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10/10/2018 | FRANCE | N°400807

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 10 octobre 2018, 400807


Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale des Vosges a autorisé la société Trane à procéder à son licenciement. Par un jugement n° 1201405 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 15NC00328 du 19 avril 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Trane contre ce jugement.

Par un pourvoi

sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin et 20 septembre 2016 au...

Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale des Vosges a autorisé la société Trane à procéder à son licenciement. Par un jugement n° 1201405 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 15NC00328 du 19 avril 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Trane contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juin et 20 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Trane demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de Mme D...A...et de M. B... A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Trane et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A...et de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que M. C... A..., salarié de la société Trane et candidat aux fonctions de membre élu du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, a demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur à le licencier pour faute ; que M. A...étant décédé en cours d'instance, le 9 novembre 2014, son épouse et son fils, Mme D... A...et M. B... A..., ont, par un mémoire du 19 novembre 2014, spontanément indiqué au tribunal qu'ils reprenaient l'instance ; que le tribunal ayant, par un jugement du 16 décembre 2014, annulé la décision attaquée, la société Trane a interjeté appel, en invoquant, notamment, l'irrégularité de la procédure suivie devant le tribunal, le mémoire du 19 novembre 2014 ne lui ayant pas été communiqué ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 19 avril 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer un avocat " ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, l'affaire étant en l'état à la date du décès de M. C...A..., il y avait lieu pour le tribunal d'y statuer, alors même qu'aucun ayant-droit n'aurait déclaré reprendre l'instance ;

3. Mais considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : "La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;

4. Considérant qu'en se fondant, pour juger que l'absence de communication par le tribunal administratif à la société Trane, défendeur, du mémoire en reprise d'instance présenté par les ayants-droits du requérant, ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative sur le seul motif que l'affaire était en état d'être jugée, sans rechercher si ce mémoire apportait un élément nouveau au débat contentieux, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Trane au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en outre, les dispositions du même article et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. et MmeA... ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 19 avril 2016 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Trane et les conclusions présentées par Mme et M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Trane, à Mme D... A...et à M. B... A....

Copie en sera adressée à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 400807
Date de la décision : 10/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INSTRUCTION - CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE - COMMUNICATION DES MÉMOIRES ET PIÈCES - 1) PRINCIPE - OBLIGATION DE COMMUNIQUER LE PREMIER MÉMOIRE DU DÉFENDEUR OU TOUT MÉMOIRE CONTENANT DES ÉLÉMENTS NOUVEAUX - EXCEPTION - CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES LA MÉCONNAISSANCE DE CETTE OBLIGATION N'A PU PRÉJUDICIER AUX DROITS DES PARTIES - 2) CAS DE L'ABSENCE DE COMMUNICATION DU MÉMOIRE DE REPRISE D'INSTANCE PRÉSENTÉ PAR UN AYANT DROIT D'UN REQUÉRANT DÉCÉDÉ - OBLIGATION POUR LE JUGE DE RECHERCHER SI CE MÉMOIRE APPORTE UN ÉLÉMENT NOUVEAU - EXISTENCE.

54-04-03-01 1) Il résulte des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative (CJA), destinés à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.... ...2) Comment une erreur de droit une cour administrative d'appel qui, pour juger que l'absence de communication par le tribunal administratif au défendeur du mémoire en reprise d'instance présenté par les ayants droit du requérant, ne méconnaît pas les deuxième et troisième alinéas de l'article R 611-1 du CJA, se fonde sur le seul motif que l'affaire est en état d'être jugée, sans rechercher si ce mémoire apporte un élément nouveau au débat contentieux.

PROCÉDURE - INCIDENTS - NON-LIEU - EXISTENCE - NON-LIEU EN L'ÉTAT - DÉCÈS DU REQUÉRANT ET ABSENCE DE REPRISE D'INSTANCE D'UN AYANT DROIT - ABSENCE - DÈS LORS QUE L'AFFAIRE EST EN L'ÉTAT D'ÊTRE JUGÉE À LA DATE DU DÉCÈS.

54-05-05-02-01 Au regard de l'article R. 634-1 du code de justice administrative, une cour administrative d'appel ne commet pas d'erreur de droit en jugeant que, l'affaire étant en l'état à la date du décès du requérant, il y avait lieu pour le tribunal d'y statuer, alors même qu'aucun ayant droit n'aurait déclaré reprendre l'instance.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2018, n° 400807
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Roux
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:400807.20181010
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