Ohadata J-02-148 Voir Ohadata J-02-01 - SAISIE CONSERVATOIRE – PROCES-VERBAL DE SAISIE – ABSENCE D’INDICATION DU SIEGE SOCIAL ET DE LA FORME DE LA SOCIETE CREANCIERE SAISISSANTE – NULLITE DU PROCES-VERBAL (OUI) – ARTICLE 77 AUPSRVE. ADDE : ARTICLE 103 AUPSRVE – ARTICLE 1289 DU CODE CIVIL GABONAIS ANCIEN – ARTICLES 12 ET 438 DU CODE GABONAIS DE PROCEDURE CIVILE. Un procès-verbal de saisie conservatoire n’indiquant pas le siège social ni la forme de la société créancière saisissante doit être déclaré nul en application de l’article 77 AUVE et de la jurisprudence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (avis n° 1/99/JN de la CCJA du 7 juillet 1999, Ohadata J-02-01) sans qu’il soit besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice. (Tribunal de première instance de Port-Gentil, ordonnance de référé n°83/2000-2001 du 1er août 2001, COTRAB et CFG c/ SEB ). ___________________________________________________________________________ REPUBLIQUE GABONAISE ___________ TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE PORT-GENTIL ____________ Ordonnance de référé du 01 Août 2001 Affaire : La Société COTRAB et CFG contre La Société SEB. L’an Deux Mille Un, et le Premier du mois d’Août ; Par-devant Nous, Gaspard OWONO MENIE, vice-président du Tribunal de Première Instance de Port-Gentil, Juge des Référés par délégation du Président du Tribunal, étant en notre Cabinet sis au Palais de justice de ladite ville, où nous étions assisté de Me Christian ATONDA BOUKA, Greffier Civil ; A COMPARU : Par Me MBA ONDO, Avocat au Barreau National, la COTRAB SA, ayant siége social à Port-Gentil ; DEMANDERESSE ; Qui expose que suivant Ordonnance rendue en date du 26 Juillet 2001 par notre Juridiction, la Société Equatoriale des Bois (SEB) a reçu autorisation de pratiquer saisie 1 conservatoire avec dépossession des biens meubles de valeur se trouvant dans l’enceinte de COTRAB, SA ; Que de cette ordonnance, il ressort que doivent être saisis conservés avec dépossession : - 400 grumes se trouvant dans le bassin de stockage de la COTRAB SA 100 colis de sciage 100 colis de contreplaqué 3 minibus de marque Mitsubishi 3 remorqueurs ; Mais que, si tout ce qui représente les produits en stock sont la propriété de COTRAB SA, en revanche, les remorqueurs et les mini-bus sont la propriété de la CFG, propriétaire du fonds de commerce mis en location-gérance ; Que cette ordonnance présente un danger réel pour la poursuite normale des activités de l’usine et de la société, mettant en péril l’emploi de plus de 1.100 personnes en cette période de récession économique et dans une ville qui vient de connaître des mouvements sociaux aux conséquences graves, à cause du chômage ; Que, de plus, étant donné que des dettes croisées entre la SEB et COTRAB SA, pour un moment global de 111.231.729, il n’y a pas péril en la demeure et il n’est pas dans l’intérêt de la SEB, en dépit de son bon droit, de rechercher l’arrêt des activités d’un débiteur sans discernement quant aux risques d’explosion sociale inéluctable ; que, par conséquent, sur la base du principe de la compensation des créances qui s’opèrent de plein droit entre deux sociétés débitrices l’une de l’autre, et de ce fait, la créance de la SEB s’élèverait à 91.789.668 frs ; Qu’au regard de tout ce qui précède, elle souhaite que le Juge des référés prenne acte de ce que la saisie conservatoire a visé abusivement des biens appartenant à la CFG et non à la COTRAB SA, notamment les 3 remorqueurs et les 3 mini-bus ; En conséquence, en ordonner mainlevée partielle ; Prendre acte qu’il n’y a pas lieu à dépossession en application des dispositions de l’article 103 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; Confirmer éventuellement la saisie conservatoire des produits manufacturés ou bruts et désigner la débitrice gardienne sous les expresses réserves de la loi pénale relative aux biens saisis ; Prendre acte de ce que la COTRAB sollicite l’application du principe de la compensation des créances sur le fondement de l’article 1289 du Code Civil Gabonais ancien ; Par des conclusions additionnelles et orales lors des débats, Me MBA ONDO pour la COTRAB SA, soulève l’incompétence du Juge à connaître du litige qui oppose les parties, du fait que la SEB s’était engagée à ne pas poursuivre la CFG/COTRAB sous aucune autre forme que ce soit ; Le Conseil de la COTRAB soulève, par ailleurs, l’incompétence de l’huissier instrumentaire pour défaut de procuration pour agir en lieu et place de Me OBIANG EDZO’O S’agissant des opérations de saisie, Me MBA ONDO soulève, en outre, la nullité de l’acte de saisie, qui n’indique pas du tout la personne qui agit pour la société SEB, d’une part, et l’absence d’indication du siège social et de la forme de la SEB, d’autre part ; 2 En définitive, la COTRAB demande que la saisie pratiquée eu égard à ce qui est susmentionné, soit déclarée nulle et, par conséquent, qu’il soit donné mainlevée ; A EGALEMENT COMPARU : La Société Equatoriale des Bois (SEB), dont siège social à Port-Gentil, ayant pour Conseil Me OGANDAGA Honorine, Avocat au Barreau National ci-après ; DEFENDERESSE ; Qui en réplique fait d’abord observer qu’en application des dispositions de l’article 12 du Code de Procédure Civile, le Juge des référés ne devra se prononcer que sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé. La COTRAB selon elle, n’a développé aucun argument sur sa requête introductive d’instance ; il n’y a donc pas lieu de recevoir d’autres nouvelles demandes en-dehors de celles contenues dans la requête ; Sur le moyen tiré de l’article 103, le Tribunal constate : (a) que cet article laisse au Tribunal l’opportunité de déposséder le débiteur s’il le juge nécessaire ; et ces dispositions ne prévoient aucune nullité emportant mainlevée sur les biens qui auraient été saisis avec dépossession ! Sur le moyen tiré de la propriété des véhicules à la CFG, le tribunal notera que la CFG n’est pas un tiers, dès lors qu’elle est signataire du protocole établi le 26/03/2001 et sur la base duquel la SEB s’est prévalue pour pratiquer saisie. De plus, ce n’est pas COTRAB SA qui est visé dans ce protocole, mais bien COTRAB/CFG ; par conséquent les véhicules ont été régulièrement saisis ; Sur le moyen tiré de l’application du principe de la compensation des créances, cette demande toucherait le fond du débat et ne rentre pas dans le cadre de la compétence du Juge des référés ; Sur le moyen tiré de la confirmation des saisis pratiquées et de la désignation de COTRAB/CFG en qualité de gardienne. La SEB demande qu’il lui soit donné acte de ce que COTRAB/CFG reconnaît le bien-fondé des saisies pratiquées et qu’elle ne s’y oppose pas, mais qu’elle voudrait seulement en être la gardienne. Pour la SEB, si COTRAB/CFG est désignée gardienne, sa créance serait définitivement en péril ; c’est pourquoi au regard des observations qui précèdent, elle demande : A TITRE PRINCIPAL : Le maintien des saisies pratiquées dans leur intégralité jusqu’à paiement total de la créance de SEB ; A TITRE SUBSIDIAIRE : Se déclarer incompétent sur la base de l’article 438 du Code de Procédure Civile ; Et, si le juge estimait devoir ordonner la mainlevée des saisies pratiquées, il devra également garantir la créance de la SEB en exigeant à COTRAB/CFG d’annuler l’ordre donné à BICIG de ne pas payer les traites présentées par la SEB et qu’elle établisse à l’ordre de la SEB un chèque correspondant à la moitié des sommes dues ; SUR QUOI : Nous, Gaspard OWONO MENIE, vice-président du Tribunal de Première Instance de Port-Gentil, Juge de référé par délégation de Monsieur le Président du Tribunal, avons clos les 3 débats et mis l’affaire en délibéré pour notre ordonnance être rendue le 03/08/01 à 17 heures, puis avons prorogé au 06/08/2001 à 17 heures, date à laquelle