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06/08/2019 | BULGARIE | N°77

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, 06 août 2019, 77


Texte (pseudonymisé)
ARRET



no. 77



Sofia, 06 août 2019



AU NOM DU PEUPLE



La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Deuxième section, Chambre commerciale, en son audience du 14 mai 2019, composée de :



PRESIDENT : VANIA ALEXIEVA

MEMBRES : NIKOLAI MARKOV

GALINA IVANOVA



En présence de la greffière L. Aa, après avoir entendu l’affaire commerciale no. 1835/2018, rapportée par la présidente VANIA ALEXIEVA, et avant de statuer, a considéré ce qui suit :



La procédure a été

ouverte sur le fondement de l’art. 290 et suivants du CPC.

Le pourvoi en cassation a été formé par le Ministère de l’environnement et de l’eau contre l’arrêt n...

ARRET

no. 77

Sofia, 06 août 2019

AU NOM DU PEUPLE

La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, Deuxième section, Chambre commerciale, en son audience du 14 mai 2019, composée de :

PRESIDENT : VANIA ALEXIEVA

MEMBRES : NIKOLAI MARKOV

GALINA IVANOVA

En présence de la greffière L. Aa, après avoir entendu l’affaire commerciale no. 1835/2018, rapportée par la présidente VANIA ALEXIEVA, et avant de statuer, a considéré ce qui suit :

La procédure a été ouverte sur le fondement de l’art. 290 et suivants du CPC.

Le pourvoi en cassation a été formé par le Ministère de l’environnement et de l’eau contre l’arrêt no. 145 du 16 janvier 2018, rendu par la Cour d’appel de Sofia (CAS) sur l’affaire commerciale no. 4097/2017, par lequel arrêt était accueilli, suite à l’annulation du jugement du Tribunal de grande instance de Sofia (TGI de Sofia) no. 871 du 09 mai 2017, rendu sur l’affaire commerciale no. 689/2013, l’action en constatation négative, introduite avant le 25 décembre 2015 par la COMMUNE DE KRITCHIM contre le MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’EAU au titre de l’art. 124, alinéa 1 du CPC, et était reconnu comme établi que le demandeur ne doit pas au défendeur la somme de 179 422,32 leva, représentant une correction financière appliquée à propos du contrat d’attribution du marché public no. 12 du 26 janvier 2009, signé entre la commune de Kritchim, en tant que commettant, et A B, en sa qualité d’adjudicataire, en vue de l’exécution d’un projet relevant du contrat de subvention no. 58-131-С083/12.01.2009 du Programme opérationnel « Environnement 2007-2013 », cofinancé par le Fonds européen de développement régional et le Fonds de cohésion de la Communauté européenne pour le projet « Assistance technique en vue de la préparation du projet d’investissement « Achèvement, rénovation et réhabilitation du réseau d’approvisionnement en eau et d’assainissement et de construction d’une station d’épuration des eaux usées, [ville] », avec comme bénéficiaire la COMMUNE DE KRITCHIM et comme autorité contractante, le MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’EAU, les frais de procédure de 18 015,33 leva étant mis à la charge du requérant.

Le pourvoi en cassation soulève un grief d’irrégularité, lequel vice, représentant un moyen de cassation au titre de l’art. 281, point 3 du CPC, s’appuie sur des considérations de caractère infondé et de violation de la loi : moyens de cassation au titre de l’art. 281, point 3 du CPC.

Le demandeur en cassation proteste principalement contre les motifs de la juridiction d’appel, selon lesquels les conditions concrètes formulées à l’égard des participants potentiels à la procédure d’attribution du marché public, objet du pourvoi, ne violent pas les restrictions au titre de l’art. 25, alinéa 5 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), en liaison avec l’art. 51, alinéa 1, point 1 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), et ne donnent pas lieu à l’application d’une correction financière pour les irrégularités enregistrées comme s’y rapportant. Il considère comme irrégulière du point de vue de la procédure la conclusion de la juridiction d’appel selon laquelle aucun préjudice financier, réel ou potentiel, pour le budget général de l’UE n’a pas été prouvé en résultat de ces mêmes irrégularités formelles, objectivement existantes et dûment argumentées.

