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23/05/2023 | LUXEMBOURG | N°48630C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 mai 2023, 48630C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 48630C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:48630 Inscrit le 2 mars 2023

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Audience publique du 23 mai 2023 Appel formé par Madame (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 31 janvier 2023 (n° 45859 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 48630C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 2 mars 2023 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (B), née le …. à (….) (Liby...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 48630C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:48630 Inscrit le 2 mars 2023

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Audience publique du 23 mai 2023 Appel formé par Madame (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 31 janvier 2023 (n° 45859 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 48630C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 2 mars 2023 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (B), née le …. à (….) (Libye), de nationalité libyenne, demeurant à L-… …, …, rue…, dirigée contre le jugement rendu le 31 janvier 2023 (n° 45859 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a rejeté son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 mars 2021 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2023 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 2 mai 2023.

Le 20 novembre 2019, Madame (B) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Le même jour, Madame (B) fut entendue par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée - police des étrangers, afin d’être entendue sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche dans la base de données du système d’information sur les visas que Madame (B) était titulaire d’un visa lui délivré par les autorités espagnoles valable du 31 janvier 2019 au 1er mars 2019.

Les 7 et 14 octobre et 23 décembre 2020, elle fut entendue sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 2 mars 2021, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Madame (B) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 20 novembre 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 20 novembre 2019, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 7 et 14 octobre 2020 et 23 décembre 2020 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté la Libye vers l’Egypte le 23 novembre 2018, avec vos deux frères, votre sœur et votre mère. Vous auriez ensuite continué votre chemin vers la Tunisie où vous auriez séjourné pendant un mois en attendant votre visa. Après l’obtention de votre visa, vous seriez partie vers la République Tchèque en passant par l’Espagne, l’Allemagne et la Pologne. Vous auriez choisi cette destination pour y faire soigner le genou de votre mère qui aurait déjà subi une opération en Tunisie en 2015. Vous auriez fui votre pays d’origine car vous seriez membre du clan Kadhafi et auriez rencontré des problèmes depuis 2011. Vous auriez subi une tentative de viol et auriez dès lors été forcée d’arrêter vos études universitaires. Vous auriez choisi le Luxembourg car vous auriez appris que le Luxembourg aurait un système médical très performant et que les demandeurs de protection internationale y seraient traités avec respect.

Il ressort du rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez née à (….) où vous auriez vécu jusqu’à la mort de Kadhafi en 2011.

Ensuite, vous auriez vécu avec votre mère et quelques-uns de vos onze frères et sœurs dans la région de (….) sans y avoir d’adresse fixe et en changeant régulièrement de domicile à cause des 2pressions et menaces subies par les milices. Vous auriez été étudiante en deuxième année à l’université (C) qui se trouve dans la zone (…..) à (….) mais auriez été forcée d’arrêter vos études au courant de votre deuxième année à cause des multiples attouchements et harcèlements de viol subis par d’autres étudiants de votre université.

Vous racontez que vous auriez essayé d’obtenir un visa pour la République Tchèque, mais qu’il aurait été très difficile de l’obtenir. Cela expliquerait le fait que vous auriez demandé et obtenu en janvier 2019 un visa d’un mois pour l’Espagne où vous seriez restée jusqu’à fin février 2019 avant de continuer votre chemin vers la République Tchèque. Vous y seriez restée durant huit mois jusqu’à votre arrivée au Luxembourg en novembre 2019.

Vous expliquez que votre famille aurait quitté la Libye car votre mère aurait eu de graves problèmes aux reins et qu’il aurait été compliqué de recevoir les soins nécessaires dans votre propre pays. De plus, vous auriez cherché à vous installer dans un pays dans lequel vous pourriez trouver de la sécurité et de la stabilité. Vous n’auriez cependant pas introduit de demande de protection internationale en République Tchèque car vous auriez dû payer tous les frais médicaux de votre mère de votre propre poche et les médecins auraient prétendu qu’ils ne pourraient pas traiter le problème de reins de votre mère vu qu’il s’agirait d’un problème antérieur. De plus, vos épargnes auraient commencé à diminuer et vous auriez estimé que le Luxembourg serait le pays idéal pour introduire une demande de protection internationale compte tenu du fait qu’il s’agit d’un petit pays dans lequel résiderait une grande communauté d’origine arabe et qu’on y trouverait la sécurité et stabilité que vous recherchiez.

