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21/03/2024 | FRANCE | N°22400259

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 mars 2024, 22400259


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 21 mars 2024








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 259 F-B


Pourvoi n° Q 22-13.533








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_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024


Mme [P] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-13.533 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re c...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 mars 2024

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 259 F-B

Pourvoi n° Q 22-13.533

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024

Mme [P] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-13.533 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à Pôle emploi, direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits de l'Assedic des Alpes-Provence, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [T], de la SCP Boullez, avocat de Pôle emploi, direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits de l'Assedic des Alpes-Provence, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 décembre 2020), Mme [T] (l'allocataire), se déclarant privée d'emploi, a sollicité sa prise en charge au titre de l'assurance chômage auprès de Pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur (Pôle emploi).

2. Pôle emploi ne lui ayant versé aucune allocation malgré l'envoi le 17 février 2012 d'un avis de prise en charge au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, l'allocataire a saisi un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir le paiement d'allocations chômage à compter d'avril 2012.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le troisième moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le premier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pour le second, est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'allocataire fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors « que la sanction du demandeur d'emploi pour fausse déclaration, dont la suppression de manière temporaire ou définitive du revenu de remplacement, suppose une décision du préfet (avant le 1er janvier 2019) ou du directeur de Pôle emploi (depuis le 1er janvier 2019), prise à l'issue d'une procédure contradictoire spécifique ; qu'il s'ensuit que, confronté à une absence de service de ce revenu par Pôle emploi sans engagement préalable de cette procédure ni prononcé ou simple annonce d'une sanction, le juge saisi par le demandeur d'emploi d'une demande en paiement ne peut lui-même directement décider, sur proposition de Pôle emploi, de la suppression du droit aux allocations pour fausse déclaration et doit faire droit à la demande en paiement qui lui est soumise, à charge pour Pôle emploi de recourir à la procédure de sanction idoine et d'obtenir le cas échéant, après prononcé d'une éventuelle sanction, la restitution de l'indu ; qu'en l'espèce, Pôle emploi, après l'avoir informée de son admission au bénéfice de l'allocation d'aide de retour à l'emploi (ARE) d'un montant journalier de 107,43 euros, calculé sur un salaire journalier brut moyen de 211,39 euros et ce à compter du 1er avril 2012, n'a pas servi les allocations ainsi annoncées, et ce sans exposer les raisons l'incitant à une telle inertie ni recourir à la moindre procédure de sanction laquelle, en raison de la date des faits, impliquait l'intervention du préfet et le respect de la procédure contradictoire réglementaire alors en vigueur ; qu'en faisant elle-même directement application du dispositif de sanction prévu à l'article L. 5426-2 du code du travail, en lieu et place de Pôle emploi qui n'avait pas même informé l'allocataire qu'il refusait de lui servir les allocations pour cause de fausse déclaration, la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a violé les articles L. 5426-2, R. 5412-1, R. 5426-3 et R. 5426-6 et suivants du code du travail, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 25 du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, le paiement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi cesse notamment à la date à laquelle une déclaration inexacte ou une attestation mensongère ayant eu pour effet d'entraîner le versement d'allocations intégralement indues est détectée.

6. Ce texte confère aux institutions gestionnaires du régime d'assurance-chômage un pouvoir propre de faire cesser le paiement de l'allocation d'assurance en cas d'extinction ou d'absence du droit à l'allocation.

7. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'allocataire a établi, lors de la demande d'allocation, une déclaration ne mentionnant pas l'exercice de mandats sociaux pourtant incompatibles avec l'obligation de recherche d'emploi et que Pôle emploi n'a détecté, qu'après l'envoi de l'avis de prise en charge, le caractère inexact de cette déclaration qui aurait eu pour effet d'entraîner le versement d'allocations intégralement indues, la cour d'appel a exactement décidé, sans excéder ses pouvoirs, que Pôle emploi, qui a été placé dans l'impossibilité de vérifier la situation exacte de l'allocataire, était fondé à ne pas mettre en paiement ces allocations.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. L'allocataire fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'une simple omission ou une abstention ne constitue pas une fausse déclaration s'il n'est pas établi que le demandeur d'emploi a délibérément donné des informations inexactes dans le but d'être ou de demeurer inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi ; que l'exercice par l'allocataire de mandats sociaux non rémunérés ne caractérisant pas une activité professionnelle, cette dernière avait répondu par la négative à la question de la demande d'allocation remplie le 31 janvier 2012 et ainsi rédigée : « exercez-vous une activité professionnelle (salariée ou non) ? » ; qu'il ne résultait pas davantage de l'exercice de ces mandats qu'elle ait eu nécessairement conscience d'être inscrite au registre du commerce et des sociétés (RCS), raison pour laquelle elle avait répondu « non » à la question posée à cet égard ; qu'elle n'avait plus la qualité de présidente de la société Bobinage maintenance service depuis le 27 décembre 2011, ce qui s'évinçait des propres conclusions de Pôle emploi, de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer ce mandat le 31 janvier 2012 ; qu'elle n'avait en outre rien pu dissimuler s'agissant de la contrepartie au titre de la clause de non-concurrence dès lors qu'aucune question ne lui avait été posée à ce titre et qu'en tout état de cause, elle soutenait sans être contredite qu'elle n'avait jamais perçu l'indemnisation prévue ; qu'elle n'avait enfin commis aucun mensonge en disant travailler depuis 1993, le certificat de travail produit ayant bien fait la distinction entre le mandat social et le contrat de travail sur la totalité de la période concernée ; qu'en considérant cependant qu'en répondant par la négative aux questions précitées, en s'abstenant de faire état de l'indemnité de non-concurrence et en déclarant une telle ancienneté, elle s'était rendue coupable d'une fausse déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 5421-2 et L. 5426-2 du code du travail ;

