ARRET
N° 32
Sofia, le 02.04.2019
AU NOM DU PEUPLE
La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, deuxième chambre civile, lors de son audience tenue le treize février deux mille dix-neuf, composée de :
PRESIDENT : PLAMEN STOEV
MEMBRES : C B
X A
en présence de la greffière Ina Ag
a entendu le rapport du juge Plamen Stoev sur l’affaire n° 1816/18, et pour statuer a pris en considération ce qui suit :
La procédure est au titre des articles 290 – 293 du Code de procédure civile.
La procédure a été ouverte sur le pourvoi en cassation introduit par Ao Ah Aa de la ville de Septemvri, contre la décision en appel n° 63 du 19.02.18 rendue dans l’affaire civile en appel n° 43/18 par le Tribunal de grande instance de Pazardjik, contenant des griefs d’irrégularité en raison de la violation du droit matériel, des infractions substantielles commises dans les règles de procédure judiciaire et du mal fondé de la décision : autant de justifications pour le recours en cassation au titre de l’article 281, point 3 du Code de procédure civile.
La décision a été admise au contrôle de cassation suivant les conditions de l’article 280, alinéa 1, point 1 du Code de procédure civile, concernant la question sur l’applicabilité de la présomption au titre de l’article 69 de la Loi sur la propriété par rapport à une personne se référant à une prescription acquisitive expirée en sa faveur, lorsque notamment avant l’expiration du délai de prescription celle-ci ne possédait pas de droits sur un bien en succession.
Les défendeurs au pourvoi ont pris position sur son mal fondé.
La cour suprême de cassation, deuxième chambre civile, en jugeant les données du dossier et les affirmations des parties, trouve que :
Par la décision susmentionnée, la cour d’appel a confirmé la décision n° 970 du 23.11.17 dans l’affaire civile n° 1033/17 du Tribunal d’instance de Pazardjik, par laquelle, par rapport à la requête introduite par Ap Am Ae, An Ab Af et Ac A Ae contre Ao Ah Aa, qualifiée par l’article 124, alinéa 1 du Code de procédure civile, il a été reconnu comme établi que les requérants sont les propriétaires par succession d’une quote-part idéale totale correspondant aux 5/36 d’un verger d’une surface de 2,140 décars (= 0,214 hectares), situé dans le terroir de la ville de Septemvri, dans le site Ai, le bien ayant le n° identifiant 017122, ainsi que d’un champ agricole d’une surface de 2,375 décars (= 0,2375 hectares), situé dans le terroir de la même ville, dans le site Al, le bien ayant le n° identifiant 018688, et il a été procédé à l’abrogation de l’acte notarié n° 43/15 délivré en faveur du défendeur, à hauteur de la quote-part idéale des biens possédée par les demandeurs.
L’examen de l’affaire a permis de constater que le droit de propriété sur les deux biens litigieux avait été restitué, selon les dispositions de la Loi sur la propriété et l’usage des terres agricoles, par décision n° 4 du 17.07.2000 de la Commission foncière de Septemvri, aux héritiers de Aq Aj Ak, décédée en 1956, dont une partie se sont constituées parties dans l’affaire, le défendeur étant le fils de sa fille Ad Ac Aa, décédée le 22/11/2013. En 2015, le défendeur s’est procuré un acte de constat notarié pour la propriété de la totalité des biens sur le fondement de la possession acquisitive ; ainsi, en lien avec l’objection qui a été faite au cours de l’affaire, à savoir que la prescription acquisitive a expiré en sa faveur, il a été établi que sur une longue période de temps /de 2002 à 2014/ il s’est occupé des biens personnellement ou par le biais de tiers.
Vu ces données et ces faits, la cour d’appel a considéré que l’entretien et le travail des biens litigieux par le défendeur pendant une longue période de temps ne permet pas de faire la conclusion que toutes les conditions soient réunies pour qu’il soit légitimé comme leur propriétaire en vertu d’une prescription acquisitive expirée. Des raisons sont exposées à l’appui de la thèse que la copropriété sur les biens est survenue après leur restitution effectuée selon les dispositions de la Loi sur la propriété et l’usage des terres agricoles, et ce, par succession, nonobstant le fait que les parties ne soient pas les héritiers directs de leur ascendante commune, et que par conséquent le défendeur a été le détenteur des quotes-parts du reste des héritiers et pour pouvoir acquérir leurs quotes-parts idéales par prescription acquisitive, il devait « repousser » leur possession en leur faisant clairement savoir son intention de posséder le bien dans son entier. Comme la connaissance de l’affaire ne laisse pas constater la réalisation d’actions du défendeur qui démontreraient de manière claire et non univoque son intention de le posséder pour soi-même, la cour a considéré cette objection comme injustifiée. Il a été indiqué que de telles actions étaient effectuées à peine en 2015, année en laquelle le défendeur s’est procuré un acte de constat notarié pour la propriété de l’intégralité des biens litigieux.
