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13/05/2024 | LUXEMBOURG | N°46829

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2024, 46829


Tribunal administratif N° 46829 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46829 1re chambre Inscrit le 27 décembre 2021 Audience publique du 13 mai 2024 Recours formé par Madame A et consort, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Troisvierges en présence de Madame B et consort, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46829 du rôle et déposée le 27 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

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Tribunal administratif N° 46829 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:46829 1re chambre Inscrit le 27 décembre 2021 Audience publique du 13 mai 2024 Recours formé par Madame A et consort, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Troisvierges en présence de Madame B et consort, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46829 du rôle et déposée le 27 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel Cravatte, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A et de son époux, Monsieur A, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’ « une autorisation de construire numéro 2021/102 délivrée en date du 30 septembre 2021 […] par le bourgmestre de la Commune de Troisvierges au profit de Madame B et Monsieur B, demeurant ensemble à …, L-…, autorisant « par régularisation d'une situation existante le maintien en place d'un mur de soutènement existant en bloc coffrant avec couvre-mur et une clôture en panneaux rigides de teinte blanche » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Muller, demeurant à Luxembourg, du 5 janvier 2022 portant signification de ce recours 1) à l’administration communale de Troisvierges, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en sa maison communale à L-9905 Troisvierges, 9-11, Grand-Rue, 2) à Madame B, demeurant à L-…, et 3) à Monsieur B, demeurant à L-… ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 10 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif pour compte de l’administration communale de Troisvierges, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de la société à responsabilité limitée Etude d’Avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Diekirch, établie et ayant son siège social à L-9234 Diekirch, 30, route de Gilsdorf, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B239498, représentée dans la présente instance par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, déposée le 31 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif pour compte de Madame B et Monsieur …, préqualifiés ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er avril 2022 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de Troisvierges, préqualifiée ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 avril 2022 par la société à responsabilité limitée Etude d’Avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL pour compte de Madame B et Monsieur B, préqualifiés ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 avril 2022 par Maître Daniel Cravatte pour compte de Madame A et de Monsieur A, préqualifés ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 mai 2022 par Maître Steve Helminger pour compte de l’administration communale de Troisvierges, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2022 par la société à responsabilité limitée Etude d’Avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen SARL pour compte de Madame B et Monsieur B, préqualifiés ;

Vu l’acte de reprise d’instance déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2023 par Maître Daniel Cravatte, au nom de Monsieur A déclarant reprendre l’instance, en son seul nom, en sa qualité de seul héritier suite au décès de son épouse, feue Madame A, en date du 8 décembre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel Cravatte, Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, et Maître Christian Biltgen entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 décembre 2023.

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En date du 30 septembre 2021, le bourgmestre de la commune de Troisvierges, ci-après désigné par « le bourgmestre », accorda à Monsieur B et Madame B, ci-après désignés par « les consorts B », l’autorisation de construire ayant comme objet « le maintien en place d’un mur de soutènement existant en bloc coffrant avec couvre-mur et une clôture en panneaux rigides de teinte blanche (…) » et prononça la levée d’une précédente décision portant fermeture de chantier du 6 septembre 2019. Ladite décision est basée sur les considérations suivantes :

« (…) Vu le rapport de réunion du 22 juin 2021, établi dans le cadre d’une procédure administrative non contentieuse conformément à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Vu les observations présentées par courrier en date du 7 juillet 2021 par les voisins A dans le cadre d’une procédure administrative non contentieuse conformément à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Considérant qu’en date du 12 mai 2021 les consorts B domicilié à L-… ont introduit une demande afin de construire un mur de soutènement avec couvre-mur et clôture sur un terrain sis à L-… et longeant la propriété des consorts A inscrite au cadastre sous le numéro … section … de ….

Considérant que la demande dont question doit s’analyser en une demande de régularisation d’une situation existante étant donné qu’à ce jour, la construction dont question, 2érigée en plusieurs phases par des propriétaires différents, n’a jamais été couverte par un permis à bâtir.

Considérant qu’une régularisation d’une situation existante est possible sous réserve que la construction en place respecte les dispositions de la réglementation communale des bâtisses.

Vu l’article 3.35 du règlement des bâtisses de la commune de Troisvierges qui est libellé comme suit : « Les murs de soutènement des terrasses aménagées devant les constructions implantées en terrain en pente ne peuvent dépasser une hauteur de 2 mètres (…) ».

Par requête, déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2021, inscrite sous le numéro 46829 du rôle, Madame A et Monsieur A, ci-après désignés par « les consorts A », déclarant agir en leur qualité de propriétaires et de voisins directs de la parcelle des consorts B, ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre l’autorisation de construire, précitée, du 30 septembre 2021.

