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11/02/2019 | BULGARIE | N°160

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, 11 février 2019, 160


Texte (pseudonymisé)
ARRET

no. 160

Sofia, 11 février 2019



AU NOM DU PEUPLE



La Cour suprême de cassation (CSC) de la République de Bulgarie, Deuxième section pénale,

à son audience publique de ce vingt juin deux mille dix-huit, composée de :



PRESIDENTE : BILIANA TCHOTCHEVA

MEMBRES :C A

Y X



En la présence de la greffière Kristina Pavlova et du procureur Ag Ac, a entendu l’affaire pénale en cassation no. 744, d’après le rôle de 2017, rapportée par la juge TCHOTCHEVA, et, avant de statuer, a considéré ce

qui suit :



Le pourvoi en cassation a été formé au titre de l’art. 354, alinéa 5, phrase 2 du Code de procédure pénale (CPP) sur un recours de...

ARRET

no. 160

Sofia, 11 février 2019

AU NOM DU PEUPLE

La Cour suprême de cassation (CSC) de la République de Bulgarie, Deuxième section pénale,

à son audience publique de ce vingt juin deux mille dix-huit, composée de :

PRESIDENTE : BILIANA TCHOTCHEVA

MEMBRES :C A

Y X

En la présence de la greffière Kristina Pavlova et du procureur Ag Ac, a entendu l’affaire pénale en cassation no. 744, d’après le rôle de 2017, rapportée par la juge TCHOTCHEVA, et, avant de statuer, a considéré ce qui suit :

Le pourvoi en cassation a été formé au titre de l’art. 354, alinéa 5, phrase 2 du Code de procédure pénale (CPP) sur un recours de l’avocat de l’accusé M.G.N. contre l’arrêt no. 82/29.05.2017 de la Cour d’appel de Aa Ae, rendu sur l’affaire pénale de droit commun en appel no. 32/2017, dans la partie concernant la confirmation de sa condamnation par le jugement no. 61/05.11.2014 du Tribunal de grande instance de Gabrovo dans l’affaire pénale de droit commun no. 18/2014.

Le pourvoi fait valoir des moyens de cassation tirés de l’art. 348, alinéa 1, point 1-3 du CPP. On demande l’acquittement de l’accusé qui n’a pas commis les infractions pénales pour lesquelles il a été condamné.

A l’audience devant la CSC, l’accusé ne comparaît pas et les griefs et les demandes exposés dans son pourvoi sont soutenus par son avocat mandaté.

Dans sa plaidoirie sur le fond, le procureur du Parquet près la Cour suprême de cassation estime infondées les exceptions soulevées dans le pourvoi et propose de maintenir en force l’arrêt attaqué.

La Cour suprême de cassation, après avoir examiné les moyens avancés par les parties et procédé au contrôle de l’acte de justice attaqué, dans les limites de l’art. 347, alinéa 1 du CPP, a établi ce qui suit :

Par son jugement no. 61//05.11.2014, rendu sur l’affaire pénale de droit commun no. 18/2014, le Tribunal de grande instance de Gabrovo a reconnu l’accusé M.G.N. coupable pour avoir commis deux infractions pénales en concours réel d’infraction, comme suit :

- au titre de l’art. 244, alinéa 2, en lien avec l’alinéa 1 du Code pénal (CP),

pour avoir, le 11 avril 2013, dans la zone de la station-service E., à [ville], détenu de faux billets de banque en grande quantité (99 fausses coupures d’une valeur nominale de 500 euros) ; une peine de 3 ans de privation de liberté lui a été appliquée, à exécuter au début sous un régime général en prison ou dans une maison d’arrêt de type ouvert ;

- et au titre de l’art. 348, lettre a du CP

pour avoir, le 11 avril 2013, dans la salle de séjour de son logement à [ville], no.**, rue V.D., détenu un dispositif radio (poste émetteur avec trois antennes et inscription GPS-Mobile) qui émet sur les ondes (comme brouilleur du signal des opérateurs de téléphonie mobile), sans en détenir une autorisation écrite ; une peine de 1 an de privation de liberté lui a été appliquée, à exécuter sous un régime général en maison d’arrêt de type ouvert, et une amende de 200 leva.

Sur le fondement de l’art. 23, alinéa 1 et alinéa 3 du CP, le Tribunal de grande instance de Gabrovo a appliqué au total à l’accusé la peine la plus grave de 3 ans de privation de liberté, à exécuter au début sous un régime général, en y ajoutant une amende de 200 leva et en en déduisant, sur le fondement de l’art. 59, alinéa 1 du CP, le temps de la détention provisoire du 11 avril 2013 au 11 juillet 2013.

