratif querellé viole la règle des articles 3 et 4 du code civil en vigueur à l'époque des faits, non seulement en ce quil n’a pas été publié, subséquemment, en ce qu'il n'y a eu ni notification, ni signification à son destinataire ;
La preuve du contraire n'ayant pas été rapporté par le défendeur, la requête est recevable. ». Fin de citation.
Considérant que le ministère public rappelle ce qui suit : « l’une des conditions de l’article 102 la loi organique L/91/008 du 23 Décembre 1991, susvisé, sous l'empire duquel cet arrêté a été pris, est le délai d'exercice du recours. Celui-ci court à compter de la date de publication de la décision attaquée, avec la précision importante que, si l'acte doit être notifié ou signifié, le délai court à compter de la date de notification ou la signification » ;
EXAMEN DES MOYENS
Considérant que le demandeur soutient que l'arrêté, qui ne répond à aucun critère de forme, ni de fond prévu par la Constitution et les lois en vigueur, a été signé au mépris de son droit de propriété, étant donné que cette propriété ne figure pas dans le contentieux franco-guinéen ;
Considérant que contre l'argument du contentieux franco- guinéen, qui a servi de fondement, sur lequel l'arrêté est pris, le demandeur produit un lot de pièces à l'appui de ses arguments ;
Que le défendeur soutient, pour sa part, que le règlement du contentieux franco-guinéen a rendu tous les biens immeubles concernés propriété de l'Etat guinéen et que, par ailleurs, le demandeur ne peut plus se prévaloir d'un droit de propriété sur cette parcelle litigieuse, dès lors que le temps de la prescription prévu aux articles 496 et 497 du code civil pour recueillir la succession est largement écoulé, de même que la prescription acquisitive, au profit de l'Etat, est régie par les articles 774 et suivants du même code s'imposent au profit de l'Etat ;
DISCUSSIONS DES MOYENS
Considérant que les parties ont exposés différents moyens à l’appui de leurs prétentions respectives ;
Sur les moyens du recours en annulation :
Considérant que le demandeur reproche à l'arrêté N° 2176/MUH/CAB du ministre de l'urbanisme et de l'habitat en date du 23 avril 1999 la violation de la loi et le manque de motifs et de visa ;
Premier moyen pris de la violation de la loi :
Première branche tirée des mentions de l’arrêté volé SZ Considérant qu'il est reproché à l’arrêté querellé de n'avoir été ni publié au journal officiel, ni notifié au demandeur, alors que ledit arrêté a, lui-même, prévu cette publication en son article 2 conformément aux prescriptions des articles 2 et 3 du code civil
Qu'il est de principe général de droit, qu’un acte administratif n’est opposable aux tiers qu'après sa publication, laquelle se fait, conformément aux dispositions des articles 1, 2 et 3 du code civil, soit par l'insertion au journal officiel, soit par notification ou signification ;
Que si, par sa nature intrinsèque, l'acte administratif existe à compter de sa signature par son auteur, son opposabilité est conditionnée, comme l'a souligné le ministère public, à la mesure de sa publication ainsi qu'elle est prévue par les articles 1°", 2 et 3 du code civil ;
Qu'en effet, la publication d’un acte administratif créateur ou abrogateur de droits subjectifs a pour résultante de mettre ses destinataires, dans le cas d'espèce, Aa A, en mesure d'avoir connaissance de l'acte, qui doit leur servir de preuve de leurs droits acquis ou perdus et de moyen de les faire valoir devant le juge ;
Considérant que des pièces du dossier, il résulte que l'arrêté critiqué n'a pas été publié ou, en tous les cas, n'a pu ni paraitre dans les cing numéros successifs du Journal officiel de l’année 1999 versés au dossier, à savoir : les N°7 et 8 du 25 Avril ; N°9 et 10 du 10 au 25 mai ; N°11 et 12 du 10 au 25 Juin ; N°13 et 14 du 10 au 25 Juillet ; N° 15 et 16 du 10 au 25 août, qui ont suivi sa signature, ni atteindre le demandeur, principal concerné, propriétaire évincé par notification ou signification ;
Qu'il résulte de ce qui précède que cet arrêté ne peut être opposable aux A, puisque la publication est non seulement la condition d'application du principe universel et sacro-saint selon lequel « nul n'est censé ignorer », mais elle est le fondement de la force exécutoire des décisions administratives, surtout que l'arrêté querellé prévoit, lui-même, en son article 2, qu'il sera publié et communiqué ;