A la suite du décès de Madame A en date du 8 décembre 2022, Monsieur A déclara reprendre l’instance en son seul nom par acte de reprise d’instance déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2023.

I.

Quant à la compétence du tribunal Aucun recours en réformation n’étant prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il est, en revanche, compétent pour statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

II.

Quant à la recevabilité du recours Moyens des parties L’administration communale de Troisvierges, ci-après désignée par « la commune », se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la forme, les délais et « autres formalités » et conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir des consorts A.

S’agissant plus particulièrement de l’intérêt à agir, la commune reproche aux consorts A de ne pas prouver à suffisance dans quelle mesure leur situation serait impactée par l'autorisation de construire numéro 2021/102 délivrée en date du 30 septembre 2021. Elle soutient que l'autorisation délivrée consisterait en une régularisation d'une situation existante, de sorte à ne pas pouvoir être prise en compte pour évaluer une prétendue aggravation de la situation de voisin.

Elle précise que le mur litigieux aurait été réalisé pour sa plus grande partie il y a plus de 5 ans, de sorte que toute action devant les juridictions compétentes pour obtenir démolition dudit mur serait vouée à l'échec.

Elle expose que même si l'autorisation de régularisation devait être considérée comme étant illégale, les consorts A ne sauraient en tirer le moindre profit et insiste sur le fait que la 3régularisation du mur ne serait pas de nature à aggraver in concreto la situation des parties requérantes.

Les consorts B soulèvent également un défaut d’intérêt à agir dans le chef des consorts A en avançant en substance les mêmes arguments que ceux développés par la commune.

Les consorts A concluent au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.

Dans leur mémoire en duplique, les consorts B avancent encore un moyen d’irrecevabilité pour cause de violation du secret de la médiation en se basant sur l’article 1251-

6 du Nouveau Code de procédure civile, ci-après désigné par « le NCPC », selon lequel les personnes participant à un processus de médiation ne pourraient utiliser, produire ou invoquer les document établis, les communications faites et les déclarations recueillies au cours d’un tel processus de médiation, obligation de confidentialité qui ne pourrait être levée qu’en vue de la mise en œuvre ou de l’exécution dudit accord, respectivement pour des raisons impérieuses d’ordre public.

Dans la mesure où la requête introductive d’instance se réfère à une tentative de médiation, « la requête [serait] à écarter des débats et faute de requête le recours [serait] encore irrecevable faute de support ». Il en serait de même du « mémoire en réponse » déposé par les consorts A.

A titre subsidiaire, les consorts B soutiennent qu’ « à supposer que seuls les passages litigieux seraient supprimés, [ils] demande[nt] d’écarter des débats la plainte pénale des parties adverses (…) où [ils] parlent des communications effectuées dans le cadre de la médiation et des plans élaborés dans ce même cadre ».

Analyse du tribunal S’agissant du moyen ayant trait à un défaut d’intérêt à agir, il échet de rappeler que toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d'un intérêt personnel distinct de l'intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d'urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l'intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l'inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin1.

Le voisin direct, propriétaire du terrain longeant celui concerné par l’autorisation de construire et ayant une vue immédiate sur la construction litigieuse, justifie d'un intérêt suffisant à voir contrôler la légalité de l'autorisation de construire afférente, dès lors que sa situation de voisin se trouve aggravée par la construction sous autorisation querellée. Pareille aggravation de sa situation de voisin se trouve caractérisée à suffisance par des considérations de vue tirées d'arguments relatifs au recul et à l'emplacement de la construction projetée2.

Dans la mesure où il est constant en cause que les consorts A sont les voisins directs de la parcelle dont les propriétaires ont sollicité l’autorisation litigieuse et qu’il ressort à suffisance 1 Trib. adm. 22 janvier 1997 n°9443 du rôle, confirmé Cour adm. 24 juin 1997, n°9843C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 89 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 13 février 2007, n°22241C du rôle, Pas. adm. 2023., V° Procédure contentieuse, n° 89 et les autres références y citées.

4des documents et notamment des photos soumis au tribunal qu’ils ont une vue directe sur le mur litigieux, qui, même si la majorité du mur a été construite, de façon non contestée, par le propriétaire précédent, a néanmoins récemment fait l’objet de travaux, ils disposent d’un intérêt à agir en raison de la contiguïté des fonds concernés.

Le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans leur chef est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

S’agissant ensuite du moyen d’irrecevabilité tiré de la violation du secret de la médiation, il échet de constater que si le législateur a, à travers l’article 1251-1 du NCPC3 prévu la possibilité d’engager une médiation afin de parvenir à un accord sur la résolution d’un litige existant entre des parties, il n’a pas prévu une telle possibilité pour le contentieux administratif régi par la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », d’autant plus que cette possibilité est limitée aux droits dont les personnes ont la libre disposition, de sorte à en exclure, en tout état de cause, les dispositions d’ordre public en droit administratif.

