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22/05/2023 | LUXEMBOURG | N°46506

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mai 2023, 46506


Tribunal administratif Numéro 46506 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46506 1re chambre Inscrit le 29 septembre 2021 Audience publique du 22 mai 2023 Recours formé par Monsieur A, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46506 du rôle et déposée le 21 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité l

imitée Wassenich Law SARL, inscrite au tableau V du barreau de Luxembourg, établie et ayan...

Tribunal administratif Numéro 46506 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46506 1re chambre Inscrit le 29 septembre 2021 Audience publique du 22 mai 2023 Recours formé par Monsieur A, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46506 du rôle et déposée le 21 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Wassenich Law SARL, inscrite au tableau V du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2134 Luxembourg, 54, rue Charles Martel, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 207545, représentée aux fins de la présente instance par Maître Claude Wassenich, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-…, tendant, d’après son dispositif, principalement à l’annulation, subsidiairement à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes rendue le 29 juin 2021 ayant déclaré sa requête introduite le 26 février 2020 irrecevable pour cause de tardivité ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 21 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Wassenich Law SARL pour le compte de son mandant, préqualifié ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Claude Wassenich et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 février 2023.

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En date du 6 février 2019, le bureau d’imposition Mersch émit les bulletins de l’impôt sur le revenu, de l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire et du calcul de la contribution dépendance pour l’année 2015, qui furent notifiés, de façon non contestée, le 11 février 2019, à l’égard de Monsieur A, le bulletin de l’impôt sur le revenu ayant été émis en vertu du § 217 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée «»Abgabenordnung », en abrégé « AO », avec les précisions suivantes : « A défaut de déclaration d’impôt les revenus ont été taxés en vertu du § 217 AO », « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants » et « Rev. nets divers : Bénéfice de cession art.99ter LIR (immeuble …) taxé à … [euros] avant déduction abattement art.130(4) LIR : 50.000,00 [euros] ».

Par courrier recommandé du 3 mai 2019, réceptionné le 6 mai 2019, la société à responsabilité limitée …, ci-après la « société … » s’adressa au bureau d’imposition Ettelbruck dans les termes suivants :

« […] Suite à votre imposition datant du 6 février 2019, concernant l’année 2015, […] votre calcul du modèle 700 ne tient pas compte des factures pour les frais d’obtention à la ligne 20.

Aussi, nous vous serions reconnaissants de modifier votre imposition 2015 en tenant compte des factures mises en annexe soit un total de …€.

Vous trouverez ci-joint le modèle 100, le modèle 700, et toutes les factures concernant les frais d’obtention. […] ».

Par courrier du 13 mai 2019, le bureau d’imposition Mersch s’adressa à Monsieur A dans les termes suivants :

« […] J’accuse réception du courrier du 3 mai 2019 de la SOCIÉTÉ … à votre sujet, adressé au bureau d’imposition à Ettelbruck, que celui-ci vient toutefois de me faire parvenir pour raison de compétence. Par ce courrier, la fiduciaire me demande de redresser le bulletin d’impôt pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015 émis en date du 06/02/2019 en déduisant certains frais d’obtention relatifs à un bénéfice de cession selon article 99ter L.I.R..

En réponse à votre demande, je regrette de ne pas pouvoir y donner de suite favorable, étant donné que le bulletin d’impôt en question est d’ores et déjà coulé en force de chose jugée.

Le bureau d’imposition dispose de trois mois après la notification du bulletin d’impôt pour émettre un bulletin rectificatif. Passé ce délai, une rectification n’est plus possible. Je me permets encore de vous signaler que vous trouverez les instructions sur les voies de recours au verso du bulletin d’impôt. […] ».

Par courrier du 19 juin 2019, Monsieur A s’adressa, par l’intermédiaire de son litismandataire, au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », en y joignant une copie du courrier du 3 mai 2019, précité, en lui expliquant en substance que ledit courrier avait été introduit endéans le délai de trois mois et en l’invitant à lui « fournir des explications quant à ce refus de prise en considération de la réclamation de [son] mandant, et […] [lui] demand[er] aussi d’intervenir auprès du préposé de Mersch pour qu’il opère le redressement auquel notre mandant a droit ».

Par courrier du 21 juin 2019, le bureau d’imposition Mersch répondit au courrier précité du 19 juin 2019 en expliquant au litismandataire de Monsieur A les raisons pour lesquelles le courrier du 3 mai 2019, précité, fut qualifié de demande de redressement et non de réclamation, et plus particulièrement la différence entre une demande de redressement au sens du § 94 AO, et une réclamation du sens du § 228 AO, et en précisant ce qui suit :

« […] J’accuse réception de votre courrier du 19.06.2019 adressé à Madame le Directeur de l’Administration des Contributions Directes, qui nous a cependant été transmis pour raisons de compétence.

Votre courrier ne peut en effet être qualifié de réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts (L.G.I.), mais comme demande d’explications, notamment quant au refus de prise en considération de la réclamation alléguée de votre mandant. Or, à ce stade des travaux d’imposition, la compétence revient toujours au bureau d’imposition et non au directeur des contributions.

Suite à votre demande, je vous prie donc de trouver ci-après ma prise de position, ainsi que les explications demandées.

De prime abord, je vous prie de noter que le courrier de la SOCIÉTÉ … n’a pas été considéré comme réclamation, mais comme demande de redressement. Il est toutefois important de noter que les deux voies de recours présentent des différences fondamentales.

La demande de redressement est adressée au bureau d’imposition. L’alinéa 1er du § 94 L.G.I. subordonne cependant une modification du bulletin à la condition que le contribuable ne se trouve pas forclos dans le cadre d’un recours contentieux. Le bulletin rectificatif doit donc être notifié avant le délai de trois mois suivant la date de notification du bulletin d’impôt.

Une réclamation est à adresser au directeur des contributions dans ce même délai.

L’introduction d’une réclamation en vertu du § 228 L.G.I. a pour effet de dessaisir le bureau d’imposition qui n’est dès lors plus autorisé à statuer sur l’éventuel bien-fondé d’un redressement des impositions en vertu du § 94 L.G.I.. La réclamation doit en outre désigner le bulletin d’impôt attaqué et devrait également indiquer le motif.

Les voies de réclamation sont par ailleurs indiquées au verso du bulletin d’impôt.

Adresses des services compétents : […] La fiduciaire avait adressé son courrier à l’administration des contributions directes à Ettelbruck, sans spécifier d’avantage le destinataire. Comme la fiduciaire avait demandé dans son courrier de , elle ne pouvait cependant s’adresser qu’au bureau d’imposition, bien que celui-ci se trouve à Mersch et non à Ettelbruck, et il s’agit à mon avis clairement d’une demande de redressement svt § 94 L.G.I. et non d’une réclamation au sens du § 228 L.G.I..

Comme il était d’ores et déjà clair, lorsque mon bureau d’imposition a reçu la demande de redressement, que le bulletin d’impôt ne pourrait plus être notifié avant le délai de réclamation, je n’avais pas d’autre choix que d’informer le contribuable de la tardivité de la demande. […] ».

Par courrier du 20 février 2020, Monsieur A contesta, par l’intermédiaire de son litismandataire, les explications du bureau d’imposition Mersch, notamment dans les termes suivants :

« […] Une demande de redressement ne peut être qualifiée de demande de renseignement, mais bien d’une contestation, donc d’une réclamation telle qu’elle est prévue par le § 228. […] Etant donné que la réclamation de la Fiduciaire avait été présentée dans le délai légal, ce qui est prouvé par l’envoi par la poste, vous aviez bien le choix, non pas d’informer le contribuable de la tardivité de sa demande, mais d’opérer le redressement qui vous était demandé. […] ».

Par courrier du 26 février 2020, Monsieur A s’adressa, par l’intermédiaire de son litismandataire, au directeur dans les termes suivants :

« […] Je me permets de vous transmettre en annexe de la présente une copie du courrier que je vous avais adressé le 19.06.2019. Cette lettre vous a été envoyée par recommandé.

