N° 158 / 2024 pénal du 07.11.2024 Not. 380/11/CRIL Numéro CAS-2023-00183 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, sur le pourvoi du Procureur général d’Etat auprès du Parquet général près la Cour supérieure de Justice, demandeur en cassation, en présence de 1) PERSONNE1.), demeurant à ADRESSE1.) (Algérie), 2) PERSONNE2.), demeurant à ADRESSE1.) (Algérie), 3) PERSONNE3.), demeurant à ADRESSE1.) (Algérie), 4) PERSONNE4.), demeurant à ADRESSE1.) (Algérie), représenté par la partie sub 1), en sa qualité d’administratrice légale de son enfant mineur, 5) PERSONNE5.), demeurant à ADRESSE1.) (Algérie), représentée par la partie sub 1), en sa qualité d’administratrice légale de son enfant mineur, défendeurs en cassation, comparant par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 20 novembre 2023 sous le numéro 400/23 - X.
Ch.d.C. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle et statuant en chambre du conseil ;
Vu le pourvoi en cassation formé par le Procureur général d’Etat, suivant déclaration du 14 décembre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 8 janvier 2024 par le Procureur général d’Etat à PERSONNE1.), à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à PERSONNE4.) et à PERSONNE5.) (ci-après « les consorts GROUPE1.) »), déposé le 11 janvier 2024 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 5 février 2024 par les consorts GROUPE1.) au Procureur général d’Etat, déposé le 7 février 2024 au greffe de la Cour ;
Vu la note de plaidoiries du procureur général d’Etat adjoint John PETRY en ce qu’elle se situe dans les limites du pourvoi en cassation et en ce que les droits de la défense sont respectés ;
Entendu le procureur d’Etat adjoint John PETRY en ses conclusions à l’audience publique du 10 octobre 2024 ;
Entendu à cette même audience Maître François MOYSE en ses conclusions.
Sur les faits Il résulte de l’arrêt attaqué et des écritures concordantes des parties à l’instance en cassation qu’en exécution de demandes d’entraide judiciaire des autorités judiciaires algériennes visant la saisie de fonds inscrits sur des comptes bancaires de PERSONNE6.), auquel ont succédé les défendeurs en cassation suite à son décès survenu le 17 août 2021, les autorités judiciaires luxembourgeoises ont fait procéder, en 2011, à la saisie des avoirs y inscrits.
Statuant sur l’appel d’un jugement d’un tribunal de première instance algérien ayant ordonné la confiscation des susdits avoirs, la Cour d’appel d’Alger a ordonné la mainlevée de la saisie de ces fonds.
Après le décès de PERSONNE6.), les autorités judiciaires algériennes ont adressé aux autorités judiciaires luxembourgeoises une demande de recouvrement aux fins de confiscation des avoirs restés saisis en exécution des demandes d’entraide judiciaire.
Le Procureur d’Etat de Luxembourg, sur base de l’article 32, paragraphe 3, du Code pénal, a notifié à l’avocat des défendeurs en cassation sa décision de refus de restitution des avoirs saisis au motif qu’ils constituaient, au vu des décisions judiciaires algériennes intervenues, le produit de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers.
Cette décision a été contestée par les défendeurs en cassation, sur base de ce même texte, par voie de requête aux fins de restitution devant la chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, qui a dit que, s’agissant d’une demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale émise par les autorités judiciaires algériennes, l’article 11 de la loi modifiée du 8 août 2000 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale trouvait à s’appliquer, pour conclure que cette loi ne conférait « pas le droit de s’adresser au Procureur d’Etat sur base de l’article 32 paragraphe 3 du Code pénal pour obtenir la restitution des avoirs saisis dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire internationale (…) le Procureur d’Etat n’est pas compétent pour statuer sur la restitution des avoirs en question sur base de l’article 32 paragraphe 3 du Code pénal », en conséquence de quoi la requête des défendeurs en cassation a été rejetée.
