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06/04/2020 | BULGARIE | N°1154-2019

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, Troisième chambre pénale, 06 avril 2020, 1154-2019


ARRET no. 3

Sofia, 06 avril 2020

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPREME DE CASSATION DE LA REPUBLIQUE DE BULGARIE, Troisième chambre pénale, à l’audience publique du vingt-et-un janvier deux mille vingt, composée de :

PRESIDENTE : DANIELA ATANASSOVA
MEMBRES : LADA PAOUNOVA, MAYA TSONEVA

avec la participation de la greffière Nevena Pelova,
et en présence dе la procureure du Parquet près la Cour suprême de cassation STELIANA ATANASSOVA,
après avoir entendu l’affaire pénale no.1154/2019, rapportée par la juge PAOUNOVA, afin de statuer, a

considéré ce qui suit :

La procédure devant la CSC a été ouverte sur pourvoi formé par le défenseur...

ARRET no. 3

Sofia, 06 avril 2020

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPREME DE CASSATION DE LA REPUBLIQUE DE BULGARIE, Troisième chambre pénale, à l’audience publique du vingt-et-un janvier deux mille vingt, composée de :

PRESIDENTE : DANIELA ATANASSOVA
MEMBRES : LADA PAOUNOVA, MAYA TSONEVA

avec la participation de la greffière Nevena Pelova,
et en présence dе la procureure du Parquet près la Cour suprême de cassation STELIANA ATANASSOVA,
après avoir entendu l’affaire pénale no.1154/2019, rapportée par la juge PAOUNOVA, afin de statuer, a considéré ce qui suit :

La procédure devant la CSC a été ouverte sur pourvoi formé par le défenseur mandaté du prévenu G.I.D., Me L.G., avocat, contre une nouvelle condamnation d’appel no. 37 du 24 septembre 2019, rendue dans l’affaire pénale d’appel de droit commun no. 271/2019 par le Tribunal de grande instance de Pleven, avec indication de l’ensemble des moyens de cassation au titre de l’art. 348, alinéa 1, points 1-3 du Code de procédure pénale (CPP).

Par jugement no. 34 du 27.02.2019, rendu dans l’affaire pénale de droit commun no. 130/2018 d’après le rôle du Tribunal d’instance de Kneja, le prévenu G.I.D. a été reconnu non-coupable d’avoir, en complicité avec un complice inconnu, comme co-auteurs, de 22h00 à 23h20, le 26 mars 2017, à [ville], dans une maison privée [rue], dépossédé le propriétaire P.P., avec l’intention de les voler, de biens meubles d’autrui évalués à 2 300,00 leva au total, en usant de la force, et, sur le fondement de l’art. 304 du CPP, il a été acquitté du chef d’accusation d’infraction pénale au titre de l’art. 198, alinéa 1 en lien avec l’art. 20, alinéa 2 du Code pénal (CP). Le juge a ordonné la restitution des pièces à conviction.

Sur recours du procureur près le Tribunal d’instance de Kneja, formé contre la condamnation de première instance, le Tribunal de grande instance de Pleven a ouvert l’affaire pénale d’appel de droit commun no. 271/2019 d’après le rôle de ce tribunal. Par une nouvelle condamnation d’appel no. 37 du 24 septembre 2019, rendue dans l’affaire précitée, la Tribunal de grande instance de Pleven a annulé la condamnation de première instance dans l’affaire pénale de droit commun no. 130/2018 du Tribunal d’instance de Kneja et, en son lieu et place a reconnu le prévenu G.I.D. coupable pour avoir en complicité, comme auteur avec un complice inconnu, du 22h00 à 23h20, le 26 mars 2017, à [ville], dans une maison privée [rue], dépossédé le propriétaire P.P., avec l’intention de les voler, des biens meubles d’autrui évalués à 2 300,00 leva au total, en usant de la force, et l’a condamné, sur le fondement de l’art. 198, alinéa 1 en lien avec l’art. 20, alinéa 2 du CP et l’art. 54 du CP, à une peine de trois ans et six mois de privation de liberté, à purger dans les conditions d’un régime initial général. Le juge a mis les frais de justice à la charge du prévenu et a ordonné la destruction des pièces à conviction.