Considérant, en outre, qu'une décision administrative subjective ne peut faire naître des droits au profit d'une personne ou notification ou sa signification, ainsi que l'éteindre le prescrivent qu'à les partir articles de sa % et À du code civil et l'article 102 de la7 loi organique L/91/008 du 23 Décembre 1991, repris par l'article 88 de la loi organique L/2017/003/AN du 23 février 2017 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême ;
Qu'à ce sujet, comme l'évoque le ministère public évoque dans ses observations écrites, il est un « principe universel de droit administratif qu’une décision administrative ne peut faire naître ou éteindre des droits au profit des tiers que par l'effet de sa publication, c'est-à-dire par insertion au Journal officiel ou par son affichage et, le cas échéant, par sa notification ou sa signification », ce qui prescrit aussi dans les articles 3 et 4 du code civil en vigueur et l’article 102 de la loi organique L/91/008 du 23 Décembre 1991, repris par l'article 88 de la loi organique L/2017/003/AN du 23 février 2017 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour Suprême » ;
Considérant que la preuve du contraire des affirmations du demandeur, comme celles des observations du ministère public, n'a pas été faite, ni même alléguée par le défendeur, qu'il s'ensuit que ce moyen d'annulation mérite d’être retenu ;
Deuxième branche du moyen tiré de l’absence ou défaut de motifs et de visa erroné :
Considérant que l'arrêté N°99/2176/MUH/CAB DU 23 avril 1999, en procédant à l'expropriation portant sur la parcelle N°8 du lot 61 du plan cadastral de Conakry, Titre foncier N°457, à l'effet de le verser dans le portefeuille de l'Etat, acquiert la nature et produit l'effet d'un acte administratif individuel défavorable de retrait d’un droit ;
Considérant qu’à ce sujet, le ministère public fait remarquer que le demandeur, en guise de preuve que l'arrêté déféré n’a pas été publié, a versé au dossier de la procédure les copies du Journal officiel énumérés plus haut ;
Que le défendeur n'a pu démentir que durant les cinq mois postérieurs à la signature de l'arrêté déféré, aucun Journal officiel ne contient cet arrêté, et même plus tard :
Qu'il est de jurisprudence administrative constante qu’un acte administratif subjectif, abrogateur de droits individuels, est soumis à l'impératif de motivation, qui consiste en l'énoncé des raisons, des circonstances et des considérations de fait et de droit, qui en constituent le fondement et indiquent l'intention de l'autorité exécutive, impliquant la poursuite de l'intérêt public, mais surtoutGké et substantiellement, les motifs de droit, qui en sont les bases juridiques ;
Considérant donc qu'en l'absence de motivation, l’arrêté critiqué qui est une décision administrative individuelle défavorable, est
[= |, : “sûreté entachée externe, et le transfert juridique entrainant d'un des vice attachée droits substantiel son annulation, individuels à l'acquisition, de forme, en garantis ce donc l'exercice, qu'il par d'une viole l'article illégalité le la principe jouissance 13 de dite de la
constitution et les lois subséquentes ;
Que de ce qui précède, ce moyen du demandeur est fondé et recevable ;
3ème branche du moyen tirée de la violation du droit de propriété (articles 533, 534, 535 CC et 39 CFD):
Considérant, d’une part, que la prescription des articles 496 et 497 du code civil, relative aux successions vacantes, s'applique à l'expiration du délai de quarante jours après le décès, à défaut de proche successible, par la désignation d'un curateur chargé d'administrer les biens pendant trois ans au bout desquels, si aucun héritier ne se présente ou ne prouve sa qualité, la succession revient à l'Etat ;
Considérant qu'aucun curateur n'a été désigné, alors que les héritiers posaient des actes notariés de gestion (partages, cession de parts, …) dont copies sont versées au dossier par le demandeur ;
Considérant, d'autre part, que les articles 533, 534, 535 du code civil et 39 du code foncier et domanial, qui fixent les modes d'acquisition, les garanties et les restrictions à ces droits de propriété, énoncent les règles fondamentales ci-après :
