CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 26 F-B+R
Pourvoi n° X 22-22.832
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-22.832 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [F] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [G], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 13 juillet 2022), Mme [G] (la cotisante), après avoir exercé en métropole, s'est installée, le 18 septembre 2018, à La Réunion, pour y exercer une activité d'avocat libéral.
2. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (la caisse) lui ayant
refusé le bénéfice de l'exonération des cotisations et contributions sociales
prévue par l'article L. 756-2 du code de la sécurité sociale, la cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure du 3 février 2020 et de lui ordonner de modifier les appels de cotisations émis depuis le 18 septembre 2018, alors « que selon l'article L. 756-2 du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions de sécurité sociale, à l'exception des cotisations prévues à l'article L. 635-1 et des cotisations et contributions recouvrées par les organismes mentionnés aux articles L. 642-1 et L. 652-1, ne sont pas dues pour une période de vingt-quatre mois à compter de la date de création de l'activité ; que cette exonération a pour but d'encourager la personne débutant une activité non salariée non agricole nouvelle dans un département d'outre-mer ; que la personne qui transfère dans un département d'outre-mer l'activité indépendante qu'elle exerçait déjà en métropole ne crée pas une activité au sens de cet article, c'est-à-dire distincte de son activité antérieure, mais change seulement le lieu d'exercice de son activité de sorte qu'elle ne peut bénéficier de l'exonération ; qu'en énonçant que selon ces dispositions législatives, la personne débutant une activité était celle qui entreprenait une activité nouvelle, non par rapport à elle-même, mais pour le département d'outre-mer, peu important son activité antérieure, identique ou non, en métropole, et que c'était la création de l'activité dans le département d'outre-mer qui devait être prise en considération, sans référence à une activité antérieure en métropole, puis en jugeant que la cotisante, qui avait exercé la profession d'avocat à Paris du 8 janvier 1997 au 17 septembre 2018 avant de transférer son activité à La Réunion à compter du 18 septembre 2018, avait droit au bénéfice de cette exonération pendant une période de vingt-quatre mois à compte de cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 756-2 et R. 131-3 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa version issue de l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 756-2 et R. 131-3 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018, le second, rendu applicable par l'article D. 756-4, III, du même code pour le bénéfice des exonérations de cotisations prévues au premier, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, applicables au litige :
5. Selon le premier de ces textes, les cotisations et contributions de sécurité sociale, à l'exception des cotisations prévues à l'article L. 635-1 et des cotisations et contributions recouvrées par les organismes mentionnés aux articles L. 642-1 et L. 652-1, ne sont pas dues pour une période de vingt-quatre mois à compter de la date de création de l'activité lorsque les revenus d'activité rapportés à l'année entière au titre de chacune des années civiles correspondant à cette période sont inférieurs à un seuil fixé à 110 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3.
6. Selon le second de ces textes, ne sont assimilés à un début d'activité ni la modification des conditions d'exercice de l'activité professionnelle, ni la reprise d'activité intervenue soit dans l'année au cours de laquelle est survenue la cessation d'activité, soit dans l'année suivante, ni le changement du lieu d'exercice de l'activité concernée.
7. Il résulte de ces textes que le bénéfice de l'exonération biennale des cotisations et contributions sociales est accordé à toute personne débutant dans un département d'outre-mer l'exercice d'une activité non salariée non agricole nouvelle qu'elle n'a pas déjà exercée auparavant dans un autre lieu.
8. Pour annuler la mise en demeure émise par la caisse à l'encontre de la cotisante, l'arrêt énonce que toute personne débutant une activité dans un département d'outre-mer, nonobstant son activité antérieure, identique ou non, en métropole, peut bénéficier de l'exonération biennale de cotisations prévue par l'article L. 756-2 du code de la sécurité sociale. Il en déduit, par motifs propres et adoptés, qu'ayant débuté une nouvelle activité libérale en installant son cabinet d'avocat à La Réunion à compter du 18 septembre 2018, la cotisante pouvait prétendre à l'exonération litigieuse du 18 septembre 2018 au 17 septembre 2020, peu important qu'elle fût précédemment avocate à Paris.
9. En statuant ainsi, en assimilant un changement de lieu d'exercice de l'activité à un début d'activité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et la condamne à payer à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.