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18/04/2024 | FRANCE | N°22/00021

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 18 avril 2024, 22/00021


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT LE PRIX D’ACQUISITION APRÈS EXERCICE DU DROIT DE DÉLAISSEMENT

le JEUDI DIX HUIT AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 22/00021 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQZY
NUMERO MIN: 24/00038

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le d

partement de [Localité 8] les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’exp...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT LE PRIX D’ACQUISITION APRÈS EXERCICE DU DROIT DE DÉLAISSEMENT

le JEUDI DIX HUIT AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 22/00021 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQZY
NUMERO MIN: 24/00038

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de [Localité 8] les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 07 Mars 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

S.A.R.L. FINANCIERE CANSIER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE de la SELARL GUILLAUME ACHOU-LEPAGE, avocats au barreau de BORDEAUX

ET

Société INCITE [Localité 6] METROPOLE TERRITOIRE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Maître Isabelle CARTON DE GRAMMONT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

En présence de madame [Y] [I], Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :
FAITS ET PROCÉDURE

LA SARL FINANCIERE CANSIER est propriétaire d’un appartement et de quote-part de parties communes correspondant au lot de copropriété n°5 de l’immeuble sis [Adresse 3]. Il s’agit d’un appartement de type T3, d’une superficie de 45,88 m², sis sur une parcelle cadastrée [Cadastre 7].

Par arrêté du 18 décembre 2018, le préfet de [Localité 8] a déclaré d’utilité publique les travaux de restauration immobilière de 10 immeubles situés dans les secteurs « [Localité 11]/[Localité 9]/[Localité 13] » et « [Localité 11]/[Localité 12] » de [Localité 6], dont l’immeuble sis [Adresse 3].

La SARL FINANCIERE CANSIER a choisi de ne pas réaliser les travaux prescrits par la « DUP ORI » et de faire valoir son droit de délaissement auprès de la société IN CITE [Localité 6] METROPOLE TERRITOIRE (ci-après : « SEM IN CITE »). Elle a mis en demeure la SEM IN CITE d’acquérir son bien par lettre recommandée du 22 octobre 2020 reçue par la SEM le 14 décembre 2020, en application de l’article L. 230-1 du code de l’urbanisme.

A défaut d’accord amiable, la SARL FINANCIERE CANSIER a saisi le juge de l’expropriation de la Gironde le 8 avril 2022 afin qu’il fixe le prix d’acquisition du bien.

Suivant ordonnance du 15 mars 2023, le juge de l’expropriation a organisé le transport sur les lieux, qui s’est tenu le 12 mai 2023 en présence du représentant et du conseil de la SARL FINANCIERE CANSIER, des représentants et du conseil de la SEM IN CITE et du commissaire du gouvernement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par mémoire récapitulatif notifié et reçu au greffe le 22 janvier 2024, la SARL FINANCIERE CANSIER demande au juge de l’expropriation de prononcer le transfert de propriété du bien délaissé, de fixer le prix d’acquisition à la somme de 201 872 euros outre une indemnité de remploi de 21 187,20 euros et de condamner la SEM IN CITE aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’au regard des caractéristiques propres de l’appartement, des précédents jugements rendus par la présente juridiction et la chambre des expropriations de la cour d’appel de Bordeaux, des nombreuses transactions récentes intervenues dans le même zonage et dans un périmètre de 300 mètres autour du bien, il est justifié de retenir une valeur de 4 400 €/m², étant souligné qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement pour occupation, les loyers qui seront encaissés par l’expropriant pouvant compenser les sommes dues au locataire en cas d’éviction et qu’en tout état de cause l’abattement proposé de 20% est disproportionné.

Suivant mémoire récapitulatif notifié et déposé au greffe le 21 février 2024, la SEM IN CITE demande au juge de l’expropriation d’ordonner le transfert de propriété et de fixer à 65 538,22 euros le prix d’acquisition du bien outre 7 553,82 euros d’indemnité de remploi.