Sur le fondement de l’art. 53, alinéa 2, lettre a du CP, le TGI de Gabrovo a saisi au profit de l’Etat les 99 coupures de 500 euros et, sur le fondement de l’art. 348 du CP, a également saisi le poste émetteur. Le TGI s’est prononcé sur les éléments de preuve matériels et a mis à la charge de l’accusé les frais de procédure.

Suite à un recours du Parquet, concernant uniquement l’équité de la peine infligée pour l’infraction pénale au titre de l’art. 244, alinéa 2 du CP, ainsi qu’à un recours de l’accusé à l’encontre de sa condamnation pour deux infractions, une affaire pénale de droit commun en appel no. 338/2014 a été ouverte devant la Cour d’appel de Aa Ae. Par son arrêt no. 43/09.03.2015, la juridiction d’appel a annulé le jugement rendu par la juridiction du premier degré et a acquitté l’accusé des chefs d’accusation portés contre lui.

Le procureur a formé un pourvoi en cassation contre l’acquittement total de l’accusé des deux chefs d’accusation, ce qui a déclenché l’ouverture de la procédure devant la CSC. Par son arrêt no. 287/14.09.2015 sur l’affaire pénale no. 702/2015, la CSC, 1re section pénale, a annulé l’arrêt d’appel au motif d’irrégularités procédurales et juridiques et a renvoyé l’affaire pour réexamen à la Cour d’appel de Aa Ae.

A la suite de la deuxième procédure d’appel, par son arrêt no. 22/26.02.2016 sur l’affaire pénale de droit commun en appel no. 271/2015, la Cour d’appel de Aa Ae a entièrement confirmé le jugement no. 61/05.11.2014, rendu par le Tribunal de grande instance de Gabrovo sur l’affaire pénale de droit commun no. 18/2014.

Toutefois, l’accusé, resté insatisfait par l’arrêt, a formé un pourvoi en cassation fondé sur des moyens tirés de l’ensemble des motifs de l’art. 348, alinéa 1, point 1-3 du CPP. Par son arrêt no. 168/13.01.2017 sur l’affaire pénale no. 500/2016, la CSC, 3e section pénale, a annulé l’arrêt d’appel et a renvoyé une deuxième fois l’affaire pour réexamen à la Cour d’appel de Aa Ae, avec des instructions de corriger les irrégularités procédurales substantielles.

A l’issue d’une troisième procédure d’appel, tenue dans le cadre de l’affaire pénale de droit commun en appel no. 32/2017, l’arrêt actuellement attaqué par l’accusé, no. 82/29.05.2017, a été rendu. Cet arrêt a annulé le jugement rendu par la juridiction du premier degré dans la partie concernant le type d’établissement pénitentiaire où l’accusé devait purger la totalité de sa peine de privation de liberté, et l’a confirmé pour le reste. Les frais de la procédure d’appel ont été mis à sa charge.

La chronologie exposée ci-dessus du déroulement de la procédure montre que la procédure devant la CSC est la troisième de suite et qu’à son égard s’applique donc la disposition de l’art. 354, alinéa 5, phrase 2 du CPP, qui ne permet pas un nouveau renvoi de l’affaire pour réexamen et charge la présente juridiction de statuer vu ses compétences de juridiction d’appel.

Aux fins du bon examen des exceptions soulevées par le demandeur en cassation dans le pourvoi et, compte tenu des particularités de la procédure dans les conditions de l’actuel troisième de suite pourvoi en cassation, la CSC s’est appuyée sur ses compétences lui permettant d’agir en juridiction d’appel et a procédé au recueil d’éléments de preuve écrits supplémentaires, tout en intégrant les éléments avancés par l’accusé dans ses explications devant la formation de jugement en appel sur l’affaire pénale de droit commun en appel no. 338/2014 et dans celles données lors de l’enquête préliminaire no. 6/2013. Après avoir vérifié ces éléments de preuve de façon autonome et ensemble avec les autres sources de preuve, la CSC a constaté comme suit :

Le pourvoi en cassation de l’accusé est infondé.