Le défendeur du pourvoi en cassation soutient que celui-ci est infondé et avance à l’appui des arguments juridiques détaillés dans sa réponse écrite, déposée au titre de l’art. 287, alinéa 1 du CPC, et dans sa défense, présentée par écrit à l’audience publique. Il estime que, dans la mesure où il n’est pas sans importance de savoir si le participant au marché public a mis en œuvre de manière performante un seul ou dix contrats, les critères de sélection, mis en place par la COMMUNE DE KRITCHIM, correspondant à la complexité de l’objet et au volume du marché public, ne sont pas discriminatoires et par conséquent, ne violent pas l’art. 25, alinéa 5 de la Loi sur les marchés publics (actuellement abrogée).

Le pourvoi en cassation a été déclaré recevable par l’ordonnance no. 25 du 14 janvier 2019, sur le fondement de l’art. 280, alinéa 1, point 3 du CPC, sur la question de droit matériel suivante, considérée comme substantielle pour l’issue de l’affaire : En cas d’une violation formelle établie de l’art. 25, alinéa 5 et/ou alinéa 6 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), existe-t-il également une irrégularité au sens de l’art. 2, point 7 du Règlement (CE) no. 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 et l’application d’une correction financière, dans cette hypothèse, est-elle déterminée par des conséquences financières réellement prouvées ou potentielles pour le budget général de l’UE ?

La présente formation de jugement de la Deuxième chambre commerciale de la CSC, après avoir considéré les arguments exposés à propos des griefs invoqués et après avoir vérifié les éléments du dossier, compte tenu de ses compétences au titre de l’art. 290, alinéa 2 du CPC, a établi ce qui suit :

Afin d’annuler le jugement prononcé par la juridiction du premier degré et d’accueillir, dans les conditions de l’art. 271, alinéa 1 du CPC, l’action en constatation négative introduite au titre de l’art. 124, alinéa 1 du CPC, les juges du fond de la Cour d’appel de Ab ont admis comme prouvée l’exécution des obligations, assumées à titre du contrat, objet de la procédure, par l’adjudicataire choisi au titre de Loi sur les marchés publics (abrogée) : préparation du projet d’investissement « Achèvement, rénovation et réhabilitation du réseau d’approvisionnement en eau et d’assainissement et construction d’une station d’épuration de déchets [ville] », pour lequel projet une subvention a été attribuée par le Fonds européen de développement régional, dans le cadre du Programme opérationnel « Environnement 2007-2013 ».

S’appuyant sur la conclusion d’absence de dépenses indues imputées dans les comptes, tirée par l’expertise comptable judiciaire admise et entendue d’office, la Cour d’appel de Sofia a abouti à la conclusion de droit définitive d’absence des préalables prévus par le législateur pour l’application d’une correction financière par l’agence exécutive compétente, d’un montant de 25% du contrat de subvention no. 58-131-СО 83/12.01.2009, dans le cadre du Programme opérationnel « Environnement 2007-2013 ».

Des considérations sont exposées selon lesquelles, dans la mesure où c’est le commettant-bénéficiaire qui, en conformité avec le pouvoir discrétionnaire que la loi lui a imparti, dans les limites introduites par l’art. 25, alinéa 5 et alinéa 6 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), détermine les critères de sélection, celui-ci dispose aussi de compétences pour formuler des conditions spécifiques envers les participants potentiels à la procédure d’attribution du marché public, basées sur l’objet du marché ou sur un texte règlementaire ad hoc applicable à ce marché, un tel critère étant notamment celui introduit par le point 2.1.4 des Conditions générales, faisant partie des « Exigences techniques » : « Les participants sont censés avoir mis en œuvre au moins 10 contrats de prestation de services en lien avec l’objet du marché (conception, services de conseil en lien avec la préparation du dossier d’un projet) durant l’année précédente, d’une valeur totale minimum de 5 000 leva HT, pour chacun d’entre eux ». L’absence de violation, du fait de la condition formulée par le bénéficiaire, des restrictions prévues par la Loi sur les marchés publics (abrogée) ou d’une interdiction légale ad hoc, selon les arguments exposés dans la partie descriptive de la décision de justice attaquée, exclut la possibilité de pouvoir procéder à un contrôle de son bien-fondé, voilà pourquoi celui-ci n’a pas été examiné.

Afin d’argumenter la conclusion de droit définitive d’absence de violation commise par le demandeur en cassation du droit de l’UE et du droit national dans le cas du marché public, objet de la procédure, violation susceptible d’être qualifiée d’« irrégularité » au sens de la définition donnée dans l’art. 2, alinéa 7 du Règlement (CE) no. 1083 /2006 du Conseil du 11 juillet 2006, la Cour d’appel de Sofia s’est fondée sur les conditions établies dans l’art. 25, alinéa 5, en liaison avec l’art. 51, alinéa 1, point 1 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), en admettant que ces conditions n’ont pas été réalisées dans leur unité cumulative.

