CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mars 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 290 F-B
Pourvoi n° E 22-23.483
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 septembre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
Mme [H] [N], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 22-23.483 contre les arrêts rendus les 6 mai et 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2° / à la société ACM IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à Mme [Z] [E], domiciliée [Adresse 2],
4°/ à Mme [C] [W], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [N], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [E], de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Allianz IARD et ACM IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 6 mai 2021 et 16 décembre 2021),
par une ordonnance du 23 juin 2020, le juge des référés d'un tribunal judiciaire a condamné solidairement Mme [N], son assureur la société Allianz IARD (la société Allianz), Mme [W] et son assureur la société ACM IARD (la société ACM) à verser à Mme [E] diverses sommes à titre provisionnel, dans un litige portant sur la remise en état d'un ouvrage.
2. Les sociétés Allianz et ACM ont interjeté appel de cette ordonnance.
3. Par un arrêt du 6 mai 2021, une cour d'appel a infirmé l'ordonnance, retenu l'existence d'une contestation sérieuse sur la demande de provision et, sur le fondement de l'article 837 du code de procédure civile, ordonné le renvoi de l'affaire en formation collégiale afin qu'il soit statué sur le fond.
Recevabilité du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 6 mai 2021, contestée par la défense
4. Mme [E] soutient que la mesure de renvoi prévue par l'article 837 du code de procédure civile, s'analysant en une mesure d'administration judiciaire, n'est pas susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir et que le pourvoi formé par Mme [N] est irrecevable.
5. L'article 837 du code de procédure civile dispose qu'à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine du tribunal.
6. Selon l'article 481, alinéa 1er, du même code, le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche.
7. La Cour de cassation juge qu'en application des articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal (Ass. plén., 5 décembre 1997, pourvoi n° 95-17.858, publié).
8. Toutefois, en matière de procédure de référé, la Cour de cassation admet la recevabilité du pourvoi contre les décisions rendues en référé dès lors que le juge épuise sa saisine et qu'il ne reste saisi d'aucune demande distincte de la mesure d'instruction ou de la mesure provisoire qu'il ordonne (Ch. mixte, 7 mai 1982, pourvoi n° 79-12.006, publié).
9. En infirmant l'ordonnance de référé pour retenir l'existence de contestations sérieuses s'opposant à la demande de provision et en ordonnant le renvoi de l'affaire devant une autre formation afin qu'il soit statué sur le fond, la cour d'appel s'est dessaisie de la contestation qu'elle a tranchée et a mis fin à l'instance.
10. Le pourvoi est, dès lors, recevable.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Mme [N] fait grief à l'arrêt du 6 mai 2021 de renvoyer l'affaire à une audience de formation collégiale afin qu'il soit statué sur le fond, alors « que l'article 837 du code de procédure civile, qui permet au juge des référés du tribunal judiciaire, sous certaines conditions, de renvoyer l'affaire directement au juge du fond, est sans application devant la cour d'appel saisie d'un appel dirigé contre une ordonnance de référé ; que la cour d'appel qui, après avoir infirmé l'ordonnance de référé déférée ayant statué en l'état de contestations sérieuses, a ordonné le renvoi de l'affaire à une prochaine audience d'une formation collégiale pour qu'il soit statué sur le fond, violant, par fausse application, l'article 837 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
12. La société Allianz et la société ACM contestent la recevabilité du moyen aux motifs que celui-ci est nouveau et incompatible avec la position adoptée devant les juges du fond.
13. Cependant, le moyen, qui ne se prévaut d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et n'est pas incompatible avec l'argumentation développée par Mme [N] devant la cour d'appel.
14. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article 837, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
15. Aux termes de ce texte, à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine de la juridiction.
16. L'arrêt ordonne le renvoi de l'affaire à une audience tenue en formation collégiale afin qu'il soit statué sur le fond, sur le fondement de l'article 837 du code de procédure civile.
17. En statuant ainsi, alors que ces dispositions, qui prévoient que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peut renvoyer l'affaire au fond, selon les modalités qu'il fixe, ne sont pas applicables devant la cour d'appel statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance d'un juge des référés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
18. Mme [N] fait grief à l'arrêt du 16 décembre 2021 de la condamner à verser à Mme [E] diverses indemnités en réparation de ses préjudices, alors « que la cassation de l'arrêt rendu le 6 mai 2021 doit entraîner par voie de conséquence celle de l'arrêt rendu à sa suite. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :
19. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
20. La cassation, sur le premier moyen, de l'arrêt du 6 mai 2021, entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 16 décembre 2021, qui en est la suite.
Mise hors de cause
21. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause les sociétés Allianz IARD et ACM IARD.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt du 6 mai 2021, et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Condamne Mme [E], Mme [W], la société Allianz IARD et la société ACM IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [E], la société Allianz IARD et la société ACM IARD et condamne Mme [E], Mme [W] et la société ACM IARD à payer à Mme [N] la somme globale de 688,80 euros et à la société Cabinet Buk Lament-Robillot la somme globale de 2 300 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.