Concernant l’infraction pénale au titre de l’art. 244, alinéa 2, en lien avec alinéa 1 du CP

Il ressort du contenu du pourvoi en cassation que les exceptions principales, soulevées au sujet de cette infraction pénale, se réduisent à une condamnation illégitime de l’accusé, fondée, comme il est allégué, uniquement sur des données recueillies par des techniques spéciales d’enquête (TSE), en violation de l’art. 177, alinéa 1 du CPP ; en outre, une technique illégale a été utilisée lors de l’enquête : mise en scène/provocation policière réalisée par deux agents sous couverture qui l’ont activement motivé de se lancer dans la vente de fausse monnaie. A cette occasion, il est souligné que la juridiction d’appel n’a pas appliqué les instructions de la CSC, formulées dans son dernier arrêt révocatoire, notamment d’examiner dûment les exceptions portant sur la provocation policière, en tenant compte de la norme introduite par plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), en application de l’art. 6 (1) de la Convention européenne des droits de l’homme.

La CSC estime que la juridiction d’appel n’a pas en effet appliqué pleinement les consignes données par la formation de jugement précédente de la CSC en vue du bon examen de la question de savoir si un procédé illégal a été utilisé aux fins de l’enquête par provocation policière.

En dehors de la mise au point des détails concernant la procédure d’autorisation de TSE (agents sous couverture et achat/vente sous couverture) et l’accès à des informations fiables relatives à l’existence réelle d’agents sous couverture et leur relation avec les services, ainsi que leur audition immédiate (ce que la juridiction d’appel a réussi à bien organiser), la CSC a explicitement indiqué qu’il faut examiner les informations et le mode d’organisation de l’opération elle-même, y compris répondre aux questions « qui a motivé l’accusé d’entreprendre ces actes (en cas d’informations indiquant notamment qu’un agent de police a contacté l’accusé afin de le motiver de lui vendre de fausses coupures d’euro), comment et où le contact entre les deux hommes a été réalisé, de quoi ils ont parlé avant l’interpellation et qui a initié la commission de l’infraction pénale ». Il a été admis que tout cela se rapporte aux explications de l’accusé quant à la complicité de deux hommes, dénommés I. et E., le premier ayant produit l’enveloppe avec les euros et le deuxième l’ayant prise et lui ayant ensuite donné des leva bulgares, trouvés sur lui au moment de l’interpellation.

Il est évident qu’afin de respecter les consignes ainsi données, la juridiction d’appel devait également attentivement examiner les explications fournies par l’accusé durant la procédure, en les confrontant avec les autres sources de preuve, ce qu’elle n’a pas manifestement fait. Afin de remédier à cette erreur procédurale, la CSC a du intégrer, lors de la présente procédure, les explications données par l’accusé lors de la première affaire en appel no. 338/2014, ainsi que celles provenant de l’enquête préliminaire, lues par la formation de jugement en appel à l’audience du 09 mars 201.

A l’issue de cet examen, le CSC a estimé que, sur le fond, les faits de l’infraction, retenus par la juridiction du premier degré, confirmés par la juridiction d’appel lors de la troisième procédure, ne sont pas susceptibles de modfications et qu’il n’est pas nécessaire de la reprendre dans tous leurs détails. Dans le même temps, il est nécessaire de donner une réponse exhaustive aux exceptions soulevées par la défense quant à la provocation policière, en utilisant à cet égard la norme élaborée dans la jurisprudence de la CEDH (Voir Teixeira de Castro v. Portugal (09.06.1998), par. 34-39, Vanyan v. Russia (15 mars 2006), par. 46-49, Ah v. Russia (26.01.2007), par. 128-137, Ramanauskas v. Lithuania (05 février 2008), par. 49-73, Ali v. Romania (09 novembre 2010), par. 98-105, Ad v. Russia (04 février 2011), par. 33-78, Ab Z Af (23.10.2014), par. 46-69. Selon cette norme, « Il y a provocation policière lorsque les agents impliqués – membres des forces de l’ordre ou personnes intervenant à leur demande – ne se limitent pas à examiner d’une manière purement passive l’activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui en fait l’objet une influence de nature à l’inciter à commettre une infraction qu’autrement elle n’aurait pas commise, pour en rendre possible la constatation, c’est-à-dire en apporter la preuve et la poursuivre ». (Voir la définition de la provocation policière dans l’affaire Ramanauskas v. Lithuania, par. 55, mentionnée dans le test matériel décrit dans le cadre de l’affaire Ad v. Russia. op. cit.).

La CEDH a formulé quelques critères principaux visant à distinguer ces pratiques, inadmissibles, mises en œuvre par des personnes définies comme des agents-provocateurs, des procédés légaux d’enquête utilisant des agents sous couverture. Ces critères permettent de répondre à la question clé : l’infraction aurait-elle eu lieu sans l’intervention de ces agents ou ces derniers ont exercé une telle influence sur la personne qu’ils ont réussi à la motiver/inciter/provoquer à la commettre ? Dans de telles hypthèses, on estime que les limites de l’intervention admissible ont été dépassées et qu’il y a un écart de l’exigence de mener l’enquête de manière essentiellement passive.

