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10/05/2023 | SUISSE | N°9C_333/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIIe Cour de droit public  , Arrêt du 10 mai 2023  , 9C 333/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_333/2022  
 
 
Arrêt du 10 mai 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par M e Alain Schweingruber, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350

Saignelégier, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 25 mai 2022 (AI 83/2020). 
 
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_333/2022  
 
 
Arrêt du 10 mai 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par M e Alain Schweingruber, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 25 mai 2022 (AI 83/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 28 mars 2014, A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Appliquant la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité, l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) a fixé le taux d'invalidité global à 36 %, ce qui l'a conduit à nier le droit de l'assurée à la rente, par décision du 30 octobre 2017. Cette décision a été confirmée par la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, par arrêt du 24 juillet 2018. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de l'assurée, par arrêt du 15 janvier 2019 (9C_649/2018).  
 
A.b. A la suite de cet arrêt, A.________ a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'office AI, le 28 janvier 2019. Elle a demandé que son taux d'invalidité fût calculé conformément aux nouvelles dispositions en la matière, en vigueur depuis le 1er janvier 2018.  
Appliquant à nouveau la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité, l'office AI a retenu que l'assurée présentait un taux d'empêchement total de 33,60 % dans l'activité ménagère. Pour l'activité lucrative, il a comparé un revenu sans invalidité de 80'797 fr. 20 avec un revenu d'invalide de 53'718 fr. 70 qu'il a établi sur la base de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), avec un abattement de 25 % appliqué aux valeurs du tableau TA1, tous secteurs confondus, niveau de compétence 2, pour une femme. Après avoir pondéré les tâches ménagères (50 %) et l'activité lucrative (50 %), il a fixé le taux d'invalidité global à 33,56 %. En conséquence, il a nié le droit à la rente par décision du 30 juin 2020. 
 
B.  
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal jurassien, qui l'a déboutée, par arrêt 25 mai 2022. En bref, il a considéré que le taux d'invalidité global, qu'il a porté à 38,3 %, était insuffisant pour ouvrir le droit à la rente. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation, éventuellement la réforme. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. A l'instar de la procédure qui avait donné lieu à l'arrêt 9C_649/2018 (consid. 2.1), la recourante prend derechef des conclusions cassatoires, sans indiquer formellement ce qu'elle entend obtenir sur le fond de la cause. Les conclusions doivent cependant être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation du recours (ATF 137 III 617 consid. 6.2). Au vu des motifs présentés, on peut comprendre que la recourante conteste le calcul de son revenu d'invalide par l'autorité précédente sur la base de l'ESS; elle laisse entendre que son taux d'invalidité global est supérieur à 38,3 % et qu'il ouvrirait droit à la rente. Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur le recours, les autres conditions de recevabilité ne prêtant pas à discussion.  
 
1.2. Devant le Tribunal fédéral, la recourante dépose plusieurs certificats de salaire portant sur les années 2019 à 2021. Ces pièces n'avaient pas été versées au dossier de l'instance précédente, sans que la recourante n'explique ce qui l'aurait empêché de le faire en temps utile si elle les jugeait pertinentes. Dès lors qu'il n'est pas possible de présenter de pièces que l'on a négligé de produire devant l'autorité précédente, la Cour de céans ne peut pas en tenir compte, (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2).  
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 140 III 264 consid. 2.3) - ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). Il applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l' art. 42 al. 2 LTF , pour autant que les manquements ne soient pas manifestes (ATF 144 V 173 consid. 1.2 et les références).  
 
3.  
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité dans le cadre de la nouvelle demande de prestations déposée le 28 janvier 2019 conformément à l'al. 2 des dispositions transitoires relatives à la modification du RAI du 1er décembre 2017, en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Selon cette disposition réglementaire, lorsque l'octroi d'une rente a été refusé avant l'entrée en vigueur de la modification du 1er décembre 2017 parce que le taux d'invalidité était insuffisant, à un assuré qui exerce une activité lucrative à temps partiel et accomplit par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7, al. 2, LAI, une nouvelle demande est examinée s'il paraît vraisemblable que le calcul du taux d'invalidité conformément à l'art. 27 bis, al. 2 à 4, aboutira à la reconnaissance d'un droit à la rente (RO 2017 7581). 
L'arrêt attaqué expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à l'évaluation de l'invalidité ( art. 16 LPGA et art. 28a LAI ), en particulier ceux qui se rapportent à la méthode mixte (ATF 137 V 334), ainsi qu'à l'obligation de l'assuré de participer activement à la mise en oeuvre notamment de mesures de réadaptation d'ordre professionnel ( art. 7 ss LAI en relation avec l' art. 21 al. 4 LPGA ). Il suffit d'y renvoyer. L'arrêt précise également à juste titre que les modifications intervenues dans le cadre du "développement continu de l'AI", prenant effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535), ne sont pas applicables au présent litige. Comme la décision administrative a été rendue avant cette date, le droit applicable est celui qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.2.1). 
 
