ARRET N° 75 /
Du 6/11/2006
CHAMBRE: CIVILE, PENALE, COMMERCIALE ET SOCIALE
AFFAIRE
MADAME Ac B
CONTRE
MADAME Y A
OBJET: REVENDICATION DE PROPRIETE
DECISION
VOIR LE DISPOSITIF
REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail - Justice - Solidarité
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Au nom du Peuple Guinéen
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Audience du 6 Novembre 2006
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La COUR SUPREME de la REPUBLIQUE de GUINEE, séant à Conakry, Chambre Civile, Pénale, Commerciale et Sociale, statuant en matière civile en son audience publique et ordinaire du Six Novembre Deux Mil Six à laquelle siégeaient:
Madame Hadja Aïssatou BALDE, Présidente, de la Chambre Civile, Pénale, Commerciale et Sociale; PRESIDENT;
Monsieur Kollet SOUMAH, Conseiller à la Cour Suprême; CONSEILLER RAPPORTEUR;
Monsieur Kanfory KALTAMBA, Conseiller à la Cour Suprême, CONSEILLER;
En présence de Monsieur Ab A C, Premier Avocat Général, substituant Monsieur le Procureur Général, empêché;
Avec l'assistance de Maître Andrée CAMARA, Greffière à ladite Cour;
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE
Madame Ac B, domiciliée au quartier Ae Aa, Commune de Matam, Conakry, demanderesse au pourvoi ayant pour conseil Maître Mohamed Lamine YOULA, Avocat à la Cour ;
D'UNE PART
ET
Dame Y A, ménagère, domiciliée au quartier Matam, Commune de Matam - Conakry, défenderesse au pourvoi, ayant pour conseil Maître Mamadou DIOP Souaré Avocat à la Cour;
D'AUTRE PART
Le Tribunal de première instance de Conakry 3 par jugement n°126 du 12 Juin 2002 a décidé ainsi qu'il suit:
«Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire en matière civile et en premier ressort;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
En la forme: Reçoit Madame Ac B en sa demande;
Au Fond Déclare Madame Ac B légitime propriétaire des parcelles 1, 2 et 3 du lotissement de Matam d'une superficie de 1865 m2 conformément à l'Arrêté n°497/MTP/MUH/73 du 5/02/1973;
La renvoie dans la jouissance paisible du domaine dont s'agit;
Condamne la dame Y A au paiement de la somme de 2.000.000 FG à titre de dommages-intérêts;
Ordonne dame Y A à cesser de troubler Madame Ac B dans la jouissance de son droit de propriété.
Condamne la défenderesse aux frais et dépens;
Le tout en application des dispositions des articles 533, 1098 et suivants du Code Civil de l'article 39 du Code Foncier Domanial et des articles 740 et 741 du Code de Procédure civile, Economique et Administrative»;
Madame Y A a relevé appel de ce Jugement 12/6/2002 au Greffe du Tribunal de Première Instance de Conakry 3;
La Cour d'Appel de Conakry a rendu l'arrêt n°068 du 15/02/2005 dont le dispositif est ainsi libellé:
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et sur appel;
En la Forme: Reçoit l'appel de Madame Y A;
Au fond: Infirme le Jugement n°126 du 12 Juin 2002 du Tribunal de Première Instance de Conakry;
STATUANT A NOUVEAU
Constate que Mesdames Ac B et Y A sont attributaires des parcelles différentes les unes des autres du plan cadastral de Matam;
En conséquence, les renvoie à la pleine jouissance respectivement chacune de sa propriété à savoir:
Les parcelles 1, 2 et 3 du lot3 d'une contenance de 890,65 m2 propriété de Madame Ac B, et les parcelles 4 et 5 du lot 3 de Madame Y A d'une superficie de 945,45 m2
Commet aux frais des parties le Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat à l'effet de reconstituer les bornes de ces propriétés suivant les dimensions ci-dessus spécifiées;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Frais et dépens à la charge des parties.»