L’éclaircissement correct de ces moments essentiels suppose une étude attentive des raisons ayant motivé l’opération et du comportement des autorités qui l’ont réalisée. Les circonstances et les informations suivantes revêtent une importance particulière :

1. Existence d’une information objectivement vérifiable sur les raisons et les objectifs de l’opération : y a-t-il eu des soupçons raisonnables d’une participation de la personne à une activité délictueuse ou d’intentions ou d’une disposition à la commission d’infractions pénales et de quelle manière se sont-ils manifestés ? Une condamnation antérieure n’est pas une indication suffisante d’une activité criminelle actuelle. Les informations préalables indiquant une intention ou une disposition à participer à une activité délictueuse doivent être disponibles dès le premier contact de la personne avec la police et vérifiables à l’avenir dans le cadre d’une procédure judiciaire.

2. Existence d’une procédure claire et prévisible permettant un contrôle juridictionnel indépendant sur l’octroi de l’autorisation et l’organisation de l’opération.

3. Informations sur le temps et la manière d’effectuer l’opération, ainsi que sur le caractère et le degré de participation de la police.

Tout cela est nécessaire afin d’apprécier si l’agent s’est joint à une infraction pénale déjà en cours ou si c’est lui qui l’a provoquée. Il est important de savoir qui a été à l’origine du contact et s’il y a eu une incitation à la commission de l’infraction, si l’agent a insisté ou s’il a exercé une pression quelconque (à cet égard, il est important d’établir la nature de l’infraction et la vulnérabilité de la personne soumise à la pression).

Dans sa jurisprudence, la CEDH oriente les juridictions vers le respect d’une norme procédurale lorsqu’elles cherchent à répondre à la question de savoir s’il y a eu ou non une mise en scène/provocation policière, respectivement s’il y a eu un comportement inadmissible de la part des services et des agents de la police, susceptible d’être examiné comme une violation de l’art. 6 (1) de la Convention européenne des droits de l’homme, et s’il existe un mécanisme correcteur.

D’abord et avant tout, l’exigence principale est qu’en cas d’une exception de provocation, c’est au Parquet de prouver qu’il n’y a pas eu de telle provocation. L’absence ou l’insuffisance d’information sur les raisons et les objectifs de l’opération, et l’absence d’autorisation formelle de son organisation, diminuent la possibilité de trouver des preuves convaincantes.

En deuxième lieu, mais tout aussi important, c’est le contenu et l’étendue du contrôle judiciaire effectué dans le cadre de l’exception soulevée. La juridiction du fond est tenue d’analyser l’ensemble des éléments juridiques et de fait qui déterminent la distinction entre mise en scène/provocation policière et moyens d’enquête légaux. Il faut que tout soit effectué dans le cadre d’une procédure contradictoire, en respectant l’égalité des parties, en offrant à l’accusé la possibilité de contester tous les faits relatifs aux raisons et aux objectifs de l’opération, à la manière de son déroulement, ainsi qu’à la nature et au niveau de participation de la police, de demander la collecte de preuves, y compris la révélation d’informations classées secrètes et l’audition immédiate des participants à l’opération. Dans ses motifs la juridiction compétente est tenue de procéder à une analyse globale et approfondie des informations recueillies avant d’exprimer de manière claire et non ambiguë sa position quant à l’existence d’une provocation policière ou, respectivement, d’une violation au titre de l’art. 6 (1) de la Convention européenne des droits de l’homme.

En troisième lieu, en cas de constatation de la violation précitée, la juridiction du fond est tenue d’appliquer des mesures effectives pour y remédier. Une fois l’ensemble des preuves examiné, la démarche la plus appropriée est d’exclure tous les éléments recueillis en résultat de la provocation à l’infraction constatée, dont les auteurs ont été les agents de police concernés, ou d’entreprendre une mesure à effet semblable. Le principe fondateur est que le droit interne et la jurisprudence nationale ne doivent pas tolérer l’usage de tels éléments de preuve afin de condamner l’accusé pour une infraction qu’il n’aurait pas commise sans l’intervention inadmissible d’agents sous couverture, liés aux autorités publiques au sein desquelles, dans de tels cas, ils jouent le rôle de provocateurs. La démarche adoptée par certains pays européens qui consiste en simple réduction de la peine infligée à l’accusé, n’est pas un moyen effectif pour remédier à l’effet négatif produit par l’utilisation de ce type de preuves (Voir sur ce sujet l’affaire Ab Z Af, op.cit., par. 69).