4.  
La recourante fait valoir qu'elle avait suivi avec succès une formation d'aide-soignante dans le cadre de sa réadaptation, mais que l'assurance-invalidité avait finalement dû constater et admettre qu'elle présentait une incapacité totale dans cette activité. Elle ajoute que si elle avait suivi les mesures de réadaptation préconisées par l'office intimé, elle n'aurait évidemment pas pu être réinsérée dans des emplois mieux rémunérés que ceux qu'elle exerce actuellement. Cela étant, la recourante en déduit que son revenu d'invalide doit être déterminé selon le revenu qu'elle réalise effectivement dans une activité estimée globalement à 40 % et non pas sur la base des statistiques de l'ESS. 
Par ailleurs, la recourante soutient que le calcul du revenu d'invalide effectué par les premiers juges en fonction de l'ESS est erroné, car on n'obtiendrait pas le montant de 45'971 fr. qui a été retenu. 
 
5.  
 
5.1. En principe, le revenu d'invalide doit être évalué en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. Le salaire effectivement réalisé ne peut cependant être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide que si trois conditions cumulatives sont remplies: l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé doit reposer sur des rapports de travail particulièrement stables; cette activité doit en outre permettre la pleine mise en valeur de la capacité résiduelle de travail exigible; le gain obtenu doit enfin correspondre au travail effectivement fourni et ne pas contenir d'éléments de salaire social (cf. ATF 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2; 129 V 472 consid. 4.2.1).  
En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). 
 
5.2. Pour déterminer le revenu d'invalide, la juridiction cantonale s'est fondée sur les ESS, en écartant le salaire mensuel de l'ordre de 1'440 fr. que la recourante estimait réaliser dans ses activités professionnelles, parce qu'il était inférieur au salaire tiré des statistiques. Devant l'instance précédente, la recourante avait indiqué avoir passé son permis de taxi et avoir "débuté une activité dans ce sens" avant de reprendre un emploi d'agente de sécurité auxiliaire qui lui procurait un revenu mensuel net moyen de l'ordre de 1'440 fr., vacances comprises. A cette occasion, elle avait produit six fiches de salaires établies par son employeur, B.________ SA, afférentes aux rémunérations versées de février à juillet 2020.  
En se limitant à invoquer exercer l'activité de chauffeur de taxi et d'agente de sécurité auxiliaire, sans se référer à des revenus concrets tirés de l'ensemble des activités, ni démontrer à quel taux d'activité elle a effectivement travaillé à partir de 2019, la recourante n'établit pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les activités invoquées mettraient pleinement en valeur la capacité résiduelle de travail exigible (établie dans les procédures antérieures) dans un emploi adapté à 50 %. Il ne suffit pas, à cet égard, d'alléguer un taux d'occupation de 40 %, sans aucunement étayer cette affirmation. On peut par ailleurs douter que les activités exercées reposent sur des rapports de travail suffisamment stables au sens de la jurisprudence (consid. 5.1 supra), comme la recourante indique que son salaire varie "car elle est la plupart du temps activée sur appel". Dans ces circonstances, la juridiction cantonale était en droit de déterminer le revenu d'invalide sur la base des ESS. On ajoutera que l'argumentation de la recourante est au demeurant insuffisante pour mettre en évidence, conformément à l' art. 97 al. 1 LTF , que la prise en considération des activités dont elle se prévaut conduirait, à l'issue de la comparaison des revenus au sens de l' art. 16 LPGA et en application de l' art. 27bis RAI , à un taux d'invalidité susceptible de lui ouvrir le droit à une rente. 
 
5.3. C'est en vain que la recourante se plaint ensuite de ce que le calcul du taux d'invalidité de la juridiction cantonale ne serait pas compréhensible. En partant du revenu mensuel de 4'832 fr., pour le revenu d'invalide - tel que constaté par la juridiction cantonale sans que la recourante ne le remette en cause en tant que tel -, on obtient un revenu annuel (x 12) de 57'984 francs. Ajusté à la durée hebdomadaire du travail de 41,7 heures (les salaires bruts standardisés tiennent compte d'un horaire de travail de quarante heures, soit une durée inférieure à la moyenne usuelle dans les secteurs secondaire et tertiaire), ce revenu atteint 60'448 fr. 32 (57'984 x 41,7 / 40), puis 61'294 fr. 60 lorsqu'on l'adapte à l'évolution des salaires nominaux (+1,4 %). L'abattement de 25 % le réduit effectivement à 45'970 fr. 95. Dans ce cas, la comparaison de ce revenu d'invalide avec le revenu sans invalidité de 80'797 fr. 20 aboutit à une perte de gain de 43,1 % dans l'activité lucrative (45'970.95 / 80'797.20). Compte tenu du taux d'empêchement dans les tâches ménagères (33,6 %) et de la pondération entre ces dernières et l'activité lucrative (50 % pour chacune), le taux d'invalidité global s'élève donc à 38,3 %, singulièrement à 38 % arrondi. Il est inférieur au seuil de 40 % ouvrant droit à la rente ( art. 28 al. 2 LAI ).  
 
5.4. Vu ce qui précède, le recours est infondé.  
 
6.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure ( art. 66 al. 1 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 10 mai 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud 



Références :

Origine de la décision
Formation : Iiie cour de droit public  
Date de la décision : 10/05/2023
Date de l'import : 30/05/2023

Fonds documentaire ?: www.bger.ch


Numérotation
Numéro d'arrêt : 9C_333/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2023-05-10;9c.333.2022 ?

Source

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