La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2015 | FRANCE | N°14-14421

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 mai 2015, 14-14421


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), que, pour soumissionner à un appel d'offres de l'établissement public Aéroport de Paris, en vue de la réalisation d'un système de tri de bagages pour deux aérogares de l'aéroport Charles de Gaulle à Paris, la société Cegelec, aux droits de laquelle se trouve la société Vinci Energies GSS, a conclu, le 30 mars 2000, un accord portant sur la formation d'un consortium avec des sociétés aux droits desquelles viennent les sociétés Siemens AG et Si

emens SAS ; que la société Cegelec se plaignant de la méconnaissance p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), que, pour soumissionner à un appel d'offres de l'établissement public Aéroport de Paris, en vue de la réalisation d'un système de tri de bagages pour deux aérogares de l'aéroport Charles de Gaulle à Paris, la société Cegelec, aux droits de laquelle se trouve la société Vinci Energies GSS, a conclu, le 30 mars 2000, un accord portant sur la formation d'un consortium avec des sociétés aux droits desquelles viennent les sociétés Siemens AG et Siemens SAS ; que la société Cegelec se plaignant de la méconnaissance par ces dernières de leurs obligations, a, en application de la clause compromissoire figurant dans l'accord de consortium, introduit une procédure d'arbitrage devant la Cour internationale d'arbitrage de la CCI ; que les sociétés Siemens ont désigné M. Y... en qualité d'arbitre ; qu'une sentence a, notamment, condamné solidairement les sociétés Siemens à payer à la société Cegelec une certaine somme et condamné cette dernière à leur payer une autre somme ; que la société Vinci Energies GSS a formé un recours en annulation de la sentence ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Vinci Energies GSS fait grief à l'arrêt de rejeter son recours ;
Attendu qu'après avoir relevé que les liens professionnels entre M. Y... et le conseil des sociétés Siemens, au sein du cabinet d'avocats Bredin Prat, dans lequel celui-ci était alors responsable du département contentieux et arbitrage, avaient eu une durée limitée aux années 1987-1989 et que leur appartenance à des associations était des éléments notoires, la cour d'appel en a exactement déduit qu'au regard de ces circonstances, l'arbitre n'était pas tenu de révéler ces faits ; que le moyen, qui, en sa première branche, critique un motif surabondant de l'arrêt, ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Vinci Energies GSS fait le même grief à l'arrêt ;
Attendu qu'après avoir constaté que la sentence énonçait que la responsabilité des parties pouvait être déterminée, soit par la méthode globale, soit par la méthode séquentielle et que les arbitres avaient adopté la première en raison de l'interférence de la société Cegelec dans les fonctions des sociétés Siemens, la cour d'appel a estimé souverainement que le tribunal arbitral avait opéré un choix entre ces deux méthodes et en a exactement déduit qu'il n'avait pas méconnu le principe de la contradiction ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vinci Energies GSS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Siemens la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Vinci Energies GSS
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation formé par la Société CEGELEC SAS à l'encontre de la sentence arbitrale CCI n° 15832/ EC/ ND du 14 juin 2012 ;
AUX MOTIFS QUE sur le premier moyen d'annulation pris de la composition irrégulière du Tribunal arbitral (article 1520, 2° du Code de procédure civile), CEGELEC dit que M. Eric Y..., arbitre désigné par SIEMENS, a manqué à son obligation de révélation en taisant le fait qu'il a été collaborateur au sein du cabinet BREDIN PRAT, de Maître Jean-Pierre Z..., conseil de SIEMENS, et que ces liens professionnels non dévoilés sont de nature à provoquer dans son esprit un doute raisonnable quant à l'impartialité et à l'indépendance de cet arbitre ; qu'à cet égard, la recourante fait valoir que Maître Z..., nommé en 1988, associé et responsable du département contentieux et arbitrage du cabinet BREDIN PRAT a été le responsable et formateur de M. Y... alors avocat stagiaire dans ce département et que ces deux spécialistes reconnus de l'arbitrage qui appartiennent aux mêmes réseaux (notamment comme membres de l'Institut d'Arbitrage International, du Comité français de l'arbitrage et de la « Chambre de Commerce Internationale ») entretiennent des liens forts depuis 20 ans ; qu'elle soutient que cette absence de révélation l'a conduite à nourrir un doute raisonnable sur les raisons de cette nomination alors que ces liens ne peuvent pas être étrangers à la nomination de M. Y... dont le curriculum vitae ne fait pas apparaître d'expérience significative dans des marchés de travaux tels que celui opposant les parties ; qu'enfin elle ajoute que l'articulation et la chronologie des faits sont de nature à susciter dans son esprit un doute raisonnable quant à la volonté de transparence qui a pu animer Siemens et ses conseils lors de l'introduction de l'arbitrage, puisque le conseil de la Société Siemens a d'abord été présenté comme étant le cabinet Clifford Chance Europe LLP représenté par les seuls Maîtres Peter A... et Jérôme X... et que Maître Z... n'apparaît pour la première fois dans la procédure que plus d'un an après la déclaration d'indépendance de Maître Y... du 12 décembre 2008, comme simple cosignataire d'un courriel du 25 janvier 2010 ; qu'elle en conclut qu'elle a non seulement été trompée sur l'indépendance et l'impartialité de l'un des arbitres mais qu'elle a aussi manifestement été privée d'exercer son droit de récusation ; qu'il appartient à l'arbitre de révéler toute circonstance susceptible d'être regardée comment affectant son impartialité afin de permettre à la partie d'exercer, à bref délai, s'il y a lieu, son droit de récusation ; que tant les liens professionnels au sein du cabinet BREDIN PRAT dans les années 1987-1989, que le fait que les deux avocats entretiennent des relations au sein de plusieurs associations sont des éléments notoires dont la recourante n'allègue pas qu'elle les aurait appris postérieurement à l'arbitrage ; qu'à cet égard, CEGELEC soutient vainement que la présence de Maître Z... dans la procédure arbitrale lui aurait été révélée tardivement en cours de procédure, étant observé, en tout état de cause, qu'une lettre du 19 septembre 2008 faisant état du dépôt de sa requête en arbitrage, a été adressée par ses soins à ce conseil dont le nom figure dans nombre de documents à la procédure ; qu'en conséquence, le moyen pris de l'irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral ne peut qu'être écarté ;
1°) ALORS QUE la Société CEGELEC soutenait dans ses conclusions d'appel que « dans le cadre de l'instruction du présent recours en annulation, CEGELEC a découvert que l'un des conseils de SIEMENS apparu tardivement dans la procédure d'arbitrage, Maître Jean-Pierre Z..., ¿ avait également exercé au sein du cabinet BREDIN PRAT au moment des trois années de collaboration de Maître Y... » ; que la Société CEGELEC contestait ainsi avoir appris l'existence de ces liens avant la fin de la procédure d'arbitrage ; qu'en affirmant néanmoins que « la recourante n'allègue pas qu'elles les aurait appris postérieurement à l'arbitrage », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de la Société CEGELEC, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que la Société CEGELEC soutenait qu'aux termes de la déclaration d'acceptation et d'indépendance de l'arbitre, renseignée par Monsieur Y..., celui-ci avait indiqué qu'il n'avait pas eu « avec l'une quelconque des parties ou l'un quelconque de leurs conseils, une relation directe ou indirecte, financière, professionnelle ou de tout autre ordre », sans distinguer entre les faits notoires et ceux qui ne l'étaient pas, étant en outre précisé sur ce même document que « tout doute devrait être résolu en faveur de la révélation » ; que la Société CEGELEC ajoutait que cette obligation était également mentionnée à l'article 7 (2) du Règlement d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que le fait que Maître Y..., arbitre désigné par la Société SIEMENS et par la Société SIEMENS AKTIENGESELLSCHAFT, et l'avocat de ces dernières, Maître Z..., était notoire, de sorte qu'elle n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration particulière, sans rechercher si l'obligation de déclarer cette relation, à supposer même qu'elle ait été notoire, résultait des termes de la déclaration d'acceptation de l'indépendance de l'arbitre, ainsi que des termes du règlement d'arbitrage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1452, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, et 1520, 2°, du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en se bornant à affirmer que les liens professionnels ayant existé au sein du cabinet BREDIN PRAT entre Monsieur Y..., arbitre, et Maître Z..., avocat de la Société SIEMENS et