En appliquant cette norme, la CSC a constaté que dans la procédure en cause on n’a pas établi l’utilisation d’un procédé inadmissible d’enquête de la part d’un agent sous couverture no. 02, dénommé Е., qui est le seul à avoir participé à l’opération organisée durant la période du 24 janvier 2013 au 11 avril 2013, dans le rôle d’acheteur de fausses coupures d’euro. Les éléments de preuve ne démontrent pas la participation d’un deuxième agent sous couverture no. 01, dénommé I., en vue de motiver l’accusé d’agir en tant qu’intermédiaire dans la vente de fausses coupures.

En réalité, la thèse de la participation non d’un agent sous couverture, mais de deux, dont l’un, dénommé I., a motivé l’accusé N. de s’entremettre dans la vente de fausses coupures d’euro, et l’autre, dénommé Е., les a reçus, jouant l’acheteur, a été fondée sur l’information de la participation prévue de deux agents sous couverture (01 et 02), comme l’indiquait l’autorisation accordée par le Tribunal de grande instance de Gabrovo le 17 janvier 2013 et prolongée par une autre en date du 20 mars 2013. Cette thèse se fonde également sur les explications de l’accusé données dans le cadre de l’enquête préliminaire, lors de son audition le 19 juin 2013 (f. 9-11), conformément auxquelles explications I. est entré en contact avec lui à la fin du mois de janvier 2013 (à l’occasion de la vente d’une automobile BMW, série 1), lui a expliqué qu’il s’occupait de vente de fausses coupures, et une semaine environ plus tard, quand ils se sont rencontrés par hasard, lui a annoncé qu’il disposait de 50 000 euros en billets de banque, d’une valeur nominale de 500 euros, lui a remis un téléphone portable avec carte sim pour communiquer avec lui et, ensuite, ils se sont mis à se téléphoner périodiquement. Plus tard, une autre personne, qui s’est présentée sous le nom d’Е., l’a contacté pour lui demander si l’accusé est en mesure de lui fournir de fausses coupures en euro. N. a téléphoné alors à I., a pris à deux reprises des échantillons de lui pour les donner à Е. pour approbation et, finalement, le 11 avril 2013, I. lui a remis une enveloppe de 50 000 faux euros qu’il a donnés à Е. à la station-service E., à [ville] et a reçu de lui l’équivalent en leva convenu, retrouvé plus tard dans son sac. Et, le plus important dans le contexte de la thèse d’une provocation policière, après son arrestation, l’accusé a entendu la voix d’I. (« ...la personne, qui m’avait donné l’enveloppe, parlait avec l’un des policiers cagoulés et lui disait qu’ils m’avaient bien roulé dans la farine, et ils riaient »).

Le dossier de l’affaire montre en effet qu’une autorisation avait été demandée et reçue en vue de la participation de deux agents sous couverture, no. 01 et 02. Toutefois, il ressort de l’audition de ces deux personnes devant la juridiction d’appel que seulement l’un d’entre eux a pris part à l’opération, sous le nom d’Е., qui s’était présenté comme acheteur des fausses coupures en euros. Cela a été la mission de l’agent 02 : établir le contact avec l’accusé au sujet duquel il existait déjà des données policières qu’il s’occupe de vente de fausse monnaie en coupures de 500 euros, et négocier l’achat d’échantillons et de quantités des coupures proposées, le but final étant d’établir où se trouve la planque ou l’imprimerie de la fausse monnaie en question. Le croisement des explications de l’accusé avec les dépositions de l’agent 02 montre une similarité presque parfaite des faits, en ce qui concerne leurs rencontres et leurs échanges à propos des paramètres des transactions, la réception et le paiement des échantillons et, enfin, le marché conclu entre eux d’une livraison de 50 000 euros en coupures de 500 euros par l’accusé, contre lesquels il devait recevoir 26 400 leva. Les procès-verbaux présentés de remise des leva bulgares, décrits par numéro et par série, de biens acquis en résultat de la vente sous couverture – deux types d’échantillons et 99 coupures en euros (du 25 janvier, du 05 mars et du 12 avril 2013), ainsi que les données du procès-verbal de fouille du corps du 11 avril 2013, lors de laquelle, dans le petit sac noir fermé de l’accusé ont été retrouvés les leva bulgares que l’agent 02 lui avait remis, appuient à leur tour tous les éléments des dépositions de ce témoin et sa participation personnelle à l’enquête, en tant qu’agent sous couverture dénommé Е.