Elle fait valoir que la déclaration d’utilité publique de restauration immobilière impacte nécessairement la valeur du bien à acquérir, quelque soit la nature de l’acquisition en cause, de sorte qu’il y a lieu de tenir compte du coût des travaux de restauration immobilière, votés lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 4 janvier 2023 et qui a donné lieu à un tableau de répartition des frais établi par le syndic, moins les subventions prévisibles de l’ANAH, qu’il y a lieu d’appliquer un abattement pour occupation du bien afin de compenser le coût de l’éviction du locataire et que le taux de 20% est habituellement appliqué par les juridictions.

Aux termes de ses conclusions du 2 octobre 2023, le commissaire du gouvernement propose de retenir un prix au mètre carré de 2630 euros après déduction du coût des travaux et application d’un abattement de 20% pour occupation. Il propose de fixer le montant de l’indemnité principale à la somme de 120 664 euros et celui de l’indemnité de remploi à la somme de 13 066 euros.

MOTIVATION

Sur le transfert de propriété

Le mémoire de saisine du juge de l’expropriation déposé par la SARL FINANCIERE CANSIER se fonde sur les dispositions de l’article L. 230-3 du code de l’urbanisme. La SEM IN CITE oppose que le droit de délaissement en cause ne peut se fonder sur cette disposition mais sur les dispositions des articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Aux termes de l’article L. 230-1 du code de l’urbanisme : « Les droits de délaissement prévus par les articles L. 152-2 [propriétaire d’un terrain réservé par un PLU)], L. 311-2 [propriétaire d’un terrain compris dans une ZAC] ou L. 424-1 (propriétaire d’un terrain s’étant vu opposer un refus d’autorisation de construire ou d'utiliser le sol, après sursis à statuer], s'exercent dans les conditions prévues par le présent titre. »
L’article L. 230-3 du même code précise les modalités d’acquisition dans le cadre de l’exercice du droit de délaissement prévu par les hypothèses du code de l’urbanisme.
En l’espèce, le droit de délaissement est exercé à la suite d’une déclaration d’utilité publique relative à des travaux de restauration immobilière. Ce type de travaux ne s’inscrit pas dans les cas mentionnés à l’article L. 230-1 précité.
Toutefois, le droit de délaissement peut être exercé dans les conditions prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Le premier alinéa de l’article L. 241-1 de ce code prévoit que : « Lorsqu'un délai d'un an s'est écoulé à compter de la publication d'un acte portant déclaration d'utilité publique d'une opération, les propriétaires des biens à acquérir compris dans cette opération peuvent mettre en demeure l'expropriant au bénéfice duquel la déclaration d'utilité publique est intervenue de procéder à l'acquisition de leur bien dans un délai de deux ans à compter du jour de la demande. Ce délai peut être prorogé une fois pour une durée d'un an, sauf dans les cas où une décision de sursis à statuer a été opposée antérieurement à l'intéressé en application des dispositions de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. »
A défaut d’accord entre les parties, l’article L. 241-2 du même code donne compétence au juge de l’expropriation pour prononcer le transfert de propriété et fixer le prix du terrain « comme en matière d’expropriation ».
En l’espèce, le principe de l’exercice du droit de délaissement par la SARL FINANCIERE CANSIER n’est pas contesté, il a été réalisé conformément aux dispositions de l’article L. 241-1 précité.
Le transfert de propriété sera en conséquence ordonné au profit de la SEM IN CITE.
Il y a en conséquence lieu de fixer le prix d’acquisition du terrain.
Sur la consistance du bien objet du droit de délaissement
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique: “Le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.”
La consistance du bien englobe la consistance matérielle et juridique.
S’agissant d’une procédure de délaissement, la date à retenir est celle du présent jugement.
Le lot n°5 appartenant à la société FINANCIERE CANSIER est situé dans un immeuble en copropriété, au [Adresse 3]. L’ensemble de la copropriété comprend 5 corps de bâtiments distincts (bâtiments A à E). L’appartement est situé dans le bâtiment B.

L’immeuble est situé sur un axe transversal secondaire menant à la gare [Localité 10], à proximité de la place de la Victoire, dans un quartier en réhabilitation.

