ARRET N° 70
Du 16/10/2006
CHAMBRE: CIVILE, PENALE, COMMERCIALE ET SOCIALE
AFFAIRE
MONSIEUR Aa B A ET LES HOTELS LE GALION -
LE MAGELLAN
CONTRE
AGENCE NATIONALE D'AMENAGEMENT DES INFRASTRUCTURES MINIERES (ANAIM REP/ L'A.J.E
OBJET: RESILIATION DE CONTRAT DE LOCATION, EXPULSION ET PAIEMENT DE DOMMAGES-INTERETS
DECISION
VOIR LE DISPOSITIF
REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail - Justice - Solidarité
--------
Au nom du Peuple Guinéen
------------
Audience du 16 Octobre 2006
---------
La COUR SUPREME de la REPUBLIQUE de GUINEE, séant à Conakry, Chambre Civile, Pénale, Commerciale et Sociale, statuant en matière civile en son audience publique et ordinaire du Seize Octobre Deux Mil Six à laquelle siégeaient:
Monsieur Kollet SOUMAH, Conseiller à la Cour Suprême, PRESIDENT;
Madame Joséphine LAMOU, Conseiller à la Cour Suprême; CONSEILLER RAPPORTEUR;
Monsieur Sakoba Kourala KEITA, Conseiller à la Cour Suprême, CONSEILLER;
En présence de Monsieur Ab Ai C Premier Avocat Général, substituant Monsieur le Procureur Général, empêché;
Avec l'assistance de Maître Andrée CAMARA, Greffière en chef par Intérim à ladite Cour;
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE
Monsieur Aa B A et les Hôtels le Galion - le Magellan, demandeurs au pourvoi, demeurant à Conakry, Commune de Ratoma ayant élu domicile à l'Etude de leur conseil Maître Mounir Houssein Mohamed, Avocat à la Cour;
D'UNE PART
ET
L'Agence Nationale d'Aménagement des Infrastructures Minières (ANAIM) représentée par l'Agent Judiciaire de l'Etat défenderesse au pourvoi, sise au petit Aj Ad, Présidence de la République, ayant pour conseils Maîtres Af Ab Ae «BAO» et BARRY Mody Oumar, Avocats à la Cour;
D'AUTRE PART
Le Tribunal de Première Instance de Conakry a par Jugement n°240 du 6 Mai 2006, décidé ainsi qu'il suit:
«Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
En la Forme: Reçoit l'Agence Nationale d'Aménagement des Infrastructures Minières (ANAIM) représentée par l'Agence Judiciaire de l'Etat en son action;
Au Fond: l'y dit bien valablement fondée;
En conséquence, prononce la résiliation de bail de location signé le 4 Novembre 2002 entre d'une part l'ANAIM, le bailleur et d'autre part la Société Hôtelière de Restauration et le centre de pêche Sportive dénommée Hôtel le Galion et le Magellan représentée par son Directeur Monsieur B A Aa, preneur aux torts exclusifs de ce dernier;
Condamne la Société Hôtels de Restauration et de centre Sportive dénommée Hôtel le Galion et le Magellan à payer au bailleur les sommes suivantes:
116.666.550 GNF à titre d'arriérés de loyer au 15 février 2005 et ceux à échoir au jour du paiement;
30.000.000GNF à titre de dommages-intérêts;
Ordonne l'application de la loi sur les intérêts légaux moratoires;
Ordonne en outre l'expulsion de la Société Hôtelière de Restauration et de centre de Pêche sportive dénommée le Galion et le Magellan des lieux loués suite au contrat sus-résilié ainsi que tous occupants de son chef;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions;
Met les entiers dépens à la charge de la défenderesse;
Le tout en application des articles 55 et 17 du contrat de bail, 668 et suivants 1098 du Code Civil, la loi L 92/044/CTRN du 08/12/92, 741 du Code de Procédure Civile, Economique et Administrative.»
