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07/12/2017 | BULGARIE | N°222

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, 07 décembre 2017, 222


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT



No 222



Sofia, 7 décembre 2017





AU NOM DU PEUPLE





LA COUR SUPRÊME DE CASSATION, Quatrième section civile, après avoir délibéré en audience publique le vingt-sept septembre deux mille dix-sept, siégeant en une chambre composée de :



MARIO PARVANOV, PRÉSIDENT

MARGARITA GEORGIEVA, juge,

ERIK VASILEV, juge,



et d’Avrora Karadjova, Greffi

er de section,

avec la participation de ………………., procureur,



Ayant examiné le rapport de la juge Margarita Georgieva dans l'affaire civile n° 4594 sur l'...

ARRÊT

No 222

Sofia, 7 décembre 2017

AU NOM DU PEUPLE

LA COUR SUPRÊME DE CASSATION, Quatrième section civile, après avoir délibéré en audience publique le vingt-sept septembre deux mille dix-sept, siégeant en une chambre composée de :

MARIO PARVANOV, PRÉSIDENT

MARGARITA GEORGIEVA, juge,

ERIK VASILEV, juge,

et d’Avrora Karadjova, Greffier de section,

avec la participation de ………………., procureur,

Ayant examiné le rapport de la juge Margarita Georgieva dans l'affaire civile n° 4594 sur l'inventaire de la Cour Suprême de Cassation pour 2016, afin de se prononcer, a pris en considération les éléments suivants :

La procédure est conforme à l’art. 290 – art. 293 du Code de procédure civile.

À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 71895/27.05.2016) déposée par la requérante Ap An An contre la décision n°2295/21.03.2016, rendue en appel n° 6502/2015, sur l’inventaire du Tribunal de la ville de Sofia.

Par ordonnance n° 551/19.05.2017, un pourvoi en cassation a été qualifié de recevable, notamment concernant la partie où la confirmation de la décision n° I-44-89/ 09.05.2014, affaire n° 24698/2009 г du Tribunal de district de Sofia donne lieu au rejet de la requête déposée par la requérante contre Ab Ad Aq, en vertu de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, pour la résiliation du contrat de procuration (procuration en date du 11 juillet 2008, signature et contenu certifiés par notaire) à la base du fondement que ce contrat a été conclu suite à une menace exercée contre le mandataire. Le contrôle de la Cour de cassation est considéré comme recevable en vertu de l’art. 280, al. 1, point 3 du Code de procédure civile et il porte concrètement sur le corps du délit réglementé par l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, sur la provocation de la peur, sur l’appréciation de la possibilité réelle de provoquer la peur en se référant aux traits particuliers de la personne atteinte, ainsi qu’à sa vulnérabilité psychologique et à la violence domestique exercée à son égard.

Selon le défendeur, Ab Aq, par l’intermédiaire de son représentant spécial maître Stancheva, la plainte est non fondée.

Sur la question de la recevabilité de la requête, la Cour Suprême de Cassation, Quatrième section civile, a jugé ce qui suit :

D’après la jurisprudence constante et la théorie du droit, pour constater le corps du délit prévu dans les dispositions de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, il est nécessaire que les actions d’une partie au contrat ou d’un tiers provoquent une peur légitime chez l’autre partie au contrat, ce qui empêche la libre expression de la volonté. Dans ces cas, la menace est une raison pour la résiliation du contrat, elle porte atteinte au processus de la motivation avant la libre expression de la volonté, elle relève d’un vice du consentement. La menace est présente non seulement lorsqu’elle s’exprime par un acte contraire à la loi, mais aussi lorsqu’elle ne l’est pas. Menacée, la personne lésée conclut le contrat pour éviter de subir les conséquences négatives qui, selon l’auteur de la menace, interviendraient en cas de non conclusion du contrat. La peur peut affecter la vie, la santé, l’honneur ou les intérêts matériels relatifs aux biens de la partie au contrat, ainsi qu’à ceux d’autres personnes qui lui sont proches.

