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06/06/2016 | GUINéE | N°45

Guinée | Guinée, Cour suprême, 06 juin 2016, 45


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME
ARRET N° 45
Du 6-6-2016
CHAMBRE : CIVILE, PENALE, COMMERCIALE ET SOCIALE
AFFAIRE
MESDAMES Af Ah Y ET Ab B Y
CONTRE
LES HERITIERS DE FEU C
Z ET L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
OBJET : LITIGE DOMANIAL
DECISION
(VOIR LE DISPOSITIF) REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail — Justice — Solidarité
Au nom du Peuple Guinéen
Audience du 6 Juin 2016
La COUR SUPREME de la REPUBLIQUE de GUINEE, séant à Conakry, Chambre Civile, Pénale, Commerciale et Sociale, statuant en matière civile en son audience publique et ordinaire d

u six Juin Deux Mil Seize à laquelle siégeaient :
Madame Joséphine LAMOU, Conseiller à la Cour Suprême, PRE...

COUR SUPREME
ARRET N° 45
Du 6-6-2016
CHAMBRE : CIVILE, PENALE, COMMERCIALE ET SOCIALE
AFFAIRE
MESDAMES Af Ah Y ET Ab B Y
CONTRE
LES HERITIERS DE FEU C
Z ET L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
OBJET : LITIGE DOMANIAL
DECISION
(VOIR LE DISPOSITIF) REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail — Justice — Solidarité
Au nom du Peuple Guinéen
Audience du 6 Juin 2016
La COUR SUPREME de la REPUBLIQUE de GUINEE, séant à Conakry, Chambre Civile, Pénale, Commerciale et Sociale, statuant en matière civile en son audience publique et ordinaire du six Juin Deux Mil Seize à laquelle siégeaient :
Madame Joséphine LAMOU, Conseiller à la Cour Suprême, PRESIDENT ;
Monsieur Elhadj Sakoba Kourala KEITA, Conseiller à la Cour Suprême, CONSEILLER RAPPORTEUR ;
Monsieur Kollet SOUMAH, Conseiller à la Cour
Suprême, CONSEILLER ;
En présence de Monsieur Ac A, Premier Avocat Général substituant Madame le Procureur Général empêchée ;
Avec l’assistance de Maître Andrée CAMARA,
Greffière en Chef à ladite Cour ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE
Mesdames Af Ah Y et Ab B Y, toutes deux biologistes, domiciliées au quartier Ag, Commune de Matam-Conakry 3, ayant pour Conseil Maîtres Sory Baïlo BARRY et Saliou DANFAKHA, Avocats à la Cour ;
ET
1 - Héritiers de Feu C Z représentés
par Monsieur Ae Z, domicilié au
quartier Matam, commune de Matam, Conakry
3, ayant pour Conseil Maître Justin Tambada
TOLNO, Avocat à la Cour ;
2 - L’Etat Guinéen, représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat sis à Boulbinet, Commune de Kaloum, Conakry, ayant élu domicile à l’étude de son conseil Maître Abdoul Karim DIABY, Avocat à la cour ;
D’AUTRE PART
La Justice de Paix de Conakry a, par Jugement
n°48 du 5 février 1997 décidé ainsi qu’il suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort ;
Après en avoir délibéré conformément à la Loi ;
En la Forme : Reçoit les ayants droit de Feu
C Z en leur action ;
Au Fond : Vu la loi L/95/028/CTRN du 30 Juin 1995 ;
Vu l’Ordonnance 001/PRG/85 du 3 Janvier 1985 ;
Juge et dit que l'immeuble consistant en une villa construite sur le terrain rural d’une superficie de 8 ha 4 à 43 ca sis à Ad formant le titre foncier n°368 de Conakry est la propriété de Feu C Z ;
En conséquence, ordonne la restitution de la villa et du terrain rural aux héritiers de Feu C
Z ;
Ordonne le déguerpissement de l’Agent Judiciaire de l’Etat, ainsi que tous occupants de son chef des lieux ;
Déboute les ayants droits de C Z de leur demande de dommages-intérêts ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne le défendeur aux dépens ;
Le tout en application des articles 10,54 et suivants du code foncier domanial, 533 du Code Civil, de l’Ordonnance n°001/PRG/85 du 3 Janvier 1965, de l’article 162 du Code de Procédure Civile et Commerciale… » ;
Mesdames Af Ah Y et Ab B Y assignent en tierce opposition contre le Jugement n°48 de la Justice de Paix de Conakry II; donnent assignation en tierce opposition aux héritiers de Feu C Z, représentés par Mr Ae Z et l’Agent Judiciaire de l’Etat, d’avoir à comparaître et se trouver le 25 Juillet 2012 à l’audience du Tribunal de Première Instance de Conakry 3 ;
