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18/04/2024 | FRANCE | N°22/00020

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 18 avril 2024, 22/00020


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Localité 10]

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT LE PRIX D’ACQUISITION APRÈS EXERCICE DU DROIT DE DÉLAISSEMENT

le JEUDI DIX HUIT AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 22/00020 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQZV
NUMERO MIN: 24/00037

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de [Localité 10], désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de [Localité 10] en date du 31 août 2023, pour

exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Localité 10]

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT LE PRIX D’ACQUISITION APRÈS EXERCICE DU DROIT DE DÉLAISSEMENT

le JEUDI DIX HUIT AVRIL DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 22/00020 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WQZV
NUMERO MIN: 24/00037

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de [Localité 10], désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de [Localité 10] en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 07 Mars 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

Monsieur [C] [S]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Madame [P] [S] épouse [X]
[Adresse 8]
[Localité 2]

Madame [M] [S]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Madame [H] [S]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentés par Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE de la SELARL GUILLAUME ACHOU-LEPAGE, avocats au barreau de [Localité 10]

ET

Société INCITE [Localité 10] METROPOLE TERRITOIRE
[Adresse 1]
[Localité 10]
représentée par Maître Isabelle CARTON DE GRAMMONT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de [Localité 10]

En présence de Madame [Z] [V], Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [C] [S] et madame [J] épouse [S] [E] sont propriétaires d’un appartement et d’une quote-part de partie commune correspondant au lot de copropriété n°3 de l’immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 10]. Il s’agit d’un appartement de type studio, d’une superficie de 23,61 m², sis sur une parcelle cadastrée DB n° [Cadastre 3].

Par arrêté du 18 décembre 2018, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique les travaux de restauration immobilière de 10 immeubles situés dans les secteurs « [Localité 13]/Marne/Yser » et « [Localité 13]/Sait-Eloi » de [Localité 10], comprenant l’immeuble en copropriété sis [Adresse 7]

Madame [S] est décédée le 10 septembre 2021.

Monsieur [C] [S] a choisi de ne pas réaliser les travaux prescrits par la « DUP ORI » »et de faire valoir son droit de délaissement auprès de la société IN CITE [Localité 10] METROPOLE TERRITOIRE (ci-après : « SEM IN CITE »). Il a mis en demeure la SEM IN CITE d’acquérir leur bien par lettre recommandée du 22 octobre 2020 reçue par la SEM le 14 décembre 2020, en application de l’article L. 230-1 du code de l’urbanisme.

A défaut d’accord amiable, monsieur [S] [C] a saisi le juge de l’expropriation de la Gironde le 8 avril 2022 afin qu’il fixe l’indemnité leur revenant en contrepartie de l’acquisition du bien.

Par conclusions du 23 mai 2022, la SEM IN CITE a soulevé l’irrecevabilité de la demande de monsieur [S] au motif que madame [S] étant décédée, il appartenait à monsieur [S] de justifier de sa pleine propriété et de sa capacité à agir seul alors que les époux ont des enfants communs et que le partage successoral n’est pas achevé. A titre subsidiaire, elle demandait de surseoir à statuer dans l’attente du règlement définitif du partage successoral et de l’éventuelle intervention volontaire des héritiers de madame [S].

Suivant ordonnance du 15 mars 2023, le juge de l’expropriation a organisé le transport sur les lieux, qui s’est tenu le 12 mai 2023 en présence de monsieur [S] et de son conseil, des représentants et du conseil de la SEM IN CITE et du commissaire du gouvernement.

Par conclusions du 22 janvier 2024, madame [P] [S], mademoiselle [M] [S] et mademoiselle [H] [S] sont intervenues volontairement à la procédure aux côtés de monsieur [C] [S] (ci-après : « les consorts [S] »).

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par mémoire récapitulatif notifié et reçu au greffe le 22 janvier 2024, les consorts [S] demandent au juge de l’expropriation de prononcer le transfert de propriété du bien délaissé, de fixer le prix d’acquisition à 106 245 euros outre une indemnité de remploi de 12 124,50 euros et de condamner la SEM IN CITE aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent qu’au regard des caractéristiques propres de l’appartement, des précédents jugements rendus par la présente juridiction et la chambre des expropriations de la cour d’appel de [Localité 10], des nombreuses transactions récentes intervenues dans le même zonage et dans un périmètre de 300 mètres autour du bien justifient de retenir une valeur de 4 500 €/m², étant souligné qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement pour occupation, les loyers qui seront encaissés par l’expropriant pouvant compenser les sommes dues au locataire en cas d’éviction et qu’en tout état de cause l’abattement proposé de 20% est disproportionné.