Vous l’avez continué au bureau des contributions de Mersch qui m’a répondu le 21.06.2019.

J’ai recontacté le bureau de Mersch par courrier du 20.02.2020.

J’avais donc adressé une réclamation en bonne et due forme à la direction des contributions, qui n’a cependant pas pris de décision.

Je ne peux que maintenir les arguments développés antérieurement, comme quoi il y a eu de la part de la Fiduciaire une réclamation en bonne et due forme. Qui demande un redressement conteste en même temps le chiffre qui a été retenu. Si le chiffre est accepté, on ne demande pas un redressement.

La fiduciaire s’est peut-être mal exprimée, mais le but était bien d’obtenir, suite à la contestation, un redressement.

Vous n’avez pas encore pris de décision, de sorte que je vous demande formellement de rendre une décision, avec indication de la voie de recours. […] ».

Par courrier du 28 février 2020, ayant pour objet « Régularisation de la procédure dans l’affaire contentieuse … concernant Monsieur A introduite par votre réclamation du 03/05/2019, entrée le 06/05/2019 […] », la division Contentieux de l’administration s’adressa à la société … dans les termes suivants :

« […] Par application des paragraphes 107, 238 et 254 de la loi générale des impôts (AO), je vous prie de justifier, pour le 30/03/2020 au plus tard, de votre pouvoir d’agir en versant au dossier la procuration qui établit votre mandat exprès et spécial pour l’instance introduite, étant entendu qu’une société est inhabile à postuler devant une juridiction des impôts ou devant le directeur des contributions. […] ».

A défaut de réponse au courrier du 26 février 2020 de la part du directeur, Monsieur A s’enquit, par l’intermédiaire de son litismandataire, auprès du directeur de l’état d’avancement de son dossier par deux courriers datés des 9 avril et 15 juin 2021.

Par décision du 29 juin 2021, inscrite sous le numéro … du rôle, le directeur prit position par rapport au courrier du 26 février 2020, qu’il qualifia de réclamation au sens du §§228 AO et qu’il déclara irrecevable ratione temporis dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 26 février 2020 par Maître Claude Wassenich, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2015, émis en date du 6 février 2019;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que le bulletin litigieux, émis en date du 6 février 2019, a été notifié le 11 février 2019, de sorte que le délai a expiré le 13 mai 2019 ; que la réclamation, introduite en date du 26 février 2020, est donc tardive ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu’en exécution du § 252 AO, la réclamation est donc à qualifier de tardive;

Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que la réclamation introduite est irrecevable pour cause de tardiveté ;

Considérant, à titre tout à fait superfétatoire, que même si la demande en redressement, d’ailleurs non signée, introduite le 6 mai 2019 par le sieur B, de la société à responsabilité limitée SOCIÉTÉ … au nom du sieur …, serait à considérer comme réclamation, quod non, il n’en reste pas moins qu’en droit luxembourgeois, pour pouvoir exercer l’action d’autrui, il faut justifier en toutes matières d’un mandat ad litem exprès et spécial aux fins de l’instance (cf. :

Conseil d’État du 14 janvier 1986, n° 6514 du rôle; TA du 16 juin 1999, n° 10724 du rôle ; CA du 21 décembre 1999, n° 11382C du rôle) ;

Considérant qu’en l’espèce, le sieur B, déposant de la prétendue réclamation, a été invité par lettre du 28 février 2020 à justifier de son pouvoir d’agir en versant au dossier une procuration qui établit son mandat exprès et spécial ; qu’il n’y a toutefois réservé aucune suite, de sorte que l’existence d’un mandat ad litem répondant aux conditions légales lors de l’introduction de la supposée réclamation n’est pas établie et que, partant, la requête serait irrecevable faute de qualité ;

PAR CES MOTIFS dit la réclamation irrecevable pour cause de tardivité. […] ».

Par requête déposée le 29 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif, Monsieur A a fait introduire un recours contentieux tendant, d’après son dispositif auquel le tribunal est en principe seul tenu, principalement à l’annulation, subsidiairement à la réformation de la décision directoriale précitée du 29 juin 2021 ayant déclaré son courrier du 26 février 2020 irrecevable pour cause de tardivité.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Le tribunal relève de prime abord que si le demandeur a entendu exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision1.

Dans ce contexte, il échet encore de relever que si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours2.

Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale précitée du 29 juin 2021, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.

2) Quant au fond Arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, le demandeur sollicite d’abord la nullité de la décision directoriale déférée au motif qu’elle ne lui aurait pas été notifiée et que la notification de ladite décision à son avocat ne serait pas de nature à remplacer une notification à son égard, étant donné que son avocat n’aurait pas été partie en cause et ne serait pas personnellement concerné par cette décision. La décision directoriale déférée, par rapport à sa « réclamation » du 3 mai 2019, ne serait donc pas « valable ».

Il estime que la décision directoriale déférée devrait également encourir l’annulation au motif qu’elle parlerait d’une requête introduite par « Me Claude WASSENICH au nom du sieur A », mais que ce serait la « société d’avocats WASSENICH LAW sarl » qui aurait repris l’ancienne étude Claude Wassenich depuis le 2 janvier 2017.

Le demandeur ajoute que la requête aurait été signée par Maître Wassenich en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée Wassenich Law SARL et non pas en son nom personnel, étant donné que l’étude fonctionnerait sous forme de société, de sorte qu’aucun des avocats ne pourrait plus traiter des dossiers en nom personnel.

Il en conclut que la décision déférée, « pour autant qu’elle pouvait être adressée uniquement au mandataire », aurait dû l’être à la société et aurait dû retenir que le demandeur était bien représenté par une société d’avocats.

1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 4 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 28 mai 1997, n° 9667 du rôle, confirmé par Cour adm., 16 octobre 1997, n ° 10082C du rôle, Pas.

adm. 2022, V° Recours en réformation, n° 9 et les autres références y citées.

Le demandeur se réfère ensuite aux §§ 228 et 246 AO auxquels l’administration se serait référée et explique que la notification des bulletins d’impôt litigieux serait sensée avoir été faite le 11 février 2019, de sorte qu’en introduisant une « réclamation » le 3 mai 2019, le délai de trois mois aurait été respecté.

Il invoque dans ce contexte l’article 8 du « règlement grand-ducal du 26 octobre 1944 », qui ne ferait plus de distinction entre les façons dont l’administration serait saisie, que ce soit par une réclamation, par une « demande de remise », et donc aussi par une demande de redressement, « pour autant que la demande du comptable ne serait pas interprétée comme une réclamation : toutes réclamations généralement quelconques (Beschwerde, Einspruch, Anfechtung…) ».

Il fait ensuite valoir que le directeur se serait à tort référé au courrier du 26 février 2020 et qu’il aurait obligatoirement dû se référer au courrier de la société … du 3 mai 2019, ce que son litismandataire aurait rappelé dans son courrier du 19 juin 2019. Cette référence erronée se dégagerait du courrier électronique de l’administration du 28 février 2020 ayant trait à la demande de production d’un mandat et dans lequel il serait question d’une réclamation et non pas d’une demande de redressement. Le demandeur en conclut que la « réclamation » aurait été introduite dans le délai, qu’elle ne serait donc pas tardive et que le § 83 AO ne s’appliquerait dès lors pas.

Le demandeur explique que conformément au § 252 AO, le bureau d’imposition compétent aurait dû examiner la réclamation présentée par la société ….

Il reproche encore à l’administration d’avoir attendu neuf mois et demi pour demander la production d’un mandat ad litem et qu’elle se serait exclusivement adressée à la société …, alors qu’une telle demande aurait dû lui être directement adressée, le demandeur se référant à des extraits de jurisprudences des juridictions administratives, dont notamment un jugement du tribunal administratif du 22 mars 2004, inscrit sous le numéro 17071 du rôle, qui aurait retenu que c’est le contribuable qui serait en droit de produire matériellement une procuration, respectivement qui devrait établir l’existence d’un mandat ad litem au moment de l’introduction d’une réclamation, de sorte qu’il n’appartiendrait pas au comptable de justifier de son mandat mais au contribuable.