Vous expliquez ensuite que, de votre côté, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg pour y trouver la sécurité afin de pouvoir reprendre vos études.

Vous n’auriez pas pu continuer vos études dans votre université étant donné que l’un de vos professeurs vous aurait identifiée comme étant la cousine paternelle d’un membre ((…..) personnel) de la famille de Kadhafi et vous aurait de ce fait exclue de son cours. Depuis ce jour-

là, vous auriez été victime d’insultes, de moqueries et d’harcèlements de la part des autres étudiants et vous ne vous seriez plus sentie en sécurité. Au courant de votre deuxième année universitaire, vous auriez également été victime d’attouchements sexuels de la part d’autres étudiants. Vous prétendez que vous n’auriez pas dénoncé vos agresseurs du fait qu’il n’y aurait pas de police mais uniquement des milices en Libye. Vous affirmez que, du fait de votre appartenance au clan Kadhafi, vous auriez risqué d’avoir encore davantage de problèmes avec les milices en ayant porté plainte contre les étudiants qui vous auraient harcelée respectivement attouchée. Vous vous seriez adressée à une professeur de votre université mais celle-ci n’aurait rien pu faire pour vous et vous aurait recommandé de vous adresser à la direction de sécurité de l’université. Lorsque vous lui auriez avoué votre appartenance au clan Kadhafi, elle vous aurait confirmé que vous n’y trouveriez aucun support car la sécurité serait dirigée par les milices d’Al Gheniwa qui auraient été responsables de nombreux crimes commis en Libye.

D’après vos propos, vous auriez évité de vous adresser aux autorités par peur de répression contre vous et votre famille. En effet, vous expliquez que des milices qui auraient enlevé votre frère (K) en 2014, auraient attaqué les membres de votre clan et commis des meurtres en pleine rue. Il y aurait plusieurs milices dans le pays mais la plus grande milice à (….) s’appellerait Al Gheniwa. Vous et votre famille auriez été chassés de votre ville natale et auriez été forcés à 3changer votre domicile régulièrement et à habiter dans différentes villes dont les plus longues périodes étaient à (…..) à (….), (…..) et (…..).

Vous présentez un passeport libyen établi le 14 décembre 2016 ainsi que divers documents transmis par votre avocat.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement rappelons que comme prévu par l’article 10 paragraphe 5 de la Loi de 2015 : « A l’exception des documents d’identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou l’anglais doit être accompagné d’une traduction dans une de ces langues, afin d’être pris en considération dans l’examen de la demande de protection internationale. ». Une partie des documents remis par votre avocat ne sera donc pas pris en compte dans le cadre de l’examen de votre demande de protection internationale.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, vous déclarez avoir quitté la Libye en février 2019 pour vous installer en République Tchèque dans le but d’y faire soigner votre mère, où vous seriez restée environ huit mois avant de continuer votre chemin vers le Luxembourg. Vous affirmez ne pas avoir introduit de demande de protection en République Tchèque parce que vous auriez dû supporter sur vos propres deniers les frais de traitements médicaux de votre mère et que vous auriez presque dépensé l’intégralité de vos économies. De plus, vous prétendez que les médecins n’auraient pas pu ou voulu traiter le problème de reins de votre mère du fait que c’était un problème traité en Tunisie auparavant. Vous auriez voulu introduire votre demande de protection internationale dans un pays sûr vous offrant de la stabilité et sécurité. Vous auriez également estimé que pour la poursuite de vos études, il serait plus opportun de quitter la République Tchèque et de vous installer au Luxembourg.