de la Société SIEMENS AKTIENGESELLSCHAFT, étaient notoires, sans rechercher, comme elle y était invité, si cette notoriété s'arrêtait au fait que les deux avocats avaient exercé au sein du même cabinet et si, en conséquence, la Société CEGELEC ignorait que Monsieur Y..., arbitre, avait été le collaborateur de Maître Z..., avocat de la Société SIEMENS et de la Société SIEMENS AKTIENGESELLSCHAFT, ce dont il résultait qu'étaient nés entre eux des liens incompatibles avec les exigences d'indépendance et d'impartialité à défaut desquelles un arbitre ne peut siéger, de sorte que Maître Y... ne pouvait se dispenser de faire état de ces liens dans la déclaration d'indépendance qu'il avait émise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1452, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, et 1520, 2°, du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation formé par la Société CEGELEC SAS à l'encontre de la sentence arbitrale CCI n° 15832/ EC/ ND du 14 juin 2012 ;
AUX MOTIFS QUE sur le second moyen d'annulation pris de la violation du principe de la contradiction (article 1520 4° du Code de procédure civile), CEGELEC dit qu'alors même que la question d'une répartition des responsabilités entre les parties ne lui était pas posée, chacune recherchant l'indemnisation de son propre préjudice, le Tribunal arbitral a appliqué une méthode de détermination des responsabilités dont les parties n'ont jamais débattue et dont elles n'ont eu connaissance qu'à la lecture de la sentence ; qu'elle reproche ainsi au Tribunal arbitral de s'être fondé sans discussion préalable contradictoire sur une méthode globale de responsabilité non adoptée par elles dans leurs écritures ; que le principe de la contradiction impose que chaque partie soit mise à même de débattre contradictoirement des faits de la cause et que rien de ce qui sert à fonder le jugement de l'arbitre ne doit échapper au débat contradictoire des parties ; que l'indemnisation du préjudice de chacune des parties impliquait nécessairement l'appréciation des fautes commises par elles ; que s'agissant de la responsabilité des parties quant aux retards et autres dommages encourus, le tribunal arbitral relève (paragraphe 108) que « pour déterminer la responsabilité des Parties, le tribunal arbitral avait le choix entre une méthode globale, et une méthode séquentielle » ; qu'analysant les deux méthodes le Tribunal arbitral observe qu'« au lieu d'une décision globale mûrie à l'aune de l'expérience, la méthode séquentielle aboutit à une série de décisions mécaniques dont le résultat peut être surprenant. (...) Elle ne peut prendre en considération des facteurs qui transcendent l'ensemble du chantier. Notre cas est exemplaire à ce propos. Le tribunal arbitral a constaté l'interférence récurrente de Cegelec dans les fonctions de Siemens rendant la tâche de Project Manager de celui-ci considérablement plus difficile. (...) Cette interférence traversa plusieurs phases du TBE, et son effet ne pouvait être compris qu'en considérant le déroulement de l'ensemble du chantier. Le tribunal a en conséquence jugé préférable d'adopter la méthode globale » ; qu'en optant ainsi pour la méthode dite globale, les arbitres auxquels il incombait de fixer le préjudice subi tout au long du marché de travaux, ont opéré un choix entre deux méthodes sans violer le principe de la contradiction, peu important à cet égard que les parties aient adopté s'agissant de l'indemnisation de leur préjudice, des approches différentes ; qu'en conséquence, le moyen pris de la violation du principe de la contradiction est écarté ;
ALORS QUE le tribunal arbitral garantit l'égalité des parties et respecte le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en décidant que dans la mesure où il incombait aux arbitres de fixer le préjudice subi tout au long du marché de travaux et dès lors que l'indemnisation du préjudice de chacune des parties impliquait l'appréciation des fautes commises par elles, le Tribunal arbitral pouvait adopter une méthode d'appréciation du préjudice qu'il avait lui-même fixée sans pour autant violer le principe de la contradiction, bien que cette méthode n'ayant été proposée par aucune des parties, il lui incombait de provoquer préalablement les observations de ces dernières, de sorte qu'à défaut de l'avoir fait, la sentence était vouée à l'annulation, la Cour d'appel a violé l'article 1520, 4°, du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation formé par la Société CEGELEC SAS à l'encontre de la sentence arbitrale CCI n° 15832/ EC/