Le demandeur poursuit en expliquant qu’aucune justification de mandat ne lui aurait jamais été demandée et que la société … n’aurait pas été partie en cause, alors qu’elle ne serait intervenue que comme mandataire.

Il ajoute que la notification à l’avocat ne serait que la « répétition de ce qui a[urait] déjà été le cas pour la demande du mandat du » 2 février 2020. Il y aurait dès lors lieu d’admettre que « dans l’hypothèse où une réclamation a[urait] été présenté[e] dans le délai légal, l’[administration] n’a[urait] jamais demandé le mandat à la personne à laquelle il fallait le demander », le demandeur ajoutant dans ce contexte qu’« à partir du moment où l’avocat [serait] intervenu, la question du mandat ne se pose[rait] même plus, sauf que le soussigné mandataire dispose[rait] évidemment d’un mandat écrit qu’il aurait dû se procurer dans le cadre de l’application du RGPD ».

Le demandeur estime ensuite que la décision directoriale serait critiquable à divers points de vue.

Par rapport à la date à laquelle la « réclamation » aurait été présentée, le demandeur explique que s’il était certes exact que la société … aurait présenté une demande en redressement des bulletins d’impôt, il serait néanmoins indiscutable que pour obtenir un tel redressement, on devrait admettre qu’il y a eu contestation, donc non acceptation du bulletin d’imposition, alors que demander un redressement, sans y voir une contestation, constituerait un vide et que s’il devait y avoir acceptation, il n’y aurait pas besoin de demander un redressement. Or, dans l’hypothèse où il n’y aurait pas acceptation, le travail d’imposition de l’administration serait contesté, de sorte qu’implicitement, le mot de contestation devrait être compris comme figurant dans le courrier de la société … du 3 mai 2019.

Le demandeur fait valoir que l’argumentation du bureau d’imposition Mersch selon laquelle les bulletins d’impôt seraient coulés en force de chose jugée serait incompréhensible, alors qu’il existerait un délai de 3 mois pour réclamer contre les bulletins d’impôt qui auraient été notifiés le 11 février 2019, avec un délai qui se serait écoulé le 13 mai 2019, de sorte que la « réclamation » introduite le 3 mai 2019 se situerait bien dans le délai de 3 mois et qu’un caractère définitif ne pourrait pas être attaché à l’expiration du délai aux bulletins d’impôt litigieux, le demandeur reprochant audit bureau d’imposition de n’avoir mentionné, dans son courrier du 13 mai 2019, le terme « demande en redressement » sans employer les mots « contestation » ou « réclamation ».

Il ajoute que son litismandataire serait intervenu pour la première fois le 19 juin 2019 en « confirmant » au directeur qu’il y aurait bien eu, dans le délai légal, une réclamation à la base de la demande en redressement.

Le demandeur reproche au directeur de ne jamais avoir pris une décision par rapport au courrier du 3 mai 2019 ou à sa requête du 19 juin 2019, mais qu’il aurait à tort pris une décision par rapport au courrier du 26 février 2020 qui serait à considérer comme un courrier de rappel du courrier antérieur. Il y aurait donc lieu d’examiner le caractère de la « réclamation » de la société … du 3 mai 2019 qui aurait été présentée dans le délai et de la « qualifier de demande en redressement suite à une réclamation implicite ».

Par rapport à l’affirmation de l’administration selon laquelle Monsieur B de la société … n’aurait pas fourni de mandat ad litem qui aurait été demandé par courrier du 28 février 2020, le demandeur fait valoir que ce courrier serait « étrange » au motif qu’il ne lui aurait jamais été adressé, mais « apparemment » à la société …. Il ajoute qu’il appartiendrait à l’administration non pas seulement de rapporter la preuve que le courrier aurait été envoyé, mais qu’il aurait bien été réceptionné.

Le demandeur insiste sur la terminologie employée dans le courrier du 28 février 2020 dans lequel la secrétaire de la division Contentieux de l’administration parlerait de « régularisation de la procédure dans l’affaire contentieuse concernant Monsieur A, introduite par votre réclamation du 03.05.2019, entrée le 06.05.2019 », pour en conclure que la division Contentieux aurait considéré, contrairement au bureau d’imposition Mersch, le courrier du comptable du 3 mai 2019 comme une réclamation, de sorte qu’il s’agirait bien d’une affaire de réclamation et non pas seulement d’une demande de redressement, le demandeur faisant encore valoir que la secrétaire de la division Contentieux aurait laissé à la société … un délai jusqu’au 30 mars 2020 au plus tard pour verser la procuration qui établirait le mandat exprès et spécial pour l’instance en question.

Le demandeur se réfère au § 254 AO et à un jugement du tribunal administratif du 24 mars 2021, inscrit sous le numéro 43814 du rôle, pour expliquer qu’un mandataire aurait l’obligation de justifier de l’existence de son mandat sur demande afférente de l’administration.

Or en l’espèce, il faudrait se placer à la date à laquelle cette demande de justification de mandat aurait été présentée, en l’occurrence le 28 février 2020, soit neuf mois et demi après la « réclamation », de sorte qu’à cette date, le courrier de l’administration n’aurait plus aucun sens, sauf l’interprétation donnée à la « réclamation » du comptable. Le demandeur ajoute que cette absence de sens résulterait du fait qu’à partir du moment où l’avocat interviendrait, le comptable serait remplacé par l’avocat, et que l’administration n’aurait jamais demandé à son litismandataire de justifier son mandat pour étayer la « réclamation » et pour continuer la discussion avec l’administration, respectivement pour introduire le présent recours.

Il poursuit en expliquant qu’il existerait bon nombre de jurisprudences dans lesquelles il aurait été retenu que le contribuable serait en droit de produire matériellement une procuration, mais que ce mandat devrait néanmoins avoir existé dès l’introduction de la réclamation auprès du directeur. La finalité du mandat serait de permettre aux instances saisies de contrôler que la décision d’introduire une réclamation en matière fiscale aurait été cautionnée par le contribuable et que l’exigence de la justification d’un mandat par le mandataire serait une mesure destinée à protéger le contribuable envers les agissements d’un mandataire qui dépasserait ses pouvoirs. Ces diverses jurisprudences établiraient bien pour quelle raison le mandat devrait exister, mais qu’il ne serait à verser que si l’administration présentait une demande afférente, ce qu’elle n’aurait en l’espèce fait qu’avec neuf mois et demi de retard, le demandeur insistant sur la considération qu’à cette date, la demande afférente n’aurait plus eu aucun sens puisque le mandat de la société … aurait été repris par l’avocat qui n’aurait rien fait d’autre que de confirmer l’existence préalable du mandat du comptable.

Le demandeur en conclut que la mesure de protection dont il serait question dans les diverses jurisprudences, à savoir de prévenir le contribuable contre des agissements fautifs du comptable, ne serait évidemment plus donnée, de sorte que les jurisprudences du millénaire dernier invoquées par le directeur seraient à écarter.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il explique que le courrier du 3 mai 2019 dressé par la société …, qui serait non signé, aurait été adressé au mauvais bureau d’imposition qui l’aurait réceptionné le 6 mai 2019. Le bureau d’imposition compétent auquel il aurait ensuite été transmis, aurait informé la société … que ledit courrier aurait été qualifié de demande de redressement et qu’il serait dans l’impossibilité matérielle de procéder au redressement avant la date d’acquisition de l’autorité de chose décidée du bulletin d’impôt, soit le 13 mai 2019.

Le délégué du gouvernement indique que les comptabilisations des saisies qui seraient effectuées au courant de la semaine seraient faites le vendredi soir par le Centre des technologies de l’information de l’Etat (CTIE) et que les bulletins d’impôt ne seraient émis que le mercredi de la semaine suivante en même temps que le décompte. Cette pratique administrative existerait au moins depuis le début de l’informatisation et suite aux contraintes techniques de celle-ci.