Par lettre en date du 16/5/2005 au Greffe du Tribunal de céans Monsieur Aa B A par l'organe de son conseil Maître Mounir Houssein Mohamed, Avocat à la Cour, a relevé appel de ce Jugement;
La Cour d'Appel de Conakry par arrêt n°77 du 21 Mars 2006 a disposé ainsi qu'il suit:
«Statuant publiquement, contradictoirement en matière économique en dernier ressort et sur appel;
En la Forme: Reçoit l'appel de la Société Hôtelière de Restauration et centre de pêche Sportive «Hôtel le Galion et le Magellan»
Au Fond: Confirme partiellement le Jugement querellé;
STATUANT A NOUVEAU
Condamne Monsieur Aa B A à payer 116.666.550 GNF au titre de loyers arriérés à l'ANAIM à la date du 15 Février 2006, et à échoir jusqu'au jour du parfait paiement;
Condamne l'ANAIM à payer à Monsieur Aa B A la somme de 41.700.000 GNF au titre des Taxes Foncières consommation en eau et électricité et des prestations diverses;
Ordonne la compensation des deux créances;
Prononce la résiliation du contrat de bail et l'expulsion de la Société Hôtelière de Restauration et centre de pêche sportive dénommée «Hôtel le Galion et le Magellan du village C.B.G»
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions;
Met les frais à la charge de Monsieur Aa De Mattos.»
Maître Mounir Houssein Mohamed Avocat - conseil du sieur Aa B A, s'est pourvu en cassation au nom et pour le compte de son client le 27/4/2006 au Greffe de la Cour Suprême;
L'affaire fut inscrite à l'audience de la Cour Suprême le 7/8/2006;
Madame le Conseiller Rapporteur a donné lecture de son rapport;
Le Ministère Public a été entendu en ses observations;
Les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
L'affaire fut mise en délibéré au 14/8/2006; lequel délibéré a été prorogé aux 25/9/06 et 09/10/06 pour arrêt être rendu le 16/10/06;
Advenue cette date, la Cour Suprême après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes;
LA C O U R
Vu La Loi Organique L.91/008/CTRN du 23 Décembre 1991;
VU l'arrêt n°77 du 21 Mars 2006 rendu par la Cour d'Appel de Conakry;
VU le pourvoi formé contre ledit arrêt;
Ouï Madame Joséphine LAMOU Conseiller Rapporteur;
Ouï les conseils des parties en leurs moyens fins et conclusions;
Ouï le Ministère Public en ses observations;
Vu les pièces du dossier;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant sur le pourvoi formé par requête en cassation reçue au Greffe de la Cour Suprême le 27 Avril 2006 contre l'arrêt n°77 de la Cour d'Appel dans l'affaire de résiliation de contrat de la location, expulsion et paiement de dommages-intérêts opposant Monsieur Aa B A et les Hôtels le Galion le Magellan ayant pour conseil Maître Mounir Mohamed Housein Avocat à la Cour et l'Agence Nationale D'Aménagement des Infrastructures Minières (l'ANAIM) représentée par l'Agent Judiciaire de l'Etat ayant pour conseil Maîtres B.A.O et Ah Ag Af tous deux également Avocats à la Cour
SUR LA RECEVABILITE
Considérant que l'arrêt n°77 a été rendu le 21 Mars 2006;
Que le pourvoi a été formé par requête en cassation reçue au Greffe de la Cour Suprême le 27 Avril 2006;
Que cette requête indique les noms, prénoms et domicile des parties, et contient un exposé sommaire des faits et moyens ainsi que les conclusions du demandeur conformément à l'article 56 de la loi Organique sur la Cour Suprême;
Qu'elle est accompagnée de l'expédition de l'arrêt attaqué; qu'il est joint au dossier autant de copie qu'il y a des parties en cause conformément à l'article 56 de la loi sus-visée;
Considérant que le demandeur a acquitté la caution de 30.000 FG suivant reçu n°B175845 de la BCRG du 28 avril 2006 conformément aux dispositions de l'article 57 de la même loi;
Considérant qu'à l'appui de son pourvoi, le demandeur a produit un mémoire ampliatif déposé le 27 Avril 2006 au Greffe de la Cour Suprême sous le n°322;
Considérant que la signification à la partie adverse a été faite le 27 Avril 2006 avec les mentions des articles 63 et 64 de ladite loi;
Que dès lors il y a lieu de déclarer ce pourvoi recevable en la forme;
Au fond: sur le moyen pris du défaut de base légale résultant du défaut de réponse à conclusions, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de la contrariété des motifs;
