COUR DE CASSATION ARRET N° ASSEMBLEE PLENIERE (RABAT) Audience publique du 25 mars 2022 Président : Mme Af Ae AJ AH Epse. TCHIKAYA, Premier Président
REPUBLIQUE GABONAISE, AU NOM DU PEUPLE GABONAIS
La Cour de cassation, ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu la requête introduite par Me BHONGO MAVOUNGOU A., Avocat au Barreau du Gabon, constitué aux intérêts de la société NZENG BE TRAVAUX PUBLICS, représentée par son Directeur Général, M. A AG Ac, aux fins de rabat de l’arrêt rendu le 24 juillet 2020, par la Chambre pénale de la Cour de cassation, dans le litige qui oppose cette dernière à la Sarl HUAWEI TECHNOLOGIE GABON ;
La requérante invoque à l’appui de sa requête, un moyen unique tiré de l’erreur manifeste de procédure, en ce que, d’une part, l’arrêt querellé a été de nouveau rendu par la Chambre pénale de la Cour de Cassation, alors que, pris dans la même affaire, avec les mêmes parties, et attaqué par les mêmes moyens, il aurait dû être rendu par la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière ; et en ce que, d’autre part, la Chambre pénale a mis fin à l’instance, alors qu’en raison de la question de l’action publique dont elle était saisie, elle se devait, pour son règlement, de renvoyer l’affaire devant les juges du fond ; Sur quoi, la Cour ;
Sur le rapport de M. NGOUALI MOUELI Constantin, Président de la Deuxième Chambre civile, les observations de Mes BHONGO MAVOUNGOU A. et AM C Aj, pour la requérante, celles de Me EYUE BEKALE Gisèle, pour la défenderesse, et les conclusions de M. AI Ai, Procureur Général ; Après en avoir délibéré conformément à la loi : Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt dont le rabat est sollicité, ainsi que des productions, que courant l’année 2011, la société HUAWEI TECHNOLOGIES GABON SARL a falsifié un rapport d’études des sols que la société NZENG BE TRAVAUX PUBLICS, en abrégé NBTP avait réalisé à sa demande, pour l’implantation d’un pylône au quartier AL de Libreville, et l’a utilisé frauduleusement pour implanter un pylône à Lambaréné, alors que depuis 2010 les deux sociétés n’étaient plus en relation d’affaires ;
Renvoyés devant le tribunal correctionnel pour délit de faux en écritures privées, M. Ad X en était déclaré coupable, puis condamné à vingt-quatre (24) mois de prison assortis du sursis, tandis que la société HUAWEI TECHNOLOGIES GABON SARL, civilement responsable, était condamnée à huit-cent millions (800.000.000) F.CFA, de dommages et intérêts ;
Sur appel des deux parties, le montant des dommages et intérêts était ramené à la somme de quarante millions (40.000.000) F.CFA, par arrêt du 15 décembre 2014 ;
Cet arrêt était cassé dans toutes ses dispositions, le 24 juin 2016, par la Chambre pénale ; la cause et les parties étaient renvoyées devant la même Cour d’appel, autrement composée ;
Par arrêt en date du 17 janvier 2019, la Cour d’appel de renvoi portait la condamnation pénale à cinq (5) ans d’emprisonnement ferme, et les dommages et intérêts à la somme de douze milliards (12.000.000.000) F.CFA ;
Saisi d’un nouveau pourvoi, cette fois, par la société HUAWEI TECHNOLOGIES GABON SARL, la Chambre Pénale cassait et annulait, sans renvoi, toutes les dispositions dudit arrêt ;
C’est cet arrêt rendu le 24 juillet 2020, dont le rabat est présentement sollicité par requête de la société NZENG BE TRAVAUX PUBLICS ;
Régulièrement notifiée le 08 décembre 2021 pour le compte de la société HUAWEI TECHNOLOGIES GABON SARL, Me EYUE BEKALE Gisèle conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité de la requête au motif que la condition posée par l’article 33 de la loi organique n°008/2019 du 05 juillet 2019 fixant l’organisation, la composition, la compétence et le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire, pour ouvrir droit à rabat, n’est pas remplie ; qu’en effet, la procédure de rabat d’arrêt n’est admise qu’en cas d’« erreur de procédure non imputable à une partie à la suite d’une erreur de service ; qu’au sens de cette disposition, l’erreur de procédure n’est réalisée que lorsque la déchéance a été prononcée alors qu’il est constant que le mémoire ampliatif a été déposé dans les formes et délais légaux (…) ; que dans le cas d’espèce, toutes les parties ont été entendues et ont régulièrement déposé leurs mémoires respectifs… » ; Subsidiairement, elle conclut au rejet de la requête au motif, d’une part, que pour que le Premier Président de la Cour de cassation saisisse l’Assemblée plénière, le second arrêt doit être rendu dans la même affaire, entre les mêmes parties, et attaqué par les mêmes moyens ; que ces trois conditions ne sont pas remplies ; et d’autre part que, non seulement, l’article 76 de la loi organique n° 008/2019 du 05 juillet 2019, n’est pas applicable en matière pénale, mais elle n’offre à la Cour de cassation qu’une option qui est laissée à son appréciation pour pouvoir statuer au fond ;
