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26/03/2025 | FRANCE | N°22-20.944

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 26 mars 2025, 22-20.944


CIV. 1

CR12



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mars 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 207 F-D

Pourvoi n° V 22-20.944




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2025

1°/ M. [D] [F], domicilié [Adresse 2] (Serbi

e),

2°/ Mme [Z] [F], domiciliée [Adresse 3] ([Localité 7]),

3°/ Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 3] ([Localité 7]),

ont formé le pourvoi n° V 22-20.944 contre l'arrêt...

CIV. 1

CR12



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mars 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 207 F-D

Pourvoi n° V 22-20.944




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2025

1°/ M. [D] [F], domicilié [Adresse 2] (Serbie),

2°/ Mme [Z] [F], domiciliée [Adresse 3] ([Localité 7]),

3°/ Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 3] ([Localité 7]),

ont formé le pourvoi n° V 22-20.944 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Oakbridge Equites Limited LTD, dont le siège est [Adresse 1] (Canada),

2°/ à Mme [J] [F], domiciliée [Adresse 4] (Serbie),

3°/ à la société [6] Establishlment Investisments LTD, dont le siège est [Adresse 1] (Canada),

4°/ à Mme [Y] [F], domiciliée [Adresse 5] (Serbie),

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M et Mme [F], de Me Haas, avocat de Mme [K], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mmes [J] et [Y] [F] , après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juin 2022), [L] [F] et Mme [K] se sont mariés en 1977 sous le régime de la séparation de biens.

2. De leur union sont issus trois enfants, Mmes [Y] et [Z] [F] et M. [D] [F].

3. Avant leur séparation, en 2001, [L] [F] a consenti à son épouse diverses donations, dont celle de 20 000 parts de la société de droit canadien [6] Establishment Investments (la société [6]), propriétaire d'une villa située à [Localité 8] (la villa), ces parts ayant ensuite été transmises à la société de droit canadien Oakbridge Equities Limited (la société Oakbridge), dont l'ensemble des parts était détenu par Mme [K].

4. Le 17 octobre 2005, Mme [K] a fait donation à deux de ses enfants, M. [D] [F] et Mme [Z] [F], de la nue-propriété de 10 000 parts chacun de la société Oakbridge, qui détient l'ensemble des parts de la société [6].

5. Un jugement du 10 mars 2008 a prononcé le divorce des époux [F]-[K].

6. Un jugement du 14 septembre 2010, devenu irrévocable, a constaté la révocation des donations consenties par [L] [F] à Mme [K] pendant le mariage et a accueilli les demandes de restitution des biens donnés.

7. [L] [F], qui s'était remarié avec Mme [J] [X] (Mme [J] [F]), est décédé le 13 mars 2014.

8. Mme [J] [F] et Mme [Y] [F] ont assigné Mme [K], Mme [Z] [F] et M. [D] [F] en déchéance de leurs droits sur la villa, paiement d'une indemnité d'occupation et expulsion.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens soutenus par Mme [K], d'une part, et par M. [F] et Mme [Z] [F], d'autre part, rédigés en termes identiques, réunis, sur le deuxième moyen soutenu par M. [F] et Mme [Z] [F], pris en sa première branche, et sur le second moyen soutenu par M. [F] et Mme [Z] [F], pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable aux ayants droit de [L] [F] la donation qui leur a été consentie le 17 octobre 2005

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premiers moyens soutenus par Mme [K], d'une part, et par M. [F] et Mme [Z] [F], d'autre part, et sur le second moyen soutenu par M. [F] et Mme [Z] [F], pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable aux ayants droit de [L] [F] la donation qui leur a été consentie le 17 octobre 2005, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le deuxième moyen soutenu par M. [F] et Mme [Z] [F], pris en sa première branche, qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen soutenu par M. [F] et Mme [Z] [F], pris en ses deuxième et troisième branches réunies, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement de la condamnation de Mme [K] pour résistance abusive

Enoncé du moyen

10. M. [F] et Mme [Z] [F] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement de la condamnation prononcée contre Mme [K] pour résistance abusive, alors :

« 2°/ que Mme [Z] [F] faisait valoir, pour contester le jugement, que pour pouvoir se trouver dans une situation juridique pouvant être qualifiée de ‘résistance abusive', encore fa[llai]t-il qu'une décision de justice ait été rendue à son encontre lui intimant de restituer les biens donnés par sa mère", ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que M. [F] soutenait lui aussi qu'aucune décision judiciaire quelconque ne lui avait enjoint de restituer à Mmes [J] et [Y] [F] la nue-propriété des parts sociales que sa mère lui avait donnée, en sorte qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir résisté à une telle décision ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

12. Pour condamner in solidum Mme [Z] [F] au paiement de la condamnation prononcée contre Mme [K] pour résistance abusive à hauteur de la somme de 40 000 euros, et M. [F] à hauteur de la somme de 20 000 euros, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la donation que leur a consentie Mme [K] à l'insu de [L] [F] avait pour but de faire échec à tout retour de la villa dans le patrimoine de ce dernier, ce que M. [F] et Mme [Z] [F] avaient accepté en toute connaissance de cause, et que la détention, par eux, de la nue-propriété des parts de la société Oakbridge visant à mettre en échec les droits de leur père, frauduleuse dès l'origine, l'était restée, dans la mesure où ils n'avaient jamais renoncé à cette donation, malgré les dispositions du jugement du 14 septembre 2010 qui leur avait été signifié le 3 mars 2011, et malgré leur participation à la plupart des instances postérieures.

