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06/12/2016 | CEDEAO | N°ECW/CCJ/JUD/28/16

CEDEAO | CEDEAO, Cour de justice de la communauté des etats de l'afrique de l'ouest, 06 décembre 2016, ECW/CCJ/JUD/28/16


Texte (pseudonymisé)
COMMUNITY COURT OF JUSTICE, € ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA CEDEAO COMUNIDADE, Noa” No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, ABUJA
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425
Website: www. courtecowas.org ARRET
DE LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
(CEDEAO)
AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/23/15
Y X
CONTRE
REPUBLIQUE DU NIGER
ARRÊT N° ECW

/CCJ/JUD/28/16
A, 06 Décembre 2016
« Au nom de la Communauté »
La Cour de justice de la Comm...

COMMUNITY COURT OF JUSTICE, € ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA CEDEAO COMUNIDADE, Noa” No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, ABUJA
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425
Website: www. courtecowas.org ARRET
DE LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
(CEDEAO)
AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/23/15
Y X
CONTRE
REPUBLIQUE DU NIGER
ARRÊT N° ECW/CCJ/JUD/28/16
A, 06 Décembre 2016
« Au nom de la Communauté »
La Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO) siégeant à An BAk) le A 06 Décembre 2016 en formation ordinaire, composée de :
-Honorable Juge Jérôme TRAORE Président
-Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE Membre
-Honorable Juge Yaya BOIRO Rapporteur
Assistés de Maître Athanase ATANNON Greffier A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Entre
1- LES PARTIES
Y X agissant par l’organe de son conseil, maitre Salaou Mano
avocat au Barreau du Niger, Avenue de l’Arewa, KL 27, BP 2043, Aa
et de la SCPA Justicia, avocats associés, Dar Es Salam, 52 Rue de la
Radio, BP : 13851 Aa, Niger,
Requérant d’une part, et
La République du Niger, prise en la personne du Secrétaire Général du
Gouvernement, sis au Palais de la Présidence de la République du Niger,
Défenderesse d'autre part ;
Vu le Traité révisé instituant la Communauté Economique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du 24 juillet 1993 ;
Vu le Protocole du 06 juillet 1991 et le protocole additionnel du 19
janvier 2005 relatifs à la Cour de justice de la CEDEAO ;
Vu le Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO en date du 03 juin
2002 ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948 ;
Vu la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin
1981 ;
Vu la Requête en date du 20 juillet 2015 du demandeur susnommé ;
Vu le mémoire en défense en date du 17 septembre 2015 de l'Etat du
Niger ;
Vu les pièces du dossier ;
I[- FAITS et PROCEDURE
1- Suite au décès du sieur Ao Am (chef de canton de Dioundiou de
1976 à 2006) au courant de l’année 2007, une querelle de succession
surgissait afin de pourvoir à son remplacement. Suivant la procédure
traditionnelle, une enquête de moralité a été diligentée par la
gendarmerie locale autour d’une vingtaine de candidats, dont le
requérant Y.X.
2- Par arrêté N° 383/MI/SP/DAC-R du 10 septembre 2007, le Ministre
d’Etat chargé de l’intérieur et de la sécurité publique du Niger entérinait
le rapport de la Commission consultative régionale dressant la liste des
candidats autorisés à se présenter aux élections de la chefferie du canton
de Dioundiou, département de Gaya, dans laquelle figurait le nom du
requérant.
3- Saisie par certains candidats (huit au total) qui contestaient la
légitimité de quatre postulants (dont le requérant), la chambre
administrative de la Cour suprême du Niger, suivant arrêt N° 08-20 en
date du 14 mai 2008, annulait la candidature de Y X à l’insu
de ce dernier.
4- En juin 2008, Y X faisait tierce opposition contre ledit arrêt
avant d’en être débouté par la Cour suprême suivant arrêt N°09-37 du
08 juillet 2009. Parallèlement, Y X initiait une procédure
pénale contre un des candidats nommé Ap Af Bdont le
nom figure sur l’acte administratif attaqué), pour faux et usage de faux et
ce dernier fut condamné par le tribunal d’instance de Gaya à six (6) mois
d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 20.000 FCFA par jugement N° 313 du 27 octobre 2009. Cette décision était d’abord
confirmée par la Cour d’appel de Aa suivant arrêt N° 161 du 22
novembre 2010, puis par la chambre judiciaire de la Cour de cassation
par arrêt N° 11-205/Civ. du 22 novembre 2012.
5- Fort de cette décision pénale, le sieur Y X saisissait le
Ministre de l’intérieur d’un courrier en date du 19 décembre 2012 par
lequel il sollicitait son inscription sur la liste des candidats à la chefferie
du Canton de Ad.