L’absence admise d’un fondement de correction financière des subventions européennes allouées a été en outre argumentée avec l’absence de conséquences financières réelles ou potentielles pour le budget général de l’UE, de telles n’ayant pas été prouvées lors de la procédure selon les modalités de la charge de la preuve prévue par l’art. 154, alinéa 1 du CPC.

Il a été admis en outre que, dans la mesure où selon Orientations applicables de la Commission européenne, même lorsque la violation de la Loi sur les marchés publics (abrogée), alléguée par le défendeur, ait été formellement réalisée, l’absence d’éléments de preuve d’une dépense indue, effectuée en résultat de cette violation, exclut la possibilité d’appliquer une correction financière au bénéficiaire. Voilà pourquoi le montant de la correction, déterminée par l’autorité dûment habilitée pour procéder aux contrôles des fonds alloués par l’Union européenne, à savoir 179 422,32 leva, a été considéré comme indu par le demandeur en cassation.

І. Sur la question de droit pour laquelle le pourvoi en cassation a été accueilli.

L’art. 174 du Traite sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) établit les objectifs de l’Union de développement harmonieux à travers le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale des Etats membres, ces objectifs étant réalisés, comme il est indiqué dans l’article 175, au travers des fonds structurels et des autres instruments financiers existants.

Un de ces fonds, conformément à l’article 176 du TFUE, destiné à contribuer à la correction des principaux déséquilibres régionaux dans l’Union, est le Fonds européen de développement régional.

La réalisation de ses objectifs passe par le financement de projets, dans le cadre de programmes opérationnels dans les Etats-membres au sens de l’article 32, § 1 du Règlement no. 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006, et les fonds que l’Union a transféré à une autorité nationale de paiement, dans le cadre de l’assistance au travers les fonds structurels, maintiennent leur qualité de biens appartenant à l’Union. Voilà pourquoi chaque Etat membre est tenu d’assurer une utilisation conforme à la loi des fonds reçus en vue de la mise en œuvre de contrats et de projets cofinancés par les fonds structurels, le Fonds de cohésion, etc. Par conséquent, l’appréciation de savoir s’il y a eu ou non une « irrégularité » au sens de la définition donnée dans в l’art. 2, point 7 du Règlement (CE) no. 1083 /2006 du Conseil du 11 juillet 2006, en liaison avec l’art. 25, alinéa 5 et alinéa 6 de la Loi sur les marchés publics (actuellement abrogée), doit toujours être effectuée en tenant compte des conséquences financières pour le budget général de l’UE, engendrées par la violation concrète. Il est certain que l’irrégularité, dont les éléments constitutifs incluent par définition une action ou un manquement de la part d’une entité économique, menant à la violation du droit de l’Union et ayant ou susceptible d’avoir pour effet un préjudice au budget général de l’Union européenne, consistant en l’imputation d’une dépense indue des fonds du budget général, est un préalable de droit matériel entraînant une correction financière. La correction financière, conformément à la disposition de l’art. 98, § 2 du Règlement no. 1083/2006 du Conseil, consiste en l’annulation d’une partie ou de la totalité du soutien financier accordé par les fonds structurels ou d’investissement européens. Conformément à la pratique de la Cour de justice de l’Union européenne, exprimée dans un grand nombre d’arrêts, dont : С-260/14 ; С-158/08 ; С-670/11 ; С-341/2013 ; С-599/13, sur l’affaire Somvao – l’arrêt du 18 décembre 2014, le contenu de la correction financière correspond au contenu d’une mesure administrative au sens de l’art. 4, § 1 du Règlement no. 2988/95, et non à une sanction administrative. L’obligation de rembourser un avantage, obtenu de façon indue par une pratique irrégulière, ne viole pas le principe de légalité. L’établissement du fait, selon lequel les conditions nécessaires à l’obtention de l’avantage relevant du cadre juridique européen ont été artificiellement créées, rend cet avantage indu, ce qui justifie l’obligation de son remboursement. Voilà pourquoi il ne s’agit pas d’un préjudice réellement subi, devant faire l’objet d’une indemnisation ou d’une sanction administrative visant la sanction de l’acte coupable, mais seulement du remboursement d’un avantage reçu aux fins d’une utilisation non abusive de fonds publics. Eu égard à la solution retenue dans la pratique citée de la Cour de justice de l’Union européenne et à la définition légale de l’« irrégularité », donnée dans l’art. 2, point 7 du Règlement (CE) no. 1083/2006 du Conseil, la présente formation de jugement apporte la réponse suivante à la question de droit matériel soulevée : l’application d’une correction financière, dans l’hypothèse d’une violation formelle établie de l’art. 25, alinéa 5 et/ou alinéa 6 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), répondant aux critères d’irrégularité au sens de la définition donnée dans l’art. 2, point 7 du Règlement (CE) no. 1083 / 2006 du Conseil du 11 juillet 2006, n’est pas déterminée par l’établissement d’un préjudice réellement occasionné au budget de l’Union. Il suffit qu’il existe des conséquences financières potentielles pour le budget général de l’Union européenne du fait de la violation des principes de publicité, transparence, équité et non-discrimination, des atteintes à la stabilité de l’économie susceptibles de compromettre les fondements du marché intérieur, de la non création de conditions encourageant au maximum l’utilisation efficace des fonds conformément à leur destination d’amélioration de la situation économique de la région sur la base de l’accroissement de la libre concurrence entre les entités économiques, etc., lesquelles conséquences ne surviennent pas automatiquement suite à la violation et doivent être prouvées.

