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27/11/2017 | CEDEAO | N°ECW/CCJ/JUD/19/17

CEDEAO | CEDEAO, Cour de justice de la communauté des etats de l'afrique de l'ouest, 27 novembre 2017, ECW/CCJ/JUD/19/17


Texte (pseudonymisé)
COMMUNITY ECOWAS COURT OF JUSTICE, €
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE, CEDEAO No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE Il, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, AB
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425
Website: www. courtecowas.org L A COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DE S ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
SIÉGEANT À ABUJA, NIGERIA
AFFAIRE N° : ECW/CCJ/APP/38/16
JUD N°: ECW/CCJ/JUD/19/17
Son Excellence le Vice-Président Alhaji Samuel Sam-Sumana

Requérant
C/
La République de Ac Ai Défenderesse
ARRÊT DE LA COUR
1...

COMMUNITY ECOWAS COURT OF JUSTICE, €
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE, CEDEAO No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE Il, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, AB
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425
Website: www. courtecowas.org L A COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DE S ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
SIÉGEANT À ABUJA, NIGERIA
AFFAIRE N° : ECW/CCJ/APP/38/16
JUD N°: ECW/CCJ/JUD/19/17
Son Excellence le Vice-Président Alhaji Samuel Sam-Sumana Requérant
C/
La République de Ac Ai Défenderesse
ARRÊT DE LA COUR
1. COMPOSITION DE LA COUR :
Hon. Juge Hameye Foune Mahalmadane - Président
Hon Juge Friday Chijioke Nwoke. - Membre
Hon. Justice Al Am - Membre
Assistés de :
Athanase Atannon Greffier en Chef adjoint
2. CONSEILS DES PARTIES
REQUERANTS:
1 Ag An, SAN.
2 Dr. Raymond A. Af
Ak : SDY 3 Aj Ab
AG Aa Ah
An AHAn>s Chambers, Abuja.
DEFENDERESSE:
Aucun représentant
3. RÉSUMÉ DES FAITS
Le requérant est un citoyen de la Communauté au sens de l’article 1 (1) (a) du Protocole et l’ancien Vice-Président de la République de Ac Ai. La défenderesse est la République de Ac Ai, un État membre de la Communauté et signataire du Traité révisé de la CEDEAO.
Le requérant allègue que la défenderesse a violé son droit à la protection et à la sécurité juridique, son droit à l’application régulière de la loi, son droit au travail, son droit de participer au gouvernement, son droit à sa sécurité personnelle et son droit à la dignité, consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par la Déclaration universelle.
Le requérant affirme qu’il a été dûment élu Vice-Président de la République de Ac Ai en août 2007 et réélu en septembre 2012 en tant que candidat du Parti All People’s Congress (APC) et, à chaque fois, en tant que colistier du Dr Ernest Bai Koroma. Sa nomination a été effectuée conformément à l’article 54 de la Constitution de 1991 de la République de Ac Ai et à l’article 45 de la loi de 2010 sur les élections publiques.
Il a été invité à comparaître devant un comité d’enquête constitué par le Comité consultatif national du parti All Peoples’ Congress (APC) suite à une plainte déposée contre lui par le président du Parti APC, dans laquelle il a donné sa réaction au Comité.
Le 10 mars 2015, le requérant, alors qu’il était Vice-président, a reçu une lettre datée du 6 mars 2015, à lui adressée par le Secrétaire général national du Parti APC l’excluant du parti suite à la prétendue approbation du Conseil consultatif national du Parti avec effet à compter du vendredi 6 mars 2015, et censée être conforme à l’article 8 de la Constitution du Parti. La lettre ne fournissait pas de détails sur les allégations portées contre le requérant ou les actions particulières qui découlaient des motifs allégués de sa destitution. La lettre indiquait plutôt que, d’après les conclusions du Comité d’enquête, le requérant avait été démis de ses fonctions de membre du Parti pour fraude, incitation à la haine, atteinte à la sécurité personnelle de responsables clés du parti, activités de propagande contre le parti et activités incompatibles avec les objectifs du parti.