Bien que la loi ne spécifie pas la manière dont la peur se déclenche, dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser des moyens pouvant susciter une peur légitime. Des moyens de ce genre sont la violence psychologique ou une combinaison de violence psychologique et d’actes physiques (par exemple, la violence domestique, etc.) qui visent et font finalement peur à la personne appelée à conclure le contrat. La peur est une catégorie subjective qui doit être toujours jugée compte tenu de la personne concrète et de la situation concrète. La catégorisation des actes de la personne menaçante se fait de manière objective, mais le critère du fait de la provocation d’une peur légitime doit être concret et subjectif, car il y a lieu d’évaluer le comportement individuel de la personne en question et le vice dans l’expression de sa volonté, c’est-à-dire que l’on doit établir si la personne aurait conclu le contrat en l’absence du comportement de la personne menaçante. Et comme la menace est adressée à une personne concrète, pour établir que la peur a contraint la personne à conclure le contrat, c’est-à-dire pour établir le corps du délit aux termes de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, il est important d’examiner les caractéristiques individuelles, le statut social et l’état psychologique de la personne qui prétend avoir subi la contrainte et la menace. La personnalité de la partie qui réclame la nullité du contrat dans l’hypothèse de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats est une circonstance juridiquement pertinente qui peut justifier ou exclure la provocation de la peur et la suggestion d’idées effrayantes chez la personne concrète dans la situation concrète.

La personnalité de la partie qui réclame la résiliation du contrat dans l’hypothèse de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats est une circonstance pertinente permettant d’argumenter ou d’exclure la possibilité de provoquer la peur chez la personne concrète dans la situation concrète. Ceci étant, les preuves apportées en appui des qualités et des aptitudes sociales de l’individu, les données relevant de la vulnérabilité psychologique, de l’instabilité émotionnelle et de la thérapie respective, ainsi que de la violence domestique vécue, etc., constituent des éléments relevant du corps de la menace en tant que raison valable pour la résiliation du contrat. L’évaluation concrète, permettant d’établir si une menace a été faite au sens de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, consiste en l’évaluation de la personnalité de la partie affirmant que la peur provoquée en elle par des actes de l’autre partie ou de tiers, a porté atteinte à la libre expression de sa volonté et en trouvant la réponse à la question si le même contrat aurait été conclu en l’absence de ces actes. Ceci est dû au fait que des moyens de menace identiques, utilisés pour faire peur et visant à contraindre une personne de conclure un contrat concret dans des situations similaires dans la vie peuvent provoquer ou ne pas provoquer la peur craintes chez certaines personnes, en fonction des caractéristiques individuelles et des aptitudes sociales de la personne faisant l’objet de la menace.

Après avoir examiné la requête et vérifié la décision d’appel contestée conformément aux exigences de l’art. 290, al. 2 du Code de procédure civile, la Cour Suprême de Cassation a pris en considération les éléments suivants :

Dans ce cas, il est établi que la requérante est propriétaire du bien immobilier suivant : l’appartement no 149, superficie : 83,74 m², situé à l’adresse suivante : complexe résidentiel Razsadnika-Koniovitza, rue Metodi Pachev, immeuble 13, étage 1, entrée Е, appartement 149, Aa, y compris la quote-part respective des parties communes de l’immeuble : 4,704 %. En 2006, elle a fait connaissance du défendeur, Ab Aq, elle lui a permis de s’installer vivre dans une des pièces vacantes de son appartement et après un certain temps, une relation intime s’est établie entre eux.

