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13/04/2022 | FRANCE | N°21-13257

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 avril 2022, 21-13257


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 329 F-D

Pourvoi n° U 21-13.257

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

1°/ M. [V] [I],

2°/ Mme [M] [U] épouse [I],



tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° U 21-13.257 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Nîmes (2e cham...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 329 F-D

Pourvoi n° U 21-13.257

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

1°/ M. [V] [I],

2°/ Mme [M] [U] épouse [I],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° U 21-13.257 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre-section A), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [C] [E],

2°/ à Mme [K] [E],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 janvier 2021), propriétaires d'une parcelle cadastrée AN n° [Cadastre 1], M. et Mme [I] ont assigné M. et Mme [E], propriétaires de la parcelle voisine AN n° [Cadastre 2] surplombant la leur, en remise en état du mur séparant les deux fonds, qui s'est effondré, en rétablissement de l'écoulement naturel des eaux de pluie et en enlèvement de gravats et débris de chantier.

2. M. et Mme [E] ont reconventionnellement demandé l'élagage d'arbres dont des branches empiètent, selon eux, sur leur fonds.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « qu'ils ont invoqué les dispositions du recueil officiel des usages locaux du département du Gard adopté par la chambre d'agriculture du Gard les 21 et 22 novembre 1962 et approuvé par le conseil général du Gard le 4 décembre 1963, concernant la « séparation de deux propriétés de niveaux différents », suivant lesquelles « d'une façon générale, dans tout le département, le mur séparant deux propriétés de niveaux différents est présumé, sauf titre contraire, appartenir au terrain le plus élevé qu'il soutient. C'est le propriétaire du fonds supérieur qui en doit l'entretien jusqu'au niveau de son fonds, quant à la portion du mur dépassant ce niveau, elle est soumise au droit commun, en particulier, le propriétaire inférieur peut en obtenir la mitoyenneté, auquel cas il est tenu de l'entretien pour moitié, mais seulement de cette portion supérieure » ; qu'en se fondant, pour décider que le mur litigieux était mitoyen, sur la présomption de mitoyenneté de l'article 653 du code civil, les dispositions du recueil des usages locaux prévoyant que les clapas de garrigues constitués de pierres sèches étaient mitoyens et l'existence de traces de séparation au milieu du clapas, tout en constatant la fonction de soutènement du mur et sans s'expliquer sur les usages relatifs à la séparation de deux propriétés de niveaux différents, invoqués par les époux [I], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

5. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [I], l'arrêt retient que, selon l'article 653 du code civil, tout mur servant de séparation entre enclos est présumé mitoyen, que le recueil officiel des usages locaux du département du Gard dans lequel se situent les deux propriétés prévoit que les clapas de garrigues constitués de pierres sèches sont mitoyens, de sorte que le mur litigieux doit être considéré comme mitoyen, peu important à cet égard qu'il ait une fonction de soutien des terres des consorts [E].

6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme [I] qui soutenaient que, selon les usages locaux, le mur séparant deux propriétés de niveaux différents est présumé appartenir au propriétaire du terrain le plus élevé qu'il soutient, de sorte que le propriétaire du fonds supérieur doit en assurer l'entretien jusqu'au niveau de son fonds, la portion dépassant ce niveau étant soumise au droit commun, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. M. et Mme [I] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'ils ont fait valoir que le terrain des époux [E] avait fait l'objet d'un apport massif de terre générant une poussée à laquelle il n'avait pu résister, que des aménagements non autorisés y avaient été faits, et avaient fragilisé le mur de soutènement aux passages des engins et camions, que les photographies produites démontraient des amoncellements de tout-venant bétonné provenant certainement des travaux d'enrochement de leur fonds plus au nord, et invoqué une reprise et un nivellement du sol et des enrochements non drainants sur leur fonds, en invoquant la présence dans les éboulis de blocs de parpaings, ciment, provenant du fonds [E] ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité des époux [E], que les constructions dénoncées ne pouvaient avoir d'impact sur les éboulements car elles se situaient en aval, sans s'expliquer sur les conséquences des travaux, apports de terre et circulation d'engins, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [I], l'arrêt retient que, s'il est reproché aux consorts [E] d'avoir aggravé la pression hydrostatique sur le mur en procédant à des enrochements sur leur terrain, il n'est pas démontré que les travaux réalisés aient eu pour effet de fragiliser le mur séparatif par une concentration du ruissellement des eaux de pluies à l'endroit des effondrements, les constructions litigieuses se situant en aval des éboulements.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme [I] qui soutenaient que les travaux de nivellement du terrain de M. et Mme [E] par un apport de terre, étaient à l'origine d'un accroissement de la poussée exercée sur le mur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. et Mme [I] à élaguer les arbres dont les branches empiètent sur le fonds de M. et Mme [E], l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [E] et les condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [I]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Les époux [I] reprochent à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes, le mur litigieux étant un mur mitoyen ;

