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11/05/2023 | MONACO | N°TS/2022-27

Monaco | Tribunal Suprême, 11 mai 2023, Madame I. P. épouse C. c/ État de Monaco, TS/2022-27


TRIBUNAL SUPRÊME

TS 2022-27

 

Affaire :

Madame I. P. épouse C.

Contre :

État de Monaco

 

DÉCISION

Audience du 26 avril 2023

Lecture du 11 mai 2023

 

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 novembre 2021 du Directeur de la Sûreté publique rejetant la demande de renouvellement de la carte de séjour de résident de Madame I. P. épouse C. et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision.

 

En la cause de :

Madame I. P

. épouse C. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Monsieur le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maîtr...

TRIBUNAL SUPRÊME

TS 2022-27

 

Affaire :

Madame I. P. épouse C.

Contre :

État de Monaco

 

DÉCISION

Audience du 26 avril 2023

Lecture du 11 mai 2023

 

Recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 novembre 2021 du Directeur de la Sûreté publique rejetant la demande de renouvellement de la carte de séjour de résident de Madame I. P. épouse C. et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision.

 

En la cause de :

Madame I. P. épouse C. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Monsieur le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Thomas BREZZO, Avocat près la même Cour ;

 

Contre :

L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

 

Vu la requête, présentée par Madame I. P. épouse C., enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 25 août 2022 sous le numéro TS 2022-27, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 novembre 2021 du Directeur de la Sûreté publique rejetant sa demande de renouvellement de sa carte de séjour de résident et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;

 

CE FAIRE :

Attendu que Madame P. épouse C. expose que par une décision du 23 novembre 2021, notifiée le 29 décembre 2021, la demande de renouvellement de sa carte de séjour échue au 11 octobre 2021 a été rejetée aux motifs qu'elle était sans ressources propres, son époux, M. S. C., subvenant seul aux charges du couple et que la demande de première carte de séjour présentée par ce dernier avait été rejetée par décision du 3 novembre 2021 ; qu'il a ainsi été considéré que la situation des époux C. ne pouvait être considérée séparément ; que la requérante a sollicité le retrait de cette décision par recours gracieux du 25 février 2022 ; que ce recours a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête, Mme P. épouse C. soutient, en premier lieu, que les décisions attaquées méconnaissent l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ; qu'en effet, elle a démontré qu'elle disposait des moyens suffisants d'existence par des attestations des organismes bancaires qu'elle a produites ; qu'en refusant d'examiner ces pièces qui démontraient qu'elle disposait de moyens suffisants d'existence propres, le Directeur de la Sûreté publique a méconnu cette disposition ;

Attendu, en deuxième lieu, que Mme P. épouse C. fait grief aux décisions attaquées d'avoir méconnu l'article 1^er du septième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces stipulations concernent les étrangers résidant régulièrement sur le territoire monégasque (TS, 2 décembre 2021, M. A.-G. V. c/ État de Monaco) ; qu'en l'espèce, la requérante n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits en méconnaissance de ces stipulations ;

Attendu que Mme P. épouse C. allègue, en troisième lieu, que les décisions attaquées méconnaissent l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces stipulations ne s'appliquent qu'aux personnes qui résident régulièrement à Monaco, comme c'est le cas de la requérante ; qu'il en résulte que le refus de délivrance d'une carte de séjour ne peut être ordonné qu'en vertu d'une disposition légale répondant à l'une des finalités énoncées par ces stipulations ; qu'en refusant en l'espèce le renouvellement de la carte de séjour au motif que « la situation des époux C. ne peut être considérée séparément », l'Administration a méconnu ces stipulations ;