Considérant que le demandeur par ce moyen invoque l'article 668 du Code Civil et l'article 76 de l'acte uniforme sur le droit commercial général de l'OHADA qui disposent respectivement ainsi qu'il suit:
- «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise»;
- «Le bailleur ne peut de son seul gré, ni apporter des changements à l'état des locaux à bail ni en restreindre l'usage»
Considérant que selon le moyen, la Cour pour statuer a déclaré que depuis la conclusion du contrat de bail, Monsieur Aa B A n'a pas payé le prix convenu motif pris d'une part que l'ANAIM était devenue un de ses clients qu'elle devait lui payer les loyers des 3 villas non livrées et occupées par ces cadres; et que d'autre part, l'ANAIM lui restait devoir les montants au titre de taxes foncières, de consommation en eau et électricité ainsi que des prestations diverses;
Que Monsieur Aa B A restait devoir à l'ANAIM au titre des arriérés de loyers pour les 15 villas livrées la somme de 116.666.5550 FG;
Qu'en revanche au titre des 3 villas non livrées, il échet de condamner l'ANAIM à payer à Monsieur Aa B A la somme de 41.700.000 FG
Que la Cour en admettant que l'ANAIM n'a livré que 15 villas admet qu'elle pouvait modifier unilatéralement le contrat et en la condamnant à payer le prix des villas non livrées admet que le contrat doit s'appliquer intégralement;
Qu'il y a contrariété, insuffisance et obscurité de motif;
Considérant que le moyen poursuit que le montant de 19.245.000 FG auquel l'ANAIM a été condamnée représentait 4 mois de loyers du 15 Novembre 2002 au 15 Mars 2003;
Qu'au 31 Juillet 2005 les factures des cadres de l'ANAIM s'élevaient à 65.405.000 FG et 134.530.000 FG;
Que le contrat, pour les villas K.U.P, entrait en vigueur le 15 Mai 2003;
Que du 15 Mai 2003 au 31 Juillet 2005 les factures du PIK s'élevaient à 124.900.000 FG;
Que l'arrêt ne s'est pas prononcé sur les factures dues;
Que ses motifs ne permettent pas de savoir pourquoi la Cour d'Appel n'a pris en compte que la période d'occupation allant du 15 Novembre 2002 au 15 Mars 2003 pour les cadres de l'ANAIM;
Que si la Cour considère que l'ANAIM doit le prix des loyers elle doit faire droit à la demande en paiement de l'intégralité des factures dues par elle;
Que de ce fait il y a également défaut de réponse à conclusions et un défaut de motivation;
Que la Cour a méconnu 2 principes: l'intangibilité des contrats et les effets des contrats;
Considérant que toujours selon le moyen, le complexe hôtelier village CBG comporte 19 villas que l'ANAIM a entendu exclure expressément de la location la villa L;
Que si l'ANAIM avait entendu louer 15 villas, elle n'aurait contracté que pour 15 villas comme elle l'a fait pour la villa L;
Qu'en outre, Monsieur B A soutient qu'il supporte le coût d'exploitation de l'ensemble du complexe; eau, courant, entretien, gardiennage, impôts, qu'il aurait payé 19.000.000 FG à ce titre à la Direction Nationale des impôts pour le compte de l'ANAIM sans compter les travailleurs de l'ANAIM qui sont à Ac et qui viennent en mission pour quelques jours à Conakry dont le séjour au 1er Mars 2005 s'élevait à 15.860.000 FG
Qu'à ce jour, il résulte de l'Etat récapitulatif des factures d'eau arrêté au 31 juillet 2005, que l'ANAIM doit à Monsieur B A la somme de 318.262.360 FG; que Monsieur B A doit 180.000.000 FG au titre de loyers arrêtés du 15 Mai 2003 au 15 Août 2005;
Que par compensation, il se dégage un solde de 201.262.360 FG auquel il convient de condamner sous réserve des loyers à échoir de part et d'autre;
Considérant qu'il est établi qu'un contrat de bail à usage commercial signé des 2 parties pour une durée de 10 ans et à raison de 80.000.000 FG de loyer annuel a porté sur 18 villas;
Que sur les 18 villas, l'ANAIM n'a livré que 15 villas;
Mais aussi que depuis la conclusion du contrat Monsieur B A n'a pas versé un centime de loyer convenu à son bailleur l'ANAIM motif pris que l'ANAIM est devenue une de ses clientes et doit lui payer des loyers à titre des 3 villas occupées par ses cadres ainsi que les taxes foncières, la consommation en eau et électricité et des prestation diverses.
