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31/01/2019 | BULGARIE | N°175

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, 31 janvier 2019, 175


Texte (pseudonymisé)
A R R E T



N° 175



Sofia, le 31.01.2019



AU NOM DU PEUPLE



LA COUR SUPREME DE CASSATION, Troisième chambre civile, lors de son audience publique tenue le trente-et-un octobre deux mille dix-huit, composée de :



PRESIDENTE : MARIA IVANOVA

MEMBRES : JIVA DEKOVA

MARGARITA GUEORGUIEVA



en présence de la greffière Valentina Ilieva et du procureur………………..

en examinant le rapport de la juge Ma

rgarita Guéorguiéva sur l’affaire civile n° 3115 selon l’inventaire de la Cour suprême de cassation pour 2017, pour statuer a pris en considération ce qui...

A R R E T

N° 175

Sofia, le 31.01.2019

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPREME DE CASSATION, Troisième chambre civile, lors de son audience publique tenue le trente-et-un octobre deux mille dix-huit, composée de :

PRESIDENTE : MARIA IVANOVA

MEMBRES : JIVA DEKOVA

MARGARITA GUEORGUIEVA

en présence de la greffière Valentina Ilieva et du procureur………………..

en examinant le rapport de la juge Margarita Guéorguiéva sur l’affaire civile n° 3115 selon l’inventaire de la Cour suprême de cassation pour 2017, pour statuer a pris en considération ce qui suit :

La procédure est au titre des articles 290-293 du Code de procédure civile.

La procédure est ouverte sur le pourvoi en cassation n°51781/19.04.2017 formée par Ad Ai Ae, par le biais de l’avocate Nadya Antonova, à l’encontre de l’arrêt en appel n° 1076/20.02.2017 rendu dans l’affaire civile en appel n° 13810/2016 selon l’inventaire du Tribunal de grande instance de Sofia, par lequel en confirmant la décision de première instance rendue par le Tribunal d’instance de Sofia, est rejetéе la requête formée par Ad Ae contre Ak Af Ah pour le montant de 17 400 levas payé par la requérante sur un fondement défailli aux termes d’un contrat résolu de prestation de services de médecine dentaire.

Le pourvoi indique que l’arrêt est incorrect pour violation du droit matériel, violation substantielle des règles de procédure et mal fondé – autant de considérations pour revendiquer son annulation au titre de l’article 281, alinéa 1, point 3 du Code de procédure civile.

La partie défenderesse au pourvoi – Ak Af Ah, représentée par l’avocat Iva Aa – dans sa réponse écrite et lors de l’audience, soutient que l’arrêt en appel est correct et doit être laissé en vigueur.

Le tiers et aide – Generali assurance AD – n’a pas pris position à l’égard du pourvoi en cassation.

Par ordonnance n° 106/14.02.2018, le pourvoi en cassation est autorisé dans l’hypothèse de l’article 280, alinéa 1, point 1 du Code de procédure civile (dans sa rédaction avant l’amendement publié au JO n° 86/27.10.2017) relatif aux questions de l’obligation de la juridiction d’appel comme juridiction du fond d’examiner tous les arguments, objections et éléments de preuves concernant les faits de pertinence juridique – à savoir, la contradiction de l’arrêt en appel avec les arrêts statués conformément aux dispositions de l’article 290 du Code de procédure civile : arrêt n° 164/04.06.2014 dans l’affaire civile n° 196/2014 ІІІe chambre civile et arrêt n° 27/02.02.2015 dans l’affaire civile n° 4265/ 2014г. ІVe chambre civile de la Cour suprême de cassation ; et aux conditions préalables dans lesquelles celui qui passe commande dans le cadre d’un contrat de fabrication, peut exercer son droit unilatéralement et résoudre le contrat sans préavis en demandant le remboursement du montant qu’il a versé pour cause de fondement défailli, en vertu de l’article 55, alinéa 1 de la Loi sur les obligations et les contrats – il s’agit d’une contradiction de l’arrêt attaqué avec les arrêts statués conformément à l’article 290 du Code de procédure civile : arrêt n° 203/30.01.2012 dans l’affaire commerciale n° 116/2011 ІІe chambre commerciale, arrêt n° 37/22.03.2011 dans l’affaire civile n° 920/2009 ІVe chambre civile et arrêt n° 85/03.08.2015 dans l’affaire commerciale n° 856/ 2014, ІІe chambre commerciale de la Cour suprême de cassation.