Il s’ajoute, en l’espèce, que les consorts B restent en défaut de soumettre au tribunal, à part la référence au courrier du 28 février 2019 à travers lequel le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Troisvierges a demandé aux consorts A « de participer à une réunion ayant comme sujet le réaménagement d’un mur, la construction d’un abri de jardin et divers autres travaux dans votre voisinage à … » sans évoquer une quelconque référence à une « médiation », des éléments prouvant qu’une réunion ayant comme but de concilier les parties en cause ait effectivement eu lieu.

Il s’ensuit que le moyen afférent, tout comme la demande subsidiaire tendant à voir « écarter des débats la plainte pénale des parties adverses (…) où [ils] parlent des communications effectuées dans le cadre de la médiation et des plans élaborés dans ce même cadre », encourent le rejet.

Si certes la commune s’est encore rapportée à prudence de justice en ce qui concerne la forme, les délais et « autres formalités », ce qui équivaut certes à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une telle contestation non autrement étayée est à écarter, alors qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé à l’encontre de la décision précitée du bourgmestre du 30 septembre 2021 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

III.

Quant au fond Moyens des parties A l’appui de leur recours et en fait, les consorts A exposent qu’au cours de l’année 2016, les consorts B auraient procédé à la construction d’une maison unifamiliale sur leur 3 Article 1251-1 du NCPC : « (1) En matière civile et commerciale, tout différend, à l’exception (i) des droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer, (ii) des dispositions qui sont d’ordre public et (iii) de la matière relative à la responsabilité de l’Etat pour des actes et des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique, peut faire l’objet d’une médiation soit conventionnelle, soit judiciaire. (…) ».

5parcelle inscrite au cadastre de la commune de Troisvierges, section … de …, numéro …, ci-

après désignée par « la parcelle … ». A l’occasion de la construction de ladite maison unifamiliale, ils auraient constaté plusieurs violations de la réglementation communale ayant fait l’objet de dénonciations auprès des autorités en charge, qui n’auraient cependant pas eu de suite.

Pendant cette même période, les consorts A auraient constaté que le mur séparant leur parcelle de celles des parcelles voisines aurait fait l'objet d'un rehaussement et que du ciment aurait été coulé dans le mur en question, faits qu’ils auraient également dénoncés auprès des autorités communales.

Ils auraient, à l’occasion de la consultation des plans introduits auprès de la commune et relatifs à de nouveaux travaux de construction au niveau des immeubles voisins, constaté que les travaux en relation avec le mur de soutènement n’auraient jamais fait l’objet d’une autorisation communale.

Au cours de l’année 2019, le mur de soutènement aurait encore fait l’objet de modifications et en date du 6 septembre 2019, le bourgmestre aurait pris un arrêté de fermeture de chantier ordonnant la fermeture totale du chantier concerné étant donné que « le sieur B [serait] en train de réaliser des travaux des alentours de l'immeuble sis à …, (travaux de mur de soutènement) et que jusqu'à présent aucune autorisation à bâtir n'a été délivrée ». Malgré l’arrêté de fermeture de chantier, les consorts B auraient continué les travaux. Les consorts A font valoir qu’ils auraient dénoncé ces faits à la commune, qui n’aurait pas réagi.

Ils donnent encore à considérer qu’au début de l’année 2019, la commune aurait engagé un bureau d’architecte afin d’élaborer un projet en vue de solutionner le litige, ce qui aurait cependant été refusé par les consorts B, tout comme la « procédure de médiation » entamée par la commune.

A la suite des travaux exécutés sans autorisation de construire afférente et du défaut de réactivité de la commune, ils auraient procédé au dépôt d'une plainte pénale en date du 17 juin 2021.

En droit, les parties demanderesses font valoir que la commune n'aurait pas pu, a posteriori, procéder à la régularisation d'une situation de fait non conforme aux dispositions du plan d'aménagement général de la commune de Troisvierges, ci-après désigné par « le PAG ».

Ils concluent à une violation de l’article 3.26 de la partie écrite du PAG et exposent à cet égard que le rehaussement du mur de soutènement s'expliquerait par les travaux de remblai effectués par les consorts B sur leur parcelle.

Or, l'article 3.26 de la partie écrite au PAG préciserait que des ouvrages en talus ou de soutènement seraient à ériger sur le terrain de l'exécutant des travaux de déblai ou de remblai, alors qu’il résulterait du mesurage cadastral effectué en date du 18 juillet 2016 que le mur litigieux serait, partiellement, situé à cheval entre leur parcelle et la parcelle des consorts B, et, partiellement exclusivement sur leur parcelle, de sorte qu’il y aurait lieu de retenir que les travaux litigieux n’auraient pas été exécutés sur la parcelle du propriétaire de la parcelle sur laquelle a été effectué le remblai, tel qu’il serait imposé par l’article 3.26 de la partie écrite du PAG.

