COUR SUPREME PREMIERE CHAMBRE CIVILE AUDIENCE PUBLIQUE DU 21 OCTOBRE 2021 ARRET N° 84 /GCS.021
(Rejet) AU NOM DU PEUPLE CONGOLAIS
La Cour suprême, première chambre civile, statuant à son audience publique du vingt et un octobre deux mil vingt et un, tenue au palais de justice de Brazzaville, pour vider son délibéré du vingt-trois juillet deux mil vingt et un, a rendu l’arrêt suivant : Sur le pourvoi formé le 20 janvier 2017 par Monsieur C Ah Aa Ag Af, domicilié 6, rue Enclos, 83390, Pujet-ville, France, ayant pour conseil Monsieur Blaise Serge NZOUZI, avocat au barreau de Brazzaville, étude sise boulevard du maréchal Lyautey, OCH Ae X, 2e étage immeuble EBOUREFE, à côté du complexe scolaire les amis de Julien, tél. 22 612 77 94, Brazzaville, y demeurant ; demandeur ; En cassation de l’arrêt n°63 du 15 juin 2016 de la cour d’appel de Brazzaville dans la cause l’opposant à Madame C née A B Ac Aa, ayant pour conseil Madame Léontine Pélagie KATOUKOULOU, avocat au barreau de Brazzaville, y demeurant ; défenderesse ; Le demandeur au pourvoi a invoqué quatre (4) moyens de cassation ; la défenderesse a produit un mémoire en réponse concluant principalement à l’irrecevabilité du pourvoi et, subsidiairement, à son rejet ; Sur quoi, la Cour suprême, première chambre civile, statuant à son audience publique du vingt et un octobre deux mil vingt et un où siégeaient : Henri BOUKA, premier président de la Cour suprême, président ; Jean Romain SOUKOU et Justin MANOTA, juges ; Albert ETOTO-EBAKASSA, premier avocat général près la Cour suprême, tenant le siège du ministère public ; Harvey Staneck MIENANDI, greffier ; Sur le rapport de Monsieur Jean Romain SOUKOU, les conclusions écrites n°193/CL.21 du 19 mars 2021 de Monsieur le premier avocat général Albert ETOTO-EBAKASSA auxquelles il s’est rapporté dans ses observations orales ; et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défenderesse
Attendu que suivant requête du 20 janvier 2017, Monsieur C Ah Aa Ag Af a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt n°63 du 15 juin 2016 de la cour d’appel de Brazzaville dans l’affaire l’opposant à Madame C née A B Ac Aa qui a conclu à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que l’exposé des faits de la cause présenté dans la requête de pourvoi sur deux pages n’est pas sommaire alors que selon l’article 106 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, la requête doit, à peine d’irrecevabilité, contenir un exposé sommaire des faits et des moyens de cassation invoqués ; Mais attendu que l’article 106 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, en prescrivant à peine d’irrecevabilité que la requête de pourvoi en cassation contient un exposé sommaire des faits, fait obligation au demandeur d’en faire un rappel même succinct des faits à l’origine de l’arrêt attaqué ; qu’ainsi, le fait pour le demandeur d’avoir été prolixe, plutôt avantageux pour la Cour, ne saurait constituer un motif d’irrecevabilité du pourvoi ; et attendu, dès lors, que le pourvoi, introduit suivant requête du 20 janvier 2017 qui, outre qu’elle indique les noms et prénoms et les domiciles des parties, est accompagné d’une expédition de la décision attaquée et du récépissé constituant la preuve du paiement de la consignation, contient les moyens de cassation invoqués, est régulier et recevable ; Au fond ; Attendu, selon les énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué (C.A de Bzv. civ. arr. n°63 du 15 juin 2016), que les époux C à savoir Madame C née A B Ac Aa et Monsieur C Ah Aa Ag Af étant en instance de divorce, la cour d’appel de Brazzaville, saisie d’un appel contre l’ordonnance de non conciliation rendue entre les époux par le tribunal de grande instance de Brazzaville, a rejeté l’exception d’incompétence du tribunal de grande instance de Brazzaville soulevée par le mari lequel soutenait que le domicile conjugal était situé en France et au contraire a reconnu la compétence du tribunal de grande instance de Brazzaville à connaître de l’action en divorce introduite par Madame C et renvoyé la cause et les parties devant la susdite juridiction pour épuisement de sa saisine, étant de nationalités différentes et n’ayant plus un domicile commun depuis 17 ans, ce qui ne permet pas de fixer avec exactitude le domicile conjugal à Brazzaville où Monsieur C, domicilié en France, n’est plus revenu ou en France où Madame C, domiciliée à Brazzaville au Congo, ne va plus et dans ces conditions, fait de la juridiction saisie la juridiction compétente pour connaître de l’instance opposant les parties en application de l’article 822 alinéa 3 du code de la famille selon lequel le divorce ou la séparation des corps sont régis par la loi nationale des époux lorsqu’elle leur est commune et, en cas de nationalité différente, par la loi du pays où ils ont leur domicile lors de la présentation de la demande, à défaut de preuve de l’existence d’un domicile commun , par la loi de la juridiction saisie ; Sur le premier moyen de cassation