Trad : SDY En réponse à son exclusion soudaine de l’APC, le requérant a invoqué son droit de recours en vertu de l’article 8 (i) de la Constitution du Parti qui prévoit que tout membre lésé par une décision de l’un des organes du parti a le droit de faire appel dans les 30 jours suivant la décision auprès de l’instance supérieure directe du parti jusqu’à la Conférence nationale des délégués. Le requérant n’a été informé d’aucune procédure relative à son appel et n’a été invité à participer à aucune audience ou procédure en appel.
Le 14 mars 2015, le requérant a été contraint de fuir son domicile avec sa femme craignant pour sa vie après que ses agents de sécurité eurent été démis de leurs fonctions et remplacés par cinq hommes armés inconnus. Cela a incité le requérant à appeler l’ambassadeur des États-Unis près la Ac Ai pour lui faire savoir que sa maison était attaquée. Cependant, le gouvernement sierra-léonais a affirmé que le requérant n’était pas en danger et que les soldats ne faisaient que prendre la relève son équipe de sécurité.
Dans un communiqué de presse daté du 17 mars 2015, il a été annoncé à la radio et à la télévision nationales que la République avait relevé le requérant de ses fonctions de vice-président au motif qu’il n’était plus membre d’un parti politique en Ac Ai et que par conséquent, il ne remplissait plus les conditions requises pour occuper le poste de vice-président en vertu de l’article 41 (b) de la Constitution de 1991 et en outre que le requérant avait demandé la protection d’une ambassade étrangère. Le requérant déclare en outre qu’il n’a reçu aucune notification officielle de sa destitution et que celle-ci était inconstitutionnelle et illégale. En réponse au communiqué de presse, le requérant a publié un communiqué de presse daté du 18 mars 2015 dans lequel il a soutenu que le Président n’avait pas le pouvoir de le relever des fonctions de vice-président étant donné que l’article 55 de la Constitution de 1991 fixe les circonstances dans lesquelles le poste de Vice-président pourrait devenir vacant.
Le 19 mars 2015, le Président a nommé un certain M. Bockarie Foh Vice-président de la Ac Ai en vertu du paragraphe 54 (5) de la Constitution de 1991.
Le 20 mars 2015, le requérant a invoqué la compétence initiale de la Cour suprême de la Ac Ai pour se prononcer sur la constitutionnalité de l’action du Président contre lui. Alors que la demande était en instance, le requérant a déposé une demande d’injonction interlocutoire pour empêcher le vice-président nouvellement nommé d’exercer ses fonctions en attendant que la Cour se prononce sur la demande initiale.
Le 15 juillet 2015, la Cour a rendu sa décision rejetant la demande du requérant.
Le requérant s’est alors adressé à la Cour de céans en demandant les mesures de redressement suivantes:
Trad : SDY a) Une déclaration selon laquelle le prétendu limogeage du requérant de ses fonctions de Vice-président de la République de Ac Ai par le Président Koroma le 17 mars 2016 est illégal, nul et non avenu car il viole les articles 50, 51, 54 et 55 de la Constitution de 1991 de la République de Ac Ai et l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
b) Une déclaration selon laquelle le prétendu remplacement du requérant par la défenderesse au poste de Vice-Président de la République de Ac Ai, par M. Ae Ao, le 19 mars 2016 est illégal, nul et non avenu car c’est une violation des articles 50, 51, 54 et 55 de la Constitution de 1991 de la République de Ac Ai ainsi que l’article 7 de la Charte africaine sur les droits humains et les peuples ;
c) Une déclaration selon laquelle la décision rendue par la Cour suprême de Ac Ai le 9 septembre 2015 pour refuser au requérant la possibilité de présenter son cas de manière exhaustive sans tenir compte de l’article 15 (a), 23 (2) et 28 de la Constitution de 1991 de la République de Ac Ai et de l’article 93 du Règlement de la Cour suprême de Ac Ai est illégale. Nulle et non avenue car elle viole son droit à un procès équitable garanti par l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
d) Une déclaration que le prétendu limogeage du requérant de ses fonctions de Vice-président de la République de Ac Ai par la défenderesse le 17 mars 2016 est illégal, nul et non avenu car il viole ses droits à la dignité, au travail et à participer au gouvernement de son pays garantis par les articles 5, 15, 13 et 20 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
e) Une déclaration selon laquelle l’invasion de domicile du requérant par des soldats armés le 14 mars 2016 et le retrait de sa sécurité personnelle sur les ordres de la défenderesse sont des actes illégaux, nuls et non avenus car ils violent son droit à la sécurité personnelle garanti par l’article 6 de la Charte africaine sur les droits de l’Homme et des peuples ; l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 9 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.
f) Une ordonnance enjoignant à la défenderesse de payer au requérant dans le gouvernement de son pays, des dommages-intérêts spéciaux, généraux et exemplaires de cent trente millions de dollars américains (130 000 000,00 $EU) ou tout autre montant à la discrétion de la cour de céans.