Les parties communes de l’immeuble sont très dégradées, avec présence d’une multitude de câbles apparents, les dalles au sol et les murs étant abîmés, décrépis. La façade est à ravaler.

L’appartement de 45,88 m² est au premier et dernier étage du bâtiment B, donnant côté rue, au-dessus d’un garage. Il comporte deux chambres et un séjour, outre un dégagement avec coin cuisine et une salle-de-bain avec WC. Il dispose de deux fenêtres PVC double vitrage avec volets roulants manuels. Une fenêtre est sans garde-corps. Le chauffage est électrique. Le sol présente une inclinaison sensible dans une chambre et la salle de bain. Il est en bon état d’entretien général.

L’appartement est donné en location meublée en vertu d’un bail du 15 avril 2020 pour un loyer mensuel de 570 euros.

Cette description résulte du procès-verbal de transport. Aucune modification de la consistance n’est alléguée.

Le bien considéré est situé dans le périmètre de la déclaration d’utilité publique autorisant des travaux de restauration immobilière des immeubles dégradés conduisant à un programme de travaux imposés aux propriétaires. Cet élément, qui fonde l’exercice même du droit de délaissement, affecte la consistance juridique du bien.

Sur la date de référence
La parcelle expropriée est incluse dans le périmètre du droit de préemption urbain.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date de référence définie par ce texte.
Par application des dispositions combinées des articles L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 213-4 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L. 213-6 du même code, la date de référence est celle à laquelle la dernière révision du PLU modifiant la zone dans laquelle est située le bien en cause a été rendue opposable aux tiers.

En l’espèce, la dernière modification du PLU affectant la zone concernée, en l’espèce la zone UP2, a été rendue opposable le 10 mars 2020 (9ème modification du PLU intervenue le 24 janvier 2020).

Il convient de retenir cette date de référence qui n’est pas discutée par IN CITE et par la SARL FINANCIERE CANSIER.

Sur l’indemnité principale avant éventuels abattements

A la date de référence, le bien était situé en zone UP2 du PLU de Bordeaux Métropole, qui est une zone d’intérêt patrimonial architectural et/ou paysager. Elle est soumise aux prescriptions du plan « ville de pierre d’intérêt patrimonial bâti ».

A la date de référence, le lot de copropriété n°5 était affecté à l’habitation, situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété comprenant 5 bâtiments et une cour commune.

Les parties s’accordent pour retenir la méthode par comparaison.

La SEM IN CITE fonde son offre sur 3 termes de comparaison.

Le premier terme est relatif à la cession d’un appartement type T2 survenue le 26 septembre 2018 d’une surface de 41,25 m² au prix en valeur libre de 3490,8 euros. L’appartement est situé dans une petite copropriété, plus calme que l’ensemble immobilier au sein duquel est situé le bien délaissé. Il est précisé que l’immeuble a une façade en pierre de taille.
Le deuxième terme de comparaison est relatif à une vente intervenue le 26 octobre 2017, d’un appartement de 45 m² type T2 au R+1 d’un immeuble en pierre de taille sis [Adresse 5]. L’appartement, non frappé d’une DUP ORI, s’est vendue au prix de 3111 euros le m² en valeur libre et se situe à proximité immédiate du bien délaissé.
Le dernier terme de comparaison est relatif à une mutation du 30 janvier 2018 d’une superficie de 30 m² sis [Adresse 4], à proximité immédiate. Il ne fait pas non plus l’objet d’une DUP ORI. Il a été cédé à 3141 euros le m² en valeur libre.

La SEM IN CITE soutient que si la moyenne des termes de comparaison en valeur libre est de 3248 euros par m² et que la médiane est de 3141 euros le m², il y a lieu de retenir une valeur moyenne de 2880 euros par m², compte tenu du fait que le bien est loué et que celui-ci est situé dans le périmètre de la DUP ORI.

