N° X 24-81.076 F-B
N° 00026
ODVS
14 JANVIER 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JANVIER 2025
La société [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 5 février 2024, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [Y], et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 28 novembre 2012, M. [B] [J] [U], qui faisait l'objet d'un prêt de main-d'oeuvre à la société [Y] (la société) pour travailler sur un chantier, a fait une chute entraînant une incapacité totale de travail de moins de trois mois.
3. Le tribunal correctionnel, saisi du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, a requalifié les faits en contravention de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de trois mois et a fait droit à l'exception de prescription de l'action publique.
4. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription soulevée et a déclaré la société [Y] coupable des faits de blessures involontaires par personne morale avec incapacité n'excédant pas trois mois par la violation manifestement délibéré d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail et l'a condamnée à une amende de 20 000 euros, alors « que ne constitue pas un acte d'instruction ou de poursuite susceptible d'interrompre la prescription le soit-transmis du procureur de la République, faute d'avoir été régulièrement transmis à son destinataire ; qu'en considérant que le soit-transmis « adressé » le 12 mai 2015 par le parquet de Créteil à l'inspection du travail devait être considéré comme ayant interrompu la prescription, quand il ne résultait pas de cette pièce, ni d'aucun autre élément du dossier que ce soit-transmis avait été régulièrement transmis à son destinataire, la cour d'appel a violé les articles 9-2 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter l'exception tirée de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que le soit-transmis adressé le 12 mai 2015 par le ministère public à l'inspection du travail, tendant à recueillir l'avis de cette administration sur la procédure, constitue un acte interruptif qui a fait courir un nouveau délai de six ans, expirant le 12 mai 2021, et que la citation délivrée le 8 décembre 2020 l'a été avant l'acquisition de la prescription.
8. En statuant ainsi, et dès lors que le moyen tiré de l'absence d'envoi dudit soit-transmis à son destinataire par le procureur de la République est nouveau et mélangé de fait, et partant irrecevable, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
9. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [Y] à une amende de 20 000 euros, alors « qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en prononçant une peine d'amende de 20.000 euros, sans s'expliquer sur les ressources et charges de la société [Y], au besoin en sollicitant et recueillant les informations nécessaires lors des débats, son représentant légal étant présent à l'audience, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 130-1, 132-1, 132-20, alinéa 2, et 132-24, alinéa 1er, du code pénal, ensemble les articles 485, 485-1, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 485-1 du code de procédure pénale :
11. Selon ce texte, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges.
12. Pour condamner la société à une peine de 20 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci a été immatriculée le 23 mars 1993, qu'elle a pour objet social les travaux de plomberie et toutes activités connexes et pour gérant M. [L] [Y].
13. Les juges indiquent qu'aucun élément n'est communiqué sur les résultats de la société.
14. Ils relèvent que son casier judiciaire ne porte mention d'aucune condamnation.
15. Ils considèrent que les faits sont graves, en ce qu'ils ont été commis dans le cadre du travail et concernent la sécurité des salariés.
16. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
17. En effet, si la prévenue, comparante en la personne de son représentant légal, n'a pas d'initiative exposé sa situation, ni produit de justificatifs de celle-ci, il appartenait à la juridiction de l'interroger sur cette situation, notamment ses ressources et charges, et de faire mention dans sa décision tant de cette interrogation que des réponses apportées.
18. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 5 février 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt-cinq.