6Ainsi, la commune n’aurait pas pu, sans violer les dispositions de la partie écrite du PAG, procéder à une régularisation d'une situation existante par le biais de l'autorisation de construire litigieuse.

Les demandeurs concluent ensuite à une violation de l’article 3.35 de la partie écrite du PAG imposant une hauteur maximale de 2 mètres aux murs de soutènement des terrasses aménagées devant les constructions implantées sur des terrains en pente. Le mur de soutènement litigieux dépasserait, en effet, par endroits, la hauteur de 2 mètres, tandis que la clôture installée sur ledit mur dépasserait à tout endroit la hauteur de 2 mètres.

Les consorts A rappellent ensuite que les travaux de remblai effectués sur la parcelle des consorts B n’auraient pas fait l'objet d'une autorisation de la part du bourgmestre, alors que ce serait prévu à l’article 3.26 de la partie écrite du PAG.

En régularisant le mur de soutènement destiné à assurer la stabilité du remblai non autorisé, le bourgmestre aurait violé les dispositions du PAG. Les demandeurs affirment, en substance, que si les travaux de remblai ont été effectués sans autorisation préalable, le mur de soutènement ne saurait être autorisé par le bourgmestre au risque de régulariser une situation illégale ab initio.

Les demandeurs en concluent que le bourgmestre aurait outrepassé ses pouvoirs et compétences.

Ils insistent encore sur le fait qu’il serait inconcevable qu'une autorité communale autorise un ouvrage à la demande d'une personne qui n'en serait pas le propriétaire.

L’autorisation serait encore à annuler de ce chef.

Dans leur mémoire en réplique, les consorts A insistent sur le fait que la commune, à travers la décision déférée, ne se limiterait pas seulement à autoriser la construction, voire le maintien, d'un mur de soutènement, « mais étend[rait] son autorisation par rapport à une situation existante en son intégralité, couvrant ainsi les travaux de remblayage, les travaux de rehaussement du mur, la pose de la clôture et, in fine, la position du mur tel qu'il existe actuellement », alors que cette situation ne serait ni conforme à sa réglementation urbanistique ni aux droits de propriété des voisins respectifs. La commune aurait connaissance de cette non-

conformité, tel qu’il ressortirait d’un écrit de la commune du 6 novembre 2019.

Les consorts A donnent à considérer que la commune aurait au courant de l’année 2019 engagé un bureau d’architecte afin d'élaborer une solution conforme à la réglementation urbanistique en vigueur ne causant pas de gêne au voisinage. La commune aurait ensuite proposé de procéder à une démolition du rehaussement du muret, à la plantation d'une haie devant la clôture ainsi qu'à un déplacement de la clôture, solution qui aurait permis de remédier à la gêne occasionnée par le mur dans l'état dans lequel il se trouve actuellement et de respecter les droits de propriété de chacune des parties impliquées, étant donné qu'elle n’aurait pas nécessité de travaux sur le mur mitoyen. Les consorts B se seraient cependant opposés à ladite solution tout en insistant à maintenir le mur rehaussé et modifié en dépit de l'arrêté de fermeture de chantier.

Quant au moyen ayant trait à une violation de l’article 3.26 de la partie écrite du PAG, les consorts A insistent sur le fait que les consorts B auraient remblayé leur terrain afin de l'égaliser.

7 Le mur de soutènement serait un mur mitoyen, tel qu’il résulterait du plan annexé à l’autorisation de construire délivrée à l’ancien propriétaire versé par la commune.

Ainsi, il serait évident que le mur de soutènement rehaussé, modifié et stabilisé n’aurait pas été réalisé sur le terrain de l'exécutant des travaux de remblai, de sorte à violer l'article 3.26 de la partie écrite de son PAG.

Les consorts A concluent ensuite, en substance, à une violation des articles 3.23 et 3.34 de la partie écrite du PAG, en soutenant, d’un côté, que le rehaussement et l’aménagement du mur n’auraient pas été autorisés préalablement, et, d’un autre côté que les hauteurs imposées par l’article 3.34 n’auraient pas été respectées, étant donné que le mur ensemble avec la clôture dépasserait, d'une part, la hauteur maximale de 0,5 mètres prévue pour le mur, et, d'autre part, la hauteur maximale de 1,60 mètres prévue pour l’ensemble constitué du mur et de la clôture.

Les demandeurs invoquent encore une violation du principe de la confiance légitime et de celui de l'estoppel. Ils donnent à considérer dans ce contexte que la commune les aurait, à plusieurs reprises, informés qu'elle allait entreprendre les démarches nécessaires en vue de la remise en état des lieux, de sorte à admettre « la violation du règlement des bâtisses » ainsi que l’irrégularité du mur de soutènement.

