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25/09/2024 | CEDEAO | N°ECW/CCJ/JUD/31/24

CEDEAO | CEDEAO, Cour de justice de la communauté des etats de l'afrique de l'ouest, 25 septembre 2024, ECW/CCJ/JUD/31/24


Texte (pseudonymisé)
COMMUNITY COURT OF JUSTICE, ECOWAS
2 COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
Nesm TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE, CEDEAO
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO)
Z C Af AG
C
LA REPUBLIQUE DU TOGO
Affaire N.° ECW/CCJ/APP/35/22/REC - Arrêt N.° ECW/CCJ/JUD/31/24
ARRÊT
X
Le 25 septembre 2024
Plot 1164 Ai Ah Am, Gudu District, X Ag.
AFFAIRE N.° ECW/CCJ/APP/35/22/REC
ARRÊT N.° ECW/CCJ/JUD/31/24
ENTRE
JEAN-PAUL EDOH NUNYAVA ORMOLOU REQUERANT


ET
LA REPUBLIQUE DU TOGO DEFENDERESSE
COMPOSITION DE LA COUR
Hon. Juge Gberi-Bè OUATTARA - ...

COMMUNITY COURT OF JUSTICE, ECOWAS
2 COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
Nesm TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE, CEDEAO
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO)
Z C Af AG
C
LA REPUBLIQUE DU TOGO
Affaire N.° ECW/CCJ/APP/35/22/REC - Arrêt N.° ECW/CCJ/JUD/31/24
ARRÊT
X
Le 25 septembre 2024
Plot 1164 Ai Ah Am, Gudu District, X Ag.
AFFAIRE N.° ECW/CCJ/APP/35/22/REC
ARRÊT N.° ECW/CCJ/JUD/31/24
ENTRE
JEAN-PAUL EDOH NUNYAVA ORMOLOU REQUERANT
ET
LA REPUBLIQUE DU TOGO DEFENDERESSE
COMPOSITION DE LA COUR
Hon. Juge Gberi-Bè OUATTARA - Président
Hon. Juge Sengu Mohamed KOROMA- Membre
Hon. Juge Ricardo Cléudio Monteiro GONÇALVES - Membre/Rapporteur
ASSISTÉS DE :
Dr. Ab B - Greffier en chef
REPRESENTATION DES PARTIES
Maître Darius Totekpo-Mawu Kokou Atsoo - Avocat du requérant
Monsieur le Garde dès Sceaux - Avocat de la défenderesse 1. Cet arrêt de la Cour est rendu en audience publique virtuelle,
conformément à l'article 8 (1) des Instructions Pratiques sur la
Gestion Électronique des Affaires et des Audiences Virtuelles de
la Cour de 2020.
II. LES PARTIES
2. Le requérant est Monsieur Aj An C Af
AG, né le … … … à Lomé, Togo, technicien en
génie civil, demeurant à Lucerne, Suisse.
3. La défenderesse est la République du Togo, État membre de la
CEDEAO.
4. La présente affaire est une demande de rectification de l'arrêt N.°
ECW/CCI/JUD/02/24 du 30 janvier 2024, rendu par la Cour de
justice à la suite d'une requête de Aj An C Af
AG pour violation de ses droits contre l'Etat du Togo.
Considérant que la Cour de Justice n'a pas tiré toutes les
conséquences des violations de ses droits constatées dans l'arrêt,
Aj An C Af AG a introduit une demande
de rectification de cet arrêt et a demandé à la Cour de Justice de
faire droit à ses demandes en ordonnant de nouvelles mesures, à
savoir sa libération immédiate.
5. La défenderesse, la République togolaise, ayant soulevé une
exception d'irrecevabilité de l'action, pour une remise en cause de l’autorité de la chose jugée, demande à la Cour de rejeter la
requête comme non fondée. Et, reconventionnellement, dire que
l’action du requérant constitue un abus et le condamner à payer à
la défenderesse la somme de cinquante millions (50 000 000) de
Francs CFA à titre de dommages-intérêts ;
IV. PROCEDURE DEVANT LA COUR
6. Le 29 février 2024, le Greffe de la Cour a enregistré la demande
de rectification de l'Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/02/24, du 30
janvier 2024, introduite par Aj An C Af
AG.