Trad : SDY g) Une ordonnance enjoignant à la défenderesse de payer des dommages et intérêts pour l’angoisse, le traumatisme psychologique, la détérioration de la santé et l’embarras dus à la privation de revenus et d’avantages ; et étant donné que la vie, le travail et les activités du requérant ont été constamment surveillés et perturbés, à tel point que la collecte de preuves dans présente affaire a été extrêmement ardue, le requérant prie la Cour d’accorder le montant de soixante-dix millions de dollars des États-Unis (70.000.000 $ EU) ou tout autre montant à la discrétion de la cour de céans ;
h) Une ordonnance adressée au Vice-président de la Ac Ai, Victor Bockarie Foh, illégalement nommé, lui enjoignant de quitter immédiatement le poste de Vice-président et de laisser ledit poste vacant
i) Une ordonnance enjoignant à la République de Ac Ai de permettre au requérant de retrouver immédiatement ses fonctions, ses tâches, sa rémunération et ses avantages rattachés au poste de Vice-président de la République de Ac Ai;
j) Une ordonnance portant que toutes les rémunérations et les avantages indirects du poste de vice-président de la République de Ac Ai soient versés au requérant à compter de la date de son renvoi allégué jusqu’à la date de sa reprise de ses fonctions et par la suite.
k) Conformément à l’article 69 du Règlement de la cour de céans, nous implorons la Cour d’allouer des dépens en faveur du requérant pour couvrir toutes ses indemnités de voyage et de séjour, celles des agents et des conseils dans le cadre de la présente affaire, des voyages effectués pour rassembler des preuves, à ceux effectués pour engager et consulter l’avocat, et ceux effectués aux fins de plaider la présente affaire (notamment le coût des services de ses avocats), et estimés à dix millions de dollars des États-Unis (10 000 000,00 $ EU).
La défenderesse a adressé une lettre à la Cour dans laquelle elle déclarait que la Constitution de 1991 de la Ac Ai reconnaissait, garantissait et protégeait les « Droits et Libertés fondamentaux des individus » et conférait une compétence originale à la Cour suprême de Ac Ai pour entendre et juger les requêtes relatives aux violations des droits de l’homme.
La requête déposée par le requérant alléguant de violations des droits de l’homme est essentiellement la même que celle qu’il a déposée auprès de la Cour suprême de
5 Trad : A Ac Ai, dans laquelle un jugement a été rendu contre le requérant. Par conséquent, connaître de ladite requête équivaudrait à siéger en appel contre la décision de la Cour suprême de la Ac Ai.
La défenderesse a ajouté que la cour de céans n’a pas compétence pour connaître de cette action car elle n’est pas une cour d’appel et ne peut donc pas examiner les décisions de la Cour suprême.
4. ANALYSE DE LA COUR
D’après les arguments du requérant et de la défenderesse qui ont simplement soulevé des exceptions et n’ont pris aucune autre mesure, les questions suivantes appellent une décision;
1. La question de savoir si à partir de l’ensemble des faits présentés par le requérant, la cour de céans a compétence pour statuer sur la présente affaire telle qu’elle est présentée, de manière à rendre recevables les réparations demandées par le requérant.
La requête soumise à la cour de céans est fondée sur des allégations de violation des droits du requérant à un procès équitable, à participer au gouvernement, à l’application régulière de la loi, à la protection, à la sécurité et à la dignité en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, du Pacte relatif aux droits civils et politiques et de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En outre, le requérant soutient que la décision de la Cour suprême de Ac Ai a cautionné les diverses violations de ses droits consacrés par sa Constitution ainsi que par les instruments internationaux susmentionnés.