Attendu que le moyen est libellé comme suit :
« l’article 142 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière dispose article 142 : pour le jugement de l’affaire, le juge doit prendre en considération tous les faits résultant des débats, même s’ils ne sont spécialement invoqués par les parties, il doit restituer aux faits et aux actes leur qualification juridique ; il doit dire quels faits sont établis et en tirer les conséquences juridiques ; les juges du ²fond ont motivé leur décision en ces termes : considérant qu’il résulte de ce qui précède que depuis leur séparation de fait en 1999 soit 17 ans aujourd’hui, le sieur C est rentré en France où il est domicilié à ce jour tandis que dame C est demeurée à Brazzaville où elle est domiciliée jusqu’à ce jour ; cette situation de fait ne peut permettre d’affirmer avec exactitude que le domicile des époux est en France ou à Brazzaville au Congo ; qu’en d’autres termes, la preuve de l’existence d’un domicile commun des époux C est difficile à établir ; que l’on ne saurait fixer ce domicile à Brazzaville où le sieur C ne vit plus et n’est plus revenu depuis 17 ans aujourd’hui ; les seconds juges ont dénaturé les faits d’où la qualification juridique inadéquate sur l’inexistence d’un domicile commun des époux ;le demandeur au pourvoi a été très explicite sur le fait que compte tenu des événements survenus à Brazzaville, à partir de Pointe-Noire, les époux C sont rentrés en France ; ils ont momentanément occupé leur propriété sise 83510 Lorgues, quartier les Mourres avant de la vendre ; après cette vente et avant de s’installer au 6, rue enclos 83390, Pujet-ville, France, les époux ont loué un appartement sis 1703 route de Janas 83500 la Seyne s/m, puis à Carnoules dans le Var(les Espérous Val Ad) ; c’est à partir de la France que la défenderesse au pourvoi est revenue seule s’installer d’abord au n°6, avenue Bayardelle, centre-ville, puis à la cité de l’OMS Brazzaville contrairement à l’affirmation des seconds juges qui consiste à soutenir qu’elle serait demeurée à Brazzaville depuis 1999 ; pour s’en convaincre, la motivation incriminée est libellée ainsi qu’il suit : considérant qu’il résulte de ce qui précède que depuis leur séparation de fait depuis 1999, soit 17 ans aujourd’hui, le sieur C est rentré en France où il est domicilié tandis que dame C est demeurée à Brazzaville où elle est domiciliée jusqu’à ce jour » ; dès lors, il est clair que l’arrêt attaqué n’a pas restitué aux faits et aux actes leur qualification juridique ; en conséquence de ce fait, pour avoir violé les dispositions de l’article 142 du code de procédure civile précité, l’arrêt attaqué encourt cassation » ; Mais attendu que le moyen doit être énoncé en des termes clairs et précis, indiquer la partie critiquée de la décision attaquée, ce en quoi celle-ci encourt le grief allégué et, par ailleurs, ne viser qu’un seul cas d’ouverture à cassation ; qu’ainsi, le moyen qui reproche à la cour d’appel d’avoir à la fois entaché sa décision d’un défaut de base légale et dénaturé les faits, est complexe et ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen en ses deux branches et le troisième moyen réunis Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel d’avoir, pour justifier la compétence du tribunal de grande instance de Brazzaville, 1°/ retenu qu’on ne saurait fixer le domicile des époux C à Brazzaville où Monsieur C ne vit plus et n’est plus revenu depuis 17 ans ou en France où Madame C, domiciliée à Brazzaville au Congo, ne va plus et qu’ainsi, à défaut de l’existence d’un domicile conjoint des époux, la loi applicable est celle de la juridiction saisie alors que selon l’article 106-1° du code de la famille, la femme mariée est domiciliée au domicile de son mari ou dans celui qui a été choisi d’un commun accord sauf autorisation judiciaire de domicile séparé et qu’en l’espèce, les époux ayant décidé d’aller vivre en France, le tribunal compétent est celui du lieu de leur domicile sis 6, rue Enclos, 83390, Pujet-ville en France ; 2°/ ignoré dans la motivation de la décision attaquée de faire application de