Tout en se référant à une note de service de l’administration du 6 mars 1979 ayant pour objet « Comptabilisation des débits fixés par le service d’imposition et édition consécutive de divers documents par l’ordinateur », le délégué du gouvernement précise que la comptabilisation se ferait en fin de semaine, à savoir le vendredi soir, et que l’ impression, la mise sous enveloppe, ainsi que la remise à la poste tant du bulletin que du décompte par le CTIE se feraient au début de la semaine qui suit pour permettre un envoi le mercredi. Dans le cas présent, le bureau d’imposition aurait reçu les informations le lundi 6 mai 2019, de sorte que même si la saisie et la signature de l’imposition avaient été effectuées le jour même, la comptabilisation n’aurait pu être effectuée qu’en fin de semaine et le nouveau bulletin n’aurait pu être émis que le mercredi 15 mai 2019. Une telle pratique administrative trouverait donc son origine dans des contraintes qui seraient purement techniques et de temps et qui seraient dues à l’existence d’une seule comptabilisation par semaine et à la masse de bulletins et de décomptes qui devraient être mis à la poste en même temps.

Le délégué du gouvernement fait ensuite valoir qu’aucun recours n’aurait été introduit à l’encontre de « cette décision » qui serait donc coulée en force de chose décidée.

En droit, le délégué du gouvernement affirme que la décision directoriale aurait été notifiée au bon destinataire, à savoir Maître Claude Wassernich, rédacteur et signataire de la « réclamation » pour compte du demandeur.

Par rapport à l’affirmation du demandeur selon laquelle le courrier de la société … du 3 mai 2019 serait à qualifier de réclamation et non de demande de redressement, le délégué du gouvernement affirme que la réponse du bureau d’imposition datée du 13 mai 2019 qui aurait retenu la qualification de demande de redressement aurait comporté l’indication des voies de recours, de sorte qu’à défaut d’introduction d’un recours en temps utile à l’égard de ce courrier, le demandeur serait forclos à agir contre la qualification de demande de redressement ainsi retenue.

Dans l’hypothèse où tel ne serait pas le cas, le délégué du gouvernement fait valoir que la question à trancher serait celle de savoir si le courrier du 3 mai 2019 qualifierait de réclamation au sens du § 228 AO, dont les exigences de forme seraient visées au § 249 AO, ou de demande de « redressement » au sens du § 94 AO, le délégué du gouvernement se référant en substance à l’interprétation faite par les juridictions administratives de ces dispositions.

A cet égard, il fait valoir qu’il ne ressortirait nullement du courrier du 3 mai 2019 que le demandeur ait eu l’intention de remettre en cause l’imposition dans son ensemble en la soumettant à un réexamen de la part du directeur pouvant entraîner, le cas échéant, une réformation in pejus, mais qu’il s’en dégagerait au contraire une demande de voir réviser un seul poste, à savoir la prise en considération des frais d’obtention, le délégué du gouvernement rejetant l’affirmation du demandeur selon laquelle il y aurait lieu d’admettre que pour obtenir un redressement, il y aurait lieu d’admettre l’existence d’une contestation et donc une non-

acceptation du bulletin d’imposition.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur donne à considérer que l’administration constituerait une unité, de sorte que même si un courrier était adressé au mauvais bureau d’imposition, comme cela semblerait avoir été le cas en l’espèce, ce bureau serait obligé de le transmettre à qui de droit, de sorte que la date de la réception auprès du mauvais bureau d’imposition serait la date de réception effective.

Le demandeur estime que les informations relatives au fonctionnement du système informatique de l’administration ne seraient pas de nature à concerner le contribuable qui ne connaîtrait ni son organisation informatique interne, ni la date à laquelle la comptabilisation hebdomadaire serait faite au sein de l’administration.

Il fait valoir que si un courrier, respectivement une réclamation parvenait à un bureau d’imposition, la date de réception ferait foi et « tous les modes de comptabilisation qui p[ourraient] entrer en ligne de compte ne concernent pas le dossier du contribuable ». Si l’administration était dans l’impossibilité de tenir compte plus tôt d’une réclamation, il faudrait qu’elle réorganise son système informatique.

Le demandeur en conclut que la « réclamation » présentée par la société … aurait été introduite avant que le délai de réclamation de 3 mois ne soit écoulé, partant avant que le bulletin d’imposition ne soit coulé en force de chose décidée, de sorte que le bureau territorialement compétent aurait eu tout le temps nécessaire pour examiner les pièces lui transmises par la société … et pour redresser le bulletin d’imposition sur base des documents ainsi reçus, le demandeur soutenant que l’imposition faite le 6 février 2019 devrait dès lors encourir la réformation.

Il conteste la position du délégué du gouvernement au sujet de la qualité de son « mandataire » en affirmant que ce dernier n’existerait « plus que physiquement, mais légalement » en ce sens que lorsqu’une étude d’avocats fonctionnerait sous forme d’une société, c’est la société qui interviendrait, tandis que tous les avocats revêtiraient la qualité de salarié.

Le demandeur ajoute qu’aucun des avocats salariés ne pourrait plus travailler pour son compte sous peine de faire de la concurrence à l’employeur. Ceci expliquerait pourquoi Maître Wassenich ne signerait plus en son nom personnel, mais pour la société à responsabilité limitée Wassenich Law. Il en serait de même pour Maître Bezzina et Maître Reibel.

Le demandeur conteste la qualification du courrier du 3 mai 2019 retenue par le délégué du gouvernement de demande de redressement au sens du § 94 AO aux termes duquel un redressement ne serait possible qu’avec l’accord du contribuable et la non-expiration du délai de recours contentieux.

Il fait valoir que son accord aurait été donné, étant donné que s’il n’avait pas demandé à la société … d’intervenir, cette dernière n’aurait rien pu faire, vu qu’elle aurait agi sans mandat.

La forclusion du recours contentieux n’aurait, quant à elle, pas été acquise au moment de l’intervention de la société ….

Le demandeur fait valoir que les explications fournies par l’administration quant à la façon dont le courrier de la société … serait rédigé ne pourraient pas être prises en considération, dans la mesure où même si la formulation utilisée par la société … était « peut-être malheureuse », la finalité recherchée serait quand-même bien précise, à savoir demander un redressement du bulletin d’imposition après avoir envoyé des pièces complémentaires.

Il insiste sur la considération qu’il n’aurait à l’évidence pas été d’accord avec le bulletin d’imposition, de sorte que même si le terme de « réclamation » n’avait pas été exprimé à l’époque, la demande de redressement devrait être qualifiée de réclamation, le demandeur ajoutant que demander un redressement serait une conséquence logique d’une non-acceptation, c’est-à-dire d’une contestation.

Le demandeur fait valoir qu’il y aurait soit une contestation, soit un accord, mais qu’aucun entre-deux n’existerait en la présente matière, ce que l’administration tenterait pourtant d’imposer. Il indique que le courrier du 3 mai 2019 aurait eu pour but de remettre en cause l’imposition dans son ensemble, vu qu’elle aurait été faite dans une situation où l’administration n’avait pas à sa disposition un certain nombre de pièces et qu’à partir du moment où ces pièces auraient été fournies, il aurait « évidement » fallu émettre un nouveau bulletin d’imposition, non pas sur un point précis, mais dans son ensemble, le demandeur estimant que toute autre réflexion n’aurait aucun sens et que la date de la « réclamation » serait donc celle du courrier de la société ….

Le demandeur explique que si son litismandataire était intervenu à deux reprises auprès du directeur, cela s’expliquerait par le fait qu’il aurait constaté que l’administration n’aurait pas répondu à la « réclamation » de la société …, alors qu’elle aurait dû le faire.

Analyse du tribunal Force est au tribunal de constater qu’il se trouve saisi d’un recours en réformation dirigé contre une décision directoriale datée du 29 juin 2021 ayant déclaré irrecevable ratione temporis la requête du demandeur introduite le 26 février 2020 par son litismandataire contre des bulletins d’impôt, courrier que le directeur a qualifié de réclamation au sens du § 228 AO.