Maître Mohamed Lamine YOULA, Avocat - conseil de Madame Ac B a fait une requête civile contre l'arrêt n°068 du 15/02/2005;
La Cour d'Appel de Conakry, Statuant sur le mérite de cette requête civile a rendu l'arrêt n°335 du 6/9/2005 dont le dispositif suit:
« statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et sur requête;
En la forme: Rejette la requête civile introduite par Madame Ac B;
La condamne aux dépens.»
Suivant requête en cassation en date du 28/12/2005, Maître Mohamed Lamine YOULA Avocat - conseil de dame Ac B s'est pourvu en cassation contre l'arrêt sus-énoncé au Greffe de la Cour Suprême;
L'affaire fut inscrite à l'audience du 4 Août 2006;
Monsieur le Conseiller Rapporteur a fait lecture de son rapport;
Le Ministère Public a été entendu en ses observations;
Les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Puis l'affaire est mise en délibéré au 14/8/2006; Lequel délibéré a été prorogé aux 30/10/06; 20/10/2006; 30/11/2006 pour arrêt être rendu le 6/11/2006;
Advenue cette date, la Cour Suprême après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes;
LA COUR
VU la Loi Organique n°91/08/CTRN du 23/12/91 portant Attributions, Organisation et Fonctionnement de la Cour Suprême;
VU les arrêts n°68 et n°335 rendus respectivement par la Cour d'Appel de Conakry le 15/2/2005 et 6 Septembre 2005;
VU les pièces du dossier;
Oui Monsieur Kollet SOUMAH, Conseiller Rapporteur en son rapport;
Oui les conseils des parties en leurs moyens;
Oui Monsieur Ab Ad X, Procureur Général en ses observations;
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant sur le pourvoi formé par Maître Mohamed Lamine YOULA Avocat à la Cour et conseil de Madame Ac B contre les arrêts n°68 et 335 rendus par la Cour d'Appel qui: «Infirme le Jugement n°126 du 12 Juin 2002 du Tribunal de première Instance de Conakry III; Statuant à Nouveau, constate que Mesdames Ac B et Y A sont attributaires des parcelles différentes les unes des autres du plan cadastral de Matam; En conséquence, les renvoie à la pleine jouissance respective chacune de sa propriété; A savoir: les parcelles 1, 2 et 3 du lot d'une contenance de 890,65 m2 propriété de Ac B et les parcelles n°4 et 5 du lot 3, propriété de Y A, d'une superficie de 945,45 m2 commet au frais des parties, le Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat à l'effet de reconstituer les bornes de ces propriétés suivant les dimensions ci-dessus spécifiées; déboute les parties du surplus de leur demandes; Met les dépens à la charge des parties» (Arrêt n°068 du 15/2/2005: «Statuant en matière civile et sur requête;
En la Forme, rejette la requête civile introduite par Madame Ac B. la condamne aux dépens» Arrêt n°335 du 6/9/2005.
SUR LA RECEVABILITE DES POURVOIS
1°) SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI DIRIGE CONTRE L'ARRET N°68 DU 15/02/2005
Considérant que l'arrêt n°068 a été rendu le 15/2/05 par la Cour d'Appel de Conakry;
Que le pourvoi a été formé par requête en cassation en date du 18/12/05, enregistrée le 20/12/05 au Greffe de la Cour Suprême;
Que cette requête en cassation indique les noms, prénoms et domiciles des parties, et contient un exposé sommaire des faits et moyens conformément aux dispositions de l'article 56 de la loi sus-dite;
Que ladite requête, accompagnée de l'expédition de l'arrêt attaqué a été signifiée à la partie adverse par exploit d'Huissier, le 20/12/05 avec mention de l'article 64 conformément aux dispositions de l'article 63 de la même loi; Que la demanderesse a acquitté la caution de 30.000 FG le 29/11/05 suivant reçu bancaire n°B150603;
Qu'à l'appui de son pourvoi, le conseil de la demanderesse a produit un mémoire ampliatif contenant les moyens de cassation au Greffe de la Cour Suprême le 20/12/2005;
Qu'il convient de déclarer ce recours recevable en la forme.