Attendu que Mme P. épouse C. fait, en dernier lieu, grief aux décisions attaquées d'être entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, elle a obtenu un premier titre de séjour en 2015, avant son mariage sous le régime de la séparation ; qu'elle dispose de comptes personnels ouverts auprès d'un établissement bancaire monégasque ; qu'elle a remis, à l'appui de sa demande de renouvellement de carte de séjour, une attestation de sa banque qui certifie qu'elle dispose de liquidités supérieures à 500.000 euros dans des livres ouverts à son nom dans cet établissement ; qu'un extrait de son portefeuille confirme que ses valeurs de placements personnels à Monaco s'élèvent à 3.350.980,90 euros ; qu'elle est cotitulaire du bail d'habitation de sa résidence à Monaco ; que la circonstance que la première demande de carte de séjour de son époux ait été refusée n'a aucune influence sur les ressources propres de Mme P. épouse C. ; que rien n'empêche l'époux de la requérante de subvenir aux besoins de cette dernière indépendamment du fait qu'il détient ou non une carte de séjour à Monaco, le devoir de secours entre époux étant une obligation légale ; qu'alors que la requérante est mariée à M. C. depuis le 14 octobre 2015 et que le renouvellement de sa carte de séjour est intervenu à quatre reprises, il n'a jamais été apprécié au regard de la seule situation de son époux ; que, de plus, le conflit russo-ukrainien oblige Mme P. épouse C., de nationalité ukrainienne, à demeurer à Monaco ;

 

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 26 octobre 2022, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 n'est pas fondé ; qu'en effet, la demande de Mme P. épouse C. n'a pas été rejetée au motif qu'elle ne justifiait pas de moyens suffisants d'existence mais pour la raison qu'elle est sans ressources propres et que la première demande de carte de séjour présentée par son mari, qui subvient seul aux charges du couple, a été rejetée, de sorte que la situation des deux époux ne peut être considérée séparément ; que, dès lors, la requérante ne peut soutenir que l'auteur de la décision de rejet de sa demande n'aurait pas tenu compte des pièces faisant apparaître qu'elle justifiait de moyens suffisants d'existence propres ; qu'au surplus, la circonstance qu'elle ait disposé de moyens suffisants d'existence propres n'était pas de nature à imposer le renouvellement de sa carte de séjour, un tel renouvellement n'étant pas seulement assujetti à des conditions légales mais relevant également de l'appréciation portée par les services de l'État sur la nécessité de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, laquelle constitue l'objet même des mesures de police administrative ; que la demande de renouvellement de la carte de séjour présentée par la requérante pouvait donc être rejetée au motif que la demande de première carte de séjour de son époux, qui assure ses moyens d'existence, a elle-même été rejetée ;

Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1^er du septième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ; que la requérante a été mise en mesure de faire valoir les droits qu'elle tire de cette stipulation puisqu'elle a pu, d'une part, former un recours gracieux à l'encontre de la décision du 23 novembre 2021 et, d'autre part, saisir le Tribunal Suprême d'un recours dirigé contre cette décision ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;

Attendu que le Ministre d'État allègue, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ; qu'ainsi qu'il a été dit, le renouvellement d'une carte de séjour relève notamment de l'appréciation portée par les services de l'État sur la nécessité de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public ; que l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 prévoit que la carte de séjour peut être retirée à tout moment « si les autorités compétentes le jugent nécessaire » ; que ce texte répond ainsi aux finalités envisagées par l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel le droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence peut faire l'objet de restrictions prévues par la loi, nécessaires à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Attendu, en dernier lieu, que selon le Ministre d'État, le moyen d'erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé ; qu'en effet, l'Administration peut rejeter une demande de renouvellement de carte de séjour alors même que la condition tenant aux ressources du pétitionnaire est remplie ; que compte tenu de la communauté de vie existant entre époux, l'Administration pouvait tenir compte de la situation de M. C. dans le cadre de l'étude de la demande présentée par Mme P. épouse C. que le rejet de la demande de première carte de séjour de son époux justifiait donc le rejet de la demande de renouvellement de carte de séjour présentée par la requérante ;

 