La défenderesse, tout en refusant de se soumettre à la compétence des tribunaux, soutient que la cour de céans n’a pas compétence pour statuer sur les décisions rendues par les juridictions internes des États membres.
L'article 9(4), du Protocole Additionnel de 2005 dispose ce qui suit:
« La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l’Homme dans tout Etat membre »
Article 10 (d):
Peuvent saisir la Cour :
(d) toute personne victime de violations des droits de l’homme; la demande soumise à cet effet :
ne sera pas anonyme; ni
ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté lorsqu’elle a déjà été portée devant une autre Cour internationale compétente".
Trad : SDY La cour de céans a jugé dans une multitude de cas que, pour que sa compétence puisse être invoquée, la violation alléguée doit être fondée sur une obligation internationale ou communautaire de l’État.
Dans l’affaire HISSEIN HABRE c/ LA RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL (2010) CCJELR, la cour de céans a dit que pour déterminer si elle a compétence, elle doit vérifier :
e Si les questions dont elle est saisie portent sur un droit qui a été consacré au bénéfice de la personne humaine;
e S’il découle d’obligations internationales ou communautaires de l’Etat incriminé, en tant que droit de l’homme devant être promu, respecté, protégé et dont on doit jouir;
e Si c’est la violation de ce droit qui est alléguée sans plus, l’objection de la défenderesse n’est pas fondée car la requête du requérant se fonde sur son droit de participer au gouvernement de son pays accordé par la Charte africaine
La requête est fondée sur la prétendue exclusion illégale du requérant en tant que membre du parti qui a justifié sa destitution du poste de Vice-président. Ladite révocation résultait d’une prétendue lettre du Secrétaire général national du parti APC l’excluant du parti pour fraude, incitation à la haine, menace à la sécurité personnelle des principaux responsables du parti, propagande antiparti et activités incompatibles avec les objectifs du parti. La révocation a été effectuée sans égard à l’application régulière de la loi, sans lui donner l’occasion d’épuiser son droit de recours au niveau du Parti ce qui constitue une violation de ses droits civils et politiques.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres instruments intemationaux invoqués par le requérant sont en effet des instruments juridiques auxquels la Cour se réfère lorsqu’elle examine des cas de violation des droits de l’homme dans un État membre. Dans sa jurisprudence constante et abondante, la Cour a déclaré à maintes reprises qu’une fois que le plaignant a évoqué un élément de violation des droits de l’homme qui relève des instruments de protection des droits de l’homme dans tout État membre de la CEDEAO, cela suffit pour que la Cour établisse sa compétence qui n’est pas liée à la question de savoir si les allégations sont vraies ou non.
Le droit d’une personne de participer au gouvernement de son État est un droit de l’homme reconnu et exécutoire. L’article 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dispose que:
«tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de
Trad : SDY représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi. »
La loi inclut, mais n’est pas limitée à la Constitution, mais aussi la législation inteme d’un Etat partie. Cette disposition suggère que le droit de participer au gouvernement n’est pas absolu. On peut porter atteinte à ce droit conformément à la loi. En l’espèce, le requérant étant un citoyen et un membre du Parti APC est lié par la Constitution du Parti ainsi que par la Constitution de la Ac Ai. Lorsque la Constitution du Parti prévoit une procédure pour la révocation d’un membre du Parti, l’exécutif du parti ainsi que tout membre de ce parti est tenu de se conformer à cette disposition.
L'article 54 (2) (b) de la Constitution de la Ac Ai dispose que:
"Est habilitée à se porter candidate au poste de Vice-président toute personne disposant des qualifications mentionnées à l’article 41."
L'article 41 dispose ainsi: Nul ne peut être élu président s’il ne remplit pas les conditions suivantes
(a) être un citoyen de Ac Ai;
(b) être membre d’un parti politique;
(c) être âgé de quarante ans; et
(d) être par ailleurs qualifié pour être élu député.
En effet, les allégations de violation des droits de la personne par un requérant suffisent à invoquer la compétence de la Cour. Ceci est distinct des questions de véracité de(s) (l’) allégation(s).