Suivant mémoire récapitulatif notifié et déposé au greffe le 21 février 2024, la SEM IN CITE demande au juge de l’expropriation d’ordonner le transfert de propriété, de fixer à 18 272,92 euros le prix du bien outre une indemnité de remploi de 2 827,92 euros.

Elle fait valoir que la déclaration d’utilité publique de restauration immobilière impacte nécessairement la valeur du bien à acquérir, quelque soit la nature de l’acquisition en cause, de sorte qu’il y a lieu de tenir compte du coût des travaux de restauration immobilière, votés lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 4 janvier 2023 et qui a donné lieu à un tableau de répartition des frais établi par le syndic, moins les subventions prévisibles de l’ANAH, qu’il y a lieu d’appliquer un abattement pour occupation du bien afin de compenser le coût de l’éviction du locataire et que le taux de 20% est habituellement appliqué par les juridictions.

Aux termes de ses conclusions du 2 octobre 2023, le commissaire du gouvernement propose de retenir un prix au m² de 2775 euros après déduction du coût des travaux et application d’un abattement de 20% pour occupation. Il propose de fixer l’indemnité principale à la somme de 65 518 euros et l’indemnité de remploi à la somme de 7552 euros.

MOTIVATION

Sur le transfert de propriété

Le mémoire de saisine du juge de l’expropriation déposé par monsieur [S] se fonde sur les dispositions de l’article L. 230-3 du code de l’urbanisme. La SEM IN CITE oppose que le droit de délaissement en cause ne peut se fonder sur cette disposition mais sur les dispositions des articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Aux termes de l’article L. 230-1 du code de l’urbanisme : « Les droits de délaissement prévus par les articles L. 152-2 [propriétaire d’un terrain réservé par un PLU)], L. 311-2 [propriétaire d’un terrain compris dans une ZAC] ou L. 424-1 (propriétaire d’un terrain s’étant vu opposer un refus d’autorisation de construire ou d'utiliser le sol, après sursis à statuer], s'exercent dans les conditions prévues par le présent titre. »
L’article L. 230-3 du même code précise les modalités d’acquisition dans le cadre de l’exercice du droit de délaissement prévu par les hypothèses du code de l’urbanisme.
En l’espèce, le droit de délaissement est exercé à la suite d’une déclaration d’utilité publique relative à des travaux de restauration immobilière. Ce type de travaux ne s’inscrit pas dans les cas mentionnés à l’article L. 230-1 précité.
Toutefois, le droit de délaissement peut être exercé dans les conditions prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Le premier alinéa de l’article L. 241-1 de ce code prévoit que : « Lorsqu'un délai d'un an s'est écoulé à compter de la publication d'un acte portant déclaration d'utilité publique d'une opération, les propriétaires des biens à acquérir compris dans cette opération peuvent mettre en demeure l'expropriant au bénéfice duquel la déclaration d'utilité publique est intervenue de procéder à l'acquisition de leur bien dans un délai de deux ans à compter du jour de la demande. Ce délai peut être prorogé une fois pour une durée d'un an, sauf dans les cas où une décision de sursis à statuer a été opposée antérieurement à l'intéressé en application des dispositions de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. »
A défaut d’accord entre les patries, l’article L. 241-2 du même code donne compétence au juge de l’expropriation pour prononcer le transfert de propriété et fixer le prix du terrain « comme en matière d’expropriation ».
En l’espèce, le principe de l’exercice du droit de délaissement par les consorts [S], confirmé par l’intervention volontaire des héritières de madame [S], n’est pas contesté, il a été réalisé conformément aux dispositions de l’article L. 241-1 précité.
Le transfert de propriété sera en conséquence ordonné au profit de la SEM IN CITE.
Il y a en conséquence lieu de fixer le prix d’acquisition du terrain.
Sur la consistance du bien objet du droit de délaissement
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique: “Le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.”
La consistance du bien englobe la consistance matérielle et juridique.
S’agissant d’une procédure de délaissement, la date à retenir est celle du présent jugement.
Le lot n°3 appartenant aux consorts [S] est situé dans un immeuble en copropriété, au [Adresse 6] à [Localité 10]. L’ensemble de la copropriété comprend 5 corps de bâtiments distincts (bâtiments A à E). L’appartement est situé dans le bâtiment B.