4 Or, il est évident que tel n’est pas le comportement d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée ou de devenir victime d’atteintes graves et qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale. En effet, alors qu’on peut attendre d’une telle personne qu’elle introduise sa demande de protection dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez donc d’abord choisi de séjourner en République Tchèque pour y laisser soigner votre mère et d’attendre votre arrivée au Luxembourg, que vous auriez jugé être la meilleure option pour vous, pour demander une protection internationale. Vous avez en outre voyagé et séjourné en Espagne, en Allemagne et en Pologne, de nouveau sans y rechercher une quelconque forme de protection.

Un tel comportement ne correspond clairement pas à celui d’une personne qui aurait été forcée à quitter son pays d’origine à la recherche d’une protection internationale et qui aurait été reconnaissante de se voir offrir une protection dans les pays sûrs visités, mais votre façon de procéder traduit un exemple-type de forum shopping en soumettant votre demande dans l’Etat membre qui, selon ce que vous pensez, satisfera au mieux vos attentes. Vous confirmez d’ailleurs vous-même que « C’est un petit pays., il y a ici des Arabes, il y a de la sécurité et de la sûreté. On peut dire que c’est un beau pays. Et c’est aussi un beau pays pour les soins de ma mère » (p.6 du rapport d’entretien).

Madame, votre comportement est clairement celui d’une personne qui tente de s’installer dans le but d’avoir une meilleure vie et pour échapper à une vie plus précaire dans son pays d’origine. Or, des motifs économiques, médicaux ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne sont nullement liés à un des cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques et votre appartenance à un certain groupe social.

Notons ensuite que vous déclarez avoir introduit une demande de protection internationale parce que vous estimez que vous risqueriez d’être enlevée, harcelée et violée, voire menacée et persécutée, en raison du fait de votre soi-disant appartenance au clan Kadhafi.

Outre le fait que vous n’êtes pas en mesure de corroborer vos dires par la moindre preuve tangible, vous ne fournissez pas de renseignements sur cette prétendue cousine qui aurait travaillé pour Kadhafi et n’apportez aucun élément concret permettant d’établir que vous seriez personnellement et individuellement à risque.

Ainsi, aucun élément concret ne permet de conclure en l’existence d’une quelconque crainte fondée, dans votre chef, en cas de retour en Libye, en raison de prétendus liens avec le clan Kadhafi.

Quand bien même il serait établi que votre cousine ait été une (…..) de Kadhafi ou que votre frère ait travaillé au service de la sécurité externe de Kadhafi, ces seuls faits ne sauraient pas non plus suffire pour justifier dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens des prédits textes.

5En effet, soulevons que : « ´…those who were, or are perceived to have been, high-ranking officials in the Kadhafi regime (including Ministers, Senior Bureaucrats, Military Personnel or Diplomats), or who had close associations with the Kadhafi family, or those associated with the Libyan security forces during the 2011 conflict, face a high risk of both societal and official discrimination throughout Libya. This may include being illegally detained, beaten or tortured;

having death threats made against themselves or their families; or being killed. The Kadhafi regime was in power in Libya for 42 years, from 1969 to 2011. Over such a long period of time, the majority of the population would have either worked for, had some association with, or had a member of the family who worked for, or had an association with the regime. DFAT assesses it is unlikely that a Libyan with a low-level association with the regime would for discrimination as a result of this association’».

Ce constat vaut d’autant plus qu’à supposer qu’une cousine ait par le passé effectivement travaillé comme (…..) de Kadhafi, un tel fait ne saurait évidemment pas établir un quelconque lien entre elle, respectivement votre famille et Kadhafi. Ce constat vaut d’autant plus qu’il ressort des informations en nos mains que Kadhafi n’a pas eu recours à des recrutements de femmes issues de son propre clan et que ces dernières ont pendant des années été victimes d’abus sexuels dans le cadre de leur travail officiel de (…..).

Or, force est dans ce contexte de soulever qu’il n’est nullement prouvé que vous ayez effectivement des liens avec le clan Kadhafi. Hormis le fait que vous racontez qu’une personne au nom de (P) serait votre cousine paternelle et aurait été une proche et (…..) personnel de Kadhafi, rien ne nous permet de confirmer la véracité de vos propos. Il est par ailleurs établi que vous ne faites pas partie du clan de Kadhafi au vu de votre nom de famille, alors que des personnes libyennes faisant partie de son clan porteraient selon toute logique le nom de Qadhadfa, Kadhafa, respectivement, al- Kadhafi.

Il s’ensuit de tout ce qui précède, que vos prétendues craintes par rapport à vos soi-disant liens familiaux avec Kadhafi, à les supposer réelles, sont à percevoir comme étant totalement hypothétiques et non fondées et non pas comme craintes fondées de persécution au sens de la loi.

Les conclusions tirées ci-dessus ne sauraient pas être ébranlées par une copie non-traduite d’une prétendue carte d’identité de votre soi-disant grand-père qui démontrerait votre appartenance à la famille Kadhafi.

Ce constat est encore confirmé par le fait qu’en tant que supposés membres du clan Kadhafi, vous n’avez après sa chute et son assassinat en 2011, entrepris aucune tentative de fuite.

Or, notons qu’on peut évidemment s’attendre à ce qu’une personne qui craint vraiment d’être persécutée dans son pays d’origine cherche un moyen de quitter ce pays le plus rapidement possible. Dans votre cas, certes vous avez changé de domiciles à plusieurs reprises, mais vous n’avez depuis 2011 effectué aucune démarche pour chercher une protection internationale dans un autre pays et le seul fait qui vous a finalement amené à partir était l’état de santé de votre mère.

Concernant les harcèlements moraux et physiques dont vous seriez devenue victime au sein de votre université, soulevons tout d’abord qu’il n’est aucunement établi que ceux-ci auraient été liés à l’un des cinq critères susmentionnés.

6Quand bien même ces faits rentreraient dans le champ d’application de la Convention de Genève, ce qui reste contesté, soulevons que vous ne faites à aucun moment état d’un viol mais « uniquement » d’attouchements et d’harcèlements, des faits qui au vu de leur manque de gravité ne sauraient pas être perçus comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

A cela s’ajoute que vous auriez pu changer d’université à l’intérieur même de (….), voire vous inscrire dans une université dans une autre ville. Le fait d’avoir été prétendument identifiée par un seul professeur qui aurait fait le lien entre vous et votre soi-disant cousine qui aurait soi-

disant été un (…..) personnel et en même temps issue de son clan, ne signifie en aucun cas que vous n’auriez pas eu la possibilité de vous inscrire dans une autre université et d’y finir vos études sereinement. En tant que personne majeure depuis 2016, vous auriez très bien pu organiser votre vie en fonction de vos besoins personnels sans devoir vous soumettre aux décisions prises par votre mère ou vos frères et sœurs. Vous n’avez manifestement pas estimé votre situation suffisamment grave pour être encore restée encore pendant deux ans en Libye avant de partir pour les soins de votre mère.

Quant aux attaques qui auraient été perpétrées par les milices dans vos lieux d’habitation, il semble clair d’après vos dires que votre frère (T) aurait surtout été dans leur viseur du fait de ses fonctions dans le régime de Kadhafi. Il s’ensuit que ces problèmes seraient à percevoir comme des problèmes non-personnels dont vous restez en défaut d’établir un quelconque lien avec votre vécu.

Au vu de tout ce qui précède, il est évident que vous tentez manifestement d’aggraver la situation vécue en ajoutant des éléments pour masquer les réels motifs économiques qui sous-

tendent votre demande de protection internationale.

On peut conclure au vu de votre comportement après votre départ de votre pays d’origine et votre abstention à solliciter une protection internationale en Espagne, Allemagne, Pologne ou en République Tchèque, que vous tentez surtout de vous établir dans un pays dans lequel vous pourriez mener une meilleure vie et bénéficier de prestations sociales efficaces.

Eu égard à ce tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutée, que vous auriez pu craindre d’être persécutée respectivement que vous risquez d’être persécutée en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, 7compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Alors qu’il est vrai que la situation sécuritaire en Libye reste précaire, vous ne risquez pas d’y subir des menaces et atteintes graves contre votre vie en raison de violences aveugles dans le contexte d’un conflit armé, tel que défini à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Le fait que, jusqu’à votre départ en 2018, vous soyez restée habiter dans la région de (….), pendant des années, démontre que la seule présence de votre personne sur le territoire libyen n’entraîne pas un risque réel de subir des menaces graves et individuelles.

D’ailleurs, tel qu’il ressort d’un jugement de la Cour administrative du Luxembourg du 4 octobre 2018, « il n’appert pas que la simple présence d’un individu en Libye, l’expose ipso facto, avec un certain degré de probabilité, à des menaces individuelles graves », jurisprudence qui reste d’actualité.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Libye, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2021, Madame (B) fit déposer un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 2 mars 2021 tant en ce qu’elle porte refus de sa demande en obtention d’une protection internationale, qu’en ce qu’elle lui ordonne de quitter le territoire luxembourgeois.

8Par jugement du 31 janvier 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié en ses deux volets et en débouta la demanderesse, tout en la condamnant aux frais de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal retint en substance que faute d’un récit crédible, Madame (B) était restée en défaut de rapporter la preuve qu’elle risquerait des persécutions en Libye, relevant plus particulièrement que celle-ci était restée en défaut de rapporter la preuve du prétendu lien familial avec le clan « KADHAFI », respectivement de l’activité professionnelle de son frère (T) pour l’ancien régime ou encore de la fonction de (…..) de sa prétendue cousine de l’ancien président Mouammar KADHAFI, ainsi que des harcèlements sexuels dont elle aurait fait l’objet à l’université et de la « guerre psychologique » de la part des milices contre sa famille.

Le tribunal releva encore dans ce contexte que la demanderesse avait continué de vivre en Libye jusqu’en 2018 et qu’elle ne cachait pas que l’élément déclencheur du départ de sa famille résidait dans la recherche de soins adéquats pour les problèmes de santé de sa mère. De même, à l’instar du ministre, les premiers juges soulevèrent le fait que la demanderesse et sa famille n’avaient pas déposé de demande de protection internationale auprès des autorités respectives dans les différents pays traversés après leur arrivée en Europe, à savoir l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne et la République tchèque avant de venir au Luxembourg, attitude jugée comme ne correspondant pas au comportement d’une personne réellement persécutée dans son pays d’origine et qui est à la recherche d’une protection internationale.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 2 mars 2023, Madame (B) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 31 janvier 2023.

A l’appui de son appel, elle renvoie tout d’abord à l’exposé des faits, tel que figurant dans sa requête introductive de première instance. L’appelante fait valoir en substance qu’elle serait de nationalité libyenne, originaire de la ville de (….), et qu’elle aurait quitté son pays d’origine du fait des violences exercées à partir de 2011 par les milices et membres de la société environnante en raison de l’appartenance de sa famille au clan dont faisait partie l’ancien dictateur Mouammar KADHAFI. Elle expose dans ce contexte que son arrière-grand-père et l’arrière-grand-père de Mouammar KADHAFI auraient été frères, que son frère (T) aurait travaillé en qualité d’officier au sein du service de sécurité externe depuis 1993 jusqu’à la chute du régime KADHAFI en octobre 2011, de même qu’il aurait fait partie de la branche de protection de Mouammar KADHAFI et qu’il aurait participé à l’organisation de rencontres diplomatiques avec l’ancien président, et que sa cousine, Madame (P), aurait été une (…..) très connue de l’ancien dictateur et tiendrait aujourd’hui publiquement des discours pro-KADHAFI. En raison de ses liens de parenté, elle aurait été contrainte d’arrêter ses études universitaires après avoir été régulièrement harcelée par d’autres étudiants. Finalement, elle expose encore que son frère (K) aurait été kidnappé par une milice au courant de l’année 2015 et qu’elle aurait dû vivre en cachette avant de quitter la Libye avec sa famille fin 2018.

Concernant le reproche du manque de crédibilité de son récit, tel que retenu par le ministre et les premiers juges, Madame (B) estime que son récit serait cohérent et ne serait pas contredit par les informations générales disponibles sur la Libye, de sorte qu’il conviendrait de lui accorder le bénéfice du doute. Elle renvoie notamment à la carte de membre de son père à la « …. » renseignant 9le nom patronymique de ce dernier qui serait (X), tout en expliquant que son propre nom patronymique ne renverrait pas au clan KADHAFI en raison de considérations de sécurité décidées depuis les années 70 et 80.

L’appelante soutient ensuite que les faits à la base de sa demande de protection internationale seraient suffisamment graves pour entrer dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Elle insiste sur le constat qu’elle ferait partie d’un groupe social spécifique, à savoir le clan KADHAFI, ayant une identité propre et étant perçu différemment par les membres de la société libyenne environnante. Ainsi, tant le gouvernement d’Union nationale, que les forces armées du maréchal HAFTAR et les milices y rattachées, auraient pour ennemi l’ancien régime et les personnes y affiliées.

Elle donne à considérer que toutes les milices commettraient actuellement de graves exactions sans que les autorités en place ne soient capables d’y remédier, de sorte qu’elle ne bénéficierait pas d’une protection suffisante de la part de l’Etat libyen contre les agissements desdites milices.

Madame (B) estime encore devoir bénéficier des dispositions visées par l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, soutenant qu’il n’existerait aucune « bonne raison » de penser que les faits subis par elle ne se reproduiront pas en cas de retour en Libye au motif que depuis son départ la situation n’aurait pas évolué de manière suffisamment favorable. L’appelante relève encore que toute fuite interne serait impossible dans son chef, étant donné que les nombreux déplacements internes ensemble avec sa famille n’auraient « jamais permis de trouver une protection suffisante » et il serait établi à suffisance que sa réinstallation sur une autre partie du territoire libyen serait impossible en termes de sécurité, ce d’autant plus qu’il lui serait difficile de cacher ses origines, et notamment qu’elle est native de la ville de (….).

Concernant l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, Madame (B) estime que les premiers juges auraient conclu à tort que son récit ne contenait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’elle encourt un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, la situation actuelle en Libye demeurant particulièrement chaotique pour se caractériser par un effondrement des autorités officielles et la poursuite des combats menés par des milices d’horizons divers. Elle renvoie dans ce contexte à un rapport du service de recherche du Parlement européen du mois de novembre 2022, à un rapport de l’organisation « Human Rights Watch », intitulé « Libya- Events of 2020 », ou encore à la position du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur les retours en Libye (mise à jour II), publiée en septembre 2018, à un article intitulé « l’ONU veut enquêter sur les exactions commises en Libye », à un article intitulé, « Dix ans après la chute de Khadafi, la Libye est devenue une zone de non-droit », publié par l’organisation « Amnesty International France », à un article de presse publié le 9 avril 2019, intitulé « Libye : cinq choses à savoir sur le maréchal Haftar », dans le journal Le Figaro, à la « Country Policy and Information Note » du « Home Office » britannique, publiée en mars 2017, intitulée « Libya : Actual or perceived supporters of former President Gaddafi », ou encore à un article de presse publié le 31 mai 2018 par le média 15-38 Méditerranée, intitulé « A (….), on avait une position de capitale, maintenant c’est une ville mise à l’écart ».

10Enfin et en conséquence des considérations qui précèdent, l’appelante sollicite encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire libellé à son encontre, estimant dans ce contexte que ledit ordre serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel en relevant que Madame (B) n’apporterait aucun élément sérieux susceptible de venir infirmer le contenu de la décision ministérielle. Le représentant étatique relève que les développements sommaires et généraux de l’appelante seraient insuffisants pour revenir sur le défaut de crédibilité retenu en l’espèce par les premiers juges.

Concernant le statut de réfugié, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage par ailleurs de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant à l’octroi de la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

11 Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, dans le cadre du recours en réformation dans lequel il est amené à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais il se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile.

Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’en l’absence d’éléments de preuve tangibles, le demandeur de protection internationale doit effectivement bénéficier, dans ses déclarations, du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

Ceci étant dit, la Cour rejoint et fait sienne l’analyse détaillée et pertinente des premiers juges qui les a amenés à retenir que Madame (B) est restée en défaut de rapporter la preuve qu’il existerait des raisons sérieuses de croire qu’elle encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, une crainte fondée de subir des persécutions des persécutions au sens de l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 ou un risque réel et avéré d’atteintes graves au sens de l’article 48 de ladite loi en relation avec son vécu personnel, au vu des incohérences et contradictions qui affectent son récit dans sa globalité.

A l’instar des premiers juges, la Cour relève que l’appelante ne démontre toujours pas la réalité des liens avec le clan KADHAFI, le simple fait de renvoyer à ce sujet à des photos de mauvaise qualité montrant des personnes non autrement reconnaissables ensemble avec l’ancien dictateur n’établissant pas à suffisance des liens familiaux à la base d’un prétendu risque réel et sérieux de subir des persécutions ou atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Dans ce contexte, c’est encore à bon escient que le ministre, dans sa décision du 2 mars 2021, a relevé que Madame (B) est restée en défaut de verser la moindre pièce objective ou preuve tangible permettant de prouver les fonctions apparemment occupées par sa cousine au sein des gardes du corps de l’ancien dictateur Mouammar KADHAFI, preuve que l’appelante devrait être en mesure de verser au dossier, ce d’autant plus qu’elle affirme que sa cousine tiendrait encore aujourd’hui publiquement des discours pro-KADHAFI sans être inquiétée pour autant.

A l’instar du ministre, la Cour se doit également de noter que depuis la chute du régime KADHAFI en 2011, Madame (B) n’avait, pendant 8 années, entrepris aucune tentative de fuite réelle et définitive et a bénéficié d’une liberté de circulation certaine en Libye, puisque d’après ses propres déclarations, elle a souvent changé de domicile et qu’elle n’a jamais été arrêtée par les autorités en place ni subi le moindre acte de persécution concret de la part des miliciens avant son départ de 12Libye le 23 novembre 2018, départ qui s’est passé sans le moindre problème par avion muni d’un visa pour l’Espagne.

La Cour relève encore que Madame (B) est restée très vague dans ses explications relatives aux prétendus actes de harcèlements sexuels dont elle aurait fait l’objet à l’université, faits qui de toute façon ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Le manque de crédibilité du récit de Madame (B) se trouve encore conforté par l’attitude adoptée par celle-ci suite à son arrivée en Europe. Ainsi, il est plus que singulier de noter que l’appelante, ensemble avec sa famille, n’a pas recherché la moindre protection auprès des autorités des différents pays traversés après leur arrivée en Europe, à savoir l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne et finalement la République tchèque, où l’appelante a séjourné pendant plus de 8 mois avant de venir au Luxembourg. Cette attitude constitue un indice supplémentaire que l'intéressée n'a pas réellement senti de besoin d'une protection internationale et que ses déclarations sont à apprécier avec précaution, une personne ayant réellement un besoin de protection ne manquant a priori pas de la solliciter dès qu’elle le peut et non seulement au bout d’un long périple lorsqu’elle est arrivée dans le pays de son choix. En tout état de cause, la Cour tient à rappeler que les demandeurs de protection internationale ne sont ni censés, ni autorisés à opérer un choix par rapport au pays d’introduction de leurs demandes pour s’installer là où les meilleurs soins médicaux, les prestations sociales les plus avantageuses et les meilleures conditions matérielles sont garantis.