7. Le même jour (29 février 2024), la demande a été notifiée à la
République togolaise.
8. Le 19 mars 2024, la République togolaise a déposé au greffe de
la Cour une exception d'irrecevabilité de la demande de
rectification de l'Arrêt N.° ECW/CCI/JUD/02/24 du 30 janvier
2024 et un mémoire en défense au fond.
9. Le 20 mars, le Greffe de la Cour a transmis au requérant les
observations écrites de l'Etat togolais.
10.Le requérant n'a pas déposé des observations écrites à la suite de
cette notification.
11.Les parties ont été entendues lors d'une audience virtuelle, qui
s’est tenue le 08 juillet 2024, au cours de laquelle elles ont
formulé leurs observations orales sur le fond de l'affaire. Le
procès était prévu pour le 27 septembre 2024, après délibération
du collège des juges.
V. LES ARGUMENTS DU REQUERANT
a. Résumé des faits
12.Le requérant soutient que la compétence de la Cour est fondée sur l'article
63 du Règlement, ainsi que sur sa jurisprudence. Il fait référence à l'Arrêt
N.° ECW/CCJ/JUD/ 16/2022 (Al Aa Ad c. Etat du
Sénégal), où la Cour s'est déclarée compétente pour rectifier des erreurs
administratives, de calcul ou des omissions de statuer, conformément aux
articles 63 et 64 du Règlement. Par conséquent, il demande à la Cour de se
déclarer compétente pour statuer sur la demande de rectification.
13.L'arrêt que le requérant cherche à rectifier a reconnu la compétence de la
Cour pour les requêtes relatives à la période à partir de 2021, sur la base de
l'article 9 (4) du Protocole Additionnel.
14.Le requérant souligne que, conformément à l'article 63 du Règlement de la
Cour, une demande en rectification doit être présentée dans un délai d'un
mois à compter du prononcé de l'arrêt. L'arrêt dont la rectification est
demandée a été rendu le 30 janvier 2024; la requête ayant été introduite
dans le délai imparti est donc recevable.
15.Dans son Arrêt du 30 janvier 2024, la Cour a reconnu qu'il y a eu violation
des articles 5, 16 et 6 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples.
16.Le requérant soutient que, bien que la Cour ait reconnu ces violations, elle
n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour y remédier, et qu'il y a donc
une inexactitude.
17.Le requérant invoque l'article 6 de la Charte africaine, qui garantit le droit
à la liberté et à la sécurité de la personne, en interdisant la détention
arbitraire.
18.11 invoque la jurisprudence de la Cour de la CEDEAO, qui ordonne
généralement la libération immédiate en cas de détention arbitraire. À titre
d'exemple, on peut citer les affaires Ao Ap Ak Ac c.
République de Côte d'Ivoire (26 avril 2021) et Ae Aq et autres c.
République du Togo (30 novembre 2023), dans lesquelles la Cour a
ordonné la libération immédiate des détenus.
19.Le requérant soutient qu'en n'ordonnant pas sa libération, bien qu'elle ait
reconnu la violation de son droit à la liberté, la Cour a commis une
inexactitude qui doit être corrigée.
20.Le requérant soutient que la Cour a reconnu la violation de l'article 5 de la
Charte africaine, qui interdit la torture et les traitements cruels. Cependant,
la Cour n'a pas ordonné des mesures appropriées pour que les auteurs de
ces actes soient poursuivis et punis, comme demandé dans la requête
introductive.
21.Dans des affaires antérieures, telles que Ae Aq et autres c. République
du Togo, la Cour a ordonné des enquêtes pour poursuivre les auteurs d'actes
de torture. Le requérant considère qu'une telle omission, dans son cas, est
une inexactitude.
22.Le requérant soutient qu'en le maintenant en détention, la Cour permet qu'il
soit jugé sur la base de déclarations obtenues par la torture, en violation de
l'article 15 de la Convention contre la Torture, qui interdit l'utilisation de
déclarations obtenues par la torture comme éléments de preuve.
23.Par conséquent, le fait que la Cour n'ait pas ordonné la libération du
requérant constitue une inexactitude qui doit être corrigée.