Les bulletins d’impôt litigieux ayant tous été notifiés au demandeur en date du 11 février 2019, tel que cela ressort des explications concordantes des parties, le délai de réclamation de trois mois a expiré le lundi 13 mai 2019, le 11 mai 2019 ayant été un samedi, de sorte que c’est a priori à bon droit que le directeur a déclaré la réclamation du 26 février 2020 irrecevable ratione temporis, étant relevé que le demandeur ne conteste ni le caractère tardif dudit courrier, ni sa qualification de réclamation.

Dans le cadre du présent recours dirigé contre la décision directoriale du 29 juin 2021, le demandeur fait néanmoins valoir que le directeur aurait, à tort, rendu sa décision par rapport audit courrier du 26 février 2020, au motif qu’il aurait dû la rendre par rapport au courrier de la société … daté du 3 mai 2019 qui qualifierait de réclamation.

Le tribunal relève tout d’abord qu’il est constant en cause que le courrier du 3 mai 2019, précité, d’une part, a été envoyé par la société … au bureau d’imposition Ettelbruck endéans le délai de trois mois prévu au § 228 AO à compter de la notification des bulletins d’impôt litigieux au demandeur, et, d’autre part, n’a pas été continué au directeur suite à sa réception par le bureau d’imposition Mersch auquel ledit courrier a été transmis par le bureau d’imposition Ettelbruck pour raison de compétence.

S’il ressort certes de la décision directoriale déférée que le directeur a rendu sa décision par rapport au seul courrier du 26 févier 2020 (« Vu la requête introduite le 26 février 2020 »), il n’en reste pas moins qu’il n’est pas contesté par la partie étatique que le directeur a eu connaissance du courrier litigieux de la société … daté du 3 mai 2019, au plus tard (i) à travers le courrier du litismandataire du demandeur lui adressé en date du 19 juin 2019, auquel était annexé, de façon non contestée, ledit courrier du 3 mai 2019, (ii) sinon à travers le courrier du 26 février 2020 auquel était à nouveau joint le courrier du 19 juin 2019 et a fortiori le courrier litigieux du 3 mai 2019.

Le tribunal rappelle ensuite que l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief3. La nature décisionnelle d’un acte ne dépend, par ailleurs, pas uniquement de son libellé et de sa teneur, mais également de la demande qu’il entend rencontrer4.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir qu’en rendant sa décision en ne prenant en considération que le seul courrier du 26 février 2020, le directeur a implicitement mais nécessairement décidé, en connaissance de cause, de ne pas prendre en considération celui du 3 mai 2019 y annexé par ricochet, partant de lui dénier la qualification de réclamation au sens du § 228 AO.

Cette conclusion s’impose d’autant plus dans la mesure où (i) le directeur est, conformément au § 252 AO5, seul compétent pour qualifier un recours de réclamation6, (ii) le secrétariat de la division Contentieux a sollicité, en date du 28 février 2020, soit après l’introduction de la réclamation du 26 février 2020, la production d’un mandat ad litem à la société … justement par rapport au courrier du 3 mai 2019, et (iii) le délégué du gouvernement a, de son côté, présenté des développements au sujet de la qualification du courrier du 3 mai 2019 de réclamation ou de demande de redressement dans son mémoire en réponse.

Ce faisant, le directeur a pris une décision individuelle susceptible de faire grief au demandeur, dans la mesure où elle a pour conséquence de le priver de la possibilité de voir sa demande traitée quant au fond, étant donné que la réclamation du 26 février 2020 est irrecevable ratione temporis, alors que le courrier du 3 mai 2019 a, quant à lui, été introduit endéans le délai de réclamation de trois mois.

Au regard des contestations du demandeur au sujet de la qualification du courrier du 3 mai 2019, il incombe dès lors au tribunal de déterminer si ledit courrier introduit par la société … qualifie de réclamation, tel que l’affirme le demandeur, ou si c’est à bon droit que le directeur lui a dénié cette qualification en rendant sa décision par rapport au seul courrier du 26 février 2020.

Aux termes du § 94, alinéa (1) AO « Les bulletins d’impôt […] ainsi que les décisions administratives à caractère individuel […] ne peuvent être retirés ou modifiés qu’à la double condition que le contribuable y consente expressément et qu’il ne se trouve pas forclos dans le cadre d’un recours contentieux […] ».

Ladite disposition crée donc la possibilité pour l’administration de modifier des bulletins d’impôt sous la double condition du consentement exprès du contribuable et de la non expiration des délais du recours contentieux.

3 Trib. adm., 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 48 et les autres références y citées 4 Trib. adm., 5 février 2007, n° 21736 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 46 et les autres références y citées 5 « (1) Die Rechtsmittelbehörde hat zu prüfen, ob das Rechtsmittel zulässig und in der vorgeschriebenen Form und Frist eingelegt ist. Mangelt es an einem dieser Erfordernisse, so ist das Rechtsmittel als unzulässig zu verwerfen. ».

6 Cour adm., 9 janvier 2018, n° 39755C du rôle ; Cour adm., 17 juin 2010, n° 26643C du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.

Le § 249 AO, ayant trait à la forme des réclamations prévues par le § 228 AO7, dispose dans ses deux premiers alinéas :

« (1) Die Rechtsmittel können schriftlich eingereicht oder zu Protokoll erklärt werden.

Es genügt, wenn aus dem Schriftstück hervorgeht, wer das Rechtsmittel eingelegt hat.

Einlegung durch Telegramm ist zulässig. Unrichtige Bezeichnung des Rechtsmittels schadet nicht.

(2) Ein Rechtsmittel gilt als eingelegt, wenn aus dem Schriftstück oder der Erklärung hervorgeht, dass sich der Erklärende durch die Entscheidung beschwert fühlt und Nachprüfung begehrt ».

S’il est vrai que cette disposition légale réduit les exigences de forme d’une réclamation au strict minimum, il n’en reste pas moins qu’elle requiert expressis verbis que la formulation de la réclamation doit faire ressortir que le contribuable se considère lésé par le bulletin d’impôt en cause et qu’il sollicite un réexamen de son imposition.

Même si aucun formalisme n’est imposé au contribuable en ce qui concerne l’introduction de sa réclamation, néanmoins faut-il que le contribuable fasse preuve d’un minimum de diligences concernant la formulation du contenu de la requête, de sorte que celui qui en est saisi soit en mesure de la qualifier utilement notamment quant à la question de savoir s’il s’agit effectivement d’une réclamation. Il importe de préciser à qui le contribuable a voulu s’adresser et s’il entendait que le bureau procède au retrait du bulletin ou d’un point du bulletin ou s’il voulait remettre en cause l’imposition en transmettant son dossier au directeur qui pourrait alors procéder au réexamen intégral de sa situation fiscale aux termes du § 299 AO, pouvant même entraîner une modification in pejus de l’imposition opérée. Dans cette mesure, il appartient au contribuable d’indiquer clairement ses intentions, étant donné que les deux procédés ont des répercussions autrement différentes8.

Tel que cela se dégage des documents parlementaires à la base de la loi du 7 novembre 19969, la distinction entre une demande de modification sur le fondement du § 94 AO et une réclamation au sens du § 228 AO réside dans l’objectif poursuivi, en ce que la demande de redressement tend à redresser un point ponctuel et précis de l’imposition, tandis que la réclamation tend à remettre en cause l’imposition dans son ensemble. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le § 94 AO n’est pas limité au redressement d’erreurs purement matérielles10.

D’un autre côté, il convient de relever que le § 249, alinéa (2) AO commande une interprétation large de la notion de réclamation, sans toutefois qu’il n’instaure de présomption en faveur d’une qualification de réclamation. Les déclarations du contribuable doivent être considérées comme l’expression de sa volonté d’exercer un recours contentieux toutes les fois que la voie de la réclamation est celle qui présente de l’intérêt pour lui, le critère essentiel étant 7 « Les décisions visées aux §§ …, 166 alinéa 3, 211, 212, 212a alinéa 1, 214, 215, 215a, 235, 396 alinéa 1 et 402 peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l'Administration des contributions directes ou son délégué. ».