A part les explications données par l’accusé lors de l’enquête préliminaire, il n’y a aucune autre information fiable susceptible de démontrer que l’agent sous couverture no. 01 a participé à l’opération, en agissant sous le nom I. qu’il a accompli des actes liés à la fourniture à l’accusé d’échantillons et, plus tard, de 99 fausses coupures de de 500 euros, objet de la vente sous couverture réalisée avec l’agent 02. Lors du premier examen de l’affaire pénale de droit commun en appel no. 338/2014 (à l’audience du 09 mars 201, f. 42-44), l’accusé a donné des explications supplémentaires que la CSC a intégrées aux éléments de preuve existants ; la lecture attentive montre que les griefs tirés de la provocation se sont déplacés dans un grand degré vers le comportement de Е., alors que le souvenir de ses relations avec I. et du contenu exact de l’enveloppe que celui-ci lui avait remis, s’est estompé du fait de « son inquiétude et de son angoisse » qu’on l’avait ainsi utilisé et humilié, une histoire ressentie par lui comme une « tache noire » à laquelle il ne veut pas revenir. Cela, ainsi que les éléments confirmés, communiqués durant l’enquête préliminaire, à savoir qu’I. lui avait donné un téléphone portable pour communiquer avec lui et que le 11 avril 2013 (après lui avoir remis l’enveloppe avec les fausses coupures), il l’avait emporté, ne permettent pas de prêter confiance aux allégations de mise en scène avec la participation de l’agent 01 comme provocateur, ni de donner du crédit aux explications de l’accusé, fournies lors de l’enquête préliminaire, notamment qu’après son arrestation, il a entendu la vox d’I. et des commentaires qu’on l’avait roulé dans la farine. Il est évident que l’accusé s’est procuré des échantillons, ainsi que l’objet de la vente sous couverture, soit 99 fausses coupures de 500 euros, mais les données de l’affaire ne justifient en aucun cas la conclusion raisonnable que l’agent, qui n’avait pas pris part à l’opération, agent 01, a été concerné par ces événements, en agissant sous le nom d’I.

La CSC n’estime pas non plus fondé de partager la thèse d’une provocation corrélée avec le comportement de l’agent sous couverture 02, dénommé Е., qui a participé à l’opération. Les données supplémentaires recueillies par la CSC montrent qu’au moment de l’ouverture de l’enquête préliminaire (par ordonnance du procureur en date du 10 janvier 2013) et plus tard, lors de la demande et l’autorisation des TSE le 17 janvier 2013 (agents sous couverture et achat/vente sous couverture), respectivement avant le premier contact entre l’agent 02 et l’accusé, réalisé le 24 janvier 2013, il existait déjà des signalements policiers de participation de N. à la commission d’une infraction pénale au titre de l’art. 244 du CP. Ces données préalables d’« intentions ou d’une disposition à la commission d’infractions pénales » n’ont pas été vérifiées durant la procédure car, de la part du Paquet, qui avait la charge de la preuve, des éléments objectifs concrets n’ont pas été présentés. En toutes hypothèses cependant, les données policières de complicité de l’accusé à l’arrangement de ventes de fausse monnaie ont trouvé confirmation durant l’enquête.