ІІ. Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué.

Examiné sur le fond, le pourvoi en cassation est fondé.

Examiné du point de vue de la réponse à la question de droit soulevée, l’arrêt d’appel attaqué est irrégulier et doit être annulé.

La règle de l’art. 25, alinéa 5 et alinéa 6 de la Loi sur les marchés publics (abrogée) introduit l’interdiction pour le commettant de formuler des critères ou des conditions susceptibles d’accorder un avantage ou de limiter de manière injuste la participation au marché public, et qui ne correspondent pas à l’objet, à la quantité ou au volume du marché public. En l’espèce, les critères spéciaux formulés par le demandeur en cassation à l’égard des soumissionnaires, dans le dossier de participation au marché public objet de la procédure, énoncés dans le р. II de l’Avis « Exigences envers les participants » ; le point 2.1.3 « Exigences financières envers le soumissionnaire » et le point 2.1.4. « Exigences techniques » sont comme suit : le soumissionnaire doit disposer d’un chiffre d’affaires total des services réalisés en lien avec l’objet du marché (conception, services de conseil en lien avec la préparation du dossier d’un projet) pour l’année précédente d’un montant minimum de 400 000 leva HT, et, si le participant participe sous forme de groupement (consortium), ces critères s’appliquent à chaque membre du groupement, ainsi qu’avoir à son actif au moins 10 contrats de prestation de services en lien avec l’objet du marché, réalisés au cours de l’année précédente, d’une valeur totale minimum de 5 000 leva HT, pour chacun de ces contrats. Au regard de l’objet du marché public, ce critère ne justifie pas une spécificité susceptible d’exiger du commettant d’avoir réalisé le nombre indiqué de contrats de services de conseil, ni ce chiffre d’affaires total des services fournis.

Il est vrai que, conformément à l’art. 25, alinéa 6 de la Loi sur les marchés publics (abrogée dans sa version du JO no. 93/2011), le commettant est habilité de définir les critères de sélection susceptibles de lui garantir un certain niveau de qualification professionnelle. En l’espèce cependant, dans la mesure où le nombre des contrats exécutés, ainsi que l’ampleur financière formulée dans les critères quant à la capacité du soumissionnaire, n’établissent pas en soi le niveau concret d’expertise susceptible de garantir l’exécution du contrat attribué avec la qualité requise, et dans la mesure où ils sont pour une période d’une seule et non de trois années, le critère fixé par le commettant sur la base de l’évaluation financière de l’activité précédente de l’adjudicataire potentiel et du niveau minimal des montants des contrats exécutés durant l’année précédant l’appel d’offres, non seulement viole la durée impérativement prévue dans l’art. 51, alinéa 1, point 1 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), mais conduit également de manière irrégulière à la limitation de la participation de soumissionnaires potentiels au marché public. Ce critère est en outre incompatible non seulement avec l’objet de ce marché public, mais aussi avec sa complexité et son volume, car le montant d’un contrat réalisé, comme il est admis par la jurisprudence constante, n’est pas un fait pertinent pour attester des capacités techniques du soumissionnaire. Il aurait fallu également qu’aux fins de l’appréciation de la correspondance entre les critères ainsi formulés de condition financière et économique du soumissionnaire et l’objet du marché public, la juridiction d’appel prenne en compte le fait qu’il ne s’agit que de la réalisation de la préparation d’un projet d’investissement concret : « Achèvement, rénovation et réhabilitation du réseau d’approvisionnement en eau et d’assainissement et construction d’une station d’épuration de déchets [ville] », financé par des fonds européens, et non de l’exécution de ce projet.