Ils soutiennent que les autorités communales ne pourraient pas, d'une part, affirmer engager une procédure judiciaire à l'encontre des voisins tout en régularisant, par après, et ex post, la construction en question.

La commune et les consorts B concluent au rejet du recours.

Appréciation du tribunal Il convient à titre liminaire de délimiter le champ de compétence du bourgmestre lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de construire.

Aux termes de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain « (…) L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. (…) ».

Une autorisation de construire n’est dès lors accordée que si les travaux sont conformes soit au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan ou au projet d’aménagement particulier « nouveau quartier », voire au plan ou au projet d’aménagement particulier « quartier existant », ainsi qu’au règlement sur les bâtisses.

La finalité de l’exigence légale de l’obtention d’une autorisation de construire consiste, en effet, à vérifier si un projet de construction est conforme aux règles d’urbanisme applicables, à savoir essentiellement les plans d’aménagement général et particulier et le règlement sur les bâtisses, et une autorisation de construire s’analyse partant en la constatation officielle par l’autorité compétente, en l’occurrence le bourgmestre, de la conformité d’un projet de construction aux dispositions d’urbanisme applicables, ce principe étant rappelé par l’article 837, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 s’agissant des PAG ayant fait l’objet d’une refonte et par l’article 108bis, dernier alinéa de la même loi s’agissant des PAG n’ayant pas encore fait l’objet d’une refonte. Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise sur base du plan d'aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la commune4, textes d’interprétation stricte, de manière que toutes les règles quant au respect du droit de propriété de tiers et à la prise en compte de considérations d’intérêt privé qui ne font pas partie des règles d’urbanisme applicables sont étrangères au champ du contrôle de l’autorité compétente pour la délivrance d’une autorisation de construire5. Une réglementation d’urbanisme, en ce qu’elle tend à encadrer l’usage du droit de propriété, lequel droit non seulement se trouve constitutionnellement garanti, mais jouit encore de la protection conférée par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, est d’interprétation stricte6, de sorte que les dispositions de la partie écrite du plan d'aménagement général, ensemble le règlement sur les bâtisses, constituant des mesures de police, sont également d'interprétation restrictive.

Le caractère strict des dispositions du plan d’aménagement général faisant partie des règles de police communale signifie que pour les parties non réglementées le principe de liberté doit prévaloir et que cette liberté, notamment par rapport aux attributs du droit de propriété, dont le droit de construire, ne se trouve restreinte, essentiellement dans un but d’intérêt général, que dans les limites strictes de ce que prévoit la réglementation d’urbanisme afférente7.

Le bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, agit dès lors en organe d’exécution et s'il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la réglementation communale d'urbanisme existante, il suspendrait de ce fait l’exécution même de ladite réglementation, sinon encore rendrait de fait non constructible une parcelle ayant vocation à recevoir des constructions, pareille façon de procéder n'étant pas seulement prohibée par la loi, mais encore contraire à l’essence même des attributions exécutives du bourgmestre en la matière8.

Il convient ensuite de relever que le contrôle, par le tribunal, de l’exercice de ses compétences par le bourgmestre s’inscrit dans le cadre d’un recours en annulation. Ainsi, saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision 4 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

5 Cour adm., 22 mars 2011, n°27064C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n°939 et les autres références y citées.

6 Cour adm., 26 janvier 2006, n° 20285C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 30 et les autres références y citées.

7 Cour adm., 26 novembre 2009, n° 25790C et 25847C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 50 et les autres références y citées.

8 Voir en ce sens : Ph. VANDEN BORRE, « Les permis de bâtir, de lotir, les certificats d’urbanisme et les sanctions », in : Le droit de la construction et de l’urbanisme, Ed.du jeune Barreau, Bruxelles, 1976, p.219, ainsi que trib. adm. 24 novembre 2014, n° 33379, disponible sous www.justice.public.lu.

9s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité9.

C’est sur cette toile de fond que le recours sous analyse sera examiné.

Force est tout d’abord au tribunal de relever, et afin de répondre à la critique des demandeurs selon laquelle le bourgmestre n’aurait pas pu régulariser ex post le mur d’ores et déjà construit, que le fait que le demandeur d’autorisation ait créé un fait accompli en ayant déjà réalisé la construction pour laquelle il demande, ex post, l’autorisation, n’est pas en tant que tel un empêchement à la délivrance de celle-ci, en quelque sorte par voie de régularisation, du moment que les conditions légales afférentes se trouvent remplies10.

Ainsi, le simple fait que les consorts B n’aient pas, avant d’entamer les travaux litigieux, sollicité une autorisation de construire, n’est pas de nature à conduire ipso facto à l’irrégularité de l’autorisation émise par le bourgmestre pour autant que cette dernière soit conforme aux dispositions urbanistiques applicables, ce que le tribunal vérifiera ci-après.