24 Dans son Arrêt, la Cour a reconnu la violation de l'article 16 de la Charte
africaine, qui garantit le droit à la santé physique a. et mentale 25.La Cour observe que le requérant souffre d'une maladie qui nécessite des
soins spécialisés, lesquels n'ont pas été fournis par l'Etat togolais.
Cependant, l'environnement carcéral dans lequel il se trouve ne lui permet
pas de recevoir de tels soins adéquats.
26.Le requérant soutient qu'en n'ordonnant pas sa libération, malgré la
constatation de la violation de son droit à la santé, la Cour a commis une
inexactitude qui doit être corrigée.
27.Le requérant soutient que la Cour, en n'ordonnant pas de mesures pour
mettre fin aux violations reconnues dans l'Arrêt du 30 janvier 2024, a
commis des inexactitudes évidentes. Ces inexactitudes, selon le requérant,
comprennent l'absence de libération immédiate, l'absence de responsabilité
pour les actes de torture et l'absence de mesures adéquates pour garantir le
droit à la santé. Le requérant demande que ces inexactitudes soient
corrigées par une rectification de l’Arrêt.
b. Moyens de droit
28.Le requérant a fondé ses allégations sur les dispositions
suivantes :
- articles 5, 6 et 16 de la Charte Africaine des Droits de l’Hommes et des Peuples ;
- article 63 du Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO.
c. Conclusions
29. Le requérant demande à la Cour de :
- Se déclarer compétente pour connaître de l'affaire ;
- Déclarer la requête en rectification recevable ;
- Constater les inexactitudes évidentes ci-dessus relevées, en procédant à
leur rectification, conformément à l'article 63 du Règlement de la Cour de
Justice de la CEDEAO.
- Ordonner à l’État du Togo de procéder immédiatement et sans attendre à
la libération de Monsieur Z C Af AG.
- Enjoindre à l’État Togolais de prendre toutes les mesures idoines,
urgentes et nécessaires pour que les présumés auteurs d’actes de torture,
des autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants dont a été
victime Monsieur AG, soient, ensemble avec leurs complices et
commanditaires, poursuivis et punis conformément aux lois en vigueur.
- Procéder, comme indiqué à l’article 63, qui dispose que : « La minute de
l’ordonnance qui prescrit la rectification est annexée à la minute de l’arrêt
rectifié. Mention de cette ordonnance est faite en marge de la minute de
l'arrêt rectifié ».
VI. LES ARGUMENTS DE LA DEFENDERESSE
a. Résumé des faits
30.Dans le cadre de sa défense, la défenderesse a rappelé que le 04
août 2022, le requérant a saisi la Cour de Céans pour voir
constater les violations des droits de l’homme dont il avait été
victime de la part de la République togolaise. Parmi les demandes
figuraient la libération immédiate du requérant, prise des
dispositions en vue de la poursuite des auteurs des actes de torture
sur sa personne et condamner le défendeur au paiement de
dommages-intérêts.
31.Attendu que par arrêt N.° ECW/CCI/JUD/02/24 du 30 janvier
2024, la Cour de Céans n’a pas fait droit à toutes les demandes
formulées par le requérant ; Le requérant demande maintenant à
la Cour de rectifier cet Arrêt sur la base de prétendues
inexactitudes.
32.La requête du requérant a pour fondement l'article 63 (1) du
Règlement de la Cour, qui permet la correction d'erreurs écrites,
de calcul ou d'inexactitudes évidentes. Cependant, le
défenderesse soutient que la requête ne relève pas de ces
catégories car il n'y a pas d'erreurs importantes à corriger. Ce que
le requérant demande en réalité, c'est une révision du fond de
l'Arrêt, ce qui n'est pas permis dans le cadre d'une demande de
rectification.
33.La défenderesse précise que les inexactitudes, selon le
dictionnaire et la jurisprudence, renvoient à des erreurs purement
matérielles, telles que des erreurs de frappe ou de calcul, et non à
des erreurs judiciaires. Seules ces erreurs matérielles peuvent être
corrigées, tandis que les erreurs judiciaires relatives au fond de la
décision doivent être contestées par des recours spécifiques.
34.En l'espèce, l'Arrêt du 30 janvier 2024 ne contient pas
d'inexactitudes ou d'erreurs matérielles justifiant une
rectification. En outre, le requérant a lui-même affirmé qu’il
entend démontrer que la Cour n’a pas tiré toutes les conséquences
des violations constatées ; Pour la défenderesse, cette allégation ne constitue pas une inexactitude, mais plutôt une tentative de
réouverture de la procédure, ce qui est inadmissible.