6- Face à l’inertie de l'autorité administrative, il introduisait un recours
en rétractation en date du 27 mai 2013 contre l’arrêt de la Cour suprême
N° 08-20 en date du 14 mai 2008 annulant sa candidature auxdites
élections. Par arrêt N°27-15 du 13 mai 2015, la chambre du contentieux
du Conseil d’Etat du Niger rejetait ledit recours pour forclusion.
7- Le 25 juin 2015, un nouveau chef de canton de Dioundiou fut élu.
8- Par requête en date du 20 juillet 2015 enregistrée au greffe le 24 juillet
2015, le sieur Y X saisissait la Cour de céans pour y solliciter
ce qui suit :
- Dire qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable au mépris de ses
droits tels que protégés par l’article 14 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques et l’article 7 de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples ;
- Dire que son droit de participer à la gestion des affaires publiques
de sa communauté reconnue par l’article 25 dudit pacte et l’article
13 de la Charte précitée, a été violé ;
- Dire que l’Etat du Niger est responsable de ces violations ;
- Condamner l’Etat du Niger à lui fournir, à titre de réparation, une
satisfaction adéquate y compris l’annulation et la reprise de
l’élection du chef de canton ;
- Condamner l’Etat nigérien à lui payer dix (10) millions à titre de
frais de procédure.
II- ARGUMENTS ET MOYENS DES PARTIES
9- Considérant que le requérant expose qu’il est victime de deux
formes de violations de ses droits ; il s’agit, d’une part, de la violation
du droit à un procès équitable consacré par l’article 14 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966 ainsi que par l’article 7 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples de 1981 et, d'autre part, de la violation de son
droit de prendre part à la direction des affaires publiques (de sa
communauté) prévu par l’article 25 dudit Pacte et par l’article 13 de
la Charte susvisée.
10- Pour soutenir le premier moyen, il fait valoir que la chambre
administrative de la Cour suprême du Niger, contrairement à sa
jurisprudence, a écarté sans motif la coutume haoussa en vigueur pour
invalider sa candidature au poste vacant de chef de canton de
Ad. Pire, ladite Cour, sans base légale, a donné un effet
rétroactif à sa décision du 08 juillet 2009 au lieu de limiter ses effets
entre les parties et pour l'avenir.
11- S'agissant du second moyen, le requérant soutient que le droit de
prendre part à la direction des affaires publiques s'impose à la fois aux
pouvoirs publics et aux pouvoirs locaux notamment les chefs 5 traditionnels. Selon lui, la loi nigérienne érige la chefferie
traditionnelle au rang des institutions étatiques dont les dirigeants
sont élus démocratiquement s’ils remplissent les critères exigés par la
coutume. Qu'ainsi, l’Etat nigérien ne doit en aucun cas et pour
quelque motif que ce soit, faire obstruction à sa candidature à prendre
part à la gestion des affaires publiques de sa communauté.
12- Considérant que l’Etat nigérien objecte par deux moyens, l’un
portant sur la forme, l’autre touchant le fond du litige.
Sur la forme, l’Etat nigérien excipe de l’irrecevabilité de la requête du
sieur Y X au motif que le requérant, a épuisé toutes les
voies de recours internes avant de saisir la juridiction de céans en
désespoir de cause. Selon le défendeur, l’épuisement de ces voies de
recours internes prouve à suffisance que le requérant a eu accès à la
justice de son pays et qu’en tout état de cause, il ne démontre pas en
quoi il y a eu violation de ses droits tels que prévus par les normes
internationales par lui invoqués, notamment le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples.
13- Sur le fond et à titre subsidiaire, l’Etat nigérien, contrairement aux
affirmations du requérant, affirme que la Cour suprême du Niger n’a
pas écarté la coutume mais elle a estimé que le sieur X C Al
(père du requérant) n’avait pas, au regard des règles d'usage, la qualité
pour prétendre au trône de Ad. Elle n’a pas non plus donné
un effet rétroactif à sa décision et s’est plutôt efforcée de la motiver en
partant du principe selon lequel : «aucun homme ne peut donner plus de droit qu’il n’en possède ». Il ajoute qu’en l’espèce, il est
constant que le sieur X C Al, père du requérant, n’a pu être
autorisé à se présenter aux élections en 1976, qu’en raison de
circonstances exceptionnelles et que cet état de fait ne peut remettre
en cause ce qui est allégué à propos de la filiation de ce dernier. Pour
toutes ces raisons, le défendeur sollicite le rejet du recours du
requérant comme étant non fondé.
IN- Analyse de la Cour
En la forme
14- Conformément à sa jurisprudence, la Cour estime que la requête
présentée par le sieur Y X est recevable dès lors qu’elle
remplit toutes les conditions de forme exigées par l’article 33 du
Règlement en date du 03 juin 2002 et par l’article 10 du Protocole
additionnel en date du 19 janvier 2005, relatifs à la juridiction de
céans.