2°/ que la fausse déclaration pour obtenir des allocations chômage n'est caractérisée que si celles-ci ne sont pas dues ; qu'en se bornant à déduire une prétendue fausse déclaration des réponses négatives apportées par l'allocataire aux questions posées, du défaut d'évocation de la contrepartie de la clause de non-concurrence et de l'annonce d'une ancienneté remontant à 1993, motifs impropres à caractériser à eux seuls que les allocations chômage n'étaient pas dues, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 5421-2 et L. 5426-2 du code du travail ;

3°/ que l'activité bénévole compatible avec la recherche effective et permanente d'un emploi n'est pas réductible au bénévolat entendu comme l'engagement dans une action au service d'un tiers ou de la communauté ; qu'il s'ensuit que la gérance d'une société peut constituer une activité bénévole si elle n'est pas rémunérée ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont considéré que l'activité bénévole ne se définit pas seulement par l'absence de rémunération ou de contrepartie financière et doit, en outre, être désintéressée dans son intention et son résultat de sorte que ne peut constituer une telle activité la gérance exercée dans le cadre d'une société à caractère familial dès lors qu'elle profite à cette seule société et non à autrui ou à la collectivité ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles L. 5421-2, L. 5425-8 et L. 5426-2 du code du travail ;

4°/ qu'en s'abstenant de caractériser en quoi les mandats sociaux exercés l'auraient conduit à manquer, du fait de son indisponibilité, à l'obligation de rechercher de manière effective et permanente un emploi, seule circonstance de nature à justifier une sanction, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure le droit aux prestations de l'allocataire, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5421-2 et L. 5426-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

10. Selon les articles L. 5421-1 et L. 5421-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement.

11. L'arrêt relève que l'allocataire n'a pas déclaré, lors de sa demande de revenu de remplacement, ses activités de directrice générale et de présidente de deux sociétés ainsi que celle de co-gérante d'une Earl, exercée depuis le 17 février 2012.

12. Il énonce, par motifs propres et adoptés, que cette activité de gérante et de mandataire sociale de diverses sociétés ne recouvre pas une situation de bénévolat dès lors, qu'exercée dans le cadre de sociétés à caractère familial, elle lui est profitable, peu important qu'aucune rémunération ne lui ait été servie, et précise que la première société est une holding familiale à vocation financière qui détient 15 % des parts de la seconde société, laquelle a procédé au licenciement de l'allocataire.

13. En l'état de ces énonciations et constatations, faisant ressortir que les activités exercées par l'allocataire étaient incompatibles avec l'obligation de recherche d'emploi, de telle sorte que celle-ci ne pouvait prétendre au bénéfice de l'allocation d'assurance chômage, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et la condamne à payer à Pôle emploi, direction régionale Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits de l'Assedic des Alpes-Provence, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre et signé par Océane Gratian, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400259
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

EMPLOI - Travailleurs privés d'emploi - Garantie de ressources - Allocation d'assurance - Service de l'allocation - Interruption - Mise en oeuvre - Pouvoir - Titulaire - Détermination

EMPLOI - Travailleurs privés d'emploi - Garantie de ressources - Allocation d'assurance - Bénéfice - Conditions - Détermination - Portée

L'article 25 du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage confère aux institutions gestionnaires du régime d'assurance-chômage un pouvoir propre de faire cesser le paiement de l'allocation d'assurance en cas d'extinction ou d'absence du droit à celle-ci. Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui, après avoir relevé que l'allocataire a établi, lors de la demande d'allocation, une déclaration ne mentionnant pas l'exercice de mandats sociaux pourtant incompatibles avec l'obligation de recherche d'emploi, décide que Pôle emploi, qui n'avait pu détecter le caractère inexact de la déclaration qu'après l'envoi de l'avis de prise en charge, était fondé à ne pas mettre en paiement l'allocation


Références :

Article 25 du règlement annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Nimes, 17 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 mar. 2024, pourvoi n°22400259


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400259
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