Il est certain que l’agent 02 a cherché l’accusé, qu’il s’est présenté comme un acheteur et que, dans ce rôle, il a entretenu des contacts réguliers avec lui, en exécution de la mission qui lui était donnée. L’enquête avec la participation d’un agent sous couverture est un procédé légal, prévu par l’art. 10c du CPP, comme l’est la vente sous couverture au titre de l’art. 10b du CPP, et l’autorisation d’un juge a été demandée et accordée pour ces TSE. En ce sens, la procédure prévue par la loi à l’égard du contrôle judiciaire indépendant a été appliquée et, sur ce point, les juridictions du fond ont exposés leurs motifs détaillés qu’il n’est pas nécessaire de reprendre ici. La question essentielle, qui distingue le procédé légitime d’enquête de la provocation, respectivement de l’incitation à l’infraction pénale, est de savoir non seulement si l’agent a pris l’initiative de réaliser le premier contact, mais aussi si par son comportement à ce moment et par la suite, il a utilisé une pression en mesure de provoquer l’accusé de prendre la décision de participer à l’acte criminel, ce qu’il n’aurait pas fait sans cette intervention. Les données établies dans le cadre de l’affaire n’indiquent pas l’existence d’une telle pression. L’accusé a clairement décrit ses relations avec une personne dénommée I., qui lui a proposé de s’entremettre en vue de la vente de fausses coupures d’euro, lui promettant en échange de lui acheter son automobile annoncée à la vente, et que cela est arrivé avant que l’agent sous couverture 02 n’ait pris contact avec lui. Il est également évident qu’immédiatement après la première rencontre le 24 janvier 2013, lorsque Е. a témoigné de l’intérêt d’acheter de faux euros en coupures de 500 euros, l’accusé a appelé dès le même jour le dénommé I., qui lui a donné les échantillons qu’il a présentés à l’agent sous couverture pour approbation. C’est en ce moment que l’accusé lui a « expliqué » que l’homme « a 50 000 en espèces » (Voir f. 10 de l’enquête préliminaire). Lors de la rencontre suivante, le 07 février 2013, Е. lui a déclaré que les échantillons ont été approuvés et qu’il est prêt à acheter. Mais la vente n’a pas eu lieu et, au lieu de cela, le 05 mars 2013, quand ils se sont de nouveau rencontrés, l’accusé a offert de nouveaux échantillons. Finalement, il se sont mis d’accord sur l’achat de 100 coupures en contrepartie d’un certain équivalent en leva et la vente a eu lieu le 11 avril 2013, à laquelle date l’accusé a été interpellé et on a trouvé en sa détention les billets de leva bulgares décrits en détail avec leur série et numéro, alors que dans le même temps l’agent 02 a remis le procès-verbal de vente sous couverture de fausse monnaie. Toutes ces informations montrent de façon non ambiguë que l’agent sous couverture n’a pas dépassé les limites de l’intervention admissible aux fins d’investigation d’une infraction pour laquelle une enquête préliminaire était déjà ouverte (bien que l’objectif final de découvrir le lieu de fabrication et de stockage n’ait pas été atteint) et qu’il n’a pas exercé de pression sur l’accusé dans un degré susceptible de motiver celui-ci de prendre part à la commission des faits pour lesquels il a été traduit en justice, à savoir la détention de fausse monnaie en grande quantité au titre de l’art. 244, alinéa 2, en lien avec alinéa 1 du CP.

Le moyen tiré de la condamnation de l’accusé uniquement sur la base d’informations recueillies par des TSE n’est pas non plus fondé. Il est tout à fait vrai que les données écrites indiquant l’application de TSE et les témoignages de l’agent sous couverture 02 ont pris une place non négligeable dans l’ensemble des éléments de preuve, respectivement dans ceux concernant la vente sous couverture réalisée, mais il est aussi évident qu’elles n’ont pas été les seules sur la base desquelles l’accusé a été reconnu coupable sur le chef d’accusation retenu contre lui. Elles correspondent essentiellement aux déclarations de l’accusé lors de son audition durant l’enquête préliminaire au sujet du temps et du lieu de réalisation des contacts, du contenu de leurs échanges et des marchés conclus, pour la réalisation desquels a eu lieu la remise des fausses coupures en euro et, respectivement, la réception de leur équivalent en leva de la part de l’accusé chez qui ces leva ont été retrouvés après la vente et un procès-verbal a été dûment dressé, sans l’utilisation de TSE.

Voilà pourquoi malgré les irrégularités procédurales commises par la juridiction d’appel en ce qui concerne l’étendue nécessaire du contrôle judiciaire des exceptions de provocation policière, soulevées par la défense, celles-ci ont été corrigées par la CSC et les conclusions sur le fond, relatives aux éléments constitutifs d’une infraction pénale au titre de l’art. 244, alinéa 2, en lien avec alinéa 1 du CP, sont bonnes et légitimes.

Concernant l’infraction pénale au titre de l’art. 348, lettre a du CP

Le pourvoi fait valoir des moyens de condamnation illégitime pour l’infraction pénale indiquée en raison de l’absence de preuves suffisantes susceptibles de démontrer que l’accusé a réalisé la détention physique d’un dispositif radio et qu’il s’en est servi ; le juge a ignoré les informations selon lesquelles le dispositif a été acheté par son épouse et qu’il n’a été utilisé qu’en vue de suspendre le signal du fournisseur d’Internet, ainsi que le fait que de tels dispositifs radio sont librement diffusés dans le commerce, ce qui exclut la partie subjective des faits.