Toutefois, il y a lieu de rappeler qu’il incombe au juge de fixer le prix d’acquisition à la date du jugement. Force est de constater que ces trois termes de comparaison qui remontent à 2017 et 2018 ne peuvent être retenus en raison de leur ancienneté.

Le commissaire du gouvernement cite 6 termes de comparaison. Tous sont relatifs à des cessions intervenues en 2021 et 2022 au sein d’immeubles anciens, dans un rayon de 300 mètres autour de l’immeuble sis [Adresse 3]. Les appartements sélectionnés sont d’une surface comparable. Il est souligné que la recherche a porté sur des appartements de type T2, car la surface du lot n°5 correspond à un T2, même si aménagé et loué comme un T3.

La moyenne des six termes de comparaison est de 4 739 euros le m² et la médiane est de 4802 euros le m². Si la SEM IN CITE entend écarter ces termes au motif que le descriptif de ces appartements ne permet pas de connaître l’état de l’immeuble tandis que le bien objet du droit de délaissement est soumis à une DUP ORI, cet argument ne saurait être recevable à ce stade dès lors que, ainsi que cela sera examiné plus loin, la SEM IN CITE demande à ce que le prix des travaux prescrits dans le cadre de cette DUP et votés par l’assemblée générale des copropriétaires soit déduit du prix d’acquisition. La circonstance que l’immeuble sis [Adresse 3] soit inclus dans le périmètre de l’ORI ne saurait être prise en considération à la fois dans la recherche de termes de comparaison et dans l’application d’un abattement pour travaux à réaliser impérativement en exécution de cette DUP particulière.

En conséquence, ces 6 termes de comparaison seront retenus, à hauteur de la moyenne, soit un prix au m² de 4 739 euros.

La SARL FINANCIERE CANSIER se fonde quant à elle sur deux arrêts de la cour d’appel de Bordeaux et 4 jugements rendus par le juge de l’expropriation de la Gironde fixant des indemnités d’expropriation pour des biens situés dans le même immeuble et à proximité.

Toutefois, ces termes de comparaison devront être écartés comme non pertinents dès lors que s’agissant des arrêts d’appel, ceux-ci concernent des appartements de superficie moindres (19,30 m² et 26,52 m²). En outre, ils font l’objet de pourvois en cassation. Il en va de même s’agissant des deux autres jugements produits, puisqu’ils concernent des appartements de 17 et 25 m². Leurs caractéristiques ne sont donc pas comparables.

En tout état de cause, les valeurs issues de ces décisions judiciaires ne sauraient être retenues comme termes de comparaison dès lors qu’il s’agit de moyennes fondées sur les éléments mis dans le débat devant le juge. La valeur finale retenue par le juge ne saurait davantage être retenue comme un terme de comparaison valable dès lors que des abattements ont été appliqués au vu de la situation particulière à juger.

En conséquence, il y a lieu de retenir un prix au mètre carré de 4 739 euros.

Sur la demande d’abattement au titre des travaux votés par l’assemblée générale des copropriétaires

En application des dispositions combinées des articles 14-1 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les sommes afférentes à des travaux n’entrant pas dans le budget prévisionnel voté annuellement sont exigibles selon les modalités votées par l’assemblée générale des copropriétaires.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 4 janvier 2023 que les copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] se sont prononcés sur 11 résolutions concernant les travaux de réhabilitation de l’immeuble.

S’agissant des modalités de financement (résolution 24), il est indiqué que « le syndic procédera aux appels de fonds selon les modalités suivantes : -dans le mois qui suit la perception des subventions ANAH, [Localité 6] Métropole et la commune de [Localité 6] à hauteur de 40% des travaux, -le solde sera en fonction de l’avancement des travaux suivi par l’architecte ».

A la date de l’audience, les parties ont indiqué qu’aucun appel de fonds n’avait été effectué par le syndic. Le démarrage des travaux est envisagé selon informations données par le conseil syndical au mois de mai 2024.