Le Tribunal de Première instance de Conakry 3, a rendu le Jugement n°318 du 21 Novembre 2012 dont le dispositif suit :
« statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort et sur tierce
opposition ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la Forme : Reçoit Mesdames Af
Ah Y et Ab B Y en
leur action ;
Au Fond : Les y dit mal fondées ;
Constate l’existence de deux (2) titres fonciers différents, précisément ceux n°368 de 1953 et n°10015/200F/TF du 28 septembre 2007 relatifs à la propriété d’un même terrain ;
- Vu les articles 533 et 534 du Code Civil consacrant les caractères perpétuel, exclusif et absolu du droit de propriété ;
- Vu la Loi L/95/028/CTRN du 30 Juin 1995 ;
- Vu l’Ordonnance n°001/PRG/85 du 03 janvier 1985 ;
- Juge et dit que l’immeuble consistant en une villa construite sur le terrain d’une superficie de 8 ha 4a 43 ca, sis à Ad formant le Titre foncier n°368 de Conakry est la propriété de feu C Z ;
- En conséquence
Ordonne la restitution de la Villa et du terrain aux héritiers de Feu C Z ;
Ordonne le déguerpissement de l’Agent Judiciaire de l’Etat ainsi que tous occupants de son chef des lieux, notamment Mesdames Af Ah Y et Ab B Y ;
Statuant à Nouveau
- Fait défense à Mesdames Af Ah Y et Ab B Y de cesser de troubler les héritiers de feu C Z ;
- Met les frais et dépens à la charge des demandeurs ;
- Le tout en application des articles 533, 534 du Code Civil de l’Ordonnance n°001/PRG/85 du 03 Janvier 1985 647 et 741 du Code de Procédure Civile, Economique et Administrative » ;
Maître Saliou DANFAKHA, Avocat Conseil de Mesdames Af Ah Y et Ab B Y a relevé appel de cette décision le 11 Janvier 2013 au Greffe du Tribunal de Première Instance de Conakry 3 ;
La Cour d’Appel de Conakry, a rendu l’arrêt
n°96 du 25/02/2014 dont le dispositif est le
suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile, en dernier ressort et sur appel ;
En la Forme : Reçoit l’appel ;
Au Fond : Le déclare mal fondé ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME :
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI:
Considérant que la requête de Mesdames Af Ah et Ab B Y, reçue et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême le 07/05/2014 sous le n°610/G, indique les noms, prénoms et domiciles des parties ;
Qu'elle contient un exposé sommaire des faits et moyens ainsi que les conclusions, et est accompagnée de l’expédition de l’arrêt attaqué ;
Qu’il est joint à ladite requête autant de copies de celle-ci qu’il y a de parties en cause ;
Que la requête accompagnée de l’expédition de l’arrêt déféré a été signifiée le 06/05/2014 à la partie adverse, conformément aux dispositions des articles 63 et 64 de la loi organique sur la Cour Suprême ;
Que l’exploit de signification de cette requête faite par Maître Souleymane Diongassy BAH, huissier de justice, en date du 06 Mai 2014, contient l’élection de domicile chez Maître Justin Tambada TOLNO, Avocat à la Cour, ce conformément aux prescriptions de l’article 63 de loi organique n°L.0/91/08/CTRN du 23 Décembre 1991 ;
Que les demanderesses au pourvoi ont acquitté la caution de 30.000 FG, suivant quittance n°C483157 en date du 02/05/2014 de la BCRG ;
Que le mémoire ampliatif contenant les moyens du pourvoi a été produit le 30 Mai 2014 et enregistré sous le n°726 au Greffe de la Cour suprême, ce, conformément aux dispositions de l’article 66 de la loi organique sur la Cour suprême ;
Considérant, dès lors, que ce pourvoi est régulier et recevable en la forme ;
AU FOND :
1°/- Sur le moyen tiré de la violation de
l’ordonnance n°001/PRG/85 du
Considérant que ce moyen reproche à la cour d’appel d’avoir confirmé le jugement d’instance sur la base de cette ordonnance ;
Que l’arrêté d’application n°14762/MAT/85 du 16 Décembre 1985 de cette ordonnance a établi la liste des biens immeubles saisis et devant être restitués aux légitimes propriétaires ;
