LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 décembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 691 F-D
Pourvoi n° Y 23-23.780
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024
M. [J] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-23.780 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la société de Guise, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R] et de la société civile immobilière de Guise, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre 2023), le 4 juin 2007, M. [L] a vendu à la société civile immobilière de Guise (la SCI de Guise), dont le gérant est M. [R], un bien immobilier.
2. En l'absence de paiement du solde du prix, M. [L] a assigné, par acte du 29 juillet 2011, la SCI de Guise et M. [R] en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et paiement de dommages-intérêts.
3. Après péremption de cette instance, M. [L] a, le 19 mars 2021, assigné de nouveau la SCI de Guise et M. [R] aux mêmes fins.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, qui est irrecevable.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. M. [L] fait grief à l'arrêt de déclarer prescrites et, par suite, irrecevables ses demandes tendant à constater la résolution de la vente, à ordonner sous astreinte l'expulsion de la SCI de Guise et de M. [R] du bien vendu et à condamner ces derniers solidairement à lui verser une indemnité d'occupation, alors :
« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties et ne peut pas être modifié par le juge ; la demande de constatation de la résolution d'un contrat en application d'une clause résolutoire ne constitue pas une action en résolution judiciaire ; M. [L], invoquant sa qualité retrouvée de propriétaire du fait de l'acquisition de la clause résolutoire, qu'il convenait au préalable de « constater », demandait au juge d'« ordonner » l'expulsion de la SCI de Guise et de M. [R], occupants sans droit ni titre, de sorte qu'en jugeant, par motifs propres, que « M. [L] a assigné la SCI de Guise et M. [R] en résolution de la vente », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties et ne peut pas être modifié par le juge ; constitue une action en revendication l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, demande l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre ; M. [L], invoquant sa qualité retrouvée de propriétaire du fait de l'acquisition de la clause résolutoire, qu'il convenait au préalable de « constater », demandait au juge d'« ordonner » l'expulsion de la SCI de Guise et de M. [R], occupants sans droit ni titre, de sorte qu'en jugeant, par motifs adoptés, que les « autres demandes » de M. [L] étaient « accessoires à la résolution de la vente », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que l'action en expulsion d'un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication immobilière qui n'est pas susceptible de prescription ; en déclarant irrecevable comme prescrite l'action ¿ en revendication ¿ par laquelle M. [L], invoquant sa qualité retrouvée de propriétaire d'un immeuble du fait de la résolution de la vente par le jeu de la clause résolutoire de plein droit, qu'il convenait au préalable de « constater », demandait au juge d'« ordonner » l'expulsion de la SCI de Guise et de M. [R], occupants sans droit ni titre, la cour d'appel a violé les articles 544 et 2227 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Il est jugé que la résolution d'une vente pour défaut de paiement du prix par l'acquéreur tend à sanctionner une obligation de nature personnelle, de sorte qu'elle est soumise à la prescription de l'article 2224 du code civil (3e Civ., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-23.602, publié).
7. La cour d'appel, devant laquelle M. [L] sollicitait la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, a, sans modifier l'objet du litige, relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il agissait en résolution de la vente pour défaut de complet paiement du prix et que la demande d'expulsion d'un occupant sans droit ni titre, qui ne tendait pas à trancher une contestation sur la propriété mais à tirer les conséquences de la demande principale en résolution, si celle-ci était accueillie, en était l'accessoire.
8. Elle en a exactement déduit que l'action engagée par M. [L] était une action personnelle soumise au délai de prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
10. M. [L] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que la reconnaissance du droit du créancier peut résulter d'un acte effectué dans une autre procédure par le dirigeant de la personne morale qui plaide la prescription ; en refusant tout effet interruptif à des conclusions déposées dans un dossier connexe par M. [R], dirigeant de la personne morale acquéreur n'ayant pas payé le prix de vente dans la présente procédure, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;
3°/ que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs ; c'est seulement par exception que cette théorie est inapplicable dans le cas spécifique de l'établissement d'un acte par un notaire instrumentaire avec le concours d'un confrère ; qu'en jugeant de façon générale que « la théorie du mandat apparent ne peut s'appliquer dans la relation entre deux notaires », hors du cas de l'établissement d'un acte par un notaire instrumentaire avec le concours d'un confrère, la cour d'appel a violé l'article 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. En premier lieu, ayant relevé que les conclusions de M. [R] des 3 et 23 octobre 2012 avaient été établies en sa qualité de vendeur à M. [L] d'un appartement dont il était propriétaire à Versailles, la cour d'appel a pu en déduire que, la SCI de Guise n'étant pas l'auteur de ces conclusions, celles-ci ne valaient pas reconnaissance par cette dernière du droit de M. [L].
12. En second lieu, M. [L] s'étant prévalu de l'effet interruptif de prescription d'un courriel de la société notariale du 9 novembre 2009 pour une action engagée le 19 mars 2021, le grief de la troisième branche est inopérant pour critiquer un motif surabondant.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.