Le pourvoi en cassation contre la condamnation d’appel, formé par le défenseur mandaté du prévenu D., fait valoir les moyens de cassation tirés de l’art. 348, alinéa 1, points 1-3 du CPP. Des arguments sont avancés selon lesquels la décision de justice est non fondée et l’accusation non prouvée. Des demandes sont formulées à titre subsidiaire : annuler la condamnation et confirmer l’acquittement prononcé par la première juridiction, annuler la décision d’appel et renvoyer l’affaire pour un nouvel examen, modifier la condamnation en réduisant la peine infligée au prévenu et appliquer une peine avec sursis.

Dans un mémoire complémentaire au pourvoi en cassation, déposé dans les délais, le défenseur a fait valoir des arguments en soutien des moyens de cassation avancés. Le grief tiré de violations des formes substantielles lors de l’adoption de l’arrêt s’appuie sur des arguments d’absence d’une analyse approfondie des éléments de preuve oraux, d’interprétation erronée des déclarations des témoins, d’absence de réponse à des questions essentielles concernant des éléments factuels de l’accusation. La violation du droit matériel est déduite des erreurs entachant l’administration de la preuve par le juge. Il est allégué également que la peine infligée au prévenu est manifestement plus élevée qu’une peine normalement encourue.

Lors de l’audience en cassation, le défenseur mandaté du prévenu D., Me L.G., soutient le pourvoi conformément aux arguments y exposés ou présentés dans le mémoire complémentaire. Il fait valoir que la juridiction d’appel n’a pas rempli ses obligations d’une élucidation objective, pleine et exhaustive des circonstances de l’affaire.

Le représentant du Parquet près la Cour suprême de cassation soutient avec des arguments à l’appui que le pourvoi est non fondé.

Le prévenu G.D. sollicite que le pourvoi soit accueilli et que la condamnation d’appel soit annulée.

La Cour suprême de cassation, après avoir examiné les moyens avancés par les parties et pris connaissance de la condamnation attaquée, dans les limites de ses compétences au titre de l’art. 347, alinéa 1 du CPP, a constaté ce qui suit :

Le pourvoi en cassation est fondé, bien que non entièrement par rapport à tous les moyens soulevés.

Il est nécessaire avant tout d’observer que les arguments, formulés dans le pourvoi et dans le mémoire complémentaire, tirés de l’insuffisance en fait de la condamnation attaquée, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un examen en cassation. L’insuffisance en fait ne constitue pas un moyen de cassation autonome et la juridiction de cassation statue dans les limites des faits établis par la juridiction d’appel. Le contrôle de cassation ne peut pas intervenir, ni remplacer l’intime conviction de la juridiction contrôlée quant à la foi accordée aux éléments de preuve. Voilà pourquoi l’examen effectué par la CSC se concentre sur la légalité formelle et matérielle de la décision attaquée. En ce sens, le contrôle doit inclure le respect des règles de procédure de collecte, de vérification et d’interprétation des éléments de preuve.

De même, la demande formulée dans le pourvoi, visant l’annulation de l’arrêt d’appel et la confirmation de la condamnation de première instance, ne tient pas compte des compétences imparties à la juridiction de cassation. Celle-ci contrôle l’arrêt d’appel et statue sur sa légalité formelle et matérielle.

En dehors de l’insuffisance en fait avancée, compte tenu des arguments exposés dans le pourvoi et le mémoire complémentaire, concernant le moyen de cassation indiqué, tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP, l’examen auquel la juridiction de cassation doit procéder consiste à vérifier la régularité du processus de formation de l’intime conviction du juge lors de la collecte et de l’appréciation des éléments de preuve, ainsi que lors de l’exécution de l’obligation d’une élucidation objective, pleine et exhaustive des circonstances de l’affaire. Cette vérification doit être effectuée parce que la juridiction d’appel est la dernière à établir les faits et c’est dans le cadre de la situation factuelle établie par elle qu’on examine l’application correcte du droit matériel. En effet, l’appréciation des éléments de preuve est une mission souveraine du juge, mais cette mission est susceptible de contrôle. Ce contrôle consiste à répondre à la question de savoir si des éléments de preuve et des moyens de preuve suffisants ont été appréciés afin de fonder les conclusions de fait. Il porte également sur la question de savoir si la juridiction contrôlée a garanti, par les éléments de preuve réunis et examinés, l’élucidation objective et exhaustive des circonstances pertinentes. Le contrôle concerne également le fait de savoir si les éléments de preuve n’ont pas été collectés de manière sélective, s’ils n’ont pas été examinés de manière partiale, biaisée ou tendancieuse, s’ils n’ont pas été chargés de contenu différent de leur contenu réel.