Concernant les questions juridiques posées, la Cour suprême de cassation, formation de la Troisième chambre civile, considère ce qui suit :

Sur la question de procédure relative à l’application des normes des articles 12 et 235 du Code de procédure civile, la Cour suprême de cassation a considéré de manière constante que, conformément aux exigences des dispositions citées, la juridiction se doit de définir correctement l’objet du litige et les circonstances qui doivent être élucidées, en examinant tous les éléments de preuve dans le dossier, ainsi que les arguments des parties. Les circonstances dans l’affaire représentent tous les faits, y compris les relations juridiques préjudicielles dont découlent les droits revendiqués et les objections. Pour reconnaître ou rejeter les droits revendiqués par les parties opposées, la juridiction doit étudier dans les motifs de sa décision les preuves de tous les faits de pertinence juridique et indiquer lesquelles elle considère être établies et lesquelles non prouvées. Elle se doit également d’étudier toutes les affirmations et tous les arguments des parties qui sont importants au regard de l’issue de l’affaire (cf. dans ce sens l’arrêt n° 164/04.06.2014 dans l’affaire civile n° 196/2014, ІІІe chambre civile, arrêt n° 27/02.02.2015 dans l’affaire civile n° 4265/2014, ІVe chambre civile de la Cour suprême de cassation, arrêt n° 331/ 19.05.2010 dans l’affaire civile n° 257/2009, IVe chambre civile de la Cour suprême de cassation, arrêt n° 217/09.06. 2011 dans l’affaire civile n° 761/2010 г., IVe chambre civile de la Cour suprême de cassation et beaucoup d’autres).

Concernant la question de droit matériel, il convient d’indiquer que dans l’article 87 de la Loi sur les obligations et les contrats sont consignées les règles générales de rupture des contrats bilatéraux. Ces règles sont applicables dans les cas où ni la partie spéciale de la Loi sur les obligations et les contrats, ni les autres lois particulières ne traitent des règles spéciales de rupture, ou lorsque les parties n’ont pas convenu expressément d’une clause résolutoire. De la jurisprudence de la Cour suprême de cassation citée comme fondement pour la recevabilité du pourvoi en cassation il ressort que le droit de résolution d’un contrat bilatéral est potestatif et survient en cas d’inexécution causée par le débiteur et dont il est responsable. La résolution du contrat met fin à son action rétroactivement, ce qui signifie que chacun doit retourner ce qu’il a reçu, et ce, pour cause de fondement défailli. Il n’est pas obligatoire que l’inexécution soit complète. Dans l’hypothèse de l’article 87, alinéa 1 de la Loi sur les obligations et les contrats, il est nécessaire d’accorder un délai supplémentaire d’exécution. La résolution du contrat sans demande de procéder à l’exécution dans un délai approprié, conformément à l’article 87, alinéa 2 de la Loi sur les obligations et les contrats, est applicable en cas d’impossibilité réelle dе procéder à l’exécution, dont le débiteur porte la responsabilité, ou en cas d’inutilité de l’exécution survenue à la suite du retard du débiteur, ou lorsqu’il a été convenu un temps fixe pour l’exécution (le cas des « transactions fixes »).

Le contrat de fabrication peut être résolu sans préavis par celui qui passe commande, s’il devient évident que l’exécutant ne pourra pas faire le travail dans les délais, ou de la manière convenue, ou encore de manière diligente (article 262, alinéa 2 de la Loi sur les obligations et les contrats). Lorsque le rendu final présente des défauts qui le rendent inutilisable, respectivement inutile, conformément à l’article 265, alinéa 2 de la Loi sur les obligations et les contrats, celui qui passe commande peut faire valoir son droit de rompre le contrat et de revendiquer le remboursement des montants versés pour cause de fondement défailli conformément à l’article 55, alinéa 1, option 3 de la Loi sur les obligations et les contrats. On considère qu’une déclaration de résolution du contrat est faite par le créancier lorsque celui-ci affirme sa prétention concernant les conséquences de la rupture : remboursement des sommes versées et/ou indemnisation des préjudices de l’inexécution.

