CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mars 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 293 F-B
Pourvoi n° K 22-21.602
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
M. [R] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-21.602 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Dassault systèmes, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Keonys, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Keonys, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2022) et les productions, M. [S] a relevé appel le 18 février 2020 d'un jugement d'un conseil de prud'hommes ayant accueilli partiellement ses demandes dirigées contre les sociétés Dassault systèmes et Keonys.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. [S] fait grief à l'arrêt de juger qu'au vu de sa déclaration d'appel du 18 février 2020, l'effet dévolutif n'avait pas opéré et, en conséquence, de dire que la cour d'appel n'était pas saisie de l'appel du jugement du 29 janvier 2020 du conseil de prud'hommes de Versailles, alors « que si lorsque la déclaration d'appel mentionne au titre de l'objet/portée de l'appel un « appel total », ne vise aucun chef de jugement critiqué et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'est intervenue dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la cour d'appel doit constater que la déclaration d'appel est dépourvue d'effet dévolutif et en déduire qu'elle n'est saisie d'aucune demande, en revanche, en l'espèce, la déclaration d'appel du 18 février 2020 ne mentionnait ni un appel « général » ou « total » mais précisait, au contraire, que l'appel était limité aux chefs de jugement expressément critiqués, traduisant sa volonté explicite de circonscrire les chefs du jugement dont il demandait l'infirmation à la cour d'appel, en énumérant les chefs dont il demandait la confirmation et en demandant a contrario, à la cour d'appel d'infirmer le jugement de première instance « pour le surplus », c'est-à-dire s'agissant des chefs du dispositif autres que ceux susvisés ; qu'en retenant pourtant que la déclaration d'appel était imprécise et n'emportait pas d'effet d'évolutif, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
3. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel
tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
4. Selon le second, la déclaration d'appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
5. Pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par M. [S], l'arrêt rappelle que la déclaration d'appel, sous la rubrique « objet et portée de l'appel », mentionne « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il est demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement », suivent les condamnations à paiement de la société et « l'infirmer pour le surplus et le réformant », suivent les demandes.
6. Il relève que la déclaration d'appel a distingué les chefs de la décision dont il sollicitait la confirmation, du « surplus » de la décision dont il demandait l'infirmation, sans autre précision, hormis l'énumération des chefs de demande réitérés en appel et retient que la demande d'infirmation du jugement pour le surplus ne satisfait pas à l'exigence de citer les chefs du jugement expressément critiqués.
7. En statuant ainsi, alors que l'acte d'appel précisant ainsi son objet, il s'en déduisait nécessairement l'énumération des chefs de jugement critiqués, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt
et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Dassault systèmes et la société Keonys aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Keonys et la condamne avec la société Dassault systèmes à payer à M. [S] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.