La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé le jugement au motif que « aux termes de l’article 5 de la loi du 1er août 2007 portant 1. approbation de la Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies à New York le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature à Mérida (Mexique) le 9 décembre 2003 (…), l’article 68 du Code d’instruction criminelle, actuellement Code de procédure pénale, s’applique en cas de demande de restitution présentée au sujet de biens saisis en vue de la confiscation en application de la prédite convention ». Les juges d’appel en ont déduit que l’article 32 du Code pénal ne s’appliquait pas à « des demandes en restitution de biens saisis suivant la Convention de Mérida ».
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Le moyen unique de cassation est tiré de la violation des articles 32 du Code pénal, 5 de la loi de 2007 et 54, paragraphe 1, sous b), ainsi que 55, paragraphe 1, sous a), de la Convention des Nations-Unies contre la corruption, adoptée par l’assemblée générale des Nations-Unies à New-York le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature à Mérida (Mexique, le 9 décembre 2003, approuvée par une loi du 1er août 2007, en ce que la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, confirma, bien que pour d’autres motifs, un jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, qui avait décidé que le Procureur d’Etat, saisi par un Etat requérant partie à la Convention, sur base des articles 54, paragraphe 1, sous b), et 55, paragraphe 1, sous a) de celle-ci, d’une demande de recouvrement aux fins de confiscation à Luxembourg de fonds y préalablement saisis, conformément à l’article 55, paragraphe 2, de celle-ci, n’est pas compétent pour exécuter cette demande en rendant, sur base de l’article 32, paragraphe 3, du Code pénal, une décision de non-restitution, à la suite de laquelle le tribunal d’arrondissement, saisi par requête des personnes se réclamant être propriétaires des fonds, sera en mesure de prononcer la confiscation de ces derniers, 3 aux motifs que 1. approbation de la Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies à New-York le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature à Mérida (Mexique) le 9 décembre 2003, 2. modification de l’article 12, point 5 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), l’article 68 du Code d’instruction criminelle, actuellement Code de procédure pénale, s’applique en cas de demande de restitution présentée au sujet de biens saisis en vue de la confiscation en application de la prédite convention. Il en résulte que l’article 32 du Code pénal n’est pas d’application pour des demandes de restitution de biens saisis suivant la Convention de Mérida. Le jugement entrepris, est partant à confirmer, quoique pour d’autres motifs. », alors que, première branche, l’article 5 de la loi d’approbation de la Convention du 1er août 2007, y compris en ce que ce dernier renvoie à l’article 68 du Code de procédure pénale, se limite à réglementer la procédure régissant les mesures provisoires – d’identification, de localisation, de gel et de saisie, de biens – visées par l’article 55, paragraphe 2, de la Convention de Mérida, partant, est étranger aux demandes de recouvrement de biens visés par l’article 55, paragraphe 1, de cette Convention, par exécution dans l’Etat requis de décisions étrangères de confiscation rendues par les juridictions de l’Etat requérant ou, comme dans le cas d’espèce, par confiscation prononcée, sur demande de l’Etat requérant, par les juridictions de l’Etat requis, de sorte que la Cour d’appel, en décidant que l’article 32 du Code pénal est inapplicable parce que l’article 5 de la loi renvoie à l’article 68 du Code de procédure pénale, a violé l’article 5 de la loi ;
que, deuxième branche, l’article 55, paragraphe 1, sous a), de la Convention oblige le Luxembourg, lorsqu’il a reçu d’un autre Etat partie une demande de confiscation, d’en saisir les autorités compétentes , et l’article 54, paragraphe 1, sous b), de cette Convention oblige à cette fin le Luxembourg de prendre ; que l’article 32, paragraphe 3, du Code pénal est une qui permet à la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement, saisie, suite à une décision de non-restitution prise par le Procureur d’Etat, d’office ou sur requête de la personne contestant cette décision, d’ordonner la confiscation de biens saisis ; que cette procédure, mise en œuvre par une décision de non-restitution du Procureur d’Etat, permet de confisquer, après débat contradictoire, des biens saisis en l’absence de condamnation prononcée pour infractions constatées ; qu’elle permet ainsi d’exécuter, conformément à l’article 54, paragraphe 1, sous b), de la Convention, une demande de confiscation présentée au titre de l’article 55, paragraphe 1, sous a), de la Convention, par une procédure, autorisée par le droit interne, qui ne subordonne pas la confiscation à une condamnation pour infractions constatées ; que l’application de cette procédure s’impose aux autorités judiciaires saisies d’une demande de recouvrement, l’article 55, paragraphe 1, de la Convention obligeant les Etats parties à la Convention de faire droit à de telles demandes ; de sorte que la Cour d’appel, en décidant que 4 l’article 32 du Code pénal, qui constitue une au sens de l’article 54, paragraphe 1, sous b), pour ordonner une confiscation de fonds, est inapplicable pour exécuter une demande de recouvrement de fonds par confiscation sur base de l’article 55, paragraphe 1, sous a), de la Convention, a violé les articles 54, paragraphe 1, sous b), 55, paragraphe 1, sous a), de la Convention et l’article 32, paragraphe 3, du Code pénal. ».
Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 5 de la loi du 1er août 2007 portant notamment approbation de la Convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies à New York le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature à Mérida (Mexique) le 9 décembre 2003 (ci-après « la loi du 1er août 2007 » et « la Convention de Mérida »), pour avoir retenu que l’article 32 du Code pénal, en raison du renvoi par l’article 5 de la loi du 1er août 2007 à l’article 68 du Code de procédure pénale, était inapplicable à une demande en restitution de biens qui avaient été saisis sur base de la Convention de Mérida.
Selon le demandeur en cassation, l’article 5 se limiterait à réglementer la procédure ayant trait aux mesures provisoires – d’identification, de localisation, de gel et de saisie de biens – prévues à l’article 55, paragraphe 2, de la Convention de Mérida. Cette disposition légale serait, dès lors, étrangère aux demandes de recouvrement aux fins de confiscation de biens en ce que celles-ci constitueraient des mesures définitives prévues à l’article 55, paragraphe 1, de la Convention de Mérida.
L’article 32, paragraphe 3, du Code pénal, dans sa version issue de la loi du 1er août 2018 portant modification notamment du Code pénal, dispose « Lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution de biens saisis, le procureur d’État du lieu où se trouvent les biens placés sous la main de la justice est compétent pour décider, d’office ou sur requête, de la restitution des biens.
Le procureur d’État refuse la restitution si le requérant ne prouve pas son droit de propriété ou si les biens forment l’objet ou le produit d’une infraction, ou constituent un avantage patrimonial quelconque tiré de l’infraction, conformément aux distinctions déterminées à l’article 31, paragraphe 2.
La décision de non-restitution prise par le procureur d’État peut être contestée, dans le mois de sa notification, par requête de l’intéressé devant la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement, qui statue en chambre du conseil.
Si la chambre correctionnelle refuse la restitution, elle prononce la confiscation du bien ou de l’avantage patrimonial concerné. ».
5 La finalité de la prédite loi du 1er août 2018 était de moderniser et d’adapter les dispositions nationales sur la confiscation et de transposer en droit national certaines dispositions de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne (ci-après « la directive 2014/42/UE »).
La directive 2014/42/UE constituant un instrument de lutte contre la corruption, elle se situe dans le prolongement de la Convention de Mérida qui a été approuvée par l’Union européenne par une décision n° 2008/801 du 25 septembre 2008.
L’article 54, paragraphes 1 et 2, de la Convention de Mérida dispose « Mécanismes de recouvrement de biens par la coopération internationale aux fins de confiscation 1. Afin d’assurer l’entraide judiciaire prévue à l’article 55 de la présente convention concernant les biens acquis au moyen d’une infraction établie conformément à la présente convention ou utilisés pour une telle infraction, chaque État partie, conformément à son droit interne :
a) prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes de donner effet à une décision de confiscation d’un tribunal d’un autre État partie ;
b) prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes, lorsqu’elles ont compétence en l’espèce, d’ordonner la confiscation de tels biens d’origine étrangère, en se prononçant sur une infraction de blanchiment d’argent ou une autre infraction relevant de sa compétence, ou par d’autres procédures autorisées par son droit interne ; et c) envisage de prendre les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tels biens en l’absence de condamnation pénale lorsque l’auteur de l’infraction ne peut être poursuivi pour cause de décès, de fuite ou d’absence ou dans d’autres cas appropriés.