La Cour suprême de cassation, formation de la Troisième chambre civile, en examinant le pourvoi et en vérifiant l’arrêt attaqué au regard des exigences de l’article 290, alinéa 2 du Code de procédure civile, trouve le pourvoi justifié pour les considérations suivantes :

Par l’arrêt en appel attaqué il a été reconnu comme admis que le 29.03.2010, entre la requérante Ad Ae et la défenderesse Dr. Ak Ah a été conclu un contrat de fabrication, plus particulièrement de prestation de services de médecine dentaire, avec pour objet le traitement de la parodontite de la requérante et le revêtement de toutes ses dents de couronnes en zirconium. Il est indiqué que lors de la conclusion du contrat, la défenderesse a reçu de la requérante au préalable la somme de 17 000 levas, pour laquelle elle a rédigé à la main un reçu (selon les affirmations exposées dans la requête, le 29.03.2010 la requérante a versé 10 000 levas et le 30.03.2010 encore 7 400 levas). Le 29.03.2010 la défenderesse a administré 10 anesthésies à la requérante et pour la période de temps entre 14h.00 et 21h.00, elle a limé toutes ses dents dont elle a dépulpé (dévitalisé) 17 dents saines. Le 30.03.2010 le travail a continué par le traitement des gencives de la requérante au laser. Suite à ces manipulations, Ae a ressenti des douleurs très fortes, des difficultés à avaler et à parler, du gonflement, de la douleur en respirant et un état d’inconfort général. La pose des prothèses temporaires lui ont causé des meurtrissures, des douleurs et des indispositions supplémentaires. Le 01.04.2010 au soir, à cause de ses douleurs insupportables dans la bouche, la requérante a téléphoné à la défenderesse en lui demandant de la recevoir et de l’examiner immédiatement, mais Ah a refusé. Ae a alors demandé de l’aide auprès d’un autre dentiste, qui, lors de l’examen, a constaté qu’à la suite du limage, 6 des dents non dépulpées avaient développé une pulpite aigüe, ce qui expliquait le saignement et le gonflement dans la bouche et exigeait leur dépulpage ; le dentiste a également constaté que les prothèses temporaires avaient des bords non arrondis qui provoquaient chez la patiente des meurtrissures et de l’inconfort supplémentaires, il a donc procédé à leur correction. Le lendemain – le 02.04.2010 – la requérante s’est rendue chez la défenderesse pour lui demander des explications pour le développement défavorable du traitement entrepris, ainsi qu’un reçu pour les sommes versées, mais n’a pas reçu ce qu’elle demandait. Alors Ae a déclaré que dans ces conditions elle voulait se voir rembourser la somme de 17 400 levas, ce que Ah a refusé de faire, en insistant de continuer le traitement.

La requérante a affirmé que les manipulations dentaires entreprises par le Dr. Ah avaient provoqué des douleurs insupportables et de l’inconfort pour lesquels elle n’avait pas été informée au préalable ; que le limage de 26 dents à la fois et le dépulpage de 17 d’entre elles avait provoqué le développement d’une symptomatique de pulpite aigüe dans six des dents non dépulpées ; que la capacité à parler, à mastiquer et à respirer avait été troublée ; que la défenderesse lui avait posé des dents (prothèses) temporaires qui étaient différentes de ce qui était convenu à l’avance et qu’elles lui avaient causé des meurtrissures supplémentaires dans la cavité buccale et qu’il avait fallu les faire corriger par un autre dentiste ; et que finalement il est devenu clair, lors de la dernière conversation avec Ah, que le délai du traitement, de la confection et de la pose des couronnes en zirconium n’allait pas être respecté.