La requérante a signé une lettre de procuration avec le défendeur, avec certification de l’authenticité de la signature et du contenu en date du 11 juillet 2008, lui donnant droit de la représenter pour hypothéquer son bien immobilier faveur de toute personne à sa discrétion. Avec cette lettre de procuration, ce qui est constaté à la base de l’acte notarié no 76/23.07.2008, tome III, réf. no 37382, affaire no 476/2008, le défendeur a conclu un contrat d’hypothèque sur l’appartement de la requérante, comme garantie de son obligation de rembourser l’emprunt remontant à 80 000 euros, comme il se doit à la base du contrat de prêt conclu avec un tiers, notamment Ivan Ac Ak. Quant aux raisons de la conclusion du contrat de procuration, la requérante affirme que Aq était conscient de ses problèmes de santé, sa vulnérabilité psychologique, sa crédulité et ses peurs, qu’avec son comportement pendant une certaine période de temps, il a fait exprès de lui suggérer que sa survie physique dépend de personnes auxquelles il doit beaucoup d’argent et qu’il est incapable de les rembourser. À cet égard, Andreeva indique qu’elle souffre d’un trouble dépressif pour lequel elle est prise en charge en dispensaire, qu’elle souffre d’un trouble panique diagnostiqué et qu’elle a suivi régulièrement des traitements dans des établissements de santé, les documents médicaux joints au dossier le 5 décembre 2008 prouvent qu’elle est prise en charge par dispensaire avec le diagnostic « épisode dépressif sévère avec des symptômes somatiques ». Compte tenu de ses problèmes de santé, la requérante affirme que dans des situations de stress, violence ou peur, sa capacité de porter un jugement réaliste et de protéger ses intérêts est considérablement altérée. Elle affirme qu’elle a été fortement influencée par les récits du défendeur sur sa vie difficile, sur son endettement envers des personnes qui le menaçaient de mort s’il n’arrivait pas à s’acquitter de ses dettes, et que petit à petit elle lui a donné toutes ses économies. Au fil du temps, Aq a commencé à faire preuve d’agressivité à son égard, il criait, il cassait des objets, il la menaçait, il jouait des scènes de conversations téléphoniques avec des gens portant sur de l’argent et il disait à Andreeva que les derniers jours de sa vie approchaient et que s’il n’arrivait pas à rembourser ces gens-là, ses proches et elle-même seraient blessés. À d'autres moments, il se montrait comme un homme vulnérable, malheureux, se trouvant dans une impasse, mais préoccupé d’elle et de leur avenir commun, la forçant à croire que la vie de chacun d'eux était menacée par ces gens-là à qui il devait de l'argent. Par conséquent, au fil du temps, la requérante a commencé à ressentir une grande peur et une incertitude intense à l'égard de sa vie, elle n’arrivait plus à dormir la nuit, elle pleurait, elle maigrissait et les symptômes de ses maladies mentales se sont aggravés.

Andreeva affirme que sous l'influence des méthodes de manipulation et du harcèlement psychologique mental systématique à son égard, ainsi que des actes de la violence physique, après un entretien avec le défendeur où il disait que les gens auxquels il devait de l’argent exerçaient une forte pression sur lui, qu’ils ne pouvaient plus attendre et que leur vie à tous les deux étaient en danger, le 11 juillet 2008, Aq emmena la requérante chez un inconnu. En état de stress, elle a signé les documents qui lui ont été soumis, convaincue que si elle ne l’avait pas fait, elle mettrait en danger sa propre vie et la vie du défendeur. Un mois plus tard, le défendeur l’a quittée, tout en continuant de l’appeler et de la prévenir d’un ton menaçant de ne pas entreprendre d’actions contre lui. La requérante avait peur de sortir dehors, de communiquer avec les gens et ce n’est que plus tard, en mars 2009, à l’occasion d’une enquête préliminaire contre Aq, qu’elle a compris que le défendeur l’avait représentée par procuration devant un notaire et avait hypothéqué son appartement, en tant que garantie pour conclure un contrat de prêt entre lui-même et un tiers au montant de 80 000 euros. Afin de rejeter la demande de résiliation du contrat de procuration, comme étant un contrat conclu suite à une menace, la cour d’appel a indiqué que les maladies, respectivement des traits particuliers de la personnalité de la requérante avaient été établis : crédulité, naïveté, instabilité émotionnelle, ainsi que l’existence de preuves témoignant des menaces et du comportement agressif à son égard, au cours de sa cohabitation avec le défendeur. Cependant, il est dit que la thèse du comportement du défendeur, visant à provoquer la peur chez la requérante Andreeva, pour qu’elle signe le contrat de procuration, utilisé pour hypothéquer son appartement, n’a pas été prouvée. À cet égard, la cour d’appel a déclaré que les témoins interrogés dans l'affaire n'étaient pas des témoins oculaires des événements survenus lors de la signature de la procuration du plaignant, que leurs allégations au sujet des menaces et violences commises par Aq à l’égard d’Andreeva pendant la période examinée ne prouvent pas que les actions du défendeur visaient à faire peur à la requérante et donc à la motiver pour conclure le contrat.