AU FOND
MOYENS DE CASSATION, TIRE DE LA VIOLATION DE LA LOI
Sur la Première Branche du moyen pris de la violation de l'article 533 du Code Civil
Considérant que par ce moyen, il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir ignoré la propriété de Madame Ac B sur les parcelles n°1, 2 et 3 du lot 3 de Matam d'une superficie de 1865 m2;
Considérant que l'article 533 du Code Civil dispose «La propriété est le droit de jouir et de disposer, de la manière la plus absolue des choses dont on est propriétaire pourvu que l'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.»
Considérant que des pièces du dossier, il résulte que le juge d'appel a, par arrêt avant dire droit commis au frais des parties le Ministère de l'Urbanisme à l'effet de déterminer les dimensions du terrain objet du litige ainsi que le nombre de parcelles qu'il contient et les numéros correspondants suivant le plan cadastral du secteur;
Considérant qu'à la date du 13/12/2004, conformément à son rapport le Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, ²a conclu en ces termes:
«Les parcelles 1, 2 et 3 attribuées à Madame Ac B et par elle occupées à travers maison d'habitation et clôture couvrent une superficie de 890,62 m2 au lieu de 1865 m2;
Les parcelles 4 et 5, libres de toute occupation attribuées à dame Y A quant à elles, couvrent une superficie de 995,45 m2 au lieu de 1450 m2; ci-joint pour toutes fins utiles une photocopie de l'état des lieux les 9 parcelles du lot 3 de Matam».
Considérant que la même autorité, en réponse à la lettre du conseil de la demanderesse au pourvoi relative à l'éclaircissement de ce conflit, a précisé qu'il s'agit d'un problème de limite qui oppose ces deux dames et par conséquent qu'une mission se rendra sur les lieux pour procéder aux bornages.
Mais considérant qu'il est constant que suivant arrêté n°497/MTPDUH du 5 Février 1973, Madame Ac B est propriétaire des parcelles n°1, 2 et 3 d'une superficie de 1865 m2, sises à Matam.
Considérant que le Juge d'Appel en privilégiant le rapport d'expertise à l'arrêté Ministériel reconnaissant la propriété de dame Ac B sur les parcelles d'une superficie de 1865 m2 a donné ainsi ouverture à cassation de l'arrêt attaqué;
D'où le moyen est fondé et doit être accueilli.
SUR LA DEUXIEME BRANCHE DU MOYEN PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 39 AL3 DU CODE FONCIER ET DOMANIAL
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 39 al3 du Code Foncier et domanial, «sont propriétaires, les occupants, personnes physiques ou morales, justifiant d'une occupation paisible personnelle, continue et de bonne foi d'un immeuble et à titre de propriétaire.»;
Considérant qu'il ressort du dossier que dame Ac B est légalement propriétaire des parcelles 1, 2 et 3 du lot 3 de Matam depuis 1973, date de l'arrêté d'attribution;
Qu'il est par conséquent sans équivoque que dame Ac B occupe ces lieux depuis cette date, de manière continue et de bonne foi.
Considérant que sur le fondement du texte visé au moyen il y a lieu de retenir Madame B comme propriétaire des parcelles 1, 2 et 3 du lot 3 de Matam.
Par conséquent le moyen est fondé et mérite d'être accueilli.
Sur la troisième branche du moyen pris de la violation de l'article 112 al2 du Code de Procédure Civile Economique et Administrative
Considérant que par cette branche du moyen, la demanderesse soutient que l'arrêt n°068 n'a pas été rédigé à temps;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 112 du Code de Procédure Civile Economique et Administrative, «le Juge est tenu de rédiger sa décision avant de vider le délibéré»
Mais considérant que, contrairement à cette allégation, il est établi que l'arrêt n°068 est joint à la requête en cassation de la demanderesse au pourvoi, qui a fait l'objet de signification à la défenderesse;
Que la demanderesse n'ayant pas rapporté la preuve de cette allégation, cette branche du moyen par conséquent ne peut prospérer;
D'où son rejet..
