La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2022 | FRANCE | N°20-17028

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 mars 2022, 20-17028


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 250 F-D

Pourvoi n° X 20-17.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022

1°/ M. [B] [Z], domicilié [Adresse 1],

2°/ la société [B]

[Z]- [O] [M] et [R] [Z], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° X 20-17.028 contre l'arrêt rendu le 19 ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 250 F-D

Pourvoi n° X 20-17.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022

1°/ M. [B] [Z], domicilié [Adresse 1],

2°/ la société [B] [Z]- [O] [M] et [R] [Z], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° X 20-17.028 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant à la société Ab Immo, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs, à l'appui de leur pourvoi principal, invoquent le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La société Ab Immo a formé un pourvoi incident pour ce même arrêt et invoque, à l'appui de son pourvoi incident, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la société [B] [Z]- [O] [M] et [R] [Z], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ab Immo, et après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), le 24 juillet 2007, la société Ab Immo (l'agent immobilier), exerçant sous l'enseigne Agence Appere, s'est vu confier deux mandats de vente portant sur diverses parcelles de terrain. Les mandats prévoyaient chacun, d'une part, que la vente était consentie et acceptée moyennant le prix de 80 euros le m² net vendeur, d'autre part, qu'une commission, fixée à 6 % hors taxe du prix net vendeur qui serait réellement perçu par le vendeur, serait payée à l'agent immobilier. Le même jour, deux promesses de vente ont été reçues par M. [Z] (le notaire), associé de la SCP [Z]-[M]-[Z] (la SCP notariale), au prix net vendeur de 80 euros le m².

2. Le 6 août 2007, le notaire a notifié deux déclarations d'intention d'aliéner à la communauté urbaine Brest Métropole (la communauté urbaine), qui, le 5 octobre 2007, a exercé son droit de préemption sur la totalité des parcelles. Par actes des 8 novembre 2010 et 18 janvier 2011, les ventes ont été régularisées au profit de la communauté urbaine, moyennant un prix fixé judiciairement, selon les terrains, de 11,53 ou 14,99 euros le m², l'agent immobilier percevant une commission d'un montant total de 126 716,35 euros TTC.

3. Soutenant que sa rémunération de 6 % aurait dû être calculée sur la base d'un prix fixe de 80 euros le m², soit à hauteur d'une somme de 789 175 euros TTC, l'agent immobilier a assigné la communauté urbaine en paiement du complément. Un arrêt du 2 février 2017, devenu irrévocable, a rejeté sa demande.

4. L'agent immobilier a alors assigné le notaire et la SCP notariale en responsabilité et indemnisation, et sollicité à titre de complément de la commission perçue le paiement d'une somme de 662 459 euros.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Le notaire et la SCP notariale font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à verser à l'agent immobilier la somme de 528 547,50 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l'agent immobilier ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d'autre rémunération que celle fixée dans le mandat ; qu'en jugeant, dans ces conditions, que la SCP [Z] avait commis une faute en ne fixant pas, dans les compromis de vente du 24 juillet 2007, la rémunération de l'agent immobilier à un montant de 6 % sur une base intangible de 80 €/m² quand il résultait de ses propres constatations que les mandats d'acheter et vendre, qui fixaient les limites de sa rémunération, visaient une commission de 6 % du prix « qui sera[ait] réellement perçu par le vendeur » , la cour d'appel a violé les articles 6 de la loi du 2 janvier 1070 et 73 du décret du 20 juillet 1972. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'agent immobilier conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire aux conclusions d'appel du notaire et de la SCP notariale qui soutenaient que l'agent immobilier ne pouvait prétendre qu'à la rémunération prévue par les promesses et non à celle fixée dans les mandats.

7. Cependant, dans leurs écritures, le notaire et la SCP notariale avaient soutenu que la rémunération de l'agent immobilier correspondait à celle fixée dans les mandats de vente.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :

9. Selon ces textes, seul le mandat de vente à lui confié pouvant justifier légalement sa rémunération, l'agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat.

10. Pour condamner in solidum le notaire et la SCP notariale à payer à l'agent immobilier la somme de 528 547,50 euros à titre de complément de la commission perçue, l'arrêt retient que l'accord des parties était de vendre et d'acquérir au prix de 80 euros le m² et que la commission de l'agent immobilier conventionnellement prévue était de 6 % sur la base de 80 euros, que, dans l'éventualité d'une préemption, le notaire devait prendre toute précaution pour que, dans l'hypothèse d'une baisse de prix, l'agent immobilier ne soit pas privé d'une partie de la commission et qu'en ne reprenant pas dans les compromis de vente la clause de rémunération de l'intermédiaire, le notaire avait empêché qu'à l'issue de la substitution du préempteur à l'acquéreur, l'agent immobilier reçoive la totalité de la rémunération prévue.