avons statué ainsi qu’il suit : SUR LES DEMANDES ADDITIONNELLES Attendu que la défenderesse sollicite qu’il soit fait application de l’article 12 du CPC et que soient écartées de la procédure, les demandes additionnelles présentées oralement par la requérante lors des débats ; Attendu que la procédure de référé consacre l’oralité des débats ; que les conclusions écrites ne sont pas obligatoires ; Attendu que le Juge des référés est régulièrement saisi des demandes présentées non seulement dans l’acte introductif d’instance, mais aussi de celles qui sont développées oralement devant lui, à condition toutefois pour celles-ci que l’adversaire ait été présenté ou représenté à l’audience ; que tel étant le cas en l’espèce, il y a lieu d’accueillir favorablement en la forme les demandes additionnelles de la COTRAB/CFG ; SUR LA NULLITE DE LA SAISIE Attendu que la Société COTRAB/CFG soulève la nullité de la saisie pratiquée par la SEB ; qu’elle s’appuie pour cela sur l’absence dans le procès-verbal de saisie, des mentions se rapportant au siège social et à la forme de la société saisissante ; Attendu que l’article 77 de l’acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution énonce que l’acte de saisie doit contenir à peine de nullité : 1°) L’énonciation des nom, prénoms et domicile du débiteur et du créancier saisissant ou, s’il s’agit de personnes morales, leurs dénomination, forme et siège social ; Attendu qu’aux termes d’un avis de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage du 7 juillet 1999, la nullité de l’acte de saisie en cas d’inobservation d’une des mentions prescrites à l’article 77, peut être prononcée même en référé, sans qu’il soit besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice ; Attendu qu’il apparaît des pièces produites aux débats que le procès-verbal de saisie établi par l’huissier instrumentaire, à la requête de la Société Equatoriale des Bois (SEB), créancière, n’indique pas son siège social ni sa forme ; Attendu que l’omission de ces mentions prévues par le point 1 de l’article susvisé entraîne la nullité de la procédure de saisie ; Que la mainlevée de la saisie conservatoire avec dépossession pratiquée doit être ordonnée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de nullité soulevés par la requérante. PAR CES MOTIFS Statuant par ordonnance contradictoire ; AU PRINCIPAL Renvoyons les parties compétente ; à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront devant la juridiction MAIS DES A PRESENT : Vu l’Urgence ; 4 Ordonnons mainlevée de la saisie conservatoire avec dépossession pratiquée le 31 juillet 2001 sur les biens meubles de la Société COTRAB/CFG par la SEB ; Ordonnons l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de la présente décision nonobstant toute voie de recours ; Laissons les dépens à la charge de la défenderesse. Et avons signé avec le Greffier./. ___________________________________________________________________________ Observations de Aa A, Professeur agrégé, Consultant. _____________ Une fois de plus, les juges font une application des textes de l’AUVE prévoyant la nullité des actes de procédures non conformes aux dispositions de cette loi uniforme et ce, en application de l’avis (et non de l’arrêt) de la CCJA n° 1/99/JN du 7 juillet 1999 (Ohadata J02-01). Rappelons que c’est pour mettre un terme aux hésitations et contradictions des jurisprudences nationales antérieures sur la question de la nullité des actes de procédure que l’OHADA a institué cette sanction sévère en cas de violation des conditions de forme exigées pour obtenir le plus grand nombre d’informations exactes sur les parties, l’objet et le montant du litige, la désignation des biens saisis… Il appartient aux plaideurs et à leurs mandataires de justice (avocats, huissiers…) d’y veiller et de s’y plier sauf à courir le risque d’une responsabilité professionnelle. __________ 5