8 Trib. adm., 21 novembre 2005, n° 19625 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1094 (1er volet) et les autres références y citées.

9 Doc. parl. n° 3940, amendements apportés par la commission suite à l’avis complémentaire du Conseil d’Etat, commentaire des articles, page 9.

10 Ttrib. adm., 9 mai 2012, n° 28983 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1096 (1er volet) et les autres références y citées.

en effet celui de définir le but que le contribuable entend atteindre en substance et de voir quelle voie de recours permet d’atteindre ce but. Au besoin il faut que l’administration se renseigne auprès du contribuable sur le sens à donner à sa déclaration11.

Afin de conférer la portée nécessaire à l’interprétation large de la notion de réclamation, il y a lieu de tenir compte, afin d’examiner la substance des déclarations du contribuable, non pas seulement de ses déclarations expressément formulées, mais également de celles qui se dégagent nécessairement du contenu global des documents soumis dans le contexte donné12.

Il ne saurait être déduit de l’absence du terme « réclamation » que le requérant n’aurait pas entendu introduire une réclamation. Ainsi, il n’y a pas lieu de se limiter aux termes employés, mais de replacer la demande introduite dans son contexte général. La qualification donnée par le contribuable à sa réclamation, si elle est importante, n’est pas toujours déterminante. En aucun cas, les déclarations obscures des contribuables ne doivent être interprétées de la façon la plus favorable, la moins fastidieuse pour l’administration13.

En l’espèce, s’il est vrai que l’emploi des termes de « modifier » utilisés par la société … dans son courrier du 3 mai 2019 correspondent, à première vue, à ceux employés au § 94 AO qui vise le cas de bulletins d’impôt qui peuvent être « retirés ou modifiés », la qualification litigieuse dudit courrier ne saurait dépendre de la seule utilisation des termes utilisés, encore qu’il s’agisse de ceux employés a priori par un professionnel de la postulation. Outre le fait que le § 249, alinéa (1) in fine, précité, précise expressément qu’une « Unrichtige Bezeichnung des Rechtsmittels schadet nicht », il convient en effet de tenir compte du contenu global et du contexte donné, tel que relevé ci-avant.

Le tribunal relève d’emblée que la circonstance que le courrier du 3 mai 2019 a été adressé au bureau d’imposition, et non au directeur, est conforme aux dispositions du § 249, alinéa (3) AO14 qui prévoit précisément l’introduction auprès du bureau d’imposition, auteur du bulletin contesté, comme un mode de dépôt d’une réclamation15.

Dans le même ordre d’idées, dans la mesure où il résulte du § 249, alinéa (3) in fine AO que « Die schriftliche Anbringung bei einer anderen Behörde ist unschädlich, wenn das Rechtsmittel rechtzeitig der zur Entscheidung berufenen Stelle oder einer für eine frühere Rechtstufe zuständigen Behörde übermittelt wird », la circonstance que le demandeur se soit adressé, à travers son courrier du 3 mai 2019, au bureau d’imposition Ettelbruck au lieu du bureau d’imposition Mersch16, n’est pas pertinente, alors que le dit courrier a été introduit endéans le délai de réclamation de trois mois. Pour les mêmes motifs, le fait que le courrier du litismandataire du demandeur daté du 19 juin 2019, auquel était joint le courrier du 3 mai 2019, 11 Trib. adm., 13 décembre 2004, n° 17626 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1095 (1er volet) et les autres références y citées.

12 Trib. adm., 5 janvier 2012, n° 27606 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 26 juillet 2012, n° 29808C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1095 (2e volet) et les autres références y citées.

Impôts, n° 679) 13 Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, études fiscales, numéros 81/82/83/84/85, novembre 1989, n° 76 ; Trib. adm., 9 janvier 2019, n° 40485 du rôle, Pas. adm. 2022, n° 1097 (4e volet).

14 « Die Rechtsmittel sind bei der Geschäftstelle der Behörde anzubringen, deren Bescheid angefochten wird. ».

15 Cour adm., 16 février 2016, n° 35979C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

16 Voir en ce sens à propos de la saisine du service des impositions communales de la Ville de Luxembourg au lieu de l’administration des Contributions directes : Trib. adm., 8 mars 2020, n° 25806 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

ne soit parvenu au directeur qu’après l’expiration du délai de réclamation de trois mois est pareillement indifférent.

Dans son courrier du 3 mai 2019, cité in extenso ci-avant, la société … a d’abord fait référence, en s’adressant au bureau d’imposition, à « votre imposition datant du 6 février 2019, concernant l’année 2015 », référence qui doit être comprise – tel que cela ressort expressément du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2015 – comme une référence à l’imposition globale dont a fait l’objet le demandeur, à savoir la taxation d’office effectuée en application du § 217 AO et matérialisée à travers les bulletins d’impôt litigieux datés du 6 février 2019, lui notifiés le 11 février 2019.

La société … a ensuite non seulement mentionné que « le calcul du modèle 700 ne tient pas compte des factures pour les frais d’obtention à la ligne 20 », en annexant le formulaire 700 relatif au revenu provenant de plus-values réalisées lors de la cession d’immeubles du patrimoine privé pour l’année 2015 et qui mentionne des frais d’obtention d’un montant de … euros – montant également repris dans le courrier du 3 mai 2019 –, ainsi que « toutes les factures concernant les frais d’obtention », mais a également fait référence et a annexé audit courrier, le formulaire 100 de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015, de sorte à avoir soumis au directeur l’intégralité des pièces nécessaires pour procéder à un réexamen global de la situation du demandeur, le demandeur devant, par conséquent, être considéré comme ayant pris le risque que le directeur procède à une réformation in pejus de son imposition.

Il est en effet admis qu’un formulaire de déclaration fiscale reprenant l’ensemble des revenus et des dépenses déductibles du contribuable et accompagné des annexes et justificatifs requis par les dispositions légales ou réglementaires ou par les mentions du formulaire, dont notamment les documents comptables de synthèse relatifs à une activité soumise à l’obligation de tenir une comptabilité, doit être considérée comme suffisante pour avoir mis le directeur en mesure de procéder à un réexamen du cas d’imposition en cause, d’éventuelles lacunes ou incohérences étant un motif pour le directeur de faire usage des pouvoirs d’investigation lui conférés dans le cadre de la procédure de réclamation17.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir qu’à travers son courrier du 3 mai 2019, le demandeur a indiqué se sentir lésé par la taxation d’office opérée par le bureau d’imposition au titre de l’année d’imposition 2015, qui, de façon non contestée, ne tient pas compte des frais d’obtention en relation avec ses revenus nets divers que le bureau d’imposition a imposés comme tels, alors que le demandeur a un intérêt évident à voir les frais d’obtention d’un montant de … euros portés en déduction de ses revenus nets divers d’un montant de … euros.

Le seul fait que le courrier du 3 mai 2019 ne comporte pas de signature ne porte, en l’espèce, pas à conséquence, alors que la mention « Monsieur B » à la fin du courrier, ensemble avec l’en-tête indiquant « Société … », permet à suffisance d’en dégager l’identité de son auteur18.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le courrier du 3 mai 2019 doit être considéré comme une demande de réexamen de l’intégralité de l’imposition du demandeur pour l’année 2015, partant comme une réclamation au sens du § 228 AO, de sorte 17 Cour adm., 29 mars 2018, n° 39536C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1127 et l’autre référence y citée.

18 En ce sens : Cour adm., 14 juillet 2019, n° 25366C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1004 et les autres références y citées.

que c’est à tort que le directeur a dénié cette qualification audit courrier – introduit, de façon non contestée, endéans le délai de réclamation de trois mois – en rendant sa décision par rapport au seul courrier du 26 février 2020, alors qu’il disposait, de façon non contestée, du courrier du 3 mai 2019 introduit devant l’autorité compétente et endéans le délai de réclamations de trois mois.