La Cour suprême de la Ac Ai a interprété les articles 54 (2) (b) et 41 de la Constitution ci-dessus comme stipulant que le Président est habilité à relever le Vice-président de ses fonctions, dans les circonstances où le requérant en tant que Vice-président en exercice ne remplit plus l’une des conditions requises pour occuper son poste. La Cour a également estimé que l’autorité exécutive suprême du Président comprend le pouvoir de relever le Vice-président de son poste et de ses fonctions lorsque la procédure prévue aux articles 50 et 51 de la Constitution est inapplicable.
L'article 8 (i) de la Constitution de l’APC invoqué par le requérant dispose:
« Tout membre lésé par une décision de l’un des organes du parti en vertu de l’article 8 de la Constitution a le droit de faire appel dans les 30 jours suivant la décision auprès de l'instance supérieure directe du parti dans cet ordre jusquà la
Trad : SDY Conférence nationale des délégués à condition que la décision de la Conférence nationale des délégués soit finale. »
En vertu de l’article 8 (i) ci-dessus, le requérant dispose de 30 jours francs à compter de la date à laquelle la décision a été prise pour exercer son droit de recours.
En outre, il a été catégoriquement déclaré que la décision de la Conférence nationale des délégués sera définitive en ce qui concerne les sanctions imposées à un membre du parti.
D’après les faits exposés devant la cour de céans, la décision de démettre le requérant de ses fonctions a été prise le 6 mars 2015. Par conséquent, le requérant disposait de 30 jours pour exercer son droit d’appel s’il était insatisfait de la décision du NAC.
L’annexe 7 jointe à la requête introduite par le requérant est un avis d’appel daté du 26 mars 2015 qu’il a signifié au NDC. Cela n’a pas été réfuté par la défenderesse. On peut donc en déduire que le droit de recours du requérant était toujours valable et en vigueur au 26mars 2015, lorsque le Président l’aurait démis de ses fonctions de Vice-président. La défenderesse n’a présenté aucun élément de preuve contestant la validité de l’annexe 7 ou prouvant que l’appel avait été dûment examiné ou même que les conclusions finales de l’affaire pouvaient faire l’objet d’un appel.
Se fondant sur les dispositions de l’article 8 (i) de la Constitution du parti, le droit de recours ne peut être considéré comme épuisé, résilié ou levé que vers le 4 avril 2015.
Il semble qu’au moment de son élection en tant que Vice-président de la République de Ac Ai, il remplissait les conditions du droit interne telles qu’envisagées par la Charte africaine.
Outre la Constitution, les dispositions de la Constitution du parti politique en vertu desquelles le requérant a été candidat à l’élection sont pertinentes pour trancher les questions de droit et de fait soulevées par le requérant.
Il est évident que la Conférence nationale des délégués du Parti du requérant, la plate-forme où il s’est présenté à l’élection, est l’instance d’appel final en ce qui concerne la contestation de la décision de son parti politique.
La cour de céans a déclaré qu’elle ne siégerait pas en appel des décisions des tribunaux nationaux. La constitutionnalité ou autre de l’acte du Président dans cette affaire n’est pas contestée. Cependant, l’action du Président découlait du rapport du NAC qui, en vertu de la Constitution du Parti, n’est pas définitif.
Trad : SDY Les pouvoirs du Président de destituer une personne et d’en nommer une autre au poste de Vice-président, bien qu’étant survenus depuis le 6 mars 2015, n’étaient pas devenu exerçables, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas prêts à être exécuté. C’est parce que le requérant avait le droit d’épuiser son droit de recours devant le NDC dont la décision serait définitive. À cet égard, l’action du Président aurait dû être exercée après l’issue de l’appel. En conséquence, l’acte du Président était prématuré et violait le droit du requérant à un procès équitable.
Il existe une légère différence entre l’examen des décisions des tribunaux nationaux et l’audition d’affaires qui découlent de décisions qui pourraient poser des questions de violation des droits de l’homme. L’allégation du requérant concernant des violations de son droit à un procès équitable, de son droit au travail, de son droit de participer au gouvernement et de son droit à la dignité est étroitement liée à sa requête concernant sa destitution inconstitutionnelle par le Président de la Ac Ai.