1°) ALORS QUE les époux [I] ont invoqué les dispositions du recueil officiel des usages locaux du département du Gard adopté par la chambre d'agriculture du Gard les 21 et 22 novembre 1962 et approuvé par le conseil général du Gard le 4 décembre 1963 (pièce communiquée sous le n° 8 devant la cour d'appel), concernant la « séparation de deux propriétés de niveaux différents », suivant lesquelles « d'une façon générale, dans tout le département, le mur séparant deux propriétés de niveaux différents est présumé, sauf titre contraire, appartenir au terrain le plus élevé qu'il soutient. C'est le propriétaire du fonds supérieur qui en doit l'entretien jusqu'au niveau de son fonds, quant à la portion du mur dépassant ce niveau, elle est soumise au droit commun, en particulier, le propriétaire inférieur peut en obtenir la mitoyenneté, auquel cas il est tenu de l'entretien pour moitié, mais seulement de cette portion supérieure » ; qu'en se fondant, pour décider que le mur litigieux était mitoyen, sur la présomption de mitoyenneté de l'article 653 du code civil, les dispositions du recueil des usages locaux prévoyant que les clapas de garrigues constitués de pierres sèches étaient mitoyens et l'existence de traces de séparation au milieu du clapas, tout en constatant la fonction de soutènement du mur et sans s'expliquer sur les usages relatifs à la séparation de deux propriétés de niveaux différents, invoqués par les époux [I], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les époux [I] ont exposé que le mur affecté par les effondrements était un mur en pierres sèches d'une épaisseur variant entre 50 centimètres et plus d'un mètre et d'une hauteur variant entre 2 et 5 mètres qui formait le soutènement du fonds des consorts [E] (conclusions, p. 2 et 3), que le grillage de M. [E] était posé à quelques centimètres au ras du clapier côté [I] et que le mur litigieux avait d'autant plus une fonction de soutènement que le terrain [E] avait fait l'objet d'un apport massif de terre générant une poussée (conclusions, p. 6) ; qu'en retenant que le mur litigieux était mitoyen, en relevant l'existence de traces de séparation relevées par le géomètre expert, sans s'expliquer sur la largeur variable du mur, la position du grillage et l'apport de terres, invoqués par les époux [I], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Les époux [I] reprochent à l'arrêt attaqué de les AVOIR débouté de leurs demandes, tendant à voir condamner M. [C] [E] et Mme [K] [E] à rétablir le flux naturel de leurs eaux pluviales sur leur fonds d'Ouest en Est, et à remettre en état antérieur le mur de clapas effondré et le débarrasser de tous gravats et débris de chantier ;

1°) ALORS QUE les époux [I] ont fait valoir que l'expertise amiable avait clairement indiqué que l'effondrement était la conséquence du mode de construction inadapté ainsi que de son vieillissement et de l'accumulation de poussée hydrostatique à l'arrière du mur, en d'autres termes la poussée des eaux pluviales consécutives à la modification du fonds susvisés, que le fait que les enrochements effectués par les époux [E] soient placés une dizaine de mètres en aval des deux éboulements constatés ne signifiait pas qu'ils n'en étaient pas la conséquence, mais au contraire, permettaient de les identifier comme la cause de la poussée ayant permis l'effondrement (conclusions, p. 4 et 5), et qu'après une reprise et un nivellement du sol et des enrochements non drainants sur leur fonds, les époux [E] avaient détourné l'écoulement naturel des eaux sur le fonds [I], générant de ce fait une poussée drainante génératrice d'un flux trop abondant ayant entraîné l'effondrement du mur litigieux ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité des époux [E], que les constructions dénoncées ne pouvaient avoir d'impact sur les éboulements car elles se situaient en aval, sans s'expliquer sur la pression hydrostatique consécutive à l'emplacement des enrochements en aval, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les époux [I] ont fait valoir que le terrain des époux [E] avait fait l'objet d'un apport massif de terre générant une poussée à laquelle il n'avait pu résister, que des aménagements non autorisés y avaient été faits, et avaient fragilisé le mur de soutènement aux passages des engins et camions (conclusions, p. 6), que les photographies produites démontraient des amoncèlements de tout-venant bétonné provenant certainement des travaux d'enrochement de leur fonds plus au nord, et invoqué une reprise et un nivellement du sol et des enrochements non drainants sur leur fonds (conclusions, p. 7), en invoquant la présence dans les éboulis de blocs de parpaings, ciment, provenant du fonds [E] (conclusions, p. 5) ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité des époux [E], que les constructions dénoncées ne pouvaient avoir d'impact sur les éboulements car elles se situaient en aval, sans s'expliquer sur les conséquences des travaux, apports de terre et circulation d'engins, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Les époux [I] reprochent à l'arrêt attaqué de les AVOIR débouté de leurs demandes tendant à voir condamner M. [C] [E] et Mme [K] [E] à remettre en état antérieur le mur de clapas effondré et le débarrasser de tous gravats et débris de chantier,

1°) ALORS QUE la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun ; qu'en se fondant, pour rejeter purement et simplement les demandes de remise en état formées par les époux [I], sur le caractère mitoyen du mur, l'absence de modification de l'état initial par les époux [E] et l'absence de toute faute imputable à ces derniers dans la survenance de l'éboulement, la cour d'appel a violé l'article 655 du code civil ;

2°) ALORS QUE les époux [I] ont fait valoir que dans les éboulis du clapas se trouvaient des blocs de parpaings, ciment, provenant du fonds [E] (conclusions, p. 5) et que les photographies produites démontraient des amoncèlements de tout-venant bétonné provenant certainement des travaux d'enrochement de leur fonds plus au nord (p. 7) ; qu'en rejetant la demande des époux [I] tendant à la condamnation des époux [E] à débarrasser le mur de tous gravats et débris de chantier, sans s'expliquer sur leur présence dans les éboulis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-13257
Date de la décision : 13/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 14 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 avr. 2022, pourvoi n°21-13257


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.13257
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