Avant de qualifier d’injustifiée la requête au titre de l’article 55, alinéa 1, option 3 de la Loi sur les obligations et les contrats, pour le remboursement de la somme de 17 400 levas pour cause de fondement défailli, la juridiction a, dans ses motifs, analysé les conditions préalables au titre de l’article 87 de la Loi sur les obligations et les contrats, en indiquant que, dans l’hypothèse de l’article 87, alinéa 2 de la Loi sur les obligations et les contrats, la résolution d’un contrat sans préavis est possible, si l’exécution est devenue impossible en tout ou en partie, si pour cause de retard du débiteur elle est devenue inutile pour le créancier, ou si l’obligation devait être impérativement exécutée dans le temps convenu. Il est de plus souligné que le fondement au titre de l’article 87, alinéa 2, option 2 de la Loi sur les obligations et les contrats suppose l’inutilité prouvée de l’exécution, étant donné que la perception subjective du débiteur n’est pas suffisante pour la rupture du contrat. Il convient d’établir la cause concrète et objective de la perte d’intérêt du créancier, ainsi que la présence d’un retard fautif du débiteur. Il est indiqué que les allégations de la requérante d’une exécution de mauvaise qualité et inexacte de la part de la défenderesse, de douleurs provoquées par les manipulations dentaires, de souffrances et de lésions corporelles dans la cavité buccale qui auraient rendu impossible l’exécution du contrat dans le délai promis et conduit à sa résolution unilatérale, étaient soutenues uniquement par les dépositions des témoins interrogés qui ne possédaient pas de savoirs spécialisés. Dans le dossier de l’affaire, il manquerait des éléments prouvant que l’exécution soit devenue impossible, en particulier que les actions du Dr. Ak Ah de limage et de traitement des dents et des gencives au laser de la requérante Ae soient inutiles et que l’obligation consignée dans le contrat de fabrication dût être effectuée dans un délai concret. Les preuves ayant trait à la procédure pénale menée également contre la défenderesse, en particulier l’établissement, dans le cadre de la procédure de requêtes civiles au titre de l’article 45 de la Loi sur les obligations et les contrats, des faits préjudiciels d’actions abusives de Ah lors de l’accomplissement de manipulations dentaires, les complications dans l’état de santé de Ae et les dommages moraux qu’elle a subis suite à ces manipulations, ne sont pas examinés par la juridiction d’appel. Dans ses motifs, celle-ci a simplement déclaré sans faire d’analyse que les requêtes civiles de préjudices moraux formées et honorées dans la procédure pénale sont relatives aux mêmes actions et ont la même source – l’exécution inexacte du contrat de fabrication conclu. Sans avoir soumis à l’examen ces circonstances pertinentes pour le litige, la conclusion finale décisive est adoptée que la requérante n’a pas prouvé les éléments de fait faisant naître le droit à sa créance, en particulier il n’est pas prouvé que la défenderesse n’a pas accompli ses obligations contractuelles par sa propre faute, voilà pourquoi sa responsabilité de restituer la somme reçue ne peut être engagée.

Dans la réponse donnée aux questions juridiques sur lesquelles le pourvoi en cassation a été autorisé, l’arrêt en appel est incorrect – il a été statué en contradiction avec le droit matériel, avec des violations substantielles des règles de procédure et est mal fondé. De ce fait il convient de l’annuler et l’affaire devra être décidée par la cour de cassation conformément à l’article 293, alinéa 2 du Code de procédure civile.

Sont bien fondés les griefs de la demanderesse au pourvoi que la juridiction d’appel n’a pas accompli son obligation d’examiner et d’analyser tous les arguments et objections, tous les faits et éléments pertinents pour le litige et que les conclusions de la juridiction sont construites en violant le droit matériel et sont injustifiées. Il n’était pas contestable, selon le dossier de l’affaire, que la requérante s’est rendue dans le cabinet de la défenderesse au mois de février 2010, et suite à la conversation menée, Ah s’est engagée à réaliser la traitement de la parodontite chronique de la patiente, à corriger la déformation orthodontique et à poser sur ses dents des couronnes en zirconium, le tout devant être terminé dans un délai de 10 jours. Il est également établi que Ae ne s’est pas vu présenter pour signature une déclaration de consentement éclairé concernant son traitement et que le Dr. Ah ne lui a pas expliqué concrètement en quoi cela consisterait, ni quelles seraient les étapes qu’elle devrait traverser, ni enfin que le limage de toutes ses dents à la fois provoquerait de fortes douleurs et que des complications n’étaient pas à exclure. Les faits qu’un délai de 10 jours pour terminer le traitement a été fixé, qu’un prix total d’un montant de 34 800 levas (1 200 levas par dent) a également été fixé, ainsi que l’affirmation de la requérante que, le 29.03.2010 et le 30.03.2010, elle a versé en deux versements et à l’avance le montant de 17 400 levas, doivent être admis comme établis et prouvés par les éléments de preuve écrits joints au dossier de l’affaire, contenant les dépositions extrajudiciaires de la défenderesse dans l’affaire pénale menée (p.100, p.102, p.107, p.109, p.111, p.117, p.119 de l’affaire du Tribunal d’instance de Sofia), ainsi que par le reçu émis par Ah daté du 29.03.2010, par la documentation médicale constituée et par la réponse à l’acte d’appel.