En ce qui concerne son allégation de procès équitable, les pièces jointes montrent que le requérant a effectivement été entendu par le Conseil consultatif national (NAC) du Parti APC, bien que le droit de recours du requérant demeurait non encore épuisé. Par conséquent, l’allégation de procès équitable à cet égard est fondée.
En ce qui concerne l’allégation de privation du droit à un procès équitable devant la Cour suprême en Ac Ai, le requérant n’a pas prouvé la violation alléguée. Dans la pièce jointe 39 datée du 1” juin 2015, qui précède la pièce jointe 37, la Cour suprême a autorisé le requérant, conformément à l’article 39 du règlement de 1982 de la Cour suprême, à modifier son exposé des faits, s’il le souhaite, pour tenir compte des ajouts qu’il a clairement faits au moyen de son affidavit additionnel. La Cour a également ordonné que ledit affidavit soit classé et signifié au plus tard le jeudi 4 juin 2015. Si le requérant omet de déposer et de signifier cet exposé des faits modifié, ledit affidavit additionnel ne devra être utilisé par aucune partie lors de la procédure.
Les ordonnances judiciaires sont contraignantes pour les parties dans chaque cas particulier et ne doivent pas être traitées à la légère. En interprétant le mot «doit» dans les ordonnances ci-dessus, la Cour a rendu obligatoire le dépôt des modifications au plus tard le 4 juin dans le cas contraire, elles ne seront pas admises.
La pièce jointe 40 annexée par le requérant montre que, à la date du 4 juin 2015, à laquelle le requérant devait déposer son affidavit modifié, le cas échéant, des conversations étaient toujours en cours entre lui et son avocat. Une partie qui cherche à engager diligemment des poursuites même lorsque son conseil semble ne
10 Trad : SDY pas être réceptif, a le droit de faire immédiatement un compte rendu et d’informer le tribunal dans les plus brefs délais.
Le requérant, en l’espèce, sachant ce que cela impliquait de ne pas respecter une injonction de la Cour comme il l’avait indiqué dans sa lettre du 8 juin 2015, dessaisissant son avocat, a traité toute la situation avec laxisme. Le requérant avait le droit de comparaître devant la Cour le 4 juin pour informer le tribunal de sa volonté de déposer un amendement ainsi que du refus de son conseil d’agir conformément à ses souhaits et de déposer en conséquence sa demande dessaisissement de son avocat. Le requérant a manqué, refusé ou négligé de le faire jusqu’à ce qu’au 8 juin 2015, quatre (4) jours après l’expiration du délai.
Compte tenu de ce qui précède, l’allégation du requérant concernant le refus de la Cour suprême d’autoriser la modification de sa cause n’est pas étayée, étant donné qu’un délai raisonnable lui avait été accordé pour modifier son action. En outre, le requérant a été habilement représenté par un avocat de son choix et le fait qu’il manqué d’informer le tribunal en temps opportun de sa volonté de dessaisir ledit conseil, équivaut à une négligence de sa part et, par conséquent, sa réclamation quant à un procès équitable est sans fondement à cet égard.
Le requérant allègue que son droit à la protection de la loi, à la sûreté et à la sécurité juridique a été violé du fait que la défenderesse ait remplacé ses agents de sécurité. Le requérant n’a pas établi en quoi cette action violait ses droits allégués, en particulier lorsque la défenderesse prétend que le changement de gardes est normal. Dans sa requête, le requérant a admis avoir volontairement demandé l'asile à l’ambassade des États-Unis sans prouver la moindre menace justifiant la nécessité d’un asile. Lesdits agents de sécurité ont été seulement substitués ce qui ne suggère aucune menace à sa vie ou à sa personne comme allégué.
Il est bien établi en droit que la charge de la preuve incombe à celui qui allègue l’existence d’une réclamation. Voir l’affaire FALANA & UN AUTRE c. LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN ARRÊT N° : ECW/CCJ/JUD/02/12.
La charge de la preuve incombe donc au requérant qui doit prouver qu’il craignait pour sa vie ou qu’une menace quelconque aurait résulté du remplacement des gardes.
La Cour a indiqué qu’elle hésitait à connaître des actes d’abus de droits qui nécessiteraient l’examen de questions qui ne relevaient pas de sa compétence et a également refusé d’exercer sa compétence si le requérant n’avait pas défini la violation exacte alléguée ou précisé le droit particulier prétendument violé.