Eu égard à ce qui précède, la conclusion tirée par la juridiction d’appel, selon laquelle la COMMUNE DE KRITCHIM n’a pas violé l’art. 25, alinéa 5 en liaison avec l’art. 51, alinéa 1, point 1 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), est infondée et incompatible avec le droit de l’Union et les législations nationales s’y rapportant, réglementant les conditions et les modalités d’organisation des marchés publics – argument du § 85 de la Loi sur les marchés publics (abrogée).

Voilà pourquoi il y a lieu d’admettre que le deuxième élément des éléments constitutifs de l’irrégularité a été également réalisé.

Le litige entre les parties en l’espèce porte également sur l’existence du troisième élément des éléments constitutifs de l’irrégularité : le préjudice.

Conformément à la définition de la notion d’« irrégularité », figurant dans l’art. 2, point 7 du Règlement (CE) no. 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006, pour qu’il existe une irrégularité, il est nécessaire non seulement que l’entité économique concrète ait violé le droit de l’Union et le droit national s’y rapportant, mais que cette violation ait ou soit susceptible d’avoir comme effet un préjudice pour le budget de l’Union.

En l’espèce, la juridiction d’appel a considéré que même si l’on admet qu’avec l’adoption des critères le demandeur a déjà formellement violé les exigences de la Loi sur les marchés publics (abrogée) lors de la signature du contrat du marché public, objet de la procédure, l’absence de preuves recueillies d’un préjudice réellement occasionné du fait de la violation, susceptible d’impacter le budget de l’Union, y compris en provoquant des dépenses indues concrètes, exclut la réalisation des éléments constitutifs de l’irrégularité.

La conclusion de la juridiction d’appel n’est pas légitime et n’est pas partagée par la présente formation de jugement. Selon la pratique de la Cour de justice de l’Union européenne, figurant dans l’arrêt du 14 juillet 2016 Wroclaw, C-406/14 EU, le non-respect des règles d’attribution des marchés publics « constitue une irrégularité au sens de l’art. 2, point 7 du Règlement 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006, pour autant que la possibilité que ce manquement ait eu une incidence sur le budget du Fonds concerné ne puisse pas être exclue ». En l’espèce, les arguments du défendeur dans le litige, selon lesquels la mise en place d’exigences injustifiées envers les participants au marché public ait éventuellement empêché la soumission d’offres chiffrées plus avantageuses, est un préalable suffisant d’utilisation inefficace par le bénéficiaire des fonds européens attribués en vue du financement du marché public : un élément relevé dans l’analyse de l’autorité d’audit, l’Agence exécutive d’audit des fonds de l’Union européenne, et pleinement accepté par l’autorité de gestion, qu’il y a lieu de partager comme fondé, vu les éléments de preuve recueillis en l’espèce. Eu égard à la nature et au caractère de la violation constatée, la thèse du défendeur en cassation, selon laquelle il n’y a pas eu de traitement inéquitable des opérateurs économiques et la violation alléguée est « hypothétique », est sans fondement légal. C’est une autre question de savoir que ni du point de vue juridique, ni du point de vue pratique, l’exigence d’au moins 10 contrats exécutés, englobant des activités similaires à celles de l’objet du marché visé, réalisés durant l’année précédente, ne constitue pas en soi une preuve des capacités techniques, ni de la qualification des soumissionnaires : circonstance qui, visiblement n’a pas échappé au législateur qui a introduit, dans l’art. 51, alinéa 1, point 1 de la Loi sur les marchés publics (abrogée), des conditions différentes de celles-ci.