S’agissant tout d’abord du moyen ayant trait à une violation de l’article 3.26 de la partie écrite du PAG, il échet de constater que ladite disposition est libellée comme suit :

« L’autorisation pour tous travaux de déblai et de remblai pourra être refusée si ces travaux risquent de gêner le voisinage ou l’aspect du quartier ou du site. En cas de construction ou de reconstruction, le Collège des Bourgmestre et Echevins pourra exiger que la configuration du terrain soit sauvegardée ou modifiée dans l’intérêt du voisinage et de l’aspect du quartier du site. En tout état de cause, les terrains contigus devront être protégés par des ouvrages en talus ou de soutènement à ériger sur le terrain de l’exécutant des travaux de déblai ou de remblai. ».

Force est au tribunal de constater que les consorts A critiquent à travers ce moyen, d’un côté, le fait que les consorts B auraient procédé à des travaux de remblai au niveau de leur parcelle ce qui aurait eu comme conséquence d’imposer un rehaussement du mur de soutènement et, d’un autre côté, le fait que le mur de soutènement aurait dû être construit intégralement sur la parcelle des consorts B, alors qu’il se situerait à cheval de leurs deux parcelles.

S’agissant du volet du moyen ayant trait à une prétendue illégalité des travaux de remblai ayant été exécutés sur la parcelle des consorts B, il échet de relever que, indépendamment de la question de savoir si les demandeurs, tel qu’affirmé par la commune et 9 Cour adm. 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 56 et les autres références y citées.

10 Cour adm., 13 mars 2014, n° 33526C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 893 et les autres références y citées.

10les parties tierces intéressées, ou les consorts B ont fait exécuter des travaux de remblai, respectivement de déblai, l’autorisation déférée ne vise pas des travaux de remblai sur la parcelle des consorts B, mais la seule régularisation du mur de soutènement construit entre leur parcelle et celle des consorts A ainsi qu’un couvre-mur et l’établissement d’une clôture en panneaux rigides.

Il s’ensuit que des travaux de remblai n’ont pas fait l’objet de l’autorisation de construire déférée et que la conformité ou la non-conformité de ces travaux aux dispositions urbanistiques applicables échappe au contrôle du tribunal administratif.

S’agissant du volet du moyen tendant à établir que le bourgmestre n’aurait pas pu émettre une autorisation de construire relative au mur litigieux en raison du fait qu’il serait érigé à cheval sur les parcelles appartenant aux consorts A et aux consorts B, il échet de retenir qu’un permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles. Aussi, les règles protectrices du droit de propriété, pour importantes qu’elles soient, ne relèvent pas du champ de compétence du bourgmestre, ni, par voie de conséquence, du contrôle du juge administratif, mais du juge judiciaire qui dispose d’instrument très efficaces pour sanctionner la violation du droit de propriété ou de servitudes relevant du droit civil11.

Il échet, par ailleurs, de constater que l’article 3.26 de la partie écrite du PAG est intitulé « Travaux de déblai et de remblai » et suivant le libellé de ladite disposition, elle concerne la construction de murs de soutènement à l’occasion de l’exécution de travaux de remblai ou de déblai.

Or, en l’espèce, l’autorisation de construire déférée, tel que retenu ci-avant, ne tend pas à autoriser des travaux de remblai ou de déblai, mais régularise un mur de soutènement ayant déjà été, de manière non contestée, érigé avant l’acquisition des parcelles respectives des parties demanderesses et tierces intéressées, qui en tout état de cause n’étaient à l’origine ni de la construction du mur de soutènement, ni des travaux de remblai, respectivement de déblai, initiaux ayant a priori imposé l’érection du mur de soutènement.

Si les demandeurs soutiennent que l’autorisation de construire litigieuse autoriserait non seulement « la construction, voir le maintien, d’un mur de soutènement mais étend[rait également] son autorisation par rapport à une situation existante en son intégralité, couvrant ainsi les travaux de remblayage, les travaux de rehaussement du mur, la pose de la clôture et, in fine, la position du mur tel qu’il existe actuellement », il n’en reste pas moins que le bourgmestre statue par rapport à la seule demande lui soumise consistant en l’espèce au « maintien en place d’un mur de soutènement existant en bloc coffrant avec couvre-mur et une clôture en panneaux rigides de teinte blanche ».

Ainsi, étant donné que le bourgmestre n’était pas saisi d’une demande tendant à l’autorisation de travaux de remblai ou de déblai, il n’était pas obligé de vérifier la conformité du projet par rapport à l’article 3.26 de la partie écrite du PAG.

Le moyen afférent encourt partant le rejet.