Dans l’affaire Z Y c. LA REP. FÉDÉRALE DU NIGERIA (2012) non publiée, la cour de céans a réitéré sa position énoncée dans l’affaire MUSA LEO KEITA c. LE MALI (2004-2009) pg. 72 par. 26 à savoir qu’elle ne se
11 Trad : SDY constitue pas en tant que juridiction d’appel des décisions des juridictions nationales.
Sur la décision de la Cour suprême de la Ac Ai, la cour de céans n’a pas compétence pour contester la constitutionnalité ou non des pouvoirs du Président de démettre le requérant de ses fonctions de Vice-président. Selon la cour, ce pouvoir a été exercé à bon escient, étant donné qu’il ressort des pièces ci-annexées, que le requérant avait contesté les pouvoirs constitutionnels conférés au Président et à la juridiction nationale dans sa décision annulant la demande du requérant en vertu de la Constitution, le Président avait le pouvoir de révoquer le requérant. Par conséquent, l’audition de la requête à cet égard reviendrait à siéger en appel de la décision finale de la Cour suprême de Ac Ai.
Dans l’affarre MADAME Ad B X c. LA REP. DU TOGO 2012 CCJELR la Cour a estimé qu’elle ne pouvait pas aller au-delà de son champ de compétence pour statuer sur la réintégration des requérants car cela reviendrait à annuler la décision de la Cour constitutionnelle, ce qui ne relevait pas de la compétence de la Cour de justice de la Communauté.
En ce qui conceme la validité de l’acte du Président consistant à destituer le requérant, la cour de céans estime que l’acte du Président a été précipité sans donner au requérant la possibilité d’épuiser son droit de recours en vertu de la Constitution du Parti APC.
5. SUR L’ABUS DE PROCÉDURE
La défenderesse allègue que la procédure engagée par le requérant équivaut à un abus de procédure. La défenderesse a déposé une lettre indiquant qu’elle ne se soumettra pas à la compétence de la Cour de céans. En supposant sans pour autant l’admettre que cela équivaut à un abus de procédure, la cour vérifiera toujours en première instance si elle est compétente ou non. Même lorsque le défendeur ne présente aucune défense, le tribunal peut exercer ses pouvoirs pour rendre un jugement par défaut. La cour tient fermement à la position bien établie de notre système judiciaire selon laquelle le tribunal doit éviter les détails techniques à tout moment et décider de rendre une justice véritable.
Cependant, on peut se demander « si en dehors des conclusions ci-dessus, il y a d’autres éléments pour justifier cette demande afin de faire droit à certaines réparations demandées. En abordant cette question sur la base des faits de l’affaire, il semble qu’il y en a. Le droit à un procès équitable est un droit humain fondamental, reconnu par le droit international. En dehors de la notion de justice naturelle qui englobe deux principes à savoir, « audi alteram partem » (le principe du contradictoire) et « nemo judex impropria causa sua », (nul ne peut être à la fois juge et partie). Le droit étend également le droit d’épuiser le processus de recours, surtout lorsque c’est prévu par la Loi. En conséquence, ce serait une violation du
12 Trad : SDY droit à un procès équitable qu’une décision soit rendue contre une personne avant qu’elle n’épuise son droit de recours.
D’après les faits et les éléments de preuve présentés devant la Cour, une des exigences fondamentales de la constitution de la défenderesse pour se présenter à une élection est que le candidat potentiel soit membre d’un parti politique. Le requérant satisfait à cette condition en étant membre de l’APC, sur la plateforme duquel il a brigué et remporté le poste de Vice-Président, colistier du Président.
Suite à son exclusion de l’APC, il a été démis de ses fonctions de Vice - Président par le Président apparemment au motif qu’il n’appartenait plus à aucun parti politique, une condition importante pour briguer une fonction politique et, apparemment, pour garder le poste.