Ensuite, la juridiction d’appel a indiqué à juste titre dans ses motifs que les requêtes civiles au titre de l’article 45 de la Loi sur les obligations et les contrats formées et honorées dans la procédure pénale menée contre la défenderesse pour les préjudices moraux subis par Ae, sont relatives aux mêmes actions et ont la même source – l’affirmation de l’exécution non diligente du contrat conclu. Cependant, en violation du droit matériel et procédural, ont été négligés dans cette affaire les faits et relations préjudiciels établis entièrement avec la force de la chose jugée et relatifs à la réunion des conditions préalables, au titre de l’article 45 de la Loi sur les obligations et les contrats, à l’engagement de la responsabilité civile de la défenderesse pour cause de caractère abusif des manipulations dentaires effectuées (en mode et en volume) ayant causé du préjudice à la requérante.

Il ressort du dossier de l’affaire pénale, joint au présent dossier, et des actes judiciaires entrés en vigueur dans leur chef pénal, que la procédure pénale menée contre Ah pour délits commis au titre de l’article 130, alinéa 1 du Code pénal, et au titre de l’article 130, alinéa 2 du Code pénal est close, pour l’une des accusations la procédure étant close par prescription extinctive expirée au cours de la connaissance de l’affaire en appel; pour l’autre accusation la personne a été disculpée pour absence d’éléments constitutifs subjectifs de l’infraction (absence d’intentionnalité d’infliger un dommage corporel). En même temps, dans la partie civile des actes judiciaires, il est établi que les actions du Dr. Ah vis-à-vis de Ae correspondent aux éléments constitutifs du dommage illicite, si bien que des indemnités pour préjudices moraux sont adjugées, respectivement d’un montant de 5 000 levas et d’un montant de 10 000 levas. Concrètement sous ce rapport il est admis que les manipulations médicales effectuées dans la période du 29.03.3010 au 01.04.2010, à savoir le limage des dents de Ae au moyen d’une intervention au laser et la pose de systèmes de prothèses temporaires pénétrant dans l’espace interdentaire, en raison de la présence de profondes frontières de préparation irritant les gencives, ont provoqué des douleurs dans la cavité buccale, du gonflement et des difficultés à avaler et à ouvrir la bouche de la patiente. Concernant le grand nombre de manipulations effectuées le 29.03.2010, à savoir le limage de 26 dents à la fois, sans seuil et avec des frontières profondes de préparation, la dévitalisation (dépulpage) ciblée de 17 dents après l’administration d’anesthésies, il est admis qu’elles sont en contradiction avec les normes de la bonne pratique de médecine dentaire, parce que, étant non appropriées aux problèmes dentaires concrets de la patiente, elles ont provoqué le développement d’une symptomatique de pulpite aigüe et, conséquemment, la dévitalisation de six autres dents, toutes ces thérapies étant accompagnées de douleurs et de difficultés à mastiquer et à parler pour une importante période de temps. Il est en effet établi que la symptomatique de pulpite aigüe provoquée par le limage des dents non seulement n’avait pas un caractère temporaire mais a en plus conduit à un traitement urgent au moyen de la dévitalisation d’encore six dents touchées, ainsi qu’à des manipulations supplémentaires pour surmonter la douleur et à un traitement ultérieur.