L’immeuble est situé sur un axe transversal secondaire menant à la gare [Localité 12], à proximité de la place de la Victoire, dans un quartier en réhabilitation.

Les parties communes de l’immeuble sont très dégradées, avec présence d’une multitude de câbles apparents, les dalles au sol et les murs étant abîmés, décrépis. La façade est à ravaler.

Le studio de 23,61 m² est au premier et dernier étage du bâtiment B, donnant côté cour. Il comporte une entrée, une pièce principale avec coin cuisine, salle de bains et wc. Le séjour comporte du parquet en lino, une fenêtre en double vitrage avec un carreau cassé. Les murs sont en pierre et lambris. Le chauffage est électrique.

Le studio est vétuste avec un état d’entretien moyen, très sombre.

Il est donné en location meublée en vertu d’un bail du 28 février 2016 pour un loyer mensuel de 440 euros.

Cette description résulte du procès-verbal de transport. Aucune modification de la consistance n’est alléguée.

Le bien considéré est situé dans le périmètre de la déclaration d’utilité publique autorisant des travaux de restauration immobilière des immeubles dégradés conduisant à un programme de travaux imposés aux propriétaires. Cet élément, qui fonde l’exercice même du droit de délaissement, affecte la consistance juridique du bien.
Sur la date de référence
La parcelle expropriée est incluse dans le périmètre du droit de préemption urbain.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date de référence définie par ce texte.
Par application des dispositions combinées des articles L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 213-4 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L. 213-6 du même code, la date de référence est celle à laquelle la dernière révision du PLU modifiant la zone dans laquelle est située le bien en cause a été rendue opposable aux tiers.

En l’espèce, la dernière modification du PLU affectant la zone concernée, en l’espèce la zone UP2, a été rendue opposable le 10 mars 2020 (9ème modification du PLU intervenue le 24 janvier 2020).

Il convient de retenir cette date de référence.

Sur l’indemnité principale avant éventuels abattements

A la date de référence, le bien était situé en zone UP2 du PLU de [Localité 10] Métropole, qui est une zone d’intérêt patrimonial architectural et/ou paysager. Elle est soumise aux prescriptions du plan « ville de pierre d’intérêt patrimonial bâti ».

A la date de référence, le lot de copropriété n°3 était affecté à l’habitation, situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété comprenant 5 bâtiments et une cour commune.

Les parties s’accordent pour retenir la méthode par comparaison.

La SEM IN CITE fonde son offre sur 5 termes de comparaison. Il y a lieu de rappeler qu’il incombe au juge de fixer le prix d’acquisition à la date du jugement.

Pour cette raison, le terme n°2 relatif à une cession intervenue le 6 août 2018 sera écarté pour être trop ancien.

Les autres termes concernent des locaux d’habitation de surface comparable, tous situés dans un immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 10], soit à proximité immédiate de la rue Lafontaine. Les prix au m² relevés sont, en valeur libre, les suivants : 2570 euros, 3298 euros, 2521 euros, 4291 euros.
Il convient toutefois de relever que le commissaire du gouvernement ne les a pas sélectionnés comme pertinents. Surtout, il s’agit de transactions négociées à l’amiable par IN CITE, et traduisent des prix bien en deçà de ceux sélectionnés par le commissaire du gouvernement ; Il y a lieu de les écarter.

Le commissaire du gouvernement cite 5 termes de comparaison mais n’en retient que 3 au regard de la différence de consistance de deux d’entre eux qui sont équipés d’une mezzanine.

Les trois termes retenus concernent des cessions intervenues entre 2021 et 2022 et concernent des appartements situés en rez-de-chaussée et 1er étage.