Quant à la réponse à la question juridique ayant conditionné l’admission du contrôle de cassation sur l'acte judiciaire, notamment en ce qui concerne la partie relative à la demande fondée juridiquement sur le texte de l'art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, la décision de la cour d’appel portant sur cette partie est contraire à la loi au sens matériel et donc non fondée. Il est donc nécessaire qu’elle soit annulée et que l’instance de cassation se prononce sur le fond du litige, aucune nouvelle procédure judiciaire n'ayant été requise.

La Cour d’appel a déclaré à juste titre que pour établir le corps du délit au sens de l'art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats relatif à la nullité d’un contrat en raison de menace, la partie invoquant ce vice doit établir que par ses actions, l’autre partie ou un tiers ont provoqué chez elle une peur légitime ayant influé sur la libre expression de sa volonté pour la conclusion du contrat. Cependant, contrairement à la loi, lors d’évaluation du comportement du défendeur comme une éventuelle forme de contrainte psychologique, capable de faire peur et susciter en la requérante des idées effrayantes, la Cour a ignoré les données sur les troubles mentaux de la requérante, elle n’a pas pris en considération les traits particuliers de sa personnalité et leur importance dans la situation concrète, en la présence de facteurs contribuant et facilitant la provocation d’une peur légitime en elle. L’expertise médicale soumise et acceptée a été examinée et commenté formellement par la Cour, sans faire une analyse substantielle des données et sans les discuter dans le contexte des autres preuves apportées.

Parmi les constatations de l'expertise psychiatrique médico-légale, qui n'ont pas été discutées par la Cour, il y a lieu d’évoquer certains traits de la personnalité de la requérante, notamment l’instabilité émotionnelle, la crédulité, la sensibilité à la manipulation et à la suggestion, qui, dans des situations de stress et de violence, affectent les capacités d'adaptation de la personne sans conditionner une motivation pathologique des actions qu’elle va entreprendre. L’expert a indiqué qu’à la date de l’examen (le 17 mars 2014), la requérante ne manifestait pas de données cliniques relatives à la psychose avec trouble de la conscience. Indépendamment des symptômes dépressifs diagnostiqués avant et après le contrat de procuration ; le 11 juillet 2008, aucune preuve de psychose avec affectation de la personnalité, l’empêchant de percevoir correctement les événements, de comprendre et de diriger son comportement, n’a été constatée, donc elle était capable de réagir raisonnablement. Dans la conclusion il est dit également que dans des situations de violence mentale et physique, les individus réagissent différemment, selon les traits de leur personnalité, leur stabilité émotionnelle et leurs capacités relatives à la volonté. Compte tenu de ces éléments, il a été constaté que lors de la conclusion du contrat de procuration, le comportement de la requérante a été facilité à un point extrême, il résulte de la combinaison des traits de sa personnalité (sensibilité à la manipulation et la suggestion, instabilité émotionnelle, influence sur la volonté et hystérie), du comportement manipulateur de son concubin qui a profité des traits de son caractère, et des menaces systématiques, du harcèlement psychologique et de la violence physique exercé par lui à son égard pendant la période en question. Dans la conclusion il est dit également que pendant la période mai – août 2008, la personne objet de l’expertise médico-légale avait vécu un psychotraumatisme qui avait déclenché un nouvel épisode dépressif et des attaques de panique fréquentes.