Toutefois, comme indiqué précédemment, la constitution de l’APC sous l’égide de laquelle il s’est présenté à l’élection prévoit ce qui suit ;
«Tout membre lésé par une décision de l’un des organes du parti en vertu de l’article 8 de la Constitution a le droit de faire appel dans les 30 jours suivant la décision auprès de l’instance supérieure directe du parti dans cet ordre jusqu’à la Conférence nationale des délégués à condition que la décision de la Conférence nationale des délégués soit finale. »
Comme précédemment mentionné, au vu des faits présentés à la Cour, la décision d’exclure le requérant des membres de l’APC son parti politique a été prise le 6 mars 2015. Il s’ensuit qu’il a le droit d’interjeter appel devant la Conférence nationale des délégués pour contester son exclusion dans un délai de 30 jours. Le requérant a déposé son avis d’appel sur la 26 mars 2015 (Pièce jointe 7) le jour même où le Président l’a démis de ses fonctions de Vice - Président, apparemment suite à son éviction de l’APC. À cette date, le droit de recours du requérant subsistait.
En conséquence, ce motif seul, sans plus est suffisant pour annuler la révocation du requérant.
Dans tous les cas, il est toujours nécessaire que la loi puisse suivre son cours. L’exercice du pouvoir de révocation ou tout autre exercice du pouvoir devrait d’ailleurs être circonscrit à l’exigence d’une procédure régulière, et cela n’a pas été le cas en l’espèce. En conséquence, sans nier le droit du Président d’exercer le pouvoir de destituer le requérant de ses fonctions de Vice-Président, ce pouvoir doit être exercé conformément aux dispositions de la Loi. En conséquence, en l’espèce, le limogeage du requérant de ses fonctions de Vice-Président de l’État défendeur à un moment où il n’avait pas épuisé son droit de recours constitue une violation de son droit de participer au gouvernement de son État, mais aussi de son droit à un
13 Trad : SDY procès équitable garantis en vertu des articles 7 et 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Des réparations demandées par le requérant, il ressort que la plupart d’entre elles sont dépassées et ne peuvent être accordées étant donné qu’il s’agit d’actes révolus.
En conséquence, les réparations (c), (e), (g), (h), et (i) ne peuvent pas accordées dans le cadre de la compétence de la Cour étant donné que la plupart est fondée sur le droit interne de la partie défenderesse et y faire droit pourrait conduire à s’immiscer dans des questions relevant essentiellement de la compétence nationale de la défenderesse et pourrait également provoquer un chaos politique d’une ampleur sans précédent.
Toutefois, le requérant a droit aux réparations (a), (b) (en partie), (f) (en partie), (J) et (k) dans les termes et conditions énoncés dans le présent arrêt.
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, en dernier ressort:
7. SUR LA COMPÉTENCE
1. La Cour est compétente pour connaître de l’action
8. SUR LE FOND
DÉCLARE CE QUI SUIT :
1. Les réparations (c), (e), (g), (h) et (i) ne peuvent être accordées dans cadre des compétences de la Cour étant donné que la plupart d’entre elles se fondent sur le droit national de la défenderesse et le fait de les accorder risque d’interférer dans des questions relevant essentiellement de la juridiction nationale de la défenderesse et pourrait également causer un chaos politique d’une ampleur inédite.
2. Le limogeage du requérant de ses fonctions de Vice-Président de la défenderesse par le Président le 17 mars 2015, constitue une violation de l’article 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, le requérant n’ayant pas épuisé son droit de recours tel que prescrit par la loi avant sa destitution.
3. Ordonne à la défenderesse de verser au requérant toutes les rémunérations, conditions préalables à ses fonctions et autres droits qui lui sont dues de la date à laquelle il a été illégalement démis de ses fonctions jusqu’à la date à laquelle son mandat devrait prendre fin.
14 Trad : SDY 9. SUR LES DEPENS :
Des dépens sont adjugés contre la défenderesse.
Fait à Abuja ce jour, le 27 novembre 2017.
LES JUGES SUIVANTS ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT
Hon. Juge Hameye Foune Mahalmadane - Président
Hon. Juge Friday Chijioke Nwoke - Membre
Hon. Juge Al Am - Membre
Assistés de :
Athanase Atannon Greffier en Chef adjoint
15 Trad : SDY


Synthèse
Numéro d'arrêt : ECW/CCJ/JUD/19/17
Date de la décision : 27/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cedeao;cour.justice.communaute.etats.afrique.ouest;arret;2017-11-27;ecw.ccj.jud.19.17 ?
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