Que, sur cette liste feu C Z ne disposait que de deux immeubles, à savoir celui sis à Coléah et l’autre à étage situé dans le Domaine Public Maritime de Matam ;
Que, dès lors, la cour d’appel ne devrait pas confirmer sa propriété sur l’immeuble sis à Ad ;
Considérant qu’en réplique à ce moyen les héritiers de C Z affirment qu’il ne s’agit pas des biens saisis, comme le pensent les demanderesses au pourvoi mais bien au contraire de biens spoliés ;
Mais considérant qu’en l’espèce tous les biens dont s’agit sont devenus la propriété de l’Etat guinéen, après les différents complots que le pays a connus ;
Que l’Etat, à ce titre, avait cédé lesdits biens à d’autres personnes qui en avaient fait la demande ;
Considérant qu’il s’agit, dès lors de biens saisis, dont l’énumération doit ressortir sur la liste des biens saisis ;
Que, cependant, la parcelle querellée de Ad, après examen des pièces produites au dossier, ne figure nullement sur la liste des biens saisis appartenant à la Famille GUEYE ;
Que ce domaine litigieux ne fait donc pas partie du patrimoine de feu C Z ;
D’où la violation de l’ordonnance n°001/PRG/85 du 03/01/1985 ;
Qu’en conséquence le moyen est fondé et mérite d’être accueilli ;
2°/- Sur le moyen tiré de la violation des articles 774, 780, et 787 du Code Civil relatifs à la prescription :
Considérant que ce moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ignoré les dispositions des articles cités au moyen ;
Que, cependant Mesdames Y ont toujours occupé les lieux de façon paisible,
publique, sans équivoque et à titre de propriétaires depuis 1983 ; qu’elles ont acquis les lieux de bonne foi et à juste titre ;
Que, par contre, les héritiers de feu C
Z ont déclaré qu’ils sont venus en Guinée en 1984 ;
Considérant qu’en réplique à ce moyen, les défendeurs au pourvoi arguent que les Aa
Y invoquent lesdites dispositions à cause de leurs avantages, mais, malheureusement, n’ont pas su définir les termes de la prescription abrégée à savoir (le juste titre et la bonne foi) ;
Considérant que les articles 774, 780 et 787 du code civil disposent respectivement comme suit :
Article 774:
«La prescription est un moyen d’acquérir une propriété ou de se libérer d’une obligation au bout d’un certain laps de temps et sous certaines conditions » ;
Article780 :« Pour pouvoir valablement prescrire, il est exigé une possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. En principe, le temps de l’usucapion commence à courir le lendemain du jour de l’entrée en possession » ;
« La prescription extinctive est la disparition d’un droit tel qu’expliqué à l’article 778 ci-dessus ; le principal intérêt est d’ordre public, il est juste afin d’éviter d’interminables discussions, de faire disparaitre, au bout d’un certain temps, toute réclamation quelle qu’elle soit sur des droits que leur titulaire néglige d’exercer » ;
Considérant qu’en l'espèce la prescription
acquisitive invoquée par Mesdames Y et
prévues par les dispositions des articles cités au
moyen est opérante étant entendu que les
demanderesses au pourvoi tiennent leur
possession de l’Etat guinéen sans spoliation
aucune ;
Considérant que, si le droit de propriété a, en général, un caractère perpétuel, la loi a cependant prévu des cas de prescription, et même de courtes prescriptions, y compris en matière immobilière, comme c’est le cas en l’espèce ;
Considérant que, si le véritable propriétaire réside à son domicile ou en une autre partie du territoire, la prescription n’est plus que de vingt ans ;
Qu’or considérant que les défendeurs au pourvoi résident en Guinée (à Matam- Conakry) depuis 1984 ;
Que les demanderesses au pourvoi se disent
propriétaires des parcelles n°05 bis, 06 bis et 07
bis du lot 09 du plan cadastral de Ad, pour
les avoir acquises de l’Etat Guinéen depuis 1983 ;
Qu'elles détiennent ainsi, au titre des documents domaniaux justifiant leur propriété sur ces