15- Il ressort de ces dispositions légales que toute personne qui
prétend être victime de violations des droits de l’homme, peut saisir
la Cour par simple requête à condition que sa demande ne soit pas
anonyme ni portée devant une autre juridiction internationale
compétente.
16- La Cour considère également comme impertinent l’argument du
défendeur selon lequel le requérant est irrecevable en son action pour
avoir épuisé sans succès toutes les voies de recours internes avant de
la saisir ; elle estime qu’au regard des textes susvisés, l’épuisement ou le non épuisement desdites voies de recours est sans incidence sur
toute procédure engagée devant elle.
Au fond
1- Sur le bien-fondé des demandes du requérant
17- Considérant que le requérant invoque à la fois la violation du droit
à un procès équitable consacré par l’article 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et par
l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
de 1981, ainsi que la violation de son droit de prendre part à la
direction des affaires publiques (de sa communauté) prévu par l’article
25 dudit Pacte et par l’article 13 de la Charte susvisée.
Considérant qu’en règle générale, il appartient au requérant de
rapporter la preuve de ses allégations et qu’en application de ce
principe, la Cour retient, de manière constante (voir par exemple son
arrêt en date du 07 octobre 2015 relatif à l’affaire opposant les sieurs
Ab et consorts à l’Etat togolais), que tous les cas de violation des
droits de l’homme qui sont invoqués devant elle, doivent être étayés
de manière spécifique, par des preuves suffisamment convaincantes et
non équivoques.
18-Qu'’en l’espèce, la Cour relève à l’issue des débats et sur la base des
pièces de la procédure, que le requérant ne rapporte aucune preuve
tangible d’une violation quelconque de son droit à un procès
équitable devant les juridictions nigériennes au sens de l’article 14 du
Pacte relatif aux droits civils et politiques, dès lors qu’il a eu la possibilité d’y faire valoir tous ses moyens de défense et d’exercer
toutes les voies de recours légales.
19- Qu’au demeurant, il apparait clairement que le requérant, par les
griefs qu’il invoque, vise à amener la Cour à apprécier, sinon à
critiquer le bien-fondé des décisions rendues à son égard par les
juridictions nationales du Niger comme en témoignent les demandes
formulées à la fin de sa requête.
20- En d’autres termes, le requérant sollicite que la Cour s’ingère dans
les procédures judiciaires internes du Niger, qu’elle s’institue en
quelque sorte, juge d'appel ou de cassation de décisions nationales.
21- Or, la Cour, conformément à une jurisprudence constante, a
toujours décidé qu’il n’entre pas dans sa fonction de protection des
droits de l’homme, de substituer sa propre appréciation des faits à elle
soumis à celle des juridictions nationales.
22- Ainsi, dans l’arrêt Ah Af Aj contre Ae
Ai du Nigéria et autres, la Cour a estimé que « recevoir cette
requête reviendrait à s’immiscer dans la compétence des tribunaux
nigérians … sans justification ».
De même, dans l'affaire Ac Ag et 28 autres, contre la
République du Mali, la Cour a estimé « qu’il ressort de l’analyse de la
requête introduite par les requérants que ladite requête tend
substantiellement à obtenir de la Cour de Justice de la CEDEAO, la
réformation des arrêts N°116 et 118 rendus par la Cour Suprême du
Mali et tend à ériger la première en une juridiction de cassation de la
seconde vannes » (Arrêt du 13 mars 2012, 87).
23- Compte tenu de cette position de principe, la Cour estime que
les demandes formulées par le requérant relativement aux décisions
des juridictions nigériennes, ne sauraient prospérer.
24- Qu'il s'ensuit que le requérant doit être débouté de ses
prétentions.
2- Sur les dépens
25- Considérant que le requérant a succombé et qu’il y a lieu de le
condamner aux dépens en application des dispositions de l’article
66.2 du Règlement de la Cour.
Par ces motifs,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de violations
des droits de l’homme, en premier et dernier ressort,
En la forme
Recoit le sieur X Y en sa requête ;
Rejette sa demande de rabat du délibéré ;
Au fond
Dit que la Cour n’est pas une juridiction de réformation des décisions
des juridictions internes ;
Déboute en conséquence le requérant de ses prétentions ;
Met les dépens à sa charge.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an
que dessus.
Et ont signé :
- Honorable juge Jérôme TRAORE Président - Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE Membre
- Honorable juge Yaya BOIRO Rapporteur
Assistés de Maître Athanase ATANNON Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : ECW/CCJ/JUD/28/16
Date de la décision : 06/12/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cedeao;cour.justice.communaute.etats.afrique.ouest;arret;2016-12-06;ecw.ccj.jud.28.16 ?
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