En conséquence, la SARL FINANCIERE CANSIER n’a pas eu à supporter ces frais. Ils seront à la charge du nouveau propriétaire, à savoir la SEM IN CITE. S’il est allégué que la SEM IN CITE, prescripteur des travaux, est à l’origine des devis votés par l’assemblée générale, dont il est sous-entendu qu’ils seraient soit sur évalués soit qu’ils ne donneront pas lieu à appel de fonds effectifs, il n’en demeure pas moins que ces travaux ont été votés en assemblée générale et que leur coût doit être inclus dans le prix d’acquisition.

Selon les pièces produites, le décompte prévisionnel établi par le syndic, prévoit à la charge de la SARL FINANCIERE CANSIER une somme globale de 107 348,11 euros au titre de la quote part de parties communes et une somme de 36 804,81 euros au titre de la partie privative du lot de copropriété.

Soit une somme totale de 144 152,97 euros.

A cette somme, la SEM IN CITE indique qu’il y a lieu de déduire une part prévisionnelle au titre des subventions versées dans ce type d’opération de restauration immobilière, dont il résulte de l’avenant n°3 de la Convention de financement de l’OPAH RU signée le 29 mars 2022 que ce taux prévisionnel est de 63%.

Ainsi, le reste à charge estimé au titre des travaux de réhabilitation pour lot n°5 est de 66 596,18 euros, qu’il y a lieu de déduire du prix d’acquisition.

Sur l’abattement pour occupation

Les termes de référence du commissaire du gouvernement, qui sont retenus comme pertinents, sont relatifs à des biens en valeur libre d’occupation.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le lot n°5 est donné en location selon bail meublé.

L’ampleur des travaux à réaliser dans le cadre de cette opération de réhabilitation immobilière d’un immeuble très dégradé conduira au relogement des locataires, à la charge de la SEM IN CITE.

S'il estime devoir pratiquer un abattement, le juge en fixe la proportion au niveau qu'il juge raisonnable, sans qu'il soit tenu par une prétendue jurisprudence qui lui imposerait un quantum déterminé.

En l’espèce, il est constant que la société IN CITE est une société d’économie mixte qui construit et gère un patrimoine de logements. Aussi, les démarches et les frais de relogement, quoiqu’ils existent, sont nécessairement moins contraignants et moins onéreux pour cette société que pour un autre expropriant.

Dès lors, il y a lieu d’appliquer un abattement, mais de le limiter à 10% sur le montant de l’indemnité pour occupation du bien.

Au total, le prix d’acquisition sera fixé à la somme suivante :

Prix au mètre carré : 4739 x 10% = 4 265,10 euros en valeur occupée
Soit pour un appartement de 45,88 m² : 195 682,8 euros
Déduction du coût des travaux :- 66 596,20 euros

TOTAL : 129 086,60 euros

Sur l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus.

Elle sera donc fixée en l’espèce à la somme suivante :
5 000 € x 20 % = 1 000 €
10 000 € x 15 % = 1 500 €
114 086,6 € x 10 % = 11 408, 66 €

soit la somme totale de 13 908,7 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, la société IN CITE supportera les dépens et paiera à la SARL CANSIER une somme qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Prononce le transfert de propriété au profit de la société d’économie mixte IN CITE [Localité 6] METROPOLE TERRITOIRES du lot de copropriété n°5 de l’immeuble en copropriété sis [Adresse 3], situé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 7], appartenant à la SARL FINANCIERE CANSIER, comprenant un appartement au premier étage du bâtiment B et les 848/10000ème des parties communes générales,

Fixe la date de référence au 10 mars 2020.

Fixe le prix d’acquisition de ce lot de copropriété (partie privative et quote-part de parties communes) à la somme de 129 086,60 euros,

Fixe l’indemnité de remploi à la somme de 13 908,7 euros,

Condamne la société d’économie mixte IN CITE [Localité 6] METROPOLE TERRITOIRES à payer à la SARL FINANCIERE CANSIER la somme totale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société d’économie mixte IN CITE [Localité 6] METROPOLE TERRITOIRES aux dépens.
La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le GreffierLe Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 22/00021
Date de la décision : 18/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-18;22.00021 ?
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