11 Trib. adm., 13 janvier 2014, n°s 30798 et 31849 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme n° 948 et les autres références y citées.

11 Quant au moyen ayant trait à une violation de l’article 3.35 de la partie écrite du PAG, intitulé « Murs de soutènement » et prévoyant que « Les murs de soutènement des terrasses aménagées devant les constructions implantées sur des terrains en pente ne peuvent dépasser une hauteur de 2.00 m. », le tribunal constate, à l’instar de la commune, que ladite disposition s’applique aux seuls murs de soutènement de terrasses aménagées devant les constructions, alors que le mur de soutènement litigieux a été construit à l’arrière de la construction, de sorte à ne pas être applicable en l’espèce, étant rappelé à cet égard que les textes réglementaires urbanistiques sont d’interprétation restrictive.

Il s’ensuit que le moyen afférent est rejeté.

Quant au moyen ayant trait à une violation de l’article 3.34 de la partie écrite du PAG, intitulé « Murs, haies, clôtures », il échet de constater que ladite disposition prévoit que « Tous les murs, haies, clôtures, implantés mitoyennement en limite de propriété, ainsi que leurs teintes et les matériaux utilisés pour leur construction, doivent être préalablement autorisé par le Collège des Bourgmestre et Echevins. Celui-ci peut imposer, en bordure des voies publiques, l’implantation et les dimensions de ces aménagements. Ils devront suivre le plus largement possible les niveaux du terrain naturel.

L’implantation de murs, clôtures ou cloisons servant à délimiter les propriétés se fera obligatoirement sur les limites de propriétés latérales ou postérieures.

La hauteur du mur, de la clôture ou de la cloison à construire sur le fond du demandeur ne peut dépasser la hauteur de 50 cm.

Au cas où un grillage sera monté sur le mur, la hauteur maximale du mur et de la clôture ou du grillage est limitée à 1.60 mètre. Le mur ne peut dépasser, en aucun cas, la hauteur de 50 cm.

La hauteur sera, dans tous les cas, mesurée à partir du terrain naturel.

Au cas où le mur, la clôture et la cloison seront construits à cheval sur la limite séparative de deux fonds, les dispositions concernant les hauteurs restent les mêmes ».

Force est au tribunal de constater que ladite disposition se rapporte aux seuls murs destinés à délimiter des fonds, alors que le mur visé par l’autorisation de construire déférée consiste, de façon non contestée, en un mur de soutènement ayant comme fonction de « contrebuter des terres en remblai, et à s’opposer à leur éboulement. (…) »12, visé par l’article 3.35 de la partie écrite du PAG.

Or, dans la mesure où l’article 3.35 de la partie écrite du PAG se rapporte expressément aux murs de soutènement des terrasses aménagées devant les constructions implantées sur des terrains en pente, et en l’absence de toute autre disposition urbanistique applicable, le tribunal est amené à retenir, à l’instar de l’argumentation de la commune, que la hauteur d’un mur de soutènement autre que celui visé par l’article 3.35 de la partie écrite du PAG, n’est pas réglementée par le PAG, de sorte qu’à défaut de restrictions imposées par la réglementation urbanistique, aucune hauteur maximale ne pourra être imposée pour un tel 12 Dictionnaire Général du Bâtiment, Le Petit Dicobat, éditions Arcature, page 581 et suivants.

12mur, sous réserve du respect des dispositions de droit civil et plus particulièrement de voisinage, échappant toutefois à la compétence du bourgmestre.

Il s’ensuit que le moyen afférent encourt le rejet.

S’agissant ensuite des développements des demandeurs quant à l’article 3.23 de la partie écrite du PAG, intitulé « Esthétique » et aux termes duquel « Les autorités communales veilleront à assurer aux sites et aux voies publiques une certaine esthétique ou à leur maintenir l’esthétique en usant des possibilités que leur accordent les articles 55 à 57 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes », il échet de constater qu’ils se bornent à affirmer à cet égard que le mur de soutènement aurait été « rehaussé, modifié et stabilisé (sans égards quelconques à l’esthétique, étant donné que les voisins n’ont aucune vue dessus) », sans tirer une quelconque conclusion en droit.

Or, il échet de rappeler qu’un moyen non autrement étayé est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, étant relevé que les demandeurs restent en défaut de préciser quels éléments, et dans quelle mesure ces éléments, porteraient atteinte à l’esthétique du site ou de la voie publique. Le moyen afférent encourt partant le rejet.

S’agissant finalement du moyen ayant trait à une violation du principe de l’estoppel, respectivement de la confiance légitime des demandeurs, il échet de relever que le principe général de la confiance légitime s’apparente au principe de la sécurité juridique et a été consacré tant par la jurisprudence communautaire en tant que principe du droit communautaire13, que par la jurisprudence nationale en tant que principe général du droit.