Afin de condamner le prévenu D., la juridiction d’appel a admis (f. 11 des motifs de la condamnation) qu’il existe « des éléments de preuve indirects interdépendants et un élément de preuve direct, notamment la matière biologique coïncidant avec le profil ADN du prévenu D. sur le rouleau de ruban adhésif utilisé par les auteurs pour immobiliser les mains du témoin P.P. ». En dehors du rapprochement effectué entre les éléments déduits des moyens de preuve oraux, qui n’ont pas mené à des conclusions importantes sur les faits, le fait cité sous-tend la conclusion de participation du prévenu aux faits incriminés. Cette conclusion de la juridiction d’appel peut être critiquée sous au moins deux angles qui montrent que la formation de l’intime conviction du juge souffre de vices graves mettant en cause les faits retenus.

D’un point de vue de principe, il y a lieu de relever que le juge du fond est censé procéder à une analyse critique approfondie de la preuve, susceptible de démontrer pourquoi tel ou tel fait a été admis comme établi, et la cohérence logique de cette analyse doit être objectivée dans la décision de justice. En effet, les éléments de preuve oraux ont été examinés avec un esprit critique et des contradictions ont été relevées entre les déclarations du prévenu, contenues dans ses explications, et son refus de reconnaître qu’il a été en contact avec le rouleau de ruban adhésif, d’une part, et, d’autre part, les déclarations du témoin M.S. selon lesquelles tous deux ils avaient isolé avec du ruban adhésif les câbles de la voiture plus tard revendue et qu’il avait apporté un tel ruban adhésif de [pays], les déclarations du témoin I.D. selon lesquelles il avait acheté la voiture au prévenu et qu’il n’y avait pas eu d’objets laissés dans la voiture. La juridiction contrôlée a argumenté ainsi sa conclusion selon laquelle il ne faut pas accorder foi aux explications du prévenu D. Toutefois, la juridiction d’appel n’a nullement argumenté sa thèse selon laquelle « Il existe des éléments de preuve indirects permettant d’établir de manière certaine le lien matériel entre le rouleau de ruban adhésif, qui a servi à lier les mains de la victime, et le prévenu G.D. ». Encore plus hypothétique est la conclusion selon laquelle le rouleau de ruban adhésif a été apporté par le prévenu sur la scène du crime. Afin d’aboutir à ces conclusions, la juridiction contrôlée s’est fondée sur des éléments de preuve indirects, notamment qu’un tel ruban adhésif noir avait été apporté d’Angleterre, qu’il avait été utilisé lors de la réparation de l’automobile revendue, que la matière biologique du prévenu D. était susceptible de rester longtemps sur le rouleau de ruban adhésif. Il est constant que des éléments de preuve indirects peuvent être utilisés dans le processus de la preuve. Mais il est également constant que « les éléments de preuve indirects, les indices, ne peuvent être utilisés, en procédure pénale, comme fondement unique pour asseoir la condamnation que si la conclusion tirée sur leur base est la seule possible. Une accusation, fondée uniquement sur des éléments de preuve indirects, des indices, est considérée comme prouvée de manière incontestable, conformément aux exigences de l’art. 301, alinéa 2 du CPP, lorsque chaque indice est lié au fait principal et s’il est de nature à constituer, s’il est examiné en lien avec l’ensemble des autres indices, un tout harmonique et à permettre des conclusions raisonnables concernant le fait principal, afin de pouvoir élucider la vérité objective des circonstances factuelles dans lesquelles l’infraction pénale a été commise » (Arrêt no. 34 du 6 février 1985, affaire pénale no. 6/85, 2e chambre pénale). La juridiction d’appel a négligé les règles d’administration de la preuve sur la base d’éléments de preuve indirects, viciant ainsi le processus de la preuve. De surcroît, la conclusion faite sur la base des éléments de preuve indirects ne concerne en aucune manière le fait que le prévenu a eu le comportement qui a été admis sur la base des faits – utilisation de la force contre le témoin P. et sa dépossession – mais uniquement les circonstances dans lesquelles le prévenu a laissé de la matière biologique sur le rouleau de ruban adhésif.