l’article 171 alinéa 1 du code de la famille selon lequel la résidence de la famille est le lieu que les époux choisissent d’un commun accord ; faute d’accord, le lieu est choisi par le mari ; dans ce dernier cas, la femme est obligée d’habiter avec le mari et il est tenu de la recevoir ; selon le moyen, les époux C ayant choisi de vivre en France, n°6 de la rue Enclos, 83390, Pujet-ville où vit la fille adoptive des époux Ab C, la juridiction compétente est celle de cette résidence et 3°/ retenu la compétence du tribunal de grande instance de Brazzaville alors que selon l’article 1er de la loi n°51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, en matière de divorce, l’action doit être portée devant le tribunal du domicile conjugal qui, en l’espèce, est celui choisi de commun accord par les époux C sis 6, rue Enclos, 83390 Pujet-ville en France ; Mais attendu que la cour d’appel qui a retenu que les époux C qui, étant de nationalités différentes, Madame A B Ac Aa de nationalité néerlandaise et Monsieur C Ah Aa Ag Af de nationalité française, vivant séparés de fait depuis plus de dix-sept ans, Madame A B Ac Aa au Congo-Brazzaville et Monsieur C Ah Aa Ag Af en France, sans aucune fréquentation entre les deux et que l’on ne saurait fixer le domicile conjugal à Brazzaville où Monsieur C ne vit plus et n’est plus revenu ou en France où Madame C, domiciliée à Brazzaville, ne va plus et que dans ces conditions, la loi applicable en l’espèce est la loi du pays de la juridiction saisie a fait en la cause une souveraine appréciation des faits de la cause et des éléments du dossier conforme à l’article 822 alinéa 3 du code de la famille qui dispose que le divorce ou la séparation des corps sont régis par la loi nationale des époux lorsqu’elle leur est commune et, en cas de nationalité différente, par la loi du pays où ils ont leur domicile lors de la présentation de la demande, à défaut de preuve de l’existence d’un domicile commun, par la loi de la juridiction saisie et ainsi a légalement justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le quatrième moyen de cassation
Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel, pour justifier la compétence du tribunal de grande instance de Brazzaville, de s’être bornée à se fonder sur l’article 822 alinéa 3 du code de la famille selon lequel le divorce ou la séparation des corps sont régis par la loi nationale des époux lorsqu’elle leur est commune et, en cas de nationalité différente, par la loi du pays où ils ont leur domicile lors de la présentation de la demande, à défaut de preuve de l’existence d’un domicile commun, par la loi de la juridiction saisie, sans viser les articles 106-1° et 171 du code de la famille qui fixent le domicile conjugal, entachant ainsi sa décision d’une insuffisance de motifs ; Mais attendu que la cour d’appel qui a revendiqué la compétence de la loi congolaise après une libre et souveraine appréciation des faits de la cause et des éléments du dossier, en l’occurrence l’article 822 alinéa 3 du code de la famille qui dispose que le divorce ou la séparation des corps sont régis par la loi nationale des époux lorsqu’elle leur est commune et, en cas de nationalité différente, par la loi du pays où ils ont leur domicile lors de la présentation de la demande, à défaut de preuve de l’existence d’un domicile commun, par la loi de la juridiction saisie n’avait plus à viser les articles 106-1° et 171 du code de la famille ; qu’ainsi, le moyen ‘est pas fondé ; PAR CES MOTIFS En la forme ; Déclare recevable le pourvoi formé par Monsieur C Ah Aa Ag Af contre l’arrêt n°63 du 15 juin 2016 de la cour d’appel de Brazzaville ; Au fond ; Le rejette ;
Dit que la somme de dix-mille (10.000) francs consignée au greffe de la Cour suprême à peine de déchéance du pourvoi est acquise de plein au trésor public à titre d’amende ; Condamne Monsieur C Ah Aa Ag Af aux dépens ; Ainsi dit, fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, première chambre civile, à son audience publique du vingt et un octobre deux mil vingt et un où siégeaient : Henri BOUKA, Premier président de la Cour suprême, président ; Jean Romain SOUKOU et Justin MANOTA, juges ; Albert ETOTO-EBAKASSA, Premier avocat général près la Cour suprême tenant le siège du ministère public ; Harvey Staneck MIENANDI, greffier ; En foi de quoi, le présent arrêt a été, après lecture faite, signé par Monsieur le Premier président qui l’a prononcé, le juge rapporteur et le greffier les jour, mois et an que dessus/- Henri BOUKA Jean Romain SOUKOU
Harvey Staneck MIENANDI