parcelles:
- l’arrêté n°6067 du 23 Mai 1983 ;
- l’arrêté n°1584 du 8 Février 1984 ;
- Je titre foncier n°10015/2007/TF du 28
septembre 2007 ;
- etles plans de masse établis à cet effet ;
Qu'elles ont toujours occupé ces lieux de façon 10
paisible, publique sans équivoque et à titre de
propriétaires de 1983 à nos jours ;
Qu’elles ont toujours rempli leurs obligations fiscales afférentes à leur droit de propriété ;
Qu'elles ont mis les lieux en valeur en y
construisant deux villas jumelles et un hangar ;
Que cependant de 1984, date du retour en Guinée de Mr. C Z, à la date du 25 Septembre 1996, date d’assignation de l’Agence judiciaire de l’Etat par les héritiers de feu C Z, 12 années se sont écoulées au cours desquelles aucune action en justice n’a été intentée contre les demanderesses au pourvoi relativement à la parcelle de terrain querellée de Ad ;
Considérant, dès lors, qu’il y a prescription extinctive au sens de l’article 793 du Code civil ;
Qu’en conséquence, le moyen est fondé et mérite d’être accueilli ;
3°/- Sur le moyen tiré de la violation de l’article 14 du CPCEA :
Considérant que ce moyen reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas donné de réponse à la demande des demanderesses au pourvoi relative à la saisine des services techniques de l’habitat, pour déterminer la zone en litige de Ad ;
Que Ad (Bassia-village) en 1953 et le lot 9 du plan cadastral de Ad en 2007 peuvent être bien distincts ;
Que, pour n’avoir pas donné de réponse à cette demande, l’arrêt déféré encourt cassation de ce
Qu’en réplique à ce moyen, les héritiers GUEYE
désignation d’expert était sans objet dès lors que ce travail avait déjà été fait par lesdits techniciens dont le rapport est joint au dossier ;
Que le juge d’appel a fait état de ce rapport qui lève l’équivoque dans son arrêt n°96 du 25 Février 2014 en sa page 116, ligne 13 à 19 ;
11
Considérant que l’article 14 du CPCEA dispose en ces termes :
« Le juge doit examiner tous les chefs de demande qui lui sont soumis. Il est tenu de statuer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé » ; ?
Considérant qu’en l’espèce il est mentionné à la page numérotée 116 de l’arrêt déféré que (enquête diligentée par la Direction des domaines et cadastre du Ministère de l’urbanisme et de l’habitat, sur ordonnance de Mr. Le Président du tribunal de première instance de Conakry 3 Mafanco, rendue le 08 Mars 2011 et enregistrée sous le n°54, a permis d’identifier les contours du titre foncier n°368 du 05 Juin 1953 à l’intérieur duquel se trouvent les parcelles litigieuses ; que le titre foncier n° 10015/2007/TF du 28/9/2007 duquel se prévalent les appelantes, devrait donc être un morcellement de celui n°368 du 5 Juin 1953 dans l’hypothèse d’une bonne tenue de la conservation foncière de Conakry) ;
Qu’il s’ensuit que le juge d’appel n’était pas obligé de commettre à nouveau la même autorité de l’habitat pour une expertise ayant le même objet que celle susmentionnée ;
D’où le rejet du moyen parce que mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et sur pourvoi :
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Casse et annule l’arrêt attaqué ;
Ordonne la restitution de la caution de trente mille francs guinéens, objet de la quittance n° C483157 du O2 Mai 2014, au profit des demanderesses au pourvoi ;
Ordonne la transcription dans le registre, à ce, destiné ;
Met les frais et dépens à la charge des défendeurs ;
Dit que le présent arrêt sera publié au bulletin de la Cour Suprême ;
Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la
Cour Suprême, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le PRESIDENT, le CONSEILLER
RAPPORTEUR ET LA GREFFIERE.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45
Date de la décision : 06/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;gn;cour.supreme;arret;2016-06-06;45 ?
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