Plus loin, de manière tout à fait non conforme à la jurisprudence constante, la juridiction d’appel a considéré que la matière biologique découverte, coïncidant avec le profil ADN du prévenu, constitue un élément de preuve direct de l’infraction commise. Il est vrai que la règle de l’art. 104 du CPP ne fait pas de distinction entre éléments de preuve directs et indirects et qu’un tel classement est doctrinaire. Toutefois, bien que les éléments de preuve indirects servent à établir des faits relevant de l’objet de la preuve, ils ne peuvent pas à eux seuls, de manière isolée, établir un certain fait, mais nécessitent une appréciation d’ensemble et le rapprochement avec d’autres éléments de preuve. En l’occurrence, la juridiction d’appel a admis de manière erronée que la matière biologique trouvée et la conclusion de l’expert de son identité avec celle du prévenu D., constituent un élément de preuve direct démontrant l’auteur des faits. Les éléments de preuve directs sont ceux qui permettent d’établir directement et immédiatement les circonstances relatives au fait principal (par exemple les déclarations d’un témoin oculaire, les aveux du prévenu). Les éléments de preuve indirects ne peuvent orienter vers le fait principal que s’ils sont rapprochés à d’autres faits probants de l’affaire. Afin d’établir un lien objectif entre l’élément de preuve indirect et le fait principal qui doit être prouver, en l’occurrence l’auteur des faits, il est nécessaire de procéder à une appréciation extrêmement approfondie et précise, ainsi qu’à un rapprochement avec les autres éléments de preuve en l’espèce (en ce sens, l’Arrêt no. 507 du 13 décembre 2013, affaire pénale no. 2037/2013, 3e chambre pénale).

Ne peuvent pas être passées sous silence d’autres erreurs également, commises lors de l’adoption de la condamnation attaquée, notamment que celle-ci ne peut pas reposer sur des hypothèses : art. 303, alinéa 1 du CPP. Le juge du fond a avancé de telles hypothèses de fait dans ses motifs, pour les inclure dans la suite logique des circonstances de la réalisation des faits. Ainsi, tout à fait arbitrairement, il a admis que l’un des caméras, qui avait « perdu la vue », permet de tirer la conclusion d’une intervention extérieure visant à empêcher la vidéosurveillance. Une telle thèse d’expert n’a pas été prouvée, ni appuyée par d’autres sources de preuves. De manière également hypothétique, il a été admis que l’intensité plus faible des allèles du prévenu dans la matière biologique, laissée sur le rouleau de ruban adhésif, montre que le prévenu l’avait manipulé avant les faits.

Les considérations exposées démontrent que la juridiction d’appel a commis des erreurs dans l’appréciation des éléments de preuve, d’importance pour les conclusions de fait, ce qui a eu un effet sur le droit à la défense du prévenu. Cela justifie la conclusion quant à l’existence d’un moyen de cassation tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP, tendant à l’annulation de la nouvelle condamnation d’appel et au renvoi de l’affaire pour un nouvel examen par une autre formation de jugement de la juridiction d’appel, à partir de l’étape de l’audience.

Lors du nouvel examen de l’affaire, le juge doit procéder à une appréciation attentive et approfondie des éléments de preuve, en respectant les règles quant à la formation de l’intime conviction, afin de permettre l’application correcte du droit matériel.

Par ces motifs et sur le fondement de l’art. 354, alinéa 3, point 2 du CPP, la Cour suprême de cassation, Troisième chambre pénale,

A RENDU L’ARRET SUIVANT :

Annule la condamnation d’appel no. 37 du 24 septembre 2019, rendue dans l’affaire pénale d’appel de droit commun no. 130/2018 par le Tribunal de grande instance de Pleven.

Renvoie l’affaire pour un nouvel examen par une autre formation de jugement de la juridiction d’appel à partir de l’étape de l’audience.

L’arrêt est définitif.

PRESIDENT :
MEMBRES : 1.


Synthèse
Formation : Troisième chambre pénale
Numéro d'arrêt : 1154-2019
Date de la décision : 06/04/2020
Type d'affaire : Arrêt

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2020-04-06;1154.2019 ?
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