Si deux d’entre eux sont des appartements cédés loués, de sorte que le prix de cession indiqué n’est pas un prix en valeur libre mais en valeur occupée et devrait donc être inférieur aux valeurs sélectionnées par l’expropriant, tel n’est pas le cas, de sorte que les termes retenus par le commissaire du gouvernement apparaissent pertinents.

Ainsi, la moyenne issue des trois termes sélectionnés par le commissaire du gouvernement fait apparaître une valeur au mètre carré de 5197 euros et une médiane de 5297 euros. Cette moyenne sera retenue, l’état du lot de copropriété ne justifiant pas d’aller à la médiane.

Si la SEM IN CITE entend écarter ce terme au motif que le descriptif de cet appartement ne permet pas de connaître l’état de l’immeuble tandis que le bien objet du droit de délaissement est soumis à une DUP ORI, cet argument ne saurait être recevable à ce stade dès lors que, ainsi que cela sera examiné plus loin, la SEM IN CITE demande à ce que le prix des travaux prescrits dans le cadre de cette DUP et votés par l’assemblée générale des copropriétaires soit déduit du prix d’acquisition. La circonstance que l’immeuble sis [Adresse 11] soit inclus dans le périmètre de l’ORI ne saurait être prise en considération à la fois dans la recherche de termes de comparaison et dans l’application d’un abattement pour travaux à réaliser impérativement en exécution de cette DUP particulière.

Les consorts [S] se fondent quant à eux sur trois arrêts de la cour d’appel de [Localité 10] et 2 jugements rendus par le juge de l’expropriation de la Gironde fixant des indemnités d’expropriation pour des biens situés dans le même immeuble et à proximité.

Toutefois, les termes de comparaison résultant des arrêts de cour d’appel devront être écartés car les arrêts d’appel font l’objet de pourvois en cassation.

S’agissant du jugement du 9 décembre 2021, il y a lieu de retenir que celui-ci concerne un bien dont les caractéristiques sont comparables, d’une superficie également comparable. En valeur libre, le juge de l’expropriation a retenu un prix de 4333 euros le mètre carré.

S’agissant du jugement du 22 janvier 2022, il y a lieu de souligner que le juge a retenu, en valeur libre et avant d’appliquer les abattements idoines, une valeur de 4466 euros pour un bien d’une surface comparable, avec des caractéristiques comparables, bien qu’apparaissant en meilleur état, le juge mentionnant un logement lumineux, en bon état à l’exception de la salle de bain.

Néanmoins, ces valeurs ne sauraient être retenues comme termes de comparaison dès lors qu’il s’agit de moyennes fondées sur les éléments mis dans le débat devant le juge. La valeur finale retenue par le juge ne saurait davantage être retenue comme un terme de comparaison valable dès lors que des abattements ont été appliqués au vu de la situation particulière à juger.

Il en ressort, au vu des termes de comparaison pertinents retenus que le prix au mètre carré moyen en valeur libre est de 5197 euros ((5697+4590+5297)/3).

En conséquence, il y a lieu de retenir un prix au mètre carré de 5197 euros.

Sur la demande d’abattement au titre des travaux votés par l’assemblée générale des copropriétaires

En application des dispositions combinées des articles 14-1 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les sommes afférentes à des travaux n’entrant pas dans le budget prévisionnel voté annuellement sont exigibles selon les modalités votées par l’assemblée générale des copropriétaires.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 4 janvier 2023 que les copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 6] se sont prononcés sur 11 résolutions concernant les travaux de réhabilitation de l’immeuble.
S’agissant des modalités de financement (résolution 24), il est indiqué que « le syndic procédera aux appels de fonds selon les modalités suivantes : -dans le mois qui suit la perception des subventions ANAH, [Localité 10] Métropole et la commune de [Localité 10] à hauteur de 40% des travaux, -le solde sera en fonction de l’avancement des travaux suivi par l’architecte ».

A la date de l’audience, les parties ont indiqué qu’aucun appel de fonds n’avait été effectué par le syndic. Le démarrage des travaux est envisagé selon informations données par le conseil syndical au mois de mai 2024.

En conséquence, les consorts [S] n’ont pas eu à supporter ces frais. Ils seront à la charge du nouveau propriétaire, à savoir la SEM IN CITE. S’il est allégué que la SEM IN CITE, prescripteur des travaux, est à l’origine des devis votés par l’assemblée générale, dont il est sous-entendu qu’ils seraient soit sur évalués soit qu’ils ne donneront pas lieu à appel de fonds effectifs, il n’en demeure pas moins que ces travaux ont été votés en assemblée générale et que leur coût doit être inclus dans le prix d’acquisition.