Ce principe général du droit tend à ce que les règles juridiques ainsi que l’activité administrative soient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de l’ordonnancement juridique par rapport à une même situation administrative qui est la sienne.

En vertu de ce principe, l’administré peut exiger de l’autorité administrative qu’elle se conforme à une attitude qu’elle a suivie dans le passé, ce principe garantissant la protection de l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration.

D’une manière générale, un administré ne peut toutefois prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines.

Au niveau de l’application du principe général de la confiance légitime, il y a encore lieu d’insister sur le qualificatif légitime. Ainsi, aucun droit ne saurait être valablement tiré par l’administré d’une application illégale par l’administration d’un même texte de 13 CJUE 5 juin 1973, aff. 81/72, Commission c/ Conseil.

13l’ordonnancement juridique par rapport à une même situation administrative qui est la sienne.

C’est dire que si, dans la matière donnée, l’administration n’a pas de pouvoir d’appréciation et qu’elle est amenée à appliquer directement un texte de l’ordonnancement juridique à une situation de fait, soit cette application a été légale et le principe de confiance légitime joue pleinement, soit elle ne l’a pas été et le principe ne saurait jouer valablement. Ce n’est que dans une situation où l’application d’un même texte de l’ordonnancement juridique comporte, dans le chef de l’administration, une certaine marge d’appréciation que l’application du principe de confiance légitime est appelé à jouer pleinement dans le chef de l’administré par rapport à l’application duquel l’administration a été amenée à opérer14.

Suivant le principe d’estoppel, nul ne peut se contredire au détriment d’autrui et tromper ainsi l’attente légitime de son vis-à-vis. Ce principe s’oppose à ce qu’une partie invoque une argumentation contraire à celle qu’elle avait avancé auparavant15.

Force est au tribunal de constater que les demandeurs reprochent à la commune à travers ce moyen de ne pas avoir entrepris des démarches à l’encontre des consorts B à la suite du constat que ces derniers avaient exécuté des travaux au niveau du mur de soutènement sans être couverts par une autorisation de construire.

S’il est vrai qu’il ressort d’un courrier électronique du 7 juillet 2020 adressé par l’architecte de la commune aux consorts A que « Zu der Geschicht mat der Mauer kann ech Iech just matdeelen, datt déi Affaire elo op d’Geriicht geet » et d’un courrier du bourgmestre du 6 novembre 2019 que « Quant aux travaux récemment réalisés par les consorts B je vais engager une procédure judiciaire à leur encontre pour violation du règlement des bâtisses et de non observation de mon arrêté de fermeture de chantier du 6 septembre 2019 », il n’en reste pas moins qu’il s’agit de simples prises de position sur les observations des demandeurs relatives aux travaux effectués non seulement par les consorts B, mais également par l’autre voisin, Monsieur C, à une époque où les parties tierces intéressées n’avaient pas encore formulé une demande d’autorisation de construire en bonne et due forme, étant encore relevé que le bourgmestre avait pris un arrêté de fermeture de chantier pour cette même raison. Par ailleurs, une éventuelle décision de porter plainte, respectivement d’ « engager une procédure judiciaire » de la part de la commune ne lie pas le bourgmestre au moment de l’appréciation de la légalité d’une demande d’autorisation de construire et ne produit per se pas d’effets juridiques16.

Le tribunal relève encore que la logique même d’une régularisation ex post d’une situation de fait jugée illégale dans un premier temps consiste dans un changement d’attitude par rapport à une situation donnée sans qu’une telle approche de la commune, destinée à régulariser ex post une construction déjà réalisée par l’octroi d’une autorisation, consisterait en une contradiction ou une incohérence au détriment des demandeurs.

Il s’ensuit que le moyen afférent encourt également le rejet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

14 Cour adm. 2 avril 2015, n° 35541C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 61 et les autres références y citées.

15 Trib. adm. 17 juin 2015, n° 34338 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 521 et les autres références y citées.

16 Trib. adm., 25 janvier 2010, n° 25720 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

14 Eu égard à l’issue du litige, les demandeurs sont à débouter de leur demande tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure de 1.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du modifiée 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

La même conclusion s’impose quant à la demande tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure de 3.500 euros formulée par les consorts B, étant donné qu’ils ne justifient pas en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non compris dans les dépens à leur charge.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

reçoit le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande des consorts B tendant à voir « écarter des débats la plainte pénale des parties adverses (…) où [ils] parlent des communications effectuées dans le cadre de la médiation et des plans élaborés dans ce même cadre » ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure, telles que formulées par les demandeurs et les parties tierces intéressées ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mai 2024 par :

Daniel Weber, vice-président, Michèle Stoffel, vice-président Michel Thai, juge en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46829
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-13;46829 ?

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