Dans le même sens vont les dépositions des témoins interrogés dans l’affaire : Ac Al et Aj Ab, selon lesquelles à la suite des manipulations de médecine dentaire du Dr. Ah, la requérante éprouvait de fortes douleurs même en respirant, ne pouvait pas manger, pleurait, blésait, était toute gonflée, portait un masque, se sentait mal physiquement et psychiquement ; était obligée de rechercher une aide médicale urgente chez un autre dentiste (le Dr. Achikov) à cause des douleurs insupportables dans sa bouche et le refus de la défenderesse de la recevoir pour examen et traitement avant la date du rendez-vous convenu. Il n’y a pas de raison de ne pas créditer et avoir confiance aux dépositions données de vive voix, du fait que celles-ci sont claires, cohérentes, non contradictoires, traduisent les impressions directes des témoins du vécu de la requérante et sont soutenues par les autres éléments de preuve écrits dans l’affaire. Le témoin Terziyski indique que, dans la conversation entre Ae et Ah à laquelle il assistait, cette dernière a déclaré ne pas avoir dit intentionnellement à la requérante qu’elle aurait des douleurs à supporter « pour ne pas qu’elle renonce » au traitement, et que finalement, le traitement s’est poursuivi chez d’autres dentistes pour se terminer par la pose des couronnes quelques mois plus tard chez la sœur du témoin, également dentiste pratiquant à Vienne (en Autriche – n. trad.). L’état de la requérante après les trois jours de manipulations effectuées par la défenderesse est également constaté grâce au certificat médical, non discuté par la juridiction d’appel, produit par le Dr. Vl. Achikov, „АDM dental care studio” – Ag, qui n’a pas été contesté dans le fond et qui fait état que lors de l’examen de la patiente on a constaté le limage de 26 dents dont 17 dépulpées, la présence de profondes frontières de préparation empiétant par endroits sur l’espace biologique de certaines dents, le saignement abondant lors du sondage dans les zones distales. Suite à l’examen, il a été procédé au dépulpage des six autres dents qui n’étaient pas dévitalisées, en raison du développement de la symptomatique de pulpite aigüe, ainsi qu’à l’écourtement et aux corrections des systèmes de prothèses temporaires, en raison des bords pointus irritant certaines zones gingivales. Des médicaments antidouleurs et antiseptiques ont été prescrits.

Vis-à-vis de ces faits et éléments de preuve, sont injustifiées les conclusions de la juridiction d’appel que le droit de la requérante de résoudre le contrat de manière unilatérale et sans préavis pour cause de mauvaise exécution de la part de la défenderesse n’est pas établi et la requête formée pour se faire rembourser la somme de 17 400 levas est mal fondée. En l’occurrence, l’exécution non diligente du contrat conclu entre les parties est constatée à partir de toutes les preuves produites dans le cadre de l’affaire, à savoir les dépositions des témoins (que la juridiction d’appel n’a pas du tout pris en considération), les preuves écrites (qui sont examinées de manière sélective, en violation des règles de la procédure) et les décisions entrées en vigueur au titre de l’article 45 de la Loi sur les obligations et les contrats, en vertu desquelles il est admis que les manipulations médicales effectuées par la défenderesse n’étaient pas en conformité avec les normes de bonne pratique de médecine dentaire et ont endommagé la santé de Ae. La conclusion finale de la juridiction d’appel est en contradiction avec les règles de la logique juridique et de la logique de la vie ordinaire, puisqu’elle admet qu’il est possible que les actions médicales de la défenderesse médecin soient délicates et endommageantes pour la requérante patiente, tout en ne constituant pas un préalable pour la résolution du contrat pour une raison pour laquelle le médecin (prestataire dans le contrat de prestation de service de médecine dentaire) est porté responsable.

De surcroît, la juridiction d’appel n’a pas tenu compte du fait que l’aide médicale est une activité réglementée. Aux termes de l’article 80 de la Loi sur la santé publique, la qualité de cette activité repose sur des normes médicales approuvées conformément aux dispositions de l’article 6, alinéa 1 de la Loi sur les établissements de santé et sur les Règles de bonne pratique médicale adoptées et approuvées conformément aux dispositions de l’article 5, point 4 de la Loi sur les ordres professionnels des médecins et des dentistes. Les relations entre médecin et patient font également l’objet d’une réglementation : un contrat civil est conclu entre eux, qui contient des éléments d’un contrat de prestation de services et d’un contrat de fabrication. Dans certains cas, lorsqu’il est conclu pour un rendu final défini, comme dans le cas des services de médecine dentaire, le contrat se rapproche plutôt du contrat de fabrication, les règles générales de conclusion et de rupture du contrat, ainsi que celles au titre des articles 258 et suivants de la Loi sur les obligations et les contrats, trouvent une application correspondante, dans la mesure où les lois particulières ne réglementent pas de règles spéciales.