Ces constatations et conclusions de l’expert psychiatre, ainsi que les preuves relatives à l’état de santé de la requérante, n’ont pas été discutées et analysées par la Cour d’appel, ce qui témoigne d’un non-respect des règles de procédure. Elles permettent d’établir que la requérante est une personne aux traits caractéristiques particuliers, avec des symptômes dépressifs et qu’elle a été traitée plusieurs fois pour cette raison. En 2002, elle a été traitée à cause d’un trouble de panique ; pendant une période plus proche du moment de la conclusion du contrat, son certificat médical en date du 5 décembre 2008, délivré par le Dispensaire psychiatrique régional de Sofia, témoigne du diagnostic « épisode de dépression majeure modérée aux symptômes somatiques ». Elle était en relation intime avec le défendeur, elle dépendait de lui sur le plan émotionnel, elle avait confiance en lui, elle croyait à tout ce qu’il lui racontait sur les difficultés dans sa vie avant de la rencontrer et elle croyait à ses promesses d’un avenir heureux à eux deux. La Cour d’appel n'a pas pris en considération le fait que dans la relation étroite établie, Aq était conscient des problèmes de santé de la requérante, de son instabilité émotionnelle, de sa naïveté et de ses peurs, qu’il en avait profité pour la manipuler. Son influence psychologique sur elle par des menaces, accompagnée de manifestations de violence physique domestique, maintenait Andreeva en état de stress, de peur et d'incertitude concernant sa vie.

L’objectif poursuivi par les actions entreprises par le défendeur a été établi à la base des témoignages de Ag Aj et de Am Ae. Les témoins déclarent que pendant la période de cohabitation avec le défendeur et autour de la date de la conclusion du contrat, ils ont vu Andreeva avec des bleus sur le visage ; le témoin Ae qui habite dans l’appartement voisin a souvent entendu des scandales et des cris venant de l’appartement de la requérante ; Andreeva s’était plaint devant les deux témoins que Aq l’avait menacée de lui envoyer « des truands », elle disait qu’elle se sentait « sous pression », qu’on voulait « lui prendre son appartement », qu’on voulait « la tuer » et qu’elle avait « peur pour sa vie ». Après avoir été quittée par le défendeur, la requérante avait avoué devant Ae qu’on lui avait fait signer « les documents sur l’appartement », parce que Aq l’avait menacée de lui envoyer des « truands ». Les déclarations des témoins sont uniformes et cohérents, ils ne se contredisent pas, les témoins ne sont pas intéressés par l’issue de l’affaire ; il n’y a donc aucune raison de ne pas les prendre en considération. Leurs témoignages démontrent sans équivoque qu’autour de la date de la conclusion du contrat contesté, il a été exercé une pression psychologique sur la volonté de la requérante, accompagnée de violence physique, ce qui a provoquée en elle une peur légitime pour sa vie. Les faits que la requérante a partagé avec Romanov et Ae, tout comme les impressions des témoins sur l’aspect physique d’Andreeva indiquent que pendant la période en question, celle-ci avait peur justement à cause des menaces à son égard. La circonstance que la menace était liée au contrat objet de l’affaire est établie, elle aussi, grâce aux déclarations des témoins d’après lesquels des tiers (« des truands »)  « voulaient lui prendre son appartement » et « elle a dû signer les documents sur l’appartement » parce que Aq l’avait menacée de lui envoyer « des truands ».

La thèse que leurs déclarations ne devraient pas être prises en considérations car les témoins ne sont pas des témoins oculaires est inadmissible. Habituellement, la contrainte psychologique et la violence physique ne sont pas des actes commis en public. En plus, la peur, notamment les idées effrayantes provoquées ne peuvent être établies qu’à la base d’indices indirects. La plupart des cas, il s’agit de changement d’humeur, de changement de comportement, d’actions défensives déterminées, de témoignages devant des tiers.

Vu les faits constatés, le contrat de procuration contesté a été conclu en la présence d’un vice dans la libre expression de la volonté de la requérante. Conscient des problèmes de santé d’Andreeva (dépression, trouble panique) et profitant des traits particuliers de son caractère – crédulité, suggestibilité, susceptibilité à la manipulation, instabilité émotionnelle et influence sur la volonté, le défendeur a exercé une contrainte psychologique sur elle, accompagnée d’actes de violence physique, ce qui a provoqué la peur et des idées effrayantes chez une personne mentalement et émotionnellement vulnérable. L’influence systématique sur la conscience de la requérante l’a conduit à exclure le choix possible entre différentes options et son comportement a été dirigé vers une seule variante possible : la conclusion du contrat de procuration, ce qui a permis ensuite l’hypothèque sur l’appartement d’Andreeva. Dans ces conditions, la demande de nullité du contrat de procuration contesté, conclu en raison de menace, sous l’influence d’une peur légitime pour la vie de la requérante, est fondée. La conclusion décisive dans la décision contestée est notamment la constatation qu’il n’y a pas de vice dans la libre expression de la volonté de la requérante, que celle-ci n’a pas agi sous l’influence d’une peur légitime lors de la conclusion du contrat de procuration ; les motifs de cette partie de la décision de la cour d’appel sont incorrects : ils sont contraires à la loi au sens matériel et donc non fondés.