Les mêmes exceptions ont été également soulevées devant la juridiction d’appel qui les a considérées comme infondées, en exposant ses motifs concrets que la CSC partage et ne considère pas comme nécessaire de reprendre ici. Il a été établi de façon certaine dans l’affaire que lors de la perquisition au logement de l’accusé, où il habitait avec son épouse et son fils, plus concrètement dans la salle de séjour, on a trouvé un poste émetteur avec trois antennes et l’inscription GPS-Mobile ; l’expert, chargé de l’expertise technique ordonnée et entendue, a déclaré qu’il s’agit d’un brouilleur fabriqué en usine des signaux GSM des opérateurs en République de Bulgarie, que le dispositif fonctionne et qu’il est considéré comme un poste émettant sur les ondes. En raison de ses caractéristiques de brouilleur du signal des téléphones portables, le dispositif peut fonctionner sur des bandes de fréquence réservées uniquement aux opérateurs de téléphonie mobile, en exerçant un effet nuisible sur le spectre des fréquences radioélectriques. En ce qui concerne l’utilisation de ressources, individuellement limitées, de réalisation de communications électroniques, toute personne est censée obtenir une autorisation de la Commission pour la régulation des communications, conformément à l’art. 79 de la Loi sur les communications électroniques, et l’accusé n’avait pas obtenu une telle autorisation. Il a été reconnu coupable pour la détention d’un dispositif radio sans autorisation écrite. Du point de vue objectif, il s’agit d’une infraction formelle (non simplement de commission) et il n’est pas exigé que l’objet de l’infraction pénale ait réellement émis sur les ondes (à la différence de l’art. 348, lettre b du CP où la formule « utilise » signifie que l’auteur doit se servir du dispositif radio) (Voir en ce sens l’Arrêt no. 171/26.06.2015 de la CSC sur l’affaire pénale no. 128/2015, 2e section pénale. L’élément subjectif contesté existe aussi, dans la mesure où l’épouse de l’accusé a expliqué que celui-ci a été au courant de l’achat de ce dispositif destiné à empêcher leur fils de télécharger sur Internet des jeux coûteux. Le fait que, malgré la détention conjointe de ce dispositif radio par les deux parents, seul l’accusé a été mis en cause, ne permet pas de conclure que tous les éléments constitutifs de l’infraction pénale ne sont pas réunis.

Concernant l’équité des peines appliquées :

Les peines appliquées à l’accusé N. pour les deux infractions différentes (au titre de l’art. 244, alinéa 2, en lien avec alinéa 1 du CP : 3 ans de privation de liberté, alors que la loi prévoit de 2 à 8 ans de privation de liberté, et, au titre de l’art. 348, lettre a : 1 an de privation de liberté, alors que la loi prévoit 5 ans au maximum de privation de liberté, et une amende de 200 leva, alors que la loi prévoit de 100 à 300 leva), respectivement pour l’infraction globale au titre de l’art. 23, alinéa 1 du CP, sont équitables et ne doivent pas être réduites. L’ensemble des circonstances, figurant dans le champ d’application de l’art. 54 du CP, ont été pris en compte aux fins de l’individualisation et le poids individuel de chacune des infractions a été évalué en fonction des modalités de commission spécifiques et des informations disponibles sur la personnalité de l’auteur. Contrairement à ce qui est avancé dans le pourvoi, les bonnes références de l’accusé, ses engagements professionnels et de famille, ont dûment été prises en compte comme des circonstances atténuantes.

La CSC considère que les conditions d’application de l’art. 66, alinéa 1 du CP ne sont pas réunies. Les particularités de l’objet de l’infraction pénale au titre de l’art. 244, alinéa 2, en lien avec alinéa 1 du CP – de la fausse monnaie imitant les coupures de 500 euros, potentiellement dangereuse pour le système financier de l’UE, et les circonstances spécifiques de sa commission, l’esprit de suite et l’assiduité manifestées en vue de la conclusion du marché avec l’agent sous couverture, qui s’est terminé par l’échange de prestations, déterminent le degré de danger social plus élevé aussi bien des faits que de l’auteur, et, par conséquent, afin d’y remédier et atteindre les autres objectifs au titre de l’art. 36 du CP, il est nécessaire que celui-ci purge la peine réelle de 3 ans de privation de liberté, qui définit également la peine globale au titre de l’art. 23, alinéa 1 du CP.

Compte tenu des motifs exposés, la présente formation de jugement estime que les moyens de cassation avancés ne sont pas réunis et qu’il y a lieu de maintenir en force l’arrêt rendu en appel.

Eu égard à ce qui précède et sur le fondement de l’art. 354, alinéa 1, point 1 du CPP, la Cour suprême de cassation, deuxième section pénale,

DECIDE :

MAINTIENT EN FORCE l’arrêt rendu en appel no. 82/29.05.2017 par la Cour d’appel de Aa Ae, Chambre pénale, sur l’affaire pénale de droit commun en appel no. 32С/2017.

Le présent arrêt n’est pas susceptible de recours.

PRESIDENTE : MEMBRES : 1.2.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 160
Date de la décision : 11/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2019-02-11;160 ?
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