2. Afin d’accorder l’entraide judiciaire qui lui est demandée en application du paragraphe 2 de l’article 55, chaque État partie, conformément à son droit interne :
a) prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes de geler ou de saisir des biens, sur décision d’un tribunal ou d’une autorité compétente d’un État partie requérant ordonnant le gel ou la saisie, qui donne à l’État partie requis un motif raisonnable de croire qu’il existe des raisons suffisantes de prendre de telles mesures et que les biens feront ultérieurement l’objet d’une ordonnance de confiscation aux fins de l’alinéa a) du paragraphe 1 du présent article ;
b) prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes de geler ou de saisir des biens sur la base d’une demande donnant à l’État partie un motif raisonnable de croire qu’il existe des raisons suffisantes de prendre de telles mesures et que les biens feront ultérieurement l’objet d’une ordonnance de confiscation aux fins de l’alinéa a) du paragraphe 1 du présent article ; et c) envisage de prendre des mesures supplémentaires pour permettre à ses autorités compétentes de préserver les biens en vue de leur confiscation, par exemple sur la base d’une arrestation ou d’une inculpation intervenue à l’étranger en relation avec leur acquisition. ».
L’article 55, paragraphes 1 et 2, de la Convention de Mérida, dispose « Coopération internationale aux fins de confiscation 1. Dans toute la mesure possible dans le cadre de son système juridique interne, un État partie qui a reçu d'un autre État partie ayant compétence pour connaître d'une infraction établie conformément à la présente convention une demande de confiscation du produit du crime, des biens, des matériels ou autres instruments visés au paragraphe 1 de l'article 31 de la présente convention, qui sont situés sur son territoire :
a) transmet la demande à ses autorités compétentes en vue de faire prononcer une décision de confiscation et, si celle-ci intervient, de la faire exécuter ; ou b) transmet à ses autorités compétentes, afin qu'elle soit exécutée dans les limites de la demande, la décision de confiscation prise par un tribunal situé sur le territoire de l'État partie requérant conformément au paragraphe 1 de l'article 31 et à l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article 54 de la présente convention, pour autant qu'elle porte sur le produit du crime, les biens, les matériels ou autres instruments visés au paragraphe 1 de l'article 31, qui sont situés sur son territoire.
2. Lorsqu'une demande est faite par un autre État partie qui a compétence pour connaître d'une infraction établie conformément à la présente convention, l'État partie requis prend des mesures pour identifier, localiser et geler ou saisir le produit du crime, les biens, les matériels ou les autres instruments visés au paragraphe 1 de l'article 31 de la présente convention, en vue d'une confiscation ultérieure à ordonner soit par l'État partie requérant, soit, consécutivement à une demande formulée en vertu du paragraphe 1 du présent article, par l'État partie requis. ».
Vu l’article 5 de la loi du 1er août 2007 qui dispose « La demande de l’autorité étrangère formée en vertu du paragraphe 2 de l’article 55 de la Convention, doit contenir les renseignements et les pièces énumérés au paragraphe 3 de l’article 55 et au paragraphe 15 de l’article 46 de la Convention, suivant l’objet de la demande.
Le juge d’instruction près du tribunal d’arrondissement du lieu où sont situés les biens visés au paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention est compétent pour ordonner les mesures demandées en application de ces articles qui impliquent des mesures coercitives.
Les dispositions du Code d’instruction criminelle relatives aux attributions du juge d’instruction sont applicables. Une inculpation n’est pas nécessaire.
Les articles 3 et 6 à 10 de la loi du 8 août 2000 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale sont d’application en matière de recours.
Toutefois, l’article 68 du Code d’instruction criminelle s’applique en cas de demande de restitution présentée au sujet de biens saisis en vue de la confiscation.
Le procureur d’Etat près du tribunal d’arrondissement du lieu où sont situés les biens visés au paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention est compétent pour ordonner les mesures demandées en application de ces articles qui n’impliquent pas de mesures coercitives. ».
Les juges nationaux ont, en vertu du principe de l’interprétation conforme, l’obligation d’interpréter le droit interne conformément au droit international.
L’interprétation conforme constitue une technique permettant d’harmoniser les normes juridiques internes et internationales.