La question juridique posée ayant conditionné les conclusions de la cour d’appel a été tranchée en contradiction avec la jurisprudence de la cour suprême de cassation, jurisprudence que la présente formation de jugement partage entièrement. Dans l’arrêt présenté par le demandeur au pourvoi n° 262 du 29/11/2011 dans l’affaire civile n° 342/2011 de la Cour suprême de cassation, deuxième chambre civile, statué en application de l’article 290 du Code de procédure civile, il est admis que, lorsque le pouvoir de fait sur un bien entièrement d’autrui a été acquis en l’absence de fondement juridique, d’après la présomption de l’article 69 de la Loi sur la propriété, il est impliqué que celui qui exerce le pouvoir de fait détient le bien pour soi-même, c’est-à-dire qu’il a la qualité de possesseur.
En réponse à la question juridique posée, la conclusion s’impose que la cour d’appel a incorrectement admis que, puisque la copropriété sur les biens litigieux est survenue suite à une succession, le demandeur au pourvoi avait la qualité de leur détenteur, étant donné qu’il s’est référé à la prescription acquisitive expirée en sa faveur avant la mort de sa mère, qui est l’une des héritières directes de l’ascendante commune Aq Aj Ak, c’est-à-dire pour une période pour laquelle il n’avait aucun droit sur le bien. Nonobstant cela, les conclusions finales du mal fondé de cette objection du demandeur au pourvoi, ainsi que du bien fondé des premières requêtes introduites, sont correctes.
Pour acquérir un bien par prescription acquisitive, il est nécessaire que non seulement le possesseur exerce sur lui de manière continue un pouvoir de fait, au cours de la période de temps indiquée par la loi, mais aussi que cette possession s’opère de façon ininterrompue, paisible et apparente. En l’occurrence, les données du dossier indiquent que la possession opérée sur les biens litigieux par le demandeur au pourvoi, pour avoir duré plus de 10 ans, n’a pas été apparente, c’est-à-dire exercée de manière à dévoiler clairement son intention de détenir les biens comme siens et à donner à toute personne concernée la possibilité de l’apprendre. Cette conclusion s’impose également parce que dans sa réponse à la première requête introduite auprès du tribunal d’instance, le demandeur au pourvoi n’a pas contesté les affirmations des requérants, appuyées également par les témoignages de vive voix recueillis dans le dossier de l’affaire, à savoir que lors de ses rencontres et conversations entre les parties à l’occasion des biens litigieux, il était considéré comme le représentant de sa mère âgée /en tant que copropriétaire, celle-ci pouvait entretenir et travailler ces biens personnellement ou par le biais de tiers/ et qu’il exprimait son accord pour concourir à la liquidation de la copropriété en n’affirmant jamais qu’il considérait les biens comme siens. Voilà pourquoi il convient d’admettre que la possession qu’il exerçait sur les biens était dissimulée par son caractère par rapport aux requérants et n’a pas pour conséquence l’acquisition, par prescription acquisitive conformément à l’article 79, alinéa 1 de la Loi sur la propriété, des quotes-parts idéales dont les requérants étaient les propriétaires par succession.
Au vu de ce qui a été exposé ci-dessus et sur le fondement de l’article 293, alinéa 1 du Code de procédure civile, l’arrêt qui fait l’objet du pourvoi doit être laissé en vigueur.
Etant donné cette issue de l’affaire et sur le fondement de l’article 78, alinéa 3 du Code de procédure civile, le demandeur au pourvoi est condamné à rembourser aux défendeurs au pourvoi les dépens supportés dans le cadre de la présente procédure sous forme de rémunération de l’avocat d’un montant de 600 levas. Les dépens pour carburant d’un montant de 50 levas revendiqués par le mandataire des défendeurs pour rendre possible son apparition devant le juge ne doivent pas être adjugés car il manque dans le dossier des justificatifs prouvant que ces dépens ont bien été supportés par les défendeurs.
Au vu des considérations exposées ci-dessus, la Cour suprême de cassation, deuxième chambre
A A R R E T E :
Laisse en vigueur l’arrêt en appel n° 63 du 19/02/2018, statué dans l’affaire civile en appel n° 43/18 par le Tribunal de grande instance de Pazardjik.
Condamne Ao Ah Aa de la ville de Septemvri à verser à Ap Am Ae, à An Ab Af et à Ac A Ae le montant de 600 levas /six cents levas/ de dépens.
L’arrêt n’est pas susceptible de recours.
PRESIDENT:
MEMBRES: