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07/05/2024 | FRANCE | N°24/01617

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 07 mai 2024, 24/01617


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 07 Mai 2024


DOSSIER N° RG 24/01617 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y3L2
Minute n° 24/ 165


DEMANDEUR

Madame [M] [T]
née le 03 Octobre 1960 à [Localité 8] (POLOGNE)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Simon GUIRRIEC de la SELARL L’HOIRY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

S.A.R.L. de famille NASH DOM 5
dont le siège social est [Adresse 4] [Localité 3]
non comparante ni représentée

INTERVENANTE V

OLONTAIRE

S.A.R.L. PLUMECO, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 835 183 542, prise en la personne de son représentant légal
dont le sièg...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 07 Mai 2024

DOSSIER N° RG 24/01617 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y3L2
Minute n° 24/ 165

DEMANDEUR

Madame [M] [T]
née le 03 Octobre 1960 à [Localité 8] (POLOGNE)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Simon GUIRRIEC de la SELARL L’HOIRY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.R.L. de famille NASH DOM 5
dont le siège social est [Adresse 4] [Localité 3]
non comparante ni représentée

INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.A.R.L. PLUMECO, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 835 183 542, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 5] [Localité 6]
venant aux droits de la SARL NASH DOM 5

représentée par Maître Chloé VATELOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 16 Avril 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 07 Mai 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 07 mai 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 30 octobre 2007, Monsieur [U] [F] a donné à bail à Madame [M] [T] un logement sis à [Localité 7] (33). Monsieur [F] a vendu le bien loué à la SCI [Adresse 1], devenue SARL de la famille NASH DOM 5.

Par jugement en date du 10 octobre 2023 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a notamment déclaré valide le congé délivré le 17 février 2022 à Madame [T] et ordonné son expulsion.

La SARL NASH DOM 5 a elle-même vendu le bien loué à la SARL PLUMECO par acte du 22 décembre 2023.

Par acte du 8 janvier 2024, la SARL PLUMECO a fait signifier le jugement du 10 octobre 2023 ainsi qu’un commandement de quitter les lieux.

Par requête en date du 15 février 2024, reçue au greffe le 29 février 2024, Madame [T] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir un délai pour quitter les lieux en désignant la société NASH DOM 5 comme bailleresse. Par conclusions d’intervention volontaire, la SARL PLUMECO est intervenue à l’instance.

A l’audience du 16 avril 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [T] conclut à la recevabilité de sa demande. Elle sollicite à titre principal le dessaisissement du juge de l’exécution au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux. Subsidiairement, elle sollicite qu’il soit sursis à statuer à la présente demande jusqu’à la décision rendue par le juge des contentieux de la protection de Bordeaux saisi de la tierce opposition formée par Monsieur [Z]. A défaut, elle sollicite un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux et que la SARL PLUMECO soit déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Madame [T] fait valoir que la requête délivrée est recevable en ce qu’elle n’a causé aucun grief à la défenderesse qui a pu constituer avocat et comparaitre à l’audience. Au soutien de sa demande principale et au visa des articles 101 et 103 du Code de procédure civile, elle fait valoir que la tierce opposition formée par Monsieur [Z] au jugement rendu le 10 octobre 2023 justifie que la présente affaire soit jugée par le même juge au titre de la connexité et du risque de décisions contradictoires. Elle fait valoir que si l’expulsion de Madame [T] devait intervenir elle induirait l’expulsion de son concubin et l’empêcherait de voir reconnaitre la qualité de locataire qu’il revendique. A défaut, elle sollicite qu’il soit sursis à statuer sur la demande de délais dans l’attente de la décision du juge des contentieux de la protection. A défaut, elle sollicite des délais de paiement, soulignant qu’elle a été contrainte de rester au chevet de sa mère en Pologne pendant plusieurs mois et qu’aucun logement social n’est à ce jour disponible. Elle conteste ne pas avoir acquitté de loyers, soulignant que l’ancienne bailleresse effectuait une compensation entre les sommes dues et la réalisation de travaux ménagers.

A l’audience du 16 avril 2024, la SARL PLUMECO conclut à la recevabilité de son intervention volontaire, à la nullité de la demande et au fond au rejet des demandes de Madame [T] ainsi qu’à sa condamnation aux dépens.

La SARL PLUMECO fait valoir qu’elle est bien la propriétaire du bien loué et a fait délivrer un commandement de quitter les lieux. Elle conclut à l’irrecevabilité de la demande sur le fondement des articles R442-3 du Code des procédures civiles d’exécution et 57 du Code de procédure civile considérant qu’un certain nombre de mentions sont absentes de la requête. Au fond, elle conteste toute connexité soulignant que cette demande est dilatoire et que le juge ne va pas statuer à nouveau sur la validité du congé à Madame [T]. Elle souligne que le concubin de cette dernière a réceptionné un certain nombre d’actes de procédure et n’a jamais fait valoir sa qualité de locataire, précisant qu’il ne peut y avoir contrariété de décision. Elle s’oppose pour la même raison à tout sursis à statuer. Au fond, elle conclut au rejet de la demande de délais, souligne que le congé a été signifié le 17 février 2022 et que Madame [T] n’a mis en œuvre aucune démarche de relogement alors qu’elle s’abstient de payer un quelconque loyer depuis plus de trois ans et que cette situation perdure. Elle souligne que la locataire vient d’effectuer un long séjour en Pologne où elle dispose donc d’un logement où elle pourrait résider.

Le délibéré a été fixé au 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’intervention volontaire et la qualification

L’article 329 du Code de procédure civile prévoit : « L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. »

La SARL PLUMECO justifie d’une attestation notariée établissant qu’elle a acquis la propriété de l’immeuble loué de la SARL DE FAMILLE NASH DOM 5 par acte du 22 décembre 2023. Elle justifie donc incontestablement d’une qualité à agir et son intervention volontaire sera déclarée recevable.

La SARL DE FAMILLE NASH DOM 5 n’étant ni présente, ni représentée et la demande principale étant indéterminée, la présente décision sera réputée contradictoire et rendue en premier ressort.

Sur la nullité de la requête

L’article R442-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « A peine de nullité, la demande présentée en application de l'article R. 442-2, outre les mentions

prévues à l'article 57 du code de procédure civile, contient un exposé sommaire des motifs et mentionne le nom et l'adresse du défendeur ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social. »

L’article 57 du Code de procédure civile dispose : « Lorsqu'elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu'elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.

Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :
- lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
- dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.»
 
Les articles 114 et 115 du Code de procédure civile prévoient :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »
« La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

Il est constant que la requête de Madame [T] ne comporte ni sa profession, ni sa nationalité ni ses date et lieu de naissance pas plus que la dénomination et le siège social du défendeur. La SARL PLUMECO a néanmoins été avisée et a pu comparaitre et faire valoir sa position et ses demandes dans le cadre de la présente instance, les conclusions signifiées par la demanderesse ayant de surcroît régularisé sa demande en justice. La défenderesse ne justifie donc pas d’un grief initial ou persistant.

La requête n’encourt dès lors pas la nullité et la demande de Madame [T] sera déclarée recevable.

Sur la connexité

L’article 101 du Code de procédure civile dispose : « S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction. »

L’article 582 du même code prévoit : « La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.
Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. »

La présente instance tend à statuer sur la demande de délais avant expulsion présentée par Madame [T], cette mesure ayant été ordonnée par le jugement du 10 octobre 2023.

L’instance pendante devant le juge de contentieux de la protection, consistant en une tierce opposition au jugement précité, tend à faire reconnaitre l’invalidité du congé délivré et la qualité de colocataire de Monsieur [Z].

Il est constant qu’en application de l’article 582 du code de procédure civile susvisé, le jugement qui ferait droit à sa demande ne pourrait que profiter à Monsieur [Z], tiers demandeur sans pouvoir bénéficier à Madame [T]. Dès lors il n’existe pas de connexité entre les deux litiges mais seulement une situation de fait résultant de la potentielle expulsion du concubin de la locataire en tant qu’occupant du logement s’il devait être procédé à cette mesure.

Monsieur [Z] pourra toutefois, s’il voit sa qualité de locataire reconnue, solliciter la réintégration dans les lieux.

Il n’existe donc pas de lien de connexité juridique entre les deux instances et la demande tendant à ce que la présente juridiction se dessaisisse au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux sera rejetée.

Sur le sursis à statuer

L’article 378 du Code de procédure civile dispose : « La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »

Ainsi que cela été démontré supra, le résultat de l’instance initiée par Monsieur [Z] est juridiquement indifférent à la décision rendue à l’encontre de Madame [T]. Il n’y a donc pas lieu de sursoir à statuer.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Au visa de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, « Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation (…) ».

L'article L. 412-4 du même code précise que : « La durée des délais prévus à l'article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés ».

Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient au juge, en considération de ces dispositions, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété dont le caractère est absolu et du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accès à un logement décent, du droit à la vie privée et familiale, au domicile, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité, ayant pour finalité d'établir un juste équilibre entre deux revendications contraires, celle du propriétaire et celle de l'occupant sans droit ni titre.

En l'espèce, Madame [T] indique qu’elle éprouve des difficultés à retrouver un logement en dépit du recours à une assistante sociale. Elle ne verse aucune pièce aux débats justifiant des recherches entreprises et des demandes effectuées afin de se voir attribuer un logement social ou dans le parc privé.

Elle ne justifie donc en rien de l’impossibilité qui serait la sienne de se reloger dans des conditions normales. Elle ne justifie par ailleurs pas de la compensation avec les loyers qu’elle invoque, ne permettant ainsi pas à la présente juridiction d’apprécier sa bonne foi dans l’exécution des obligations contractuelles résultant du bail.

Sa demande de délais sera donc rejetée.

Sur les demandes annexes

Madame [T], partie perdante, subira les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de la SARL PLUMECO ;

REJETTE la demande de la SARL PLUMECO tendant à voir déclarée nulle la requête de Madame [M] [T] ;

DEBOUTE Madame [M] [T] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Madame [M] [T] aux dépens ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/01617
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;24.01617 ?
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