Cette conclusion s’impose, par ailleurs, indépendamment de la qualification faite par le secrétariat de la division Contentieux de l’administration dans le courrier émis en date du 28 février 2020 à la société … qui mentionne une « Régularisation de la procédure dans l’affaire contentieuse … concernant Monsieur A introduite par votre réclamation du 03/05/2019, entrée le 06/05/2019 », alors que le directeur est, tel que relevé ci-avant, seul compétent pour qualifier un courrier de réclamation19.

C’est également au regard de la compétence exclusive du directeur pour qualifier un courrier de réclamation que le gestionnaire du bureau d’imposition Mersch n’avait pas à indiquer au litismandataire du demandeur, à propos du courrier litigieux du 3 mai 2019, qu’« il s’agit à mon avis clairement d’une demande de redressement svt § 94 L.G.I. et non d’une réclamation au sens du § 228 L.G.I.. », alors qu’il aurait appartenu au bureau d’imposition Mersch de s’adresser au directeur pour qu’il se prononce sur la qualification du courrier du 3 mai 2019 en tant que réclamation.

En tout état de cause, le tribunal ne saurait avaliser, en l’espèce, la façon de faire de l’administration consistant, d’un côté, à informer, par son courrier du 13 mai 2019, le contribuable le jour de l’expiration du délai de réclamation de trois mois que son courrier du 3 mai 2019, introduit endéans ledit délai, ne qualifierait pas comme tel, mais de demande de redressement, et que dans tous les cas, sa demande de redressement ne saurait plus être accueillie au motif que les bulletins d’impôt contestés seraient coulés en force de chose décidée en raison de l’expiration du délai de réclamation.

D’après les explications du délégué du gouvernement fournies dans son mémoire en réponse et réitérées à l’audience des plaidoiries, une réclamation introduite endéans le délai de trois mois, n’aurait de toute façon pas pu être traitée par l’administration et in fine aucun bulletin d’impôt rectificatif n’aurait pu être émis avant l’expiration du délai de trois mois et ce pour des raisons matérielles et techniques propres à l’organisation de l’administration. Si la réalité de ces contraintes matérielles et techniques n’est ni contestée, ni remise en question, l’administration ne saurait se retrancher derrière de telles considérations pour ne pas émettre des bulletins d’impôt rectificatifs lorsque la demande du contribuable intervient endéans le délai de réclamation sous peine de réduire de facto le délai légal.

Par ailleurs, si le bureau d’imposition a également indiqué, dans le même courrier du 13 mai 2019, partant toujours le jour de l’expiration du délai de réclamation de trois mois, « Je me permets encore de vous signaler que vous trouverez les instructions sur les voies de recours au verso du bulletin », l’introduction d’un nouveau courrier était manifestement illusoire, sinon impossible pour le demandeur, précisément en raison de l’expiration du délai de trois mois le jour-même du courrier. A cet égard, si le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur n’aurait pas introduit de recours contre la décision du bureau d’imposition du 13 mai 2019 portant qualification du courrier du 3 mai 2019 de demande de redressement, alors même que le bureau d’imposition l’aurait rendu attentif à l’existence des voies de recours, le tribunal 19 Cour adm., 9 janvier 2018, n° 39755C du rôle ; Cour adm., 17 juin 2010, n° 26643C du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.

relève qu’il résulte clairement du libellé du courrier 13 mai 2019, cité ci-avant, que le bureau d’imposition faisait référence aux voies de recours figurant au « verso du bulletin », partant à la voie de la réclamation au sens du § 228 AO, ledit courrier ne faisant aucune référence aux voies de recours par la voie hiérarchique au sens du § 237 AO. Les contestations y afférentes du délégué du gouvernement sont dès lors à rejeter.

Force est ensuite au tribunal de constater que le directeur a encore soulevé, « à titre tout à fait superfétatoire », l’irrecevabilité de la réclamation du 3 mai 2019 au motif que la société … n’aurait pas produit de mandat ad litem malgré une demande en ce sens de sa part.

Le demandeur fait valoir, d’une part, qu’il n’aurait jamais réceptionné le courrier du 28 février 2020 à travers lequel l’administration se serait adressée à la société … pour lui demander de prouver l’existence d’une procuration pour introduire une réclamation en son nom et pour son compte par rapport aux bulletins d’impôt litigieux au titre de l’année d’imposition 2015 lui notifiés, et qu’il appartiendrait à l’administration de rapporter la preuve de l’envoi et de la réception dudit courrier du 28 février 2020, et, d’autre part, qu’une telle demande aurait dû lui être adressée en sa qualité de contribuable.

Or, il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas s’être adressée au demandeur pour obtenir la communication d’une éventuelle procuration qu’il aurait préalablement délivrée à son mandataire allégué, alors qu’il résulte expressément du § 254, alinéa (2) AO, qui dispose que « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen. », que l’hypothèse visée est celle d’une demande de justification du pouvoir d’agir au mandataire allégué et non au contribuable. Il s’ensuit qu’il est indifférent que le demandeur n’ait, en sa qualité de contribuable, pas reçu le courrier du 28 février 2020.

Force est ensuite au tribunal de constater qu’il ne ressort certes pas des dispositions du § 254 AO20 qu’une réclamation doit, sous peine d’irrecevabilité, être accompagnée d’un mandat lorsqu’elle est introduite par une personne autre que le contribuable concerné, mais en son nom et pour son compte, de sorte qu’en l’espèce, la réclamation du 3 mai 2019 n’est pas ipso facto irrecevable au motif que la société … soit restée, de façon non contestée, en défaut de communiquer un mandat exprès et spécial à l’administration en réponse à sa demande du 28 février 2020, indépendamment de la question de la non-réception de ce courrier par la société …, tel qu’alléguée par le demandeur.

Le contribuable est en effet admis à rapporter la preuve de l’existence d’un mandat exprès et spécial conféré à son présumé mandataire en cours de phase contentieuse, alors que la finalité du mandat est de permettre aux instances saisies de contrôler que la décision d’introduire une réclamation en matière fiscale a été cautionnée par le contribuable, l’exigence de la justification d’un mandat par le mandataire étant une mesure destinée à protéger le contribuable envers les agissements d’un mandataire qui dépasserait, le cas échéant, ses pouvoirs en déposant une réclamation à son insu21.

20 « (1) Der Steuerpflichtige, oder wer sonst das Rechtsmittel eingelegt hat, kann sich im Rechtsmittelverfahren durch Bevollmächtigte vertreten lassen. Geschäftsmäßige Vertreter können zurückgewiesen werden; dies gilt nicht für die im §107 Absatz 3 genannten Personen. Die Vorschriften des §107 Absätze 6 und 7 finden Anwendung.

(2) Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen. ».

21 Trib. adm., 13 novembre 2013, n° 31962 du rôle, confirmé par Cour adm., 3 avril 2014, n° 33764C du rôle. Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 1105 (1er volet) et l’autre référence y citées.

Par ailleurs, le tribunal siégeant en tant que juge de la réformation peut prendre en compte des pièces qui n’étaient pas à la disposition du directeur au moment où ce dernier a pris sa décision, sous condition que le mandat versé pendant la phase contentieuse ait été antérieur à l’introduction de la réclamation litigieuse22 et que cette antériorité ressorte clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.

Or, s’il est vrai qu’en introduisant un recours contentieux contre la décision d’irrecevabilité du directeur, le contribuable confirme son intention de cautionner l’introduction de la réclamation litigieuse, de sorte que le mandataire doit être regardé comme ayant disposé au moment de l’introduction de la réclamation d’un mandat valable pour ce faire23, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, le tribunal ne dispose d’aucun document de nature à corroborer l’existence d’un quelconque mandat, écrit ou oral, délivré par le demandeur à la société … antérieurement à l’introduction de la réclamation du 3 mai 2019.

En l’absence de précisions quant à la date et aux circonstances exactes dans lesquelles un mandat aurait été donné à la société …24, il n’est en tout état de cause pas suffisant d’affirmer péremptoirement qu’un accord aurait nécessairement été donné à la société … pour introduire une réclamation au motif que s’il ne lui avait pas demandé d’intervenir, la société … n’aurait rien pu faire en raison de l’absence de mandat, étant par ailleurs relevé que c’est justement le fait pour la société … d’avoir introduit une réclamation qui a amené le directeur à s’interroger sur son pouvoir d’agir en ce sens.

