LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 février 2015), que M. X..., engagé le 2 janvier 1996 par l'association Saint-Joseph en qualité de médecin attaché à l'Etablissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) Maison de Fontaudin et qui en est devenu le médecin coordonnateur le 1er juin 2009, a été licencié pour faute grave par lettre du 31 août 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en nullité du licenciement et paiement de différentes sommes ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé, qui n'est manifestement pas susceptible d'entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est fondé sur une faute grave et de le débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles interdit à l'employeur de motiver un licenciement sur la considération que le salarié d'un établissement accueillant des personnes âgées aurait témoigné de mauvais traitements infligés aux personnes accueillies ; qu'un tel motif entraîne la nullité du licenciement, peu important que le salarié ait ou non procédé à la dénonciation de tels mauvais traitements ; qu'en refusant de constater la nullité du licenciement au motif inopérant que les écrits du salarié, qui lui sont reprochés, ne portaient pas sur les conditions de traitement des personnes accueillies, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
2°/ que le document du 7 juin 2010 signé par M. X... ainsi que par sept autres salariés, fait état de la dégradation des soins (lettre de Mme Y..., lettre de M. X..., p. 4), de l'absence de stimulations autres que les soins d'hygiène, de repas, et de la messe pour certains, de l'absence de stimulation affective, relationnelle ou sensorielle par des professionnels (lettre de Mme Z..., p. 5), de l'angoisse et de la souffrance des résidents (lettre de Mme A..., lettre de M. X..., p. 4), de faits de maltraitance de l'équipe vis-à-vis des résidents (négligences, humiliations) (lettre de Mme Z..., p. 5), d'une punition infligée par la directrice à une résidente (lettre de Mme C..., p. 2, lettre de M. X..., p. 4), ce dont il résulte que le document litigieux dénonce l'existence de mauvais traitements et de privations infligées aux personnes âgées accueillies au sein de la maison de retraite Saint-Joseph ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, hors toute dénaturation, que dans le document litigieux l'intéressé n'avait pas témoigné de mauvais traitements ou de privations infligés à une personne accueillie à l'EHPAD mais avait dénoncé les conditions de travail du personnel de l'établissement qu'il estimait mauvaises et nuisibles à la qualité de prise en charge des résidents, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait valablement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-24 du code de l'action sociale ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave et de l'avoir débouté de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE M. X... soutient qu'il ne pouvait être licencié pour avoir dénoncé des faits de nature à provoquer la souffrance des résidents et du personnel soignant en application de l'article L. 313-24 du code de l'action sociale, des articles 15 et 16 du règlement intérieur de l'association et enfin des articles L. 1132-3 et L. 1152-2 du code du travail ; qu'il soutient ne pas avoir cherché à invoquer une situation personnelle mais exclusivement des dysfonctionnements collectifs pouvant atteindre la santé, la sécurité ou le bien-être des résidents ou des soignants ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 313-24 du code de l'action sociale et de l'article 16 du règlement intérieur que sont protégés les personnels dénonçant des faits de maltraitance ou de privation infligés à une personne accueillie ce qui exclut la dénonciation des mauvaises conditions de travail du personnel soignant ; qu'il est acquis aux débats que M. X... a participé à l'élaboration d'un document avec sept autres personnes ayant travaillé au sein de l'EPHAD de Fontaudin destiné à dénoncer « un certain nombre de faits graves qui nuisent au bien-être physique, mental et social des résidents, de leur famille et du personnel de l'EPHAD de Fontaudin à Pessac » ; que ce document est composé de lettre individuelles établies par les 8 personnels de santé dont 6 ne travaillaient plus au sein de l'établissement ; qu'il apparaît qu'au terme d'un courrier de 5 pages joint aux 7 autres courriers qui dénoncent les mauvaises conditions de travail au sein de cet EPHAD, M. X... a, avant toute chose, voulu mettre en évidence les dysfonctionnements, une pénurie de personnel et les mauvaises conditions de travail des équipes, la situation individuelle de deux résidents n'étant évoquée qu'à l'appui de sa démonstration ; qu'en tout état de cause, M. X... reconnaît lui-même dans ses écritures n'avoir ni recherché, ni invoqué quelque situation personnelle mais exclusivement des dysfonctionnements collectifs, il ne peut dès lors, sans se contredire, rechercher la protection de l'article L. 313-24 du code du travail dont il reconnaît ainsi lui-même ne pas relever ; que dès lors, la cour constate que M. X... n'a pas témoigné de mauvais traitement ou de privation infligés à une personne accueillie mais a dénoncé les conditions de travail du personnel de l'EPHAD qu'il estime mauvaises et nuisibles à la qualité de la prise en charge des résidents ; que dans ces conditions, il ne peut valablement se prévaloir de l'immunité prévue par l'article L. 313-24 du code de l'action sociale repris par l'article 16 du règlement intérieur ;
1. ALORS QUE l'article L. 313-24 du code de l'action sociale et des familles interdit à l'employeur de motiver un licenciement sur la considération que le salarié d'un établissement accueillant des personnes âgées aurait témoigné de mauvais traitements infligés aux personnes accueillies ; qu'un tel motif entraîne la nullité du licenciement, peu important que le salarié ait ou non procédé à la dénonciation de tels mauvais traitements ; qu'en refusant de constater la nullité du licenciement au motif inopérant que les écrits du salarié, qui lui sont reprochés, ne portaient pas sur les conditions de traitement des personnes accueillies, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