Sur la Quatrième Branche du Moyen pris de la violation des articles 659 al 1 et 678 du Code de Procédure Civile Economique et Administrative
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 659 al1 du Code de Procédure Civile, Economique et Administrative, «La requête civile n'est recevable que pour l'une des causes suivantes:
S'il se révèle après le Jugement que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue;
- Si depuis le jugement, il a été retrouvé des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie;
- S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le Jugement;
S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement;
Dans tous les cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée»;
Qu'aux termes des dispositions de l'article 678 du Code de Procédure Civile Economique et Administrative, «lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte de l'évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir»;
Considérant en effet que l'article 660 du même code dispose:»le délai de la requête civile est d'un (1) mois. Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de la rétractation qu'il invoque.»;
Considérant qu'il résulte du dossier que c'est à la demande de dame Ac B que le Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat a, par arrêté n°2005/16/96/MUH/CAB du 28/4/2005 annulé l'arrêté n°2002/713/MUH/CAB du 28/2/2002 attribuant les parcelles n°4 et 5 du lot 3 de Matam à Madame Y A.
Qu'à la date du 9/5/05, ledit arrêté d'annulation a été transmis à la Cour d'Appel;
Que la requête civile de la demanderesse au pourvoi date du 20 Juin 2005;
Qu'au regard des dispositions de l'article 660 du Code de Procédure Civile, Economique et Administrative, le délai court à partir du 28/5/2005 date de la publication de l'arrêté d'annulation;
Que par conséquent, pour se conformer à l'article sus référencé, la demanderesse devait introduire sa requête civile, avant le 28/5/05;
Qu'il est établi qu'entre le 9/5/ et le 20 Juin, il y a plus d'un mois;
Que la demanderesse était forclose dans la mesure où sa requête civile date du 20 Juin 2005;
D'où le moyen n'est pas fondé et doit être écarté.
B - SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI DIRIGE CONTRE L'ARRET N°335 DU 6 SEPTEMBRE 2005
Considérant que l'arrêt n°335 a été rendu sur requête civile, le 6 septembre 2005;
Que le pourvoi a été formé par requête en cassation reçue au Greffe de la cour Suprême le 30/12/05;
Mais considérant que la requête civile introduite le 20 Juin 2005 a été déclarée irrecevable par la cour d'Appel parce que tardive;
Que dès lors, l'arrêt n°068 du 15/2/05 est confirmé par la Cour d'Appel.
Considérant que de ce qui précède, tout pourvoi dirigé contre cet arrêt est recevable tandis que le pourvoi dirigé contre l'arrêt n°335 du 6/9/05 rendu sur requête civile est également irrecevable pour violation des articles 56, 57 et 66 de la loi Organique sur la
Cour Suprême
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en matière civile;
En la forme: Reçoit le pourvoi formé contre l'arrêt n°068 du 15/2/2005;
Déclare irrecevable le pourvoi formé contre l'arrêt n°335 du 6/9/05 rendu sur requête civile, pour violation des articles 56, 57 et 66 de la loi n°91/08/CTRN du 23/12/91 portant Attributions, Organisation et Fonctionnement de la Cour Suprême;
Au fond Casse et annule l'arrêt n°068 du 15/2/05;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel autrement composée;
Ordonne la restitution de la caution de 30.000 FG à la demanderesse;
Met les dépens à la charge de la défenderesse.
Dit que le présent arrêt sera publié au bulletin de la Cour Suprême;
Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la cour Suprême les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président, le Conseiller Rapporteur et la Greffière.
LE RECEVEUR
Signé: ILLISIBLE
SUIVENT LES SIGNATURES
Signé: ILLISIBLE
Enregistré sous les références suivantes
Folio n°03 Bd n°0173
Montant: 50.000 FG
Lettre Cinquante Mille FG
Conakry, le 13/3/07
LE RECEVEUR
Signé: ILLISIBLE
POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME
Conakry, le 13/3/07
LA GREFFIERE EN CHEF/PI
Maître Andrée CAMARA