Pour les motifs exposés ci-dessus, au titre de l'art. 293, al. 2 du Code de procédure civile, la décision d'appel dans la partie du pourvoi en cassation doit être annulée et la requête ainsi formulée doit être considérée comme recevable. Le contrat de procuration doit être frappé de nullité.

La requérante demande la somme de 190 BGN pour les frais et dépens justifiés et prouvés pour payer les taxes d’État au niveau des trois instances.

Les frais d’avocats ne sont pas adjugés, car dans les contrats de défense juridique et d’assistance (f. 19 de l’affaire d’appel et f.17 de l’affaire de cassation), il n’est pas fait mention que les dépens sont versés en espèces par la partie.

PAR CES MOTIFS, LA COUR COUR SUPRÊME DE CASSATION, QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE, REND L’ARRÊT QUE VOICI :

ELLE ANNULE la décision au sujet de l’affaire no 6502/2015, rendue en appel sur l’inventaire du Tribunal de la ville de Sofia, portant sur la partie recevable de la requête, rejetant la requête de la requérante Ap An An, domiciliée dans le complexe résidentiel Razsadnika, rue Metodi Pachev, immeuble 13, entrée Е, appartement 149, Sofia, contre Ab Ad Aq, Numéro d’identité civil : 7609131583, domicilé 1, rue Af, Ah Al, en vertu de l’art. 30 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, pour la résiliation du contrat de procuration, procuration en date du 11 juillet 2008, dont la certification de la signature par notaire est enregistrée sous le no 35520 et la certification du contenu par notaire est enregistrée sous le no 35521, la certification de leur authenticité étant faite par maître Angelina Mavrodieva, notaire adjoint à maître Alexandar Chakarov, immatriculé sous le no 310, dont la circonscription est située dans le cadre de fonction du Tribunal de la ville de Sofia;

ELLE ORDONNE LA RÉSILIATION en vertu de l’art. 30, en liaison avec l’art. 44 de la Loi sur les Obligations et les Contrats, du contrat de procuration, matérialisé en la procuration en date du 11 juillet 2008, certification de la signature du mandataire Ap An An sous le sous le no 35520/ 11.07.2008 et certification du contenu enregistrée sous le no 35521/11.07.2008, tome VІ, 35521/11.07.2008 no 43, la certification de leur authenticité étant faite par maître Angelina Mavrodieva, notaire adjoint à maître Alexandar Chakarov, immatriculé sous le no 310, dont la circonscription est située dans le cadre de fonction du Tribunal de la ville de Sofia, par laquelle Ap An An, Numéro d’identité civil : 6104166930, autorise Ab Ad Aq, Numéro d’identité civil : 7609131583, de la représenter devant des tiers, personnes physiques ou morales, pour hypothéquer en faveur d’une personne physique ou morale à sa discrétion, le bien immobilier suivant : l’appartement no 149, superficie : 83,74 m², quote-part des parties communes de l’immeuble : 4,704 %, cave no 3, situé dans le complexe résidentiel Razsadnika, rue Metodi Pachev, immeuble 13, entrée Е, appartement 149, Sofia, commune de Ao Ai, de la représenter devant le notaire et ce que de droit dans le cadre des droits inscrits dans la procuration;

ELLE ORDONNE à Ab Ad, en vertu de l’art. 78, al. 1 du Code de procédure civile, de rembourser à Ap An An les frais exposés pour la procédure devant les trois instances au montant total de 190 BGN.

LE JUGEMENT n’est pas susceptible d’appel.

PRÉSIDENT : MEMBRES : 1. 2.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 222
Date de la décision : 07/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2017-12-07;222 ?
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