35.La défenderesse souligne que le rejet de certaines demandes du
requérant dans l’Arrêt ne constitue pas une inexactitude
susceptible d'être rectifiée, conformément à l’article 63-1 du
Règlement de Procédure de la Cour de céans; La Cour a déjà
répondu et tiré toutes les conséquences des violations constatées,
notamment en ordonnant le paiement de 12 500 000 francs CFA,
à titre de de dommages intérêts.
36.Citant un principe de droit procédural, la défenderesse rappelle
que « la rectification ne saurait constituer un recours mettant en
cause l'autorité de la chose jugée ». Ainsi, la demande du
requérant n'est pas une rectification, mais une remise en cause de
l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu, qui ne
s’inscrit pas dans l’exercice des voies de recours légalement
admises (opposition, tierce opposition, révision) ;
37.L'Arrêt ne contient aucune inexactitude et l’objet de la requête
du requérant est une remise en cause de l’autorité de la chose
jugée attachée à l’arrêt du 30 janvier 2024. La requête du
requérant comme non fondée car elle ne s’inscrit pas dans le cadre
de l’article 63-1 du Règlement de Procédure de la Cour de Céans 38.La défenderesse conclut que l'action du requérant est fantaisiste,
abusive et vexatoire, elle n’est fondée sur aucun élément légal ;
La demande constitue une remise en cause de l’autorité de la
chose jugée attachée à l'arrêt, ce qui signifie un acharnement
judiciaire contre la République togolaise.
39.Attendu que de par cette action fantaisiste, la défenderesse a été
contrainte de solliciter les services d’un Conseil et a subi des
préjudices réels et certains qui méritent réparation ;
. Moyens de droit
40. La défenderesse a fondé ses allégations sur les dispositions
suivantes :
Le Protocole (A/P1/7/91, article 19.2) ;
L'article 63 du Règlement de la Cour de Justice de la CEDEAO.
41. La défenderesse demande à la Cour de :
Constater que la requête introduite par le sieur AG Aj An tend
à remettre en cause l’arrêt N.° ECW/CCJ/JUD/02/24 du 30 Janvier 2024 ;
Constater que l’objet de la demande ne s’inscrit pas dans le cadre de la
rectification prévue par l’article 63-1 du Règlement de procédure de la
Cour ;
Déclarer la requête irrecevable et la rejeter comme non fondée ;
- À titre subsidiaire, condamner le requérant à lui payer la somme de
cinquante millions (50.000.000) de francs CFA pour abus de procédure ;
- Condamner le requérant aux entiers dépens.
VII. SUR LA COMPÉTENCE
42. L'article 63-1 du Règlement de la Cour de justice dispose que : «
Sans préjudice des dispositions relatives à l’interprétation des
arrêts, les erreurs de plume ou de calcul ou des exactitudes
évidentes peuvent être rectifiées par la Cour, soit d’office, soit à
la demande d’une partie à condition que cette demande soit
présentée dans un délai d’un mois à compter du prononcé de
l’arrêt ».
43. La Cour, qui a statué sur le pourvoi principal reste, en principe,
compétente pour connaître de la requête en rectification de l'arrêt
rendu, conformément à l'article 63 du Règlement.
44. La présente action a été introduite et qualifiée par le requérant
comme étant une demande de rectification de l'Arrêt N.°
ECW/CCI/JUD/02/24, du 30 janvier 2024.
45.La Cour constate que la demande de rectification a été déposée le
29 février 2024, soit un mois après le prononcé de l'arrêt ; elle a
donc été déposée dans le délai légal prévu à l'article 63,
paragraphe 1, du Règlement.
46.La Cour est donc compétente pour connaître de l'affaire du
requérant. La question c’est de savoir s'il s'agit bien d'un cas de
rectification, analyse qui ne devrait pas être faite dans le cadre de la compétence et qui méritera donc l'attention de la Cour lors de
l'examen de la recevabilité.