la propriété est le droit de jouir et de disposer, de manière absolue, d'une chose dont une personne est propriétaire, sauf limitation de la loi ;
on ne peut contraindre personne à céder sa propriété, sauf dans l'intérêt général et pour cause d'utilité publique, après une juste indemnité ;
le titre foncier est une preuve irréfragable de la propriété immobilière ;
Que le défendeur oppose au demandeur le caractère inopérant de ce moyen, en affirmant que ce bien est la propriété de l'Etat =4- guinéen, depuis le protocole d'accord signé avec l'Etat français à Paris le 26 janvier 1977, qui transfère à la République de Guinée tous les biens meubles et immeubles de l'Etat français et de ses citoyens affectés par des mesures d'expropriation, de dépossession, de séquestration ou réquisition résultant des actes du gouvernement guinéen antérieurs au 31 décembre 1976, en contre partie des fonds que la République de Guinée a payés à la France ;
Considérant que le défendeur soutient que l'immeuble, objet du titre foncier N° 457 de Conakry, initialement immatriculé au nom de la société en nom collectif dite « A & Frères », figure sur une liste de biens, dont il verse un extrait au dossier ;
Que ledit extrait de la liste de biens est sans entête, ne comporte ni date, ni signature et ne présente aucune évidence indiscutable établissant un lien avec le protocole d'accord signé à Paris le 26 janvier 1977 et publié au Journal officiel français du 24 février 1978, ni avec le décret N°049/PRG/1978 ;
Que le défendeur n'a pas versé au dossier ledit protocole d'accord franco-guinéen ;
Considérant, par contre, sur le fondement des pièces qu'il a produites, le demandeur déclare que celles-ci font apparaître clairement, qu’en vertu des titres de propriété légalement établis, il n'a pas bénéficié des indemnisations qu'accorde le protocole d'accord susdit, pour aucune de ses propriétés immobilières ;
Qu'à l'appui de cette déclaration, il fournit la lettre N° 1632 /BFE du 2 octobre 1986 de la Direction des Français à l'Etranger et des Etrangers en France, par laquelle le directeur général du patrimoine bâti public a fait savoir qu'il ressort des archives de la Commission de répartition de l'indemnité guinéenne, qu'aucun montant n'a été versé aux A, au titre de l'Accord du 26 janvier 1977, en application de la loi du 19 mai 1982 ;
Considérant qu'aucun moyen du défendeur, ni aucune pièce versée par lui au dossier, n'apporte une démonstration du contraire de la déclaration du demandeur ;
Qu'il échet de constater, qu’en l'absence de la preuve des allégations du défendeur, le titre foncier, dont se prévaut A conserve sa réalité et sa vigueur ;
4ème et 5ème branches du moyen tirées de la violation des articles 55, 56 et 57 du code foncier et ere Considérant que le Code foncier et domanial dispose :
Article 55 : « L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers, pour cause d'utilité publique, au sens de l'article 534 du code Civil, s'opère, à défaut d'accord amiable, par décision de Justice et moyennant le paiement d'une juste et préalable indemnité.
Article 56 : L'expropriation ne peut être prononcée qu'autant que l'utilité publique a été déclarée dans les formes prescrites ci- après. À défaut d'accord amiable, le transfert de propriété et la fixation du montant de l'indemnité qui le conditionne relèvent de la compétence du juge » ;
Que le demandeur conteste le droit que le défendeur veut tirer de l'allégation du protocole d’Accord franco-guinéen, signé à Paris le 26 janvier 1977, du moment qu'aucun de ses biens immeubles, immatriculés à la conservation foncière, n'est inscrit sur la liste des biens du contentieux franco-guinéen ; qu'il se dit victime d'une expropriation qui viole la constitution, les articles 55, 56 et 57 du code foncier et domanial ;
Considérant que le défendeur invoque le protocole d'Accord franco-guinéen signé à Paris le 26 janvier 1977 et publié au Journal officiel français du 24 février 1978 et du décret N° 049/PRG/1978, dont il n'a pas versé la copie au dossier de la procédure pour soutenir ses prétentions ;
Que les dire, moyens et conclusions de l'Agent judiciaire n'indiquent pas que les mesures et formalités prévues par ces dispositions ont été régulièrement accomplies ;