2. ALORS QUE le document du 7 juin 2010 signé par M. X... ainsi que par sept autres salariés, fait état de la dégradation des soins (lettre de Mme Y..., lettre de M. X..., p. 4), de l'absence de stimulations autres que les soins d'hygiène, de repas, et de la messe pour certains, de l'absence de stimulation affective, relationnelle ou sensorielle par des professionnels (lettre de Mme Z..., p. 5), de l'angoisse et de la souffrance des résidents (lettre de Mme A..., lettre de M. X..., p. 4), de faits de maltraitance de l'équipe vis-à-vis des résidents (négligences, humiliations) (lettre de Mme Z..., p. 5), d'une punition infligée par la directrice à une résidente (lettre de Mme C..., p. 2, lettre de M. X..., p. 4), ce dont il résulte que le document litigieux dénonce l'existence de mauvais traitements et de privations infligées aux personnes âgées accueillies au sein de la maison de retraite Saint-Joseph ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave et de l'avoir débouté de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE si le dénigrement qui s'entend du discrédit jeté afin de nuire à l'employeur constitue une faute grave privative des indemnités de licenciement, en revanche, l'exercice mesuré de la liberté d'expression d'un salarié ou d'un groupe de salariés mus par la volonté de faire connaître les difficultés rencontrées dans l'exercice de leur travail, ne saurait justifier la rupture du contrat de travail à condition de ne pas être proférées dans des conditions déloyales susceptibles de nuire à l'employeur ; qu'en l'espèce, il est reproché à M. X... d'avoir participé à la constitution d'un dossier dénigrant l'EHPAD de Fontaudin, de l'avoir largement diffusé aux organismes et administrations habilités à l'autoriser et la contrôler avant de l'envoyer aux adhérents de l'association puis aux membres du conseil d'administration mettant ce dernier et sa présidente devant le fait accompli et ce, dans l'intention de nuire à l'EHPAD ; qu'il est établi que M. X... a participé à l'élaboration d'un document contenant les témoignages de 8 personnes ayant travaillant au sein de l'EHPAD de Fontaudin et que ce document a été transmis au conseil général, à l'ARS, à l'inspection du travail et à la médecine du travail avant d'être communiqué aux membres du conseil d'administration de l'association Saint-Joseph et à sa présidente tel que cela résulte de la mention « nous avons été récemment reçus par les responsables des organismes de tutelle à qui nous avons remis le document ci-joint » figurant dans la lettre de transmission qui leur a été adressée ; que M. X... a rédigé un document de 5 pages recensant de nombreuses difficultés matérielles et humaines mais aussi des critiques à l'encontre de la directrice de l'établissement et plus largement sur le mode d'organisation et de gestion de l'établissement aboutissant selon lui à une réelle souffrance au travail du personnel et à l'insécurité des résidents ; que ce document est rédigé en des termes posés et ne contient aucune manifestation injurieuse ou grossière ; que les critiques avancées sont partagées par les autres personnes ayant participé à cette action mais aussi, par certaines aspects, par Mme B...qui a établi un rapport d'audit en 2008 et qui relève un certain nombre de points faibles faisant écho aux critiques de M. X... comme des insuffisances au niveau de l'information avant les changements, une cohésion insuffisante de l'équipe des cadres et un manque de lisibilité du processus de décision ; que ce même audit a mis en garde contre le risque d'un trop fort turn-over du personnel ; que ces critiques ne sont en revanche pas partagées par l'ensemble du personnel de l'EHPAD, comme le démontrent les attestations versées aux débats par l'employeur ; que dès lors le contenu même du document n'apparaît pas constituer un acte de dénigrement mais plus exactement une critique partiellement partagée et argumentée du mode de fonctionnement de l'EHPAD et sa production ne peut en soi justifier une sanction disciplinaire ; que cependant, même si les critiques de M. X... étaient connues de l'association Saint-Joseph, le fait d'avoir communiqué le document litigieux aux autorités de tutelle ainsi qu'à d'autres partenaires institutionnels avant de l'avoir communiqué à la directrice de l'EHPAD et au conseil d'administration de l'association constitue un acte de déloyauté caractérisé justifiant la rupture immédiate de la relation de travail ;
1. ALORS QUE la lettre de licenciement fixe le cadre du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié d'avoir participé à la constitution et à la diffusion d'un dossier de dénigrement de la maison de retraite Saint Joseph et de sa direction ; que la cour d'appel a écarté tout acte de dénigrement de la part de M. X... ; qu'en jugeant néanmoins que son licenciement reposait sur une faute grave, au motif que la communication du document litigieux aux autorités de tutelle avant la directrice et le conseil d'administration, constituait en soi un acte de déloyauté caractérisé, grief non visé par la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2. ALORS QUE l'exercice de la liberté d'expression des salariés en dehors de l'entreprise ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus ; que le fait pour un médecin coordonnateur de transmettre aux autorités de tutelle (conseil général, ARS, inspection du travail, médecine du travail) un document à la rédaction duquel il a participé avec d'autres salariés, et critiquant en des termes posés, sans aucune manifestation injurieuse ou grossière, le mode d'organisation et de gestion d'une maison de retraite ainsi que les modalités de la prise en charge des résidents, ne constitue ni un abus dans la liberté d'expression, ni un acte de déloyauté ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail et l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.