VIII. SUR LA RECEVABILITÉ
a) VII. Arguments de la défenderesse
47.En l'espèce, la défenderesse a soulevé un moyen et a demandé à
la Cour de Céans de statuer sur celui-ci avant tout débat sur le
fond.
48. À l'appui de sa demande, elle indique qu’il ressort du dispositif
de cet arrêt que la Cour de Céans a répondu à toutes les demandes
formulées par le requérant dans sa requête initiale en déclarant
certaines demandes bien fondées et en rejetant comme non
fondées les autres demandes ;
49. La Cour rappelle que, dans ladite demande dite de rectification,
le requérant lui demande d'ordonner les mesures incluses dans sa
requête introductive d'instance, qui a abouti à l'arrêt du 30 janvier
2024.
50. Pour l'Etat défendeur, que la Cour de Céans, ayant déjà répondu
à ces demandes dans son arrêt du 30 janvier 2024, il y a autorité
de la chose jugée qui empêche ou interdit aux parties de
renouveler devant le Juge le différend qui a été déjà tranché ; que
c’est contre toute logique judiciaire et surtout en violation du
principe de l’autorité de chose jugée que le requérant tente par le
biais d’une requête en rectification de remettre en cause l’arrêt
déjà rendu par la Cour de Céans alors que les seules voies de
recours prévues sont l’opposition, la tierce opposition, la 51.11 considère que la requête introduite par le requérant n’est pas à
proprement parler une rectification mais contient des demandes
qui tendent à remettre en cause l’arrêt du 30 janvier 2024.
52. Il souligne que le requérant lui-même a affirmé dans la requête
ce qui suit « Au regard de ce qui précède, le requérant entend
démontrer que la Cour n’a pas tiré toutes les conséquences des
violations constatées » (confère requête du requérant, page 4,
N 11) ce qui prouve à merveille qu’il s’agit d’une voie de recours
exercée par le requérant tendant à remettre en cause la décision
déjà rendue .
53. Il rappelle que la jurisprudence de la Cour de Céans est constante
dans ce sens car chaque fois qu’une demande tend à remettre en
cause un arrêt déjà rendu, cette requête est irrecevable . À cet
effet, il invoque les Arrêts N.° ECW/CCI/JUD/05/15du 23 avril
2015 : dans l'affaire Georges Constant A c/ L'Etat du
Bénin et N.° ECW/CCJ/JUD/08/15 du 24 avril 2015: dans
l'affaire GNASSINGBE KPATCHA & Autres c/ L'Etat du Togo.
54. La défenderesse déclare que, dans le cadre de la présente
procédure, il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est par pure
imagination que le requérant se réfugie derrière l’article 63 du
règlement de Procédure de la Cour pour tenter de remettre en
cause l’arrêt déjà rendu car la procédure prévue par ce texte
consiste simplement à faire rectifier les erreurs de plume ou de
calcul ou des inexactitudes sans revenir sur une demande déjà
formulée et tranchée par la Cour .
55.Elle souligne que la présente procédure n’est pas en soi une
requête aux fins de rectification mais une remise en cause de
l’arrêt déjà rendu, ce qui constitue une violation flagrante du
principe de l’autorité de la chose jugée prévue par l’article 19-2 du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la
Communauté, CEDEAO.
56. Le requérant n'a produit aucun document relatif à l'exception
soulevée.
57. Avant de statuer sur l'exception elle-même, la Cour doit se
prononcer sur la recevabilité du mémoire exceptionnel dans
lequel la défenderesse sollicite que la Cour de Céans statue sur
cette fin de non-recevoir avant tout débat au fond ;
Analyse de la Cour
58. L'article 87 du Règlement de la Cour dispose : « /. Si une partie
demande que la Cour statue sur une exception ou un incident
sans engager le débat au fond, elle présente sa demande par acte
séparé.
2. La demande contient l'exposé des moyens de fait et de droit sur lesquels
elle est fondée, les conclusions et, en annexe, les pièces invoquées à
3. Dès la présentation de l'acte introduisant la demande, le président fixe
un délai à l’autre partie pour présenter par écrit ses moyens et conclusions.
4. Sauf décision contraire de la Cour, la suite de la procédure sur la
demande est orale.