Il aurait, le cas échéant, appartenu au demandeur de fournir en cours de phase contentieuse, une procuration, même dressée postérieurement à la demande directoriale du 28 février 2020, indiquant expressément qu’avant le 3 mai 2019, date d’introduction de la réclamation par la société …, il avait conféré un mandat à cette dernière pour introduire, en son nom et pour son compte, ladite réclamation en date du 3 mai 2019 à l’encontre des bulletins d’impôt litigieux datés du 6 février 2019, notifiés le 11 février 2019, au titre de l’année d’imposition 201525.

Pour être complet, le seul fait que la société … ait rempli et signé les formulaires 100 et 700 au nom et pour le compte du demandeur ne suffit pas non plus à établir l’existence d’un mandat exprès et spécial de la société … pour introduire une réclamation au nom et pour le compte du demandeur.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne peut que constater que la preuve de l’existence d’un mandat ad litem n’est à ce stade pas rapportée.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par les divers développements du demandeur à ce sujet qui révèlent une confusion par rapport au reproche formulé par le directeur.

22 Trib. adm., 12 juillet 2021, n° 43979 du rôle. Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 1105 (2e volet) ; voir également Trib. adm., 18 juin 2021, n° 43678 du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

23 Trib. adm., 13 novembre 2013, n° 31962 du rôle, confirmé par Cour adm., 3 avril 2014, n° 33764C du rôle. Pas.

adm. 2022, V° Impôts, n° 1105 (1er volet) et l’autre référence y citées.

24 En ce sens : Cour adm., 21 octobre 2021, n° 45977C du rôle, confirmant Trib. adm., 24 mars 2021, n° 43814 du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.

25 En ce sens : Trib. adm., 30 avril 2013, n° 31278 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

Le moyen soulevé par la partie étatique ne concerne tout d’abord pas l’existence d’un mandat de son litismandataire lors de l’introduction de sa réclamation en date du 26 février 2020, mais porte sur la question de l’existence d’un mandat exprès et spécial dans le chef de la société … au moment de l’introduction de sa réclamation en date du 3 mai 2019.

L’administration a en effet demandé, à travers son courrier du 28 février 2020, à la société … une procuration établissant l’existence d’un mandat exprès et spécial pour introduire la réclamation réceptionnée le 3 mai 2019 au nom et pour le compte du demandeur, de sorte que les développements de ce dernier tenant (i) à l’existence du mandat de son avocat, par ailleurs, ni contesté, ni remis en cause par le directeur, et (ii) au fait que c’est la société à responsabilité limitée Wassenich Law SARL qui est son litismandataire, et non l’avocat personne physique qui n’en serait qu’un salarié, ne sont pas pertinents en l’espèce.

Dans le même ordre d’idées, la circonstance que le litismandataire du demandeur dispose d’un mandat pour introduire, au nom et pour son compte, un recours devant le tribunal administratif est sans incidence sur la question de l’existence d’un mandat ad litem de son ancien mandataire allégué, à savoir la société …, au moment de l’introduction de la réclamation du 3 mai 2019.

Pour les mêmes motifs, l’affirmation du demandeur selon laquelle la question du mandat serait superflue au motif que la société … aurait été remplacée par son litismandataire dès qu’il aurait mandaté ce dernier, est également à rejeter pour être dénuée de pertinence.

Pour être tout à fait complet, le tribunal relève encore que si le demandeur a, par l’intermédiaire de son litismandataire, soulevé la nullité de la décision directoriale au motif qu’elle aurait été notifiée à Maître Claude Wassenich, et non pas à la société à responsabilité limitée Wassenich Law SARL dont Maître Claude Wassenich serait le salarié, le constat s’impose, d’une part, que cette affirmation est contredite par les faits, en ce qu’il ressort d’un récépissé du dépôt d’un envoi recommandé que ladite décision a été envoyée au destinataire suivant : « Etude Wassenich, à l’attention de Me Wassenich Claude, 54, rue Charles Martel, L-

2134 Luxembourg»», de sorte qu’il y a lieu d’admettre que c’est bien la société d’avocats qui a été visée avec la seule précision du nom de l’avocat personne physique, rédacteur dudit courrier, et, d’autre part, qu’une éventuelle notification irrégulière n’est en tout état de cause susceptible d’avoir un impact qu’au niveau de la prise d’effet, respectivement de l’opposabilité de la décision en cause et non pas de sa validité26. Les contestations y afférentes sont dès lors à rejeter.

Dans ce contexte, il y a encore lieu de rejeter l’affirmation du demandeur selon laquelle la décision directoriale aurait dû lui être notifiée. Il est vrai qu’une décision directoriale sur réclamation est en principe à notifier au contribuable, mais la décision directoriale est à notifier au seul mandataire lorsque le contribuable a chargé un mandataire de la défense de ses intérêts et que c’est ce mandataire qui introduit la réclamation auprès du directeur27. Or, en l’espèce, il échet de constater que le courrier du 26 février 2020 par rapport auquel le directeur a statué à travers sa décision du 29 juin 2021 a justement été introduite par son litismandataire, de sorte à avoir valablement pu lui être notifiée.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est dès lors à bon droit que le directeur a déclaré le recours sous examen irrecevable, bien que cette irrecevabilité est à fonder non pas sur le caractère tardif de la réclamation introduite en date du 26 février 2020 26 Voir en ce sens: Cour adm., 9 janvier 2018, n° 39755C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

27 Cour adm., 7 décembre 2017, n° 39737C du rôle, Pas .adm. 2022, V° Impôts, n° 1146.

contre les bulletins d’impôts litigieux, mais sur le défaut de preuve de l’existence d’un mandat ad litem de la société … pour introduire, au nom et pour le compte du demandeur, sa réclamation en date du 3 mai 2019 dirigée contre les bulletins d’impôt litigieux émis au titre de l’année d’imposition 2015.

Le recours en réformation est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

La demande en allocation de dommages et intérêts d’un montant de 10.000 euros est, quant à elle, à rejeter. D’un côté, les considérations du demandeur avancées à ce sujet qui sont relatives à une augmentation de la dette d’impôts litigieuse par la mise en compte d’intérêts, de même que celles relatives à la sommation à tiers détenteur signifié au demandeur et à son établissement de crédit en date du 21 février 2020, action qu’il considère comme vexatoire au motif que l’administration ne disposerait pas de « décision exécutable ayant caractère de force de chose jugée », méconnaissent toutes le principe du caractère exécutoire des bulletins d’impôts prévu au § 251 AO qui matérialise en matière d’impôt le principe général du privilège de l’exécution d’office en droit administratif. D’un autre côté, il est de jurisprudence constante que les juridictions administratives ne sont, conformément à l’article 98, alinéa (2) de la loi du 7 novembre 1996, pas compétentes pour indemniser un quelconque préjudice tiré du fond du litige28.

Le rejet de la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.500 euros qui, de l’entendement du tribunal, est fondée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », s’impose également eu égard à l’issue du litige.

Enfin, le tribunal est au regard de l’issue du litige, amené à faire masse des frais et dépens et à les imposer pour moitié au demandeur et pour moitié au Grand-Duché de Luxembourg sur le fondement de l’article 32 de la loi du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 juin 2021 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande en allocation de dommages et intérêts d’un montant de 10.000 euros ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.500 euros ;

fait masse des frais et dépens et les impose pour moitié au demandeur et pour moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

28 Cour adm., 22 avril 1999, n° 10489C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 1281 et les autres références y citées.

Ainsi jugé par :

Michèle Stoffel, premier juge, Benoît Hupperich, juge, Caroline Weyland, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 22 mai 2023 par le premier juge, en présence du greffier Luana Poiani s. Luana Poiani s. Michèle Stoffel Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 22


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46506
Date de la décision : 22/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-22;46506 ?

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