En vertu des normes susmentionnées de l’article 80 de la Loi sur la santé publique, de l’article 6, alinéa 1 de la Loi sur les établissements de santé et de l’article 5, point 4 de la Loi sur les ordres professionnels des médecins et des dentistes, l’obligation principale du médecin est d’accomplir le service médical en conformité avec les normes médicales de traitement existantes et reconnues universellement au moment du traitement. De ce fait, lorsqu’on apprécie si l’exécution du contrat de la part du médecin est diligente, il convient de tenir compte de la manière dont a été effectuée l’activité médicale, à savoir quelles actions ont été entreprises ou non, et si celles entreprises répondent à ce qui est dû au regard des normes médicales approuvées et des règles de bonne pratique médicale. Dans la mesure où le médecin a violé ses obligations contractuelles et n’a pas fourni les soins dus, respectivement lorsque le patient a subi un préjudice, ce dernier a le droit de faire l’objection de l’inexécution du contrat et sur ce fondement, de refuser de verser la rémunération (au cas où il finance son traitement par ses propres moyens) du médecin, et s’il l’a déjà versée, de demander le remboursement pour cause d’exécution non diligente du contrat. En violant les règles de procédure, la juridiction d’appel a refusé d’examiner, pour cause de forclusion, les arguments et faits exposés par la requérante dans sa requête du 08.03.2016, dans le délai au titre de l’article 146, alinéa 3 du Code de procédure civile, en accord avec les instructions qui lui ont été données au titre de l’article 146, alinéa 2 du Code de procédure civile après le rapport du juge lors de l’audience judiciaire.

En l’occurrence, les éléments de preuves recueillies dans le dossier de l’affaire indiquent de manière univoque que la défenderesse, en sa qualité de dentiste n’a pas respecté les règles de la bonne pratique médicale. Elle a accepté de réaliser le traitement de la parodontite de la requérante et de recouvrir toutes ses dents de couronnes en zirconium dans un délai de 10 jours. Les actions qu’elle a entreprises, notamment de limer toutes les dents de la requérante à la fois et de les préparer au revêtement de couronnes, de traiter les gencives au laser, ainsi que la fabrication de mauvaise qualité des systèmes de prothèses temporaires, ont provoqué le développement défavorable du traitement et les complications indiqués ci-dessus dans les motifs. En exprimant sa volonté de se faire rembourser la somme versée en acompte, la requérante a exercé son droit de rompre le contrat unilatéralement et sans préavis, possibilité prévue expressément par la norme spéciale de l’article 90, alinéa 1 de la Loi sur la santé publique (sans pour autant que le patient soit obligé d’exposer une raison quelconque pour l’interruption du traitement). Au vu de ce qui a été exposé, la requête introduite de remboursement de la rémunération versée d’un montant de 17 400 levas pour cause de fondement défailli, est justifiée (la réception de la somme en question a été prouvée et n’est pas contestée) et doit être honorée, en plus de l’intérêt légal, à compter de la date de l’introduction de la requête, à savoir le 27.03.2015, et la demande de remboursement de l’intérêt à compter du 02.04.2010 est rejetée comme injustifiée.

Étant donné cette issue de l’affaire, la demande de la requérante de se faire rembourser les dépens occasionnés dans le cadre du litige est justifiée et prouvée pour le montant total de 6 292 levas de dépens pour les trois instances, en accord avec les listes présentées au titre de l’article 80 du Code de procédure civile et les justificatifs des frais supportés.

Au vu des considérations exposées, la Cour suprême de cassation, formation de la Troisième chambre civile

A A R R E T E :

ANNULE l’arrêt n° 1076/20.02.2017, rendu dans l’affaire civile en appel n° 13810/2016 d’après l’inventaire du Tribunal de grande instance de Sofia.

ET EN LIEU ET PLACE STATUE :

CONDAMNE Ak Af Ah, n° civil d’identité 6010221458, de Sofia, rue Topli dol, n° 2Г, étage 2, appt. 4, sur le fondement de l’article 55, alinéa 1 de la Loi sur les obligations et les contrats, à verser à Ad Ai Ae, n° civil d’identité 7307091773, avec adresse judiciaire : Ag, … … … …, la somme de 17 400 levas, avec l’intérêt légal correspondant, à compter du 27.03.2015 jusqu’à son remboursement définitif ; ainsi que sur le fondement de l’article 78, alinéa 1 du Code de procédure civile les dépens pour les trois instances d’un montant de 6 292 levas.

L’arrêt est prononcé en la présence du tiers et aide « Generali assurance » AD Sofia.

L’arrêt est définitif.

PRESIDENT: MEMBRES: 1. 2.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 175
Date de la décision : 31/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2019-01-31;175 ?
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