Selon les pièces produites, le décompte prévisionnel établi par le syndic, prévoit à la charge des consorts [S] une somme globale de 54 730 euros au titre de la quote part de parties communes et une somme de 33480,39 euros au titre de la partie privative du lot de copropriété.

Soit une somme totale de 88 211,24 euros.

A cette somme, la SEM IN CITE indique qu’il y a lieu de déduire une part prévisionnelle au titre des subventions versées dans ce type d’opération de restauration immobilière, dont il résulte de l’avenant n°3 de la Convention de financement de l’OPAH RU signée le 29 mars 2022 que ce taux prévisionnel est de 63%.

Ainsi, le reste à charge estimé au titre des travaux de réhabilitation pour lot n°3 est de 40 752,08 euros.

Sur l’abattement pour occupation

Les termes de référence du commissaire du gouvernement, qui sont retenus comme pertinents, sont relatifs à des biens en valeur libre d’occupation.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le lot n°3 est donné en location selon bail meublé.

L’ampleur des travaux à réaliser dans le cadre de cette opération de réhabilitation immobilière d’un immeuble très dégradé conduira au relogement des locataires, à la charge de la SEM IN CITE.

S'il estime devoir pratiquer un abattement, le juge en fixe la proportion au niveau qu'il juge raisonnable, sans qu'il soit tenu par une prétendue jurisprudence qui lui imposerait un quantum déterminé.

En l’espèce, il est constant que la société IN CITE est une société d’économie mixte qui construit et gère un patrimoine de logements. Aussi, les démarches et les frais de relogement, quoiqu’ils existent, sont nécessairement moins contraignants et moins onéreux pour cette société que pour un autre expropriant.

Dès lors, il y a lieu d’appliquer un abattement, mais de le limiter à 10% sur le montant de l’indemnité pour occupation du bien.

Au total, le prix d’acquisition sera fixé à la somme suivante :

Prix au mètre carré : 5197 x 10% = 4677,30 euros en valeur occupée
Soit pour un appartement de 23,61 m² : 110 431,053 euros
Déduction du coût des travaux :- 40 752,1 euros

TOTAL : 69 678,95 euros

Sur l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi, prévue à l’article R. 322-5 du code de l’expropriation, destinée à compenser les frais de tous ordres exposés pour l’acquisition d’un bien comparable, est habituellement fixée à 20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 euros, à 15 % pour la fraction comprise entre 5 000 et 15 000 euros et à 10 % pour le surplus.

Elle sera donc fixée en l’espèce à la somme suivante :
5 000 € x 20 % = 1 000 €
10 000 € x 15 % = 1 500 €
54 678,95 € x 10 % = 5464,9 €

soit la somme totale de 7 967,9 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, la société IN CITE supportera les dépens et paiera aux consorts [S] une somme qu’il est équitable de fixer à 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Prononce le transfert de propriété au profit de la société d’économie mixte IN CITE [Localité 10] METROPOLE TERRITOIRES du lot de copropriété n°3 de l’immeuble en copropriété sis [Adresse 7] à [Localité 10] (bâtiment B), situé sur la parcelle cadastrée DB n°[Cadastre 3], appartenant à monsieur [C] [S], madame [P] [S], mademoiselle [M] [S] et mademoiselle [H] [S], comprenant un studio au premier étage du bâtiment B et les 432/10000ème des parties communes générales,

Fixe la date de référence au 10 mars 2020,

Fixe le prix d’acquisition de ce lot de copropriété (partie privative et quote-part de parties communes) à la somme de 69 678,95 euros,

Fixe l’indemnité de remploi à la somme de 7967,9 euros,

Condamne la société d’économie mixte IN CITE [Localité 10] METROPOLE TERRITOIRES à payer à la SARL FINANCIERE [S] la somme totale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société d’économie mixte IN CITE [Localité 10] METROPOLE TERRITOIRES aux dépens.

La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le GreffierLe Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 22/00020
Date de la décision : 18/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-18;22.00020 ?
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