Sur quoi, la Cour ; 1°) Sur le rabat d’arrêt sollicité ;
Attendu, d’une part, qu’il résulte des articles 33 et 34 de la loi organique n°8/2019 du 05 juillet 2019 sur l’organisation, la composition, la compétence et le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire, qu’en dépit de l’autorité absolue dont ses arrêts sont revêtus, la Cour de cassation peut rabattre sa décision, s’il apparaît que par suite d’une erreur de procédure, non imputable aux parties, celle-ci ne peut subsister telle qu’elle est ;
Attendu, d’autre part, qu’aux termes des dispositions de l’article 490 du code de procédure pénale, « lorsque, après cassation d’un premier arrêt ou jugement rendu en dernier ressort, le deuxième arrêt ou jugement, rendu dans la même affaire, entre les mêmes parties, est attaqué par les mêmes moyens, le Premier Président de la Cour de cassation saisit l’Assemblée plénière par ordonnance de renvoi » ;
Attendu qu’en soumettant le second arrêt querellé, rendu après cassation, à la censure de la Deuxième Chambre pénale, alors qu’en raison de ce qu’il a été pris dans la même affaire, entre les mêmes parties, et attaqué par un moyen unique qui avait déjà été soulevé pour attaquer le premier arrêt, en l’espèce le manque de motifs, la Cour de cassation a commis une erreur de procédure au sens des dispositions susvisées ; D’où il suit que, sans avoir besoin d’examiner le deuxième argument sur la cassation sans renvoi, qui est surabondant, le moyen est fondé et le rabat sollicité, encouru ; 2°) En conséquence, statuant à nouveau sur le pourvoi de la société HUAWEI TECHNOLOGIES GABON SARL, formé le 24 janvier 2019 :
Sur la recevabilité du mémoire ampliatif :
Vu l’article 438 de la loi n°36/2010 du 25 novembre 2010 portant ancien code de procédure pénale, repris par l’article 463 de la loi n°043/2018 du 05 juillet 2019 portant actuel code de procédure pénale, ensemble, l’article 480 du même code ;
Attendu qu’il résulte de ces textes, d’ordre public et d’interprétation stricte, que le demandeur en cassation doit dans les trente jours suivant sa déclaration de pourvoi, déposer au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, son mémoire contenant ses moyens de cassation ; Que par ailleurs, avant de statuer au fond, la Cour de Cassation recherche si le pourvoi a été régulièrement formé, que si elle estime que les conditions légales ne sont pas remplies, elle rend, suivant les cas, un arrêt d’irrecevabilité ou un arrêt de déchéance ;
Attendu en l’espèce que la déclaration de pourvoi a été faite le 24 janvier 2019 ; que le mémoire ampliatif a été déposé le 10 mai 2019, soit plus de trois (3) mois après la déclaration de pourvoi, en violation des dispositions susvisées qui fixe ledit délai à trente (30) jours ; Que surabondamment, alors que le mémoire aurait dû être déposé au greffe de la Cour d’appel judiciaire de Libreville, en tant que juridiction qui a rendu la décision objet du pourvoi, il a été directement enregistrée au greffe de la Cour de Cassation ;
Attendu qu’en raison du dépôt tardif du mémoire ampliatif ou son dépôt dans un greffe autre que celui qui est prévu par la loi, la Cour de Cassation n’est pas saisie des moyens soulevés et n’a donc pas à les discuter ;
Qu’il y a lieu de déclarer irrecevable, ledit mémoire, et constater par voie de conséquence, la déchéance du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
Dit que la requête de rabat d’arrêt introduite par la société NZENG BE TRAVAUX PUBLICS est recevable ; Rabat l’arrêt querellé, rendu entre les parties le 24 juillet 2020 ; Statuant à nouveau :
Dit que le mémoire ampliatif déposé par la société HUAWEI TECHNOLOGIES GABON SARL, est irrecevable ;
En conséquence, la déclare déchue de son pourvoi ; La condamne aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, ASSEMBLEE PLENIERE, siégeant au Palais de justice de Libreville, en son audience publique du vendredi vingt-cinq mars deux mille-vingt-deux, à laquelle ont siégé : Mme AJ AH Af Ae, épse. TCHIKAYA, Premier Président ; M. NGUEMA ELLA Germain, Président de Chambre, Président ; Mme PASSIKA Brigitte, Président de Chambre, membre ; M. RILO RILOGHE Aristide, Président de Chambre, membre ; M. SIMOST NDOUTOUME Christian Armel, Président de Chambre, membre ; M. NGOUALI MOUELI Constantin, Président de Chambre, membre ; Mme AK Y Ah, épse LEKOGO, Président de Chambre, membre ; M. ODOUNGA AWASSI Dieudonné, Président de Chambre, membre ; Mme B Ag Aa, ép. MBABIRI, Président de Chambre, membre ; M. LAFOUMOU Yves Duval, Président de Chambre, membre ; M. NDONG ABOGHE Pierre, Conseiller, membre ; Mme OLIVEIRA ARETHO Dorothée Flavienne, Conseiller, membre ; Me MEMIAGHE Simon, Greffier en Chef-adjoint ; M. Z Ab Marie, Procureur Général-adjoint ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé après lecture faite par Monsieur le Président de Chambre qui l’a rendu et le Greffier -/-