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 25 novembre 2022, par laquelle Mme P. épouse C. tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu que Mme P. épouse C. ajoute, tout d'abord, que si le Ministre d'État fait valoir que la demande de renouvellement de carte de séjour peut être rejetée pour prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, il ne précise pas quels sont les faits qui lui seraient imputables et n'en établit pas la réalité ; que, par suite, les décisions attaquées méconnaissent bien l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 ;

Attendu que Mme P. épouse C. fait valoir, ensuite, que le Ministre d'État n'établissant pas en quoi le renouvellement de sa carte de séjour serait de nature à porter atteinte à l'ordre public, les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Attendu que Mme P. épouse C. allègue, en outre, que le Ministre d'État ne peut invoquer le motif tiré d'une atteinte à l'ordre public sans la priver d'une garantie procédurale, à savoir la procédure contradictoire préalable à l'édiction de la décision ;

Attendu que la requérante soutient, enfin, que le pays dont elle a la nationalité étant en guerre, les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 20 décembre 2022, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que le Ministre d'État ajoute, tout d'abord, que, contrairement à ce que la requérante affirme, c'est son époux qui assure ses moyens d'existence en alimentant ses comptes bancaires ; que le rejet de la demande de première carte de séjour présentée par ce dernier, intervenu afin de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, a en conséquence justifié le rejet de la demande de renouvellement de carte de séjour de la requérante, alors même qu'il n'a pas été relevé à l'encontre de cette dernière de faits susceptibles de créer des atteintes à l'ordre public ;

Attendu que le Ministre d'État fait valoir, ensuite, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1^er du septième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait dès lors que la requérante a pu introduire un recours gracieux et un recours contentieux alors qu'elle n'a pas été expulsée du territoire monégasque ;

Attendu que le Ministre d'État allègue, par ailleurs, que l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 répond incontestablement aux finalités énoncées par l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le renouvellement de la carte de séjour de la requérante a été refusé en raison du rejet de la demande de première carte de séjour présentée par son époux qui assure ses moyens d'existence ; qu'il est donc intervenu pour prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, enfin, qu'il est inopérant qu'aucun fait directement imputable à la requérante n'ait été caractérisé dès lors que sa demande a été rejetée au motif que la demande présentée par son époux l'a été pour des motifs tenant à la nécessité de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public ; qu'en outre, la circonstance que l'Ukraine soit en guerre n'est pas de nature à établir que le refus de renouvellement de la carte de séjour méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, rien ne démontre que la requérante devra repartir dans ce pays ; qu'en outre, son mari a affirmé avoir obtenu en 2016 une carte de résident permanent aux États-Unis, valable jusqu'en 2026 ;

 

SUR CE,

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le 1° du B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ensemble ses protocoles additionnels rendus exécutoires par Ordonnances Souveraines n^os 408 et 411 du 15 février 2006 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ;

Vu l'Ordonnance du 26 août 2022 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Didier RIBES, Vice-président, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 5 janvier 2023 ;

Vu l'Ordonnance du 23 mars 2023 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 26 avril 2023 ;

Ouï Monsieur Didier RIBES, Vice-président du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Monsieur le Bâtonnier Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur, pour Madame P. épouse C. ;

Ouï Maître François MOLINIE, Président de l'Ordre des Avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions par lesquelles il s'en remet à la sagesse du Tribunal Suprême ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ 

