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26/09/2024 | FRANCE | N°32400517

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 septembre 2024, 32400517


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 septembre 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 517 FS-B


Pourvoi n° B 22-19.915








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________

___________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024


La commune d'[Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-19...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 septembre 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 517 FS-B

Pourvoi n° B 22-19.915

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 SEPTEMBRE 2024

La commune d'[Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-19.915 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, domicilié [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la commune d'[Localité 1], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune de [Localité 3], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 juin 2022), la commune de [Localité 3] est propriétaire d'une parcelle sur laquelle, sur autorisation de l'autorité administrative, elle a réalisé un captage des eaux des sources de la Monne et des travaux d'adduction vers son réseau communal.

2. Après l'échec de négociations engagées pour fixer amiablement le prix de l'eau distribuée à partir de ce captage à la commune d'[Localité 1], la commune de [Localité 3] lui a notifié plusieurs titres de recettes correspondant à la facturation de sa consommation au titre des années 2014 à 2017.

3. Soutenant qu'il s'agissait d'une eau publique et courante ne pouvant être détournée au préjudice de ses habitants, la commune d'[Localité 1] a assigné la commune de [Localité 3] en reconnaissance de son droit d'usage et annulation des titres exécutoires.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La commune d'[Localité 1] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger que les eaux des sources de la Monne constituent une eau de source publique et courante ne pouvant être détournée en application de l'article 643 du code civil, alors :

« 1°/ que si, dès la sortie du fonds où elles surgissent, les eaux de source forment un cours d'eau offrant le caractère d'eaux publiques et courantes, le propriétaire ne peut les détourner de leur cours naturel au préjudice des usagers inférieurs ; qu'en retenant, pour déclarer que cette interdiction ne s'imposait pas à la commune de [Localité 3], propriétaire de la parcelle où se situait la source de la Monne, que la situation prévue à l'article 643 du code civil n'était pas caractérisée de manière suffisamment nette et précise dès lors que la source de la rivière Monne était constituée de plusieurs zones sourceuses, la cour d'appel, qui a de fait, ajouté à la loi une condition impliquant que l'eau de source jaillisse d'un orifice unique et forme immédiatement un cours d'eau, qu'elle ne prévoyait pas, a violé l'article 643 du code civil ;

2°/ qu'en relevant d'office le moyen de droit selon lequel la commune d'[Localité 1] ne pourrait être qualifiée d'usager inférieur aux motifs que rien ne démontrerait qu'elle bénéficierait des eaux de la Monne sur son territoire, sans inviter préalablement les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 643 du code civil, si, dès la sortie du fonds où elles surgissent, les eaux de source forment un cours d'eau offrant le caractère d'eaux publiques et courantes, le propriétaire ne peut les détourner de leur cours naturel au préjudice des usagers inférieurs.

7. La cour d'appel a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que les photographies produites par les parties et l'expertise établie de manière non contradictoire, laquelle ne faisait état que de plusieurs écoulements d'eaux au niveau du cirque de la zone sourceuse, n'établissaient pas que, dès la sortie du fonds d'où jaillissent les eaux des sources de la Monne, se formait un cours d'eau présentant un niveau de débit et un lit lui conférant le caractère d'eaux publiques et courantes.

8. Par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués par la seconde branche, elle en a exactement déduit que les dispositions de l'article 643 du code civil n'étaient pas applicables.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

10. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile :

11. En application des deux premiers de ces textes, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de porter une appréciation sur la légalité d'un acte administratif. Aux termes du dernier, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre I du livre III du code de justice administrative et elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.

12. Pour écarter l'exception d'illégalité de la délibération du 28 septembre 2017, invoquée en raison de sa portée rétroactive pour contester la validité des titres de recettes en litige, l'arrêt retient que, par cette délibération, le conseil municipal de la commune de [Localité 3] a établi et validé à l'unanimité des votants le tarif appliqué aux consommations d'eau.

13. Il relève, en outre, que les facturations contestées remontent à l'année 2014, au cours de laquelle la commune d'[Localité 1] avait accepté la pose d'un compteur pour le calcul de sa consommation.

14. Après avoir rappelé l'échec de négociations engagées entre les deux communes pour la fixation d'un tarif, il en déduit que la rétroactivité de la facturation se justifie par la nécessité d'assurer la continuité du service dont la commune d'[Localité 1] avait bénéficié depuis l'installation du compteur.

15. En statuant ainsi, alors que la question de la légalité de la délibération du 28 septembre 2017, à raison de sa portée rétroactive, soulevait une difficulté sérieuse dont dépendait la solution du litige et impliquait de saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la commune d'[Localité 1] en annulation des titres de recette émis par le maire de [Localité 3] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la commune de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400517
Date de la décision : 26/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

EAUX - Article 643 du code civil - Domaine d'application - Détermination

PROCEDURE CIVILE - Sursis à statuer - Question préjudicielle - Conditions - Contestation sérieuse - Existence - Applications diverses SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Saisine de la juridiction administrative - Nécessité - Question préjudicielle - Cas - Contestation de la légalité d'une délibération municipale fixant le tarif de l'eau

Une cour d'appel, qui retient qu'il n'est pas établi que, dès la sortie du fonds d'où surgissent des eaux de source, se forme un cours d'eau présentant un niveau de débit et un lit lui conférant le caractère d'eaux publiques et courantes, en déduit exactement que les dispositions de l'article 643 du code civil ne sont pas applicables. Viole le principe de la séparation des pouvoirs résultant de la loi des 16 et 24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, ainsi que l'article 49 du code de procédure civile, la cour d'appel qui, saisie d'une contestation de la légalité d'une délibération municipale fixant le tarif de l'eau sur la base duquel les titres de recettes dont le paiement était réclamé avaient été établis, à raison de sa portée rétroactive, écarte cette contestation alors que, présentant une difficulté sérieuse dont dépendait la solution du litige, celle-ci impliquait de saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle


Références :

Article 643 du code civil

loi des 16 et 24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

article 49 du code de procédure civile.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 14 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 26 sep. 2024, pourvoi n°32400517


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Melka-Prigent-Drusch

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400517
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