Considérant que le contrat de bail est un contrat synallagmatique;
Que le bailleur a l'obligation de livrer la chose louée et le preneur celle d'en payer le prix;
Considérant que le contrat n'a pas été modifié, qu'il y a eu seulement une exécution partielle;
Que l'ANAIM a commis une faute contractuelle qui aurait dû être sanctionnée par la dénonciation par B A ou le refus de poursuivre le contrat de bail;
Que ne l'ayant pas fait Monsieur B A a tacitement accepté le fait;
Considérant que dans le cas d'espèce Monsieur Aa B A n'est pas fondé à s'abriter derrière la non livraison des 18 villas en totalité pour ne pas payer les loyers à l'ANAIM;
Qu'à partir de l'instant ou les 15 villas ont été livrées, B A est tenu d'en payer le prix;
Qu'il est paradoxal que depuis il bénéficie de ces 15 villas au détriment du bailleur qui est l'ANAIM sans rien verser en contrepartie.
Considérant que pour soutenir son moyen, Monsieur Aa B A ne dit pas en quoi l'arrêt querellé manque de base légale résultant du défaut de réponses à conclusion de l'insuffisance, de l'obscurité, ou de la contrariété des motifs;
Considérant que l'arrêt incriminé dans sa partie discussion a étayé largement les faits jusqu'aux motifs qui ont abouti à la compensation entre les 2 parties, tout en visant les textes à propos;
Qu'il y a lieu de noter la mauvaise foi notoire du preneur;
Considérant que l'article 5 du contrat liant les 2 parties définit le loyer et son mode de règlement;
Qu'au point 5.5 dudit contrat il est mentionné qu'à défaut du paiement d'un seul terme du loyer et de la relance du bailleur restée sans effet, nonobstant toute explication par écrit, le bailleur peut entamer la procédure de résiliation de bail sur une simple ordonnance de référé;
Que par ailleurs, s'agissant des impôts et taxes liés à l'exploitation, l'article 10 du même contrat engage le preneur à les payer;
Considérant que les articles 952 et 931 point 2 disposent respectivement comme suit:
Article 952: «un contrat de louage peut prendre fin en cas d'inexécution des obligations créées par le bail, que ce soit par une partie ou par l'autre. C'est au juge qu'il appartient d'apprécier si l'inexécution des obligations de l'une ou de l'autre partie ou même des deux parties est assez grave pour motiver la résolution du contrat»;
Article 931: « le preneur doit payer le prix du bail aux époques convenues»;
Que c'est à juste titre que l'arrêt querellé a visé ces dispositions;
Que dès lors, le moyen de Monsieur A ne saurait prospérer.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et sur requête;
En la Forme: Reçoit le pourvoi de Monsieur Aa B A;
Au Fond: Le rejette parce que non fondé;
Confisque la caution de 30.000 FG au profit du Trésor Public;
Met les dépens à la charge du demandeur;
Dit que le présent arrêt sera publié au bulletin de la Cour Suprême;
Ordonne
sa transcription dans les registres à ce destinés.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour Suprême, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le président, le Conseiller Rapporteur et la Greffière.
SUIVENT LES SIGNATURES
Signé: ILLISIBLE
Enregistré sous les références suivantes
Folio n° 10 Bd n° 0702
Montant: 50.000 FG
Lettre Cinquante Mille FG
Conakry, le 26 Octobre 2006
LE RECEVEUR
Signé: ILLISIBLE
En conséquence la République de Guinée mande et ordonne à tous Huissiers sur ce requis de mettre le présent arrêt à Exécution;
Aux Procureurs Généraux Procureurs de la République près les Cours d'Appel et Tribunaux de Première Instance d'y tenir la main;
A tous Préfets, Sous-préfet et Officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis;
En foi de quoi le présent Arrêt a été signé par nous Maître Andrée CAMARA, Greffière en Chef par Intérim de la Cour Suprême, le Vingt Six Octobre Deux Mil Six.
LA GREFFIERE EN CHEF/PI
Maître Andrée CAMARA
LE RECEVEUR
Signé: ILLISIBLE
SUIVENT LES SIGNATURES
Signé: ILLISIBLE
Enregistré sous les références suivantes
Folio n° 10 Bd n°
Montant: 50.000 FG
Lettre Cinquante Mille
Conakry, le 26 Octobre 2006
LE RECEVEUR
Signé: ILLISIBLE
POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME
Conakry, le 26 Octobre 2006
LE GREFFIER EN CHEF/PI
Maître Andrée CAMARA