Les éléments exposés permettent de résumer qu’au regard de l’interprétation donnée par la Cour de l’UE et compte tenu du caractère de la violation concrète, constituant de manière certaine une irrégularité au sens de l’art. 2, point 7 du Règlement (CE) no. 1083/2006 du Conseil, il est objectivement impossible d’exclure l’éventualité que cette irrégularité ait limité l’accès d’autres participants, sociétés commerciales possédant les ressources humaines et techniques nécessaires à la mise en œuvre du marché public, portant ainsi atteinte aux règles de la concurrence. L’existence d’une possibilité potentielle d’impact négatif sur le budget du fonds concerné, du fait d’une utilisation moins efficace des fonds que celle visée par leur destination d’améliorer la situation économique de la région moyennant la libre concurrence entre les entités économiques, justifie la conclusion de droit d’existence d’un préjudice, le troisième élément des éléments constitutifs de l’irrégularité.

Il a été établi de manière certaine qu’en l’espèce, la correction financière a été appliquée en conformité et avec un montant correspondant à la Méthodologie de fixation des corrections financières, adoptée par l’arrêt no. 134/2010 du Conseil des ministres, et aux Orientations de fixation des corrections financières, adoptées d’un accord commun entre le demandeur en cassation et la personne morale défenderesse, formalisé dans l’avenant no.1 au contrat objet de la procédure, applicable à partir du 05 mai 2010 – argument de l’art. 24а, alinéa 2, § 6 de celui-ci.

Comme il appert de la conclusion de l’expertise comptable judiciaire, entendue par les juges, la correction financière appliquée, d’un montant de 179 422,32 leva, n’a pas été versée au défendeur, le ministère de l’Environnement et de l’Eau, qui a effectué le paiement intégral de la somme de 790 529,68 leva, dans laquelle était incluse la correction, ce qui rend cette somme due.

Sur les considérations exposées et comme, en l’espèce, il n’y a pas de nécessité de répéter ou d’effectuer de nouveaux actes de procédure, après l’annulation de l’arrêt d’appel attaqué, le litige doit être tranché sur le fond, en vertu de l’art. 293, alinéa 2 en liaison avec alinéa 1 du CPC, par le juge de cassation, en rejetant comme infondée l’action en constatation négative fondée sur l’art. 124, alinéa 1 du CPC.

Eu égard à l’issue de l’affaire en cassation et à la règle procédurale de l’art. 78, alinéa 8 en liaison avec alinéa 3 du CPC, il y a lieu d’attribuer au défendeur les frais de procédure réclamés en temps utile, pour l’ensemble des procédures, ces frais s’élevant au total à 600 leva (300 leva pour la juridiction du premier degré et 150 leva pour chacune des juridictions d’appel et de cassation), tels que définis au titre de l’art. 37 de la loi sur l’aide juridique en liaison avec l’art. 25, alinéa 1 de l’Ordonnance relative au paiement de l’aide juridique.

Motivée par ce qui précède, la présente formation de jugement de la Deuxième chambre commerciale de la CSC, en vertu de l’art. 293, alinéa 2, en liaison avec alinéa 1 du CPC,

DECIDE :

ANNULE l’arrêt d’appel no. 145 du 16 janvier 2018 de la Cour d’appel de Sofia, rendu sur l’affaire commerciale no. 4097/2017, et a sa place,

DIT :

REJETTE comme infondée l’action en constatation négative, introduite par la COMMUNE DE KRITCHIM contre le MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’EAU pour un montant de 179 422,32 leva (cent soixante-dix-neuf mille quatre cent vingt-deux leva et trente-deux centimes), constituant la correction financière appliquée sur le contrat d’attribution du marché public no. 12/26.01.2009, avec pour commettant la COMMUNE DE KRITCHIM et pour adjudicataire A B, signé en exécution d’un projet relevant du contrat de subvention no. 58-131-С083/12.01.2009, dans le cadre du Programme opérationnel « Environnement 2007-2013 », cofinancé par le Fonds européen de développement régional et le Fonds de cohésion de la Communauté européenne, pour le projet « Assistance technique en vue de la préparation du projet d’investissement « Achèvement, rénovation et réhabilitation du réseau d’approvisionnement en eau et d’assainissement et de construction d’une station d’épuration des eaux usées [ville] », avec comme bénéficiaire la COMMUNE DE KRITCHIM et comme autorité contractante le MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’EAU.

CONDAMNE la COMMUNE DE KRITCHIM à payer au MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’EAU la somme de 600 leva (six cents leva) à titre de frais de procédure pour l’ensemble des procédures.

L’ARRET n’est pas susceptible de pourvoi.

PRESIDENT:

MEMBRES :


Synthèse
Numéro d'arrêt : 77
Date de la décision : 06/08/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2019-08-06;77 ?
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