1. Considérant que, par une décision du 23 novembre 2021, le Directeur de la Sûreté publique a rejeté la demande de Madame I. P. épouse C. de renouvellement de sa carte de séjour de résident ; que le recours gracieux que cette dernière a formé contre cette décision a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que Mme P. épouse C. demande au Tribunal Suprême l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté : « L'étranger qui sollicite, pour la première fois, une carte de séjour de résident doit présenter, à l'appui de sa requête : / – soit un permis de travail, ou un récépissé en tenant lieu, délivré par les services compétents ; / – soit les pièces justificatives de moyens suffisants d'existence, s'il n'entend exercer aucune profession. / La durée de validité de la carte de résident temporaire ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas exigés pour entrer et séjourner dans la Principauté. / La carte de résident temporaire ne peut être renouvelée que si l'étranger satisfait aux conditions prévues aux alinéas ci-dessus. /Elle peut lui être retirée à tout moment, s'il est établi qu'il cesse de remplir ces mêmes conditions ou si les autorités compétentes le jugent nécessaires » ;

3. Considérant que le pouvoir d'appréciation ainsi reconnu à l'autorité administrative peut s'exercer à tout moment, que ce soit à l'occasion de la première demande d'une carte de séjour, en cours de validité ou à l'occasion d'une demande de renouvellement ;

4. Considérant que l'objet des mesures de police administrative étant de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, il suffit que les faits retenus révèlent des risques suffisamment caractérisés de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée pour être de nature à justifier de telles mesures ;

5. Considérant qu'en se fondant sur la circonstance que la première demande de carte de séjour de Monsieur C. avait été rejetée afin de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public et en estimant que « la situation des époux C. ne pouvait être considérée séparément» pour rejeter la demande de renouvellement de la carte de séjour de résident de Mme P. épouse C., le Directeur de la Sûreté publique a entaché sa décision d'une méconnaissance des dispositions de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme P. épouse C. est fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La décision du 23 novembre 2021 du Directeur de la Sûreté publique et la décision implicite de rejet du recours gracieux contre cette décision sont annulées.

Article 2

Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Vice-président, rapporteur, Philippe BLACHER, Stéphane BRACONNIER, Membres titulaires, et Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Membre suppléant,et prononcé le onze mai deux mille vingt-trois en présence du Ministère public, par Monsieur Didier LINOTTE, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en chef.

Le Greffier en chef,                                    Le Président.

^



Analyses

L'article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté, précise les éléments permettant de prétendre pour la première fois à une carte de séjour que sont : « (…) – soit un permis de travail, ou un récépissé en tenant lieu, délivré par les services compétents ; / – soit les pièces justificatives de moyens suffisants d'existence, s'il n'entend exercer aucune profession. (…) Elle peut lui être retirée à tout moment, s'il est établi qu'il cesse de remplir ces mêmes conditions ou si les autorités compétentes le jugent nécessaires ». Ce retrait peut, en tant que mesure de police administrative, se justifier dès lors que les faits retenus révèlent des risques suffisamment caractérisés de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée.En l'espèce, le Directeur de la Sûreté publique a rejeté la demande de Madame I. P. épouse C. de renouvellement de sa carte de séjour de résident et son recours gracieux a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Ainsi, Mme P. épouse C. se pourvoit devant le Tribunal Suprême pour demander annulation pour excès de pouvoir de ces décisions.Le Tribunal considère annule les décisions du Directeur de la Sûreté publique qui a méconnu les dispositions de l'Ordonnance de 1964 en fondant sa décision de rejeter le renouvellement de la carte de séjour de la requérante sur le fait que « la situation des époux C. ne pouvait être considérée séparément ». En effet, si la première demande de son mari avait été rejetée pour prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, aucun fait d'une telle nature n'était individuellement reproché à la demanderesse.

Droit des étrangers  - Police administrative.

Tribunal Suprême - Recours en annulation - Droit des étrangers - Police administrative - Carte de résident - Renouvellement - Conditions de séjour - Annulation.


Parties
Demandeurs : Madame I. P. épouse C.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

Vu la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964
article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
TS, 2 décembre 2021, M. A.-G. V. c/ État de Monaco
Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963
Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964


Origine de la décision
Date de la décision : 11/05/2023
Date de l'import : 18/07/2023

Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc


Numérotation
Numéro d'arrêt : TS/2022-27
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;2023-05-11;ts.2022.27 ?

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