5. La Cour statue, les parties entendues, sur la demande ou réserve sa
décision au jugement définitif. Si la Cour rejette la demande ou la joint au
fond, le président fixe de nouveaux délais pour la poursuite de l'instance. »
59.La Cour rappelle qu'il résulte de cette disposition qu'elle ne peut
statuer sur un moyen, sans entrer dans l'affaire au principal, si cette demande est introduite par l'une des parties et si elle remplit
les conditions de recevabilité prévues à l'article 87.
60.La Cour observe qu'en l'espèce, la défenderesse a déposé une
demande par acte séparé, dans lequel il sollicite à la Cour de
statuer sur l'exception d'irrecevabilité de la requête avant tout
débat au fond ; qu'elle a exposé dans cette requête les motifs
qu'elle invoque.
61.La Cour observe, en outre, que l'exception soulevée par l'État
défendeur a été dûment notifiée au requérant, lui donnant ainsi la
possibilité de répondre conformément aux dispositions de l'article
87 (3). Les formalités requises ont donc été respectées, bien que
le requérant n'ait pas présenté d'observations écrites sur ce point.
La Cour conclut donc que les conditions prévues à l'article 87
sont remplies et que le mémoire de l'État défendeur doit être
déclaré recevable. La Cour considère également que la demande
de l'État de statuer sur l'exception d'irrecevabilité, avant tout
débat au fond, est justifiée, bien qu'en l'espèce, la défenderesse
ait présenté un mémoire en défense au fond.
62.S'agissant maintenant de la question de l'irrecevabilité de la
requête du requérant, la Cour note que, dans sa demande de
rectification, le requérant demande que les mesures suivantes
soient prises pour rectifier l'arrêt du 30 janvier 2024 :
« Ordonner à l’État du Togo de procéder immédiatement et sans attendre, à
la libération sans condition de Monsieur Z C Af
AG ;
,
Enjoindre à l'État Togolais de prendre toutes les mesures idoines, urgentes et
nécessaires pour que les présumés auteurs d’actes de torture, des autres
Monsieur AG Soient, ensemble avec leurs complices et
commasditaires, poursuivis et punis conformément aux lois en vigueur.
Procéder comme il est indiqué à l'article 63. qui dispose que : « La minute de
l'ordonnance qui prescrit la rectification est annexée à la minute de l'arrêt
rectifié. Mention de cette ordonnance est faite en marge de la minute de l’arrêt
rectifié ».
63. La Cour considère qu’ en l'espèce, le requérant n'exige pas la
correction d'erreurs matérielles ou d'inexactitudes manifestes,
prétendument contenues dans son arrêt du 30 janvier 2024, mais
qu'il ordonne des mesures qu'il avait demandées, mais qu'il
n'avait pas obtenues dans la procédure initiale, ce qui amène le
requérant à affirmer que la Cour n'a pas tiré toutes les
conséquences des violations constatées.
64.La Cour précise qu'un recours en rectification d'erreurs
matérielles (erreurs de plume ou de calcul) ou d'inexactitudes est
une demande de rectification d'une décision lorsque celle-ci
contient une erreur de procédure, telle qu’un oubli ou une
imperfection de la rédaction ne touchant pas le fond du litige ;
Que l'erreur ou l'inexactitude doit résulter d'une inadvertance,
d'une erreur d'expression ou de rédaction, c'est-à-dire d'un acte
non intentionnel du juge ; Qu'en outre, la rectification ne doit pas
avoir pour effet de remettre en cause le principe de l'autorité de
la chose jugée des décisions judiciaires ; Qu'elle ne doit pas avoir
pour objet de modifier les mesures ou sanctions appliquées.
65. La Cour constate que le requérant ne se prévaut d'aucune erreur
ou inexactitude contenue dans l'arrêt du 30 janvier 2024. Le
requérant ne souligne aucun élément de l’arrêt, qui constitue une
erreur ou une inexactitude. La demande du requérant a plutôt
pour objet de solliciter à la Cour d'ordonner les mesures
demandées mais non accordées lors de la procédure initiale et de
les inclure dans l'arrêt du 30 janvier 2024.
66.Or, une telle demande ne vise nullement à être une rectification,
mais plutôt à demander à la Cour de statuer à nouveau sur une
affaire dans laquelle elle a déjà rendu un arrêt, lequel a l'autorité
de la chose jugée, l'intention du requérant étant, en fait, de
remettre en cause la décision rendue, obligeant la Cour à ajouter
des mesures qui n'ont pas été ordonnées.