13. Il ajoute que Mme [K] a continué à exploiter la villa avec l'aide de Mme [Z] [F], même après la signification de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2015, et que cette exploitation est devenue frauduleuse après cette date, qu'en revanche, aucun élément ne vient démontrer l'exploitation de la villa par M. [F].

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [Z] [F] et de M. [F], qui faisaient l'un et l'autre valoir qu'aucune décision de justice exécutoire n'avait été rendue à leur encontre leur enjoignant de restituer les biens qui leur avaient été donnés par leur mère, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le troisième moyen soutenu par Mme [Z] [F], pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

15. Mme [Z] [F] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné, en tant que de besoin, son expulsion de la villa située à [Localité 8], dite « [6] », lui a ordonné de restituer les clés de cette villa et de communiquer tout code permettant d'y accéder, et autorisé tout huissier compétent à requérir le concours d'un serrurier et la force publique, alors « qu'en retenant que les parties n'établissaient pas que la villa [6]" doive intégrer l'actif successoral de [L] [F], la cour d'appel a abandonné les motifs du jugement selon lesquels l'expulsion de Mme [Z] [F] était justifiée par le fait que celle-ci priverait ses coindivisaires de toute possibilité d'accéder au bien ; qu'en confirmant le jugement d'expulsion sans nullement motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 455 du code procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

16. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

17. L'arrêt ordonne l'expulsion de Mme [Z] [F] de la villa située à [Localité 8], la restitution des clés de cette villa et la communication de tout code permettant d'y accéder, et autorise tout huissier compétent à requérir le concours d'un serrurier et de la force publique.

18. En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, pour rejeter les demandes tendant à déterminer si la villa devait intégrer l'actif successoral, que, sans production d'un titre de propriété, rien ne permettait de relier de manière certaine le bien situé à [Localité 8] à la succession de [L] [F] ni de déterminer le propriétaire actuel du bien immobilier, elle ne pouvait être réputée avoir adopté les motifs contraires du jugement selon lesquels l'expulsion était justifiée par le fait que la villa faisait partie de l'indivision successorale et que Mme [Z] [F] privait ses coindivisaires de toute possibilité d'accéder au bien, la cour d'appel, qui n'a donné aucun motif à sa décision sur ce chef, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen relevé d'office

Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

19. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

20. L'arrêt condamne in solidum Mme [K] et Mme [Z] [F] à payer à Mmes [J] et [Y] [F] une indemnité pour l'occupation et l'exploitation de la villa.

21. En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, pour rejeter les demandes tendant à déterminer si la villa devait intégrer l'actif successoral, que, sans production d'un titre de propriété, rien ne permettait de relier de manière certaine le bien situé à [Localité 8] à la succession de [L] [F] ni de déterminer le propriétaire actuel du bien immobilier, elle ne pouvait être réputée avoir adopté les motifs contraires du jugement selon lesquels le paiement d'une indemnité pour l'occupation et l'exploitation de la villa était justifié par le fait que celle-ci était retournée dans le patrimoine de [L] [F], que Mme [K] n'avait donc plus aucun droit sur ce bien mais persistait à s'y tenir et que l'occupation de ce bien par Mme [Z] [F] privait ses coindivisaires de toute possibilité d'y accéder, la cour d'appel, qui n'a donné aucun motif à sa décision sur ce chef, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

22. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt disant que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel et disant n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme [Z] [F] est condamnée, in solidum avec Mme [K], au paiement de sa condamnation pour résistance abusive à hauteur de 40 000 euros, dit que M. [F] est condamné, in solidum avec Mme [K], au paiement de cette condamnation à hauteur de 20 000 euros, ordonne, en tant que de besoin, l'expulsion de Mme [Z] [F] de la villa située à [Localité 8], ordonne de restituer les clefs de cette villa et de communiquer tout code permettant d'y accéder, autorise tout huissier compétent à requérir le concours d'un serrurier et de la force publique, et condamne Mme [K] et Mme [Z] [F] à payer à Mmes [J] et [Y] [F] une somme de 10 000 euros par mois à compter du 9 novembre 2010 jusqu'à la date de libération effective des lieux avec remise des clefs et des codes d'accès de la villa à l'exception des périodes comprises entre le 22 septembre 2011 et le 10 juillet 2013 et entre le 7 janvier 2015 et le 25 janvier 2016, l'arrêt rendu le 1er juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mmes [J] et [Y] [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [J] et [Y] [F] et les condamne à payer à Mme [K] la somme globale de 3 000 euros et à M. [F] et à Mme [Z] [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 22-20.944
Date de la décision : 26/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence 6D


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 26 mar. 2025, pourvoi n°22-20.944


Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.20.944
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