Que l'invocation, par le défendeur, de l'article 119 du code domanial et foncier et des articles 496 et 497 du code civil, ne s'accompagne pas de l'indication de la manière par laquelle les formalités administratives et judiciaires édictées par ces dispositions ont été accomplies, entendu que le défendeur n'invoque pas, non plus, l’expropriation pour cause d'utilité, de même que l'arrêté ne l'a pas mentionnée, ni comme objet, ni comme but du versement de ce bien immeuble dans le portefeuille de l'Etat ;
que le défendeur, pour asseoir ses prétentions, en plus du contentieux franco-guinéen, a soulevé divers autres moyens, relatifs à l'usucapion et à l'abandon d’héritage notamment des A, ceux alors que le Protocole d'Accord, signé à Paris 497 le 26 janvier 1977 et l'indemnisation auraient dû suffire à asseoir et à consolider le droit de l'Etat guinéen sur ledit bien immobilier, si tel avait été le droit de l'Etat sur le bien litigieux ;
Considérant, par ailleurs, la position du Ministère public, selon laquelle, « il convient de souligner que plus de 20 années s’étant A écoulées entre le décret de 1978: et l'arrêté de 1999, ? l'administration ne peut procéder au retrait de la propriété d’un droit immobilier, dont le titre est resté en vigueur, que pour cause d'utilité publique, suivant les conditions d'intérêt public et de juste indemnisation fixée par la constitution en vigueur, par l'article 950, alinéa 2 du Code civil en vigueur et les articles 55 et suivants du code foncier et domanial » ;
Qu'en analysant l'hypothèse de l'expropriation, il ressort qu'il n’a pas été procédé par la voie amiable, ni par la voie judiciaire, ni par la voie du décret déclaratif d'utilité prévu par les articles 57 et suivants du même code ;
Considérant qu'en ce qui concerne l’expropriation de tout ou partie d’un immeuble, au sens de ces dispositions, à défaut d'un accord amiable, celle-ci ne peut intervenir qu'après la déclaration d'utilité publique et la fixation du montant de l'indemnisation, qui lui est subséquent, par le juge, conformément à l’article 13 de la Loi fondamentale, repris par l’article 13 de la Constitution de 2010, puis par l’article 16 de la Constitution de mars 2020 ;
Considérant que ces dispositions constitutionnelles et légales, invoquées par le demandeur au soutien de sa requête, imposent aux autorités exécutives des conditions de forme et de fond impératives dont la violation entraine la nullité de l'acte
Considérant que, faisant exception à la protection du droit de propriété, prévue par l'article 534 code civil, les dispositions légales relatives à l'expropriation, visées à cette branche du moyen, prescrivent des mesures strictes, réglementant les atteintes pouvant être portées au droit de propriété et seulement dans l'intérêt général, avec la conséquence qu’à défaut d'accord amiable, l'expropriation s'obtient par décision de justice, après la déclaration d'utilité publique et une juste indemnisation, dont le montant est fixé par le juge ;
Que la lecture de l'arrêté incriminé laisse apparaître qu'aucune des conditions de forme et de fond prévues par les textes indiqués ci-dessus, n’est remplie :
ui En Qu'au demeurant, le demandeur n'ayant pas été au courant de 13 S l'existence de cet acte administratif et n'en ayant pas reçu notification ou signification, ledit arrêté encourt annulation, pour non-respect de formalités substantielles ;
Deuxième moyen pris du défaut de motifs et du visa erroné :
Considérant que, par ce moyen, le demandeur reproche à l'arrêté attaqué le visa erroné et le défaut de motivation, étant donné, selon lui, que le visa faisant état des « … pièces du dossier de l'intéressé » est inexact, puisque lui-même n'en a jamais fourni une seule et qu'aucune motivation n'apparaît dans cet acte pouvant fonder ou justifier le versement de l'immeuble dans le portefeuille de l'Etat ;
Considérant que le défendeur ne conteste pas le caractère inexact du visa critiqué par le demandeur, alors qu'en faisant état desdites pièces du dossier de l'intéressé, l'arrêté laisse présumer que de telles pièces ont été fournies et prises en compte pour fonder ou justifier la décision de versement de ladite propriété dans le portefeuille de l'Etat ;
Qu'il y a lieu de se demander, si tel avait été le cas, pourquoi une seule propriété des A, parmi bien d'autres, est reversée dans le portefeuille ?