Finalement, loin de clarifier en instance d’appel la conclusion de l’autorité ministérielle et des premiers juges en relation avec le manque de crédibilité de son récit, Madame (B) ne fournit que des explications générales guère convaincantes sans clarifier les doutes sérieux que ce constat génère logiquement à propos des faits de persécution ou atteintes graves actuellement allégués.

Ainsi, le récit de l’appelante, considéré dans sa globalité, n’est pas de nature à convaincre, l’intéressée apparaissant au contraire tenter sciemment d’induire en erreur au sujet de son vécu, de sorte qu’il a lieu de retenir l’absence de raisons crédibles de croire que l’appelante encourrait ou encourt, en cas de retour en Libye, un risque réel et avéré de subir des actes de persécution ou atteintes graves, les craintes mises en avant étant à percevoir comme étant purement hypothétiques.

Il découle de ce qui précède que l’appelante n’a pas fait état de manière crédible qu’elle a des raisons fondées de craindre d’être persécutée en cas de retour dans son pays ou qu’elle y encourt un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, par rapport aux faits allégués.

Quant à l’existence en Libye d’une situation de conflit armé interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, avec des menaces concrètes graves et individuelles contre la vie ou la personne des civils y vivant, il convient de rappeler que l’existence d’un conflit armé est une condition nécessaire à l’application de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, mais en soi ne suffit pas pour octroyer ce statut de protection subsidiaire. Il faut en plus que la situation dans le pays en question corresponde à un contexte de violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. En revanche, lorsque la violence prévalant dans le pays ou la région concernés n’atteint pas un niveau tel que tout civil courrait, du seul fait de sa présence, 13dans le pays ou la région en question, un risque réel de subir une telle menace, il appartient au demandeur de démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle.

Or, si les éléments d’information produits en cause mettent certes en exergue l’existence d’un conflit armé interne en Libye, il ne ressort pas des éléments d’appréciation soumis que la simple présence d’un civil serait suffisante pour établir un risque réel d’y subir des atteintes graves en relation avec une situation devant être qualifiée de conflit armé interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. La Cour relève dans ce contexte que Madame (B) est restée en défaut, également en instance d’appel, d’apporter des éléments suffisants desquels se dégagerait qu’elle serait susceptible de risquer sa vie en raison de sa seule présence sur le territoire libyen, conclusion qui se recoupe encore avec le constat de la Cour que l’appelante a bénéficié depuis 2011 d’une liberté de circulation certaine en Libye, celle-ci n’ayant jamais été inquiétée par les autorités en place, ni subi la moindre atteinte grave concrète avant son départ de Libye fin 2018.

Comme l’appelante n’a pas non plus rapporté la preuve, tel que retenu ci-avant, qu’elle est affectée spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, la Cour ne saurait déceler aucune indication de l’existence de sérieux motifs de croire qu’elle serait exposée, en cas de retour en Libye à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et des éléments à sa disposition, la Cour est amenée à conclure à son tour que les craintes dont l’appelante fait état ne sont pas de nature à justifier dans son chef l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté comme non fondée sa demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

En effet, comme il a été retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à l’appelante l’un des statuts conférés par la protection internationale, ni la légalité, ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

De surcroît, le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008 est à rejeter comme inopérant, étant donné qu’aux termes de l’article 2, paragraphe 1er, de cette loi, les dispositions de ladite loi ne sont pas applicables aux demandeurs de protection internationale.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelante et de confirmer le jugement entrepris.

14Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 2 mars 2023 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;

partant, confirme le jugement entrepris du 31 janvier 2023 ;

donne acte à l’appelante qu’elle déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 mai 2023 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48630C
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-05-23;48630c ?

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