11. En statuant ainsi, alors que les mandats prévoyaient seulement une commission de 6 % du prix qui serait réellement perçu par le vendeur sans en préciser le montant, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, celle de la disposition de l'arrêt condamnant in solidum le notaire et la SCP notariale à payer à l'agent immobilier la somme de 528 547,50 euros et rejetant le surplus de ses demandes.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu à statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne la société Ab Immo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [Z] et la société [B] [Z]- [O] [M] et [R] [Z]

M. [B] [Z] et la SCP [B] [Z] [O] [M] et [R] [Z] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR condamnés in solidum à verser à la société AB Immo la somme de 528 547,50 € à titre de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE l'agent immobilier ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d'autre rémunération que celle fixée dans le mandat ; qu'en jugeant, dans ces conditions, que la SCP [Z] avait commis une faute en ne fixant pas, dans les compromis de vente du 24 juillet 2007, la rémunération de la société AB Immo à un montant de 6 % sur une base intangible de 80 €/m² quand il résultait de ses propres constatations que les mandats d'acheter et vendre, qui fixaient les limites de sa rémunération, visaient une commission de 6 % du prix « qui sera[ait] réellement perçu par le vendeur » (arrêt page 5, al. 3 et 4), la cour d'appel a violé les articles 6 de la loi du 2 janvier 1070 et 73 du décret du 20 juillet 1972 ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les compromis de vente du 24 juillet 2007 précisaient que l'acquéreur supporterait une commission de négociation de 6 % du prix net qui serait perçu par le vendeur, conformément aux mandats d'acheter et de vendre des 27 juin et 24 juillet 2007, sans aucunement fixer définitivement la rémunération de l'agent à 6 % sur la base intangible du prix du terrain à 80 €/m², quoique ce prix, arrêté entre les parties, ait été par ailleurs rappelé dans les conditions de la vente ; qu'en retenant, pour reprocher à l'exposant d'avoir privé la société AB immo d'une partie de la rémunération, qu'il « ressort[ait] du compromis du 24 juillet 2007 [?] que l'accord des parties était de vendre et d'acquérir au prix de 80 €/m² » et que, « par voie de conséquence, la commission de l'intermédiaire était conventionnellement prévue sur la base [intangible] de 80 €/m² » (arrêt page 5, pénultième al.), la cour d'appel a dénaturé les termes des compromis et méconnu l'article 1134 du code civil, applicable à la cause ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en retenant, d'une part, qu'il ressortait des termes des compromis de vente du 24 juillet 2007 que la volonté des parties avait été de vendre et d'acquérir au prix de 80 €/m² et que, « par voie de conséquence, la commission de l'intermédiaire était conventionnellement prévue sur la base de de 80 €/m² » (arrêt page 5, pénultième al.) et, d'autre part, que la SCP [Z] n'avait pas repris dans la clause de rémunération de l'intermédiaire inséré dans les compromis de vente, « que cette commission était de 6 % du prix de vente, sur la base de 80 €/m² » (arrêt page 6, al. 3), la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, ne commet aucune faute le notaire qui rédige un acte conforme aux documents qui lui sont remis par les parties, auxquels il est ainsi fondé à se fier ; qu'en imputant à faute au notaire d'avoir omis de fixer la rémunération de la société AB Immo à un montant de 6 % du prix sur une base intangible de 80 €/m², quand il résultait de ses propres constatations que la SCP [Z] avait rédigé ces actes conformément aux termes des mandats de vente et d'achat des 27 juin et 24 juillet 2007 que lui avaient transmis les parties, auxquels il pouvait donc légitimement se fier, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau Fattacini et rebeyrol, avocats aux conseils pour la SNC AB Immo

La SNC AB Immo fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Me [B] [Z] et la SCP notariale [Z], [M] et associés à lui payer la seule somme de 528 547,50 €,

1) ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; que la SNC AB Immo avait demandé à la cour d'appel de lui allouer des dommages intérêts correspondant à la commission de 662 459 € TTC dont elle avait été privée, le fait que le calcul doive porter sur des montants TTC n'ayant pas été contesté par le notaire ; qu'en lui allouant pourtant la somme de 528 547,50 € correspondant au montant HT de la commission dont elle avait été privée, et non à son montant TTC, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en tout état de cause, QUE la réparation du préjudice doit être intégrale ; qu'en allouant pourtant à la SNC AB Immo la somme de 528 547,50 € correspondant au montant HT de la commission dont elle avait été privée, sans caractériser que cette société ne serait pas débitrice, en vertu des règles fiscales, de la taxe omise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble du principe de la réparation intégrale.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-17028
Date de la décision : 16/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 19 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 mar. 2022, pourvoi n°20-17028


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17028
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award