Considérant, comme il est démontré plus haut, que l'immeuble litigieux, d’une part, n’est pas la seule propriété immobilière de A inscrite à la conservation foncière, d'autre part, il n’est point compris dans le patrimoine de l'Etat guinéen résultant du protocole d'accord du 26 janvier 1977, ainsi que le font apparaître les pièces produites par le demandeur, dont entre autres, la lettre du ministère français des affaires étrangères en date du 02/10/1986, le titre foncier n° 457 de Conakry, la lettre du directeur général du patrimoine bâti public guinéen, en date du 27 avril 2018 ;
Que la lettre n°1623/BFE du Ministère français des Affaires Etrangères, en date 02 octobre 1986, adressée à Monsieur Ab A, déclare ce qui suit : « Vous avez bien voulu, par lettre du 19 septembre me demander une attestation certifiant que la société A n’a pas bénéficié d’une indemnisation de la Commissions de Répartition de l'Indemnité Guinéenne. J'ai l'honneur de vous faire savoir qu’il ressort des archives de la Commission, qu'aucune indemnité ne vous a été versée au tirsÿs>
de l’accord du 26 janvier 1977 en application de la loi du 19 mai
n, 7 Que n°0387/PRG/CAB/DGPBP/SP/18 2018, patrimoine adressée dans bâti au public conservateur le guinéen, même foncier du en de sens, directeur Conakry, date du la général au 27 sujet lettre avril des du
}a biens de A, dit ceci : « de l'examen des pièces rement 251 versées au dossier, il résulte les remarques suivantes :
eriéré ges tsRt 2. 1. Le La lettre Titre foncier 1623/BEF SUSVISÉ, du 02 es octobre 1986 de la Division des Biens
et Intérêts Français à l'Etranger [A] n’a pas bénéficié d’une indemnité de la Commission de répartition de l'indemnité guinéenne ce, dans le cadre de l'application des dispositions de l'Accord portant règlement du contentieux franco-guinéen signé à paris le 26 janvier 1977 ;
3. … la Procuration en date du 05 octobre 2017. ;
4. Les lieux, objet du Titre foncier sus référencé, n'ont jamais été gérés par la Direction du patrimoine bâti » ;
Qu'en tout état de cause, ainsi que cela est établi plus haut, le défendeur ne rapporte, non plus, aucune preuve de l’usucapion ou d’un droit successoral quelconque, qui pourrait motiver cet arrêté, ni que le demandeur a reçu notification de son expropriation, ou qu'il a été informé de l'occupation durable de sa concession par une tierce personne, au compte de l'Etat, comme propriétaire ;
Que cet autre moyen d'annulation, étant fondé, il importe de faire droit à la demande et d'annuler l'arrêté qui prescrit l'immatriculation de la concession formée par la parcelle N° 8 du lot 61 de Conakry au profit du portefeuille de l'Etat ;
Sur les demandes de restitution et de dommages et intérêts :
Considérant que la demande de dommages et intérêts n'est soutenue par aucun moyen permettant d'identifier la nature et les postes de préjudices et de les évaluer ; conséquemment, ce chef de demande ne peut prospérer.
Par ces motifs
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière administrative, et sur requête en annulation d'arrêté pour excès de pouvoir ;
En la forme : Reçoit le demandeur en sa auéte Bt Au fond :
- Constate que l'immeuble litigieux n’est pas compris dans le protocole d'accord signé avec l'Etat francais à Paris le 26 janvier 1977 ;
- En conséquence, prononce l'annulation ©e l'arrêté attaqué N°99/2176/MUH/CAB du 23 avril 1999 du ministre de l'urbanisme et de l'habitat pour violation de la loi ;
- Restitue au titre foncier n° 457 du plan cadastral de Conakry, portant sur la parcelle N° 8 du lot 61, ses pleins et entiers effets au profit de monsieur Aa A ;
- Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
- Ordonne la restitution de la caution de 30 000 FG versée au compte de la cour suprême à la banque centrale ;
- Ordonne la publication du présent arrêt au bulletin de la cour suprême et sa transcription dans les registres à ce destinés ;
Met les frais à la charge du trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Ont signé:
15 | Au fond :
- Constate que l'immeuble litigieux n'est pas compris dans le protocole d'accord signé avec l'Etat français à Paris le 26 janvier 1977 ;
- En conséquence, prononce l'annulation de l'arrêté attaqué N°99/2176/MUH/CAB du 23 avril 1999 du ministre de l'urbanisme et de l'habitat pour violation de la loi ;
- Restitue au titre foncier n° 457 du plan cadastral de Conakry, portant sur la parcelle N° 8 du lot 61, ses pleins et entiers effets au profit de monsieur Aa A ;
- Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
- Ordonne la restitution de la caution de 30 000 FG versée au compte de la cour suprême à la banque centrale ;
- Ordonne la publication du présent arrêt au bulletin de la cour suprême et sa transcription dans les registres à ce destinés ;
Met les frais à la charge du trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Ont signé:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 04
Date de la décision : 04/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;gn;cour.supreme;arret;2021-02-04;04 ?
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