L’article 55, paragraphe 2, de la Convention de Mérida, auquel renvoie l’article 5 de la loi du 1er août 2007, décrit le régime applicable à la mise en œuvre de mesures provisoires dans le cadre de l’exécution de décisions de confiscation étrangères.
L’article 55, paragraphe 1, de cette Convention a trait aux mesures définitives à prendre par l’Etat requis, à savoir l’exécution, dans cet Etat, d’une décision de confiscation d’un tribunal de l’Etat requérant (point b) ou d’une demande de l’Etat requérant tendant à y voir prononcer une décision de confiscation (point a).
L’article 55, paragraphe 1, est la suite logique de l’article 54, paragraphe 1, points b) et c), de la Convention de Mérida en vertu duquel chaque Etat partie, afin d’assurer l’entraide judiciaire prévue à l’article 55, prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes d’ordonner la confiscation de biens acquis au moyen d’une infraction établie conformément à la Convention, « par d’autres procédures autorisées par son droit interne » (point b) et envisage de prendre les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tels biens « en l’absence de condamnation pénale lorsque l’auteur de l’infraction ne peut être poursuivi pour cause de décès, de fuite ou dans d’autres cas appropriés. » (point c).
Les juges d’appel étaient appelés à statuer sur la requête en restitution des avoirs saisis, introduite par les défendeurs en cassation aux fins de contestation de la décision de refus de restitution prise par le Procureur d’Etat sur base de l’article 32, paragraphe 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, en exécution de la demande des autorités judiciaires algériennes de recouvrement des avoirs saisis aux fins de leur confiscation.
Une telle demande de confiscation est prévue à l’article 55, paragraphe 1, point a), de la Convention de Mérida, qui a trait, dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire aux fins de confiscation d’avoirs saisis constituant l’objet ou le produit d’une infraction, à la mise en œuvre de mesures définitives. En vue d’assurer l’exécution de pareille demande d’entraide judiciaire, l’Etat luxembourgeois dispose du mécanisme prévu à l’article 32, paragraphe 3, du Code pénal qui confie au Procureur d’Etat du lieu où se trouvent les biens placés sous main de justice le pouvoir de décider de la restitution, notamment lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie. Ce pouvoir s’exerce sous le contrôle de la chambre du conseil en cas de refus de restitution. La restitution est refusée « (…) si les biens forment l’objet ou le produit d’une infraction ».
Il ne résulte pas des éléments auxquels la Cour peut avoir égard qu’au moment de la décision du Procureur d’Etat de refuser la restitution des avoirs saisis, une juridiction ait été saisie d’une demande en restitution. Le Procureur d’Etat, en application de l’article 32, paragraphe 3, alinéa 1, du Code pénal, était, partant, compétent pour décider de la restitution. Sa décision de refus de restitution a été prise sur base de l’article 32, paragraphe 3, alinéa 2.
La requête en restitution introduite par les défendeurs en cassation, en tant que contestation de cette décision de refus du Procureur d’Etat, ne pouvait qu’être basée sur l’article 32, paragraphe 3, alinéa 4.
L’article 5 de la loi du 1er août 2007, qui renvoie à l’article 55, paragraphe 2, de la Convention et qui a trait aux mesures provisoires, ne trouve pas à s’appliquer à la demande en restitution opposée par les défendeurs en cassation à la décision de refus de restitution du Procureur d’Etat suite à la demande des autorités judiciaires algériennes tendant au recouvrement d’avoirs saisis aux fins de leur confiscation.
En écartant l’application de l’article 32 du Code pénal à la demande des défendeurs en cassation en restitution des biens saisis au profit de l’article 68 du Code de procédure pénale, au motif que ce texte s’applique en vertu de l’article 5 de la loi du 1er août 2007, les juges d’appel ont violé la disposition visée à la première branche du moyen.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.
PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour de cassation casse et annule, l’arrêt rendu le 20 novembre 2023 sous le numéro 400/23 - X. Ch.d.C. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle et statuant en chambre du conseil ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;
met les frais de l’instance en cassation à charge de l’Etat ;
ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept novembre deux mille vingt-quatre, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.