67. Dans l'arrêt du 30 janvier 2024, la Cour a statué sur les
prétentions du requérant. Le fait qu'elle n'ait pas ordonné
certaines mesures après avoir constaté une violation des droits du
requérant ne saurait constituer une inexactitude et encore moins
une erreur matérielle. La Cour a exposé les arguments sur la base
desquels elle a confirmé, dans le dispositif, les mesures qu'elle
était tenue d'ordonner, après avoir examiné les conclusions du
requérant.
68.La Cour n'est en aucun cas obligée de tirer les mêmes
conclusions que le requérant après avoir constaté une violation
des droits et, surtout, que ses conclusions sont fondées sur un
raisonnement juridique solide.
69. La Cour a également déclaré dans l'affaire Georges Constant
A c. L'Etat du Bénin que : « (...) la démarche de
Monsieur A vise à amener la Cour à reconsidérer les
motifs énoncés dans l'arrêt du 6 mars 2014, à adopter ses propres motifs et donc à remettre en cause la décision ; mais que tel ne
saurait être l'objet d'une demande d'interprétation. (Arrêt N.°
ECW/CCJ/JUD/09/15 p. 177).
70. La Cour observe que, de même, le requérant en l'espèce cherche
à l'inciter à annuler sa décision et à inclure des mesures que lui,
le requérant, souhaiterait voir ordonnées. Cependant, une telle
tentative ne peut aboutir en l'espèce.
71. Ainsi, vu le contenu de la requête, la Cour constate qu'il ne s'agit
nullement d'une demande de rectification d'erreurs matérielles ou
d'inexactitudes. Le requérant souhaite demander à la Cour de
statuer à nouveau sur la requête introduite dans la procédure
initiale, ce qui équivaut à un réexamen de son propre arrêt.
72. Par conséquent, l'exception soulevée par la défenderesse doit
être déclarée recevable et fondée. Le recours introduit par le
requérant doit être déclaré irrecevable pour autorité de la chose
jugée.
IX. SUR LES REPARATIONS
73. La défenderesse demande que le requérant soit condamné à lui
payer la somme de cinquante millions (50 000 000) de Francs
CFA pour abus de procédure.
74. La Cour constate cependant que cette demande n'est pas justifiée.
En fait, la défenderesse n'a pas démontré qu'il y a eu abus de
procédure ou que la demande du requérant lui a causé un
préjudice qui nécessiterait qu'il soit condamné à payer le montant
réclamé.
75.En conséquence, et compte tenu de l'ensemble des circonstances
de l'affaire, la demande reconventionnelle de la défenderesse doit
être rejetée.
X _ SUR LES DEPENS
76.Déclare irrecevable le recours du requérant ; La demande
reconventionnelle de l'État défendeur a également été rejetée. En
conséquence, chaque partie supportera ses propres dépens,
conformément à l'article 66, paragraphe 4, du Règlement de la
Cour.
XI. DISPOSITIF
77.Par ces motifs la Cour, statuant publiquement,
contradictoirement, après en avoir délibéré :
Sur la compétence :
ii Se déclare compétente pour connaître du recours en rectification,
conformément à l’article 63 du Règlement de la Cour.
Sur la recevabilité:
ii. Déclare recevable l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'Etat
défendeur.
iii. Déclare irrecevable le recours du requérant.
iv. Rejette la demande reconventionnelle de l'Etat défendeur.
78.Chaque partie supportera ses propres dépens, conformément à l'article 66,
paragraphe 4, du Règlement de la Cour.
Ont signé :
Hon. Juge Gberi-Bè OUATTARA - Président
Hon. Juge Sengu Mohamed KOROMA- Membre He
Hon. Juge Ricardo Claüdio Monteiro GONÇALVES - Rapporteur
Assistés de :
Dr. Ab B - Greffier en chef
79.Fait à X, le 25 septembre 2024, en portugais et traduit en anglais et en
français.


Synthèse
Numéro d'arrêt : ECW/CCJ/JUD/31/24
Date de la décision : 25/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cedeao;cour.justice.communaute.etats.afrique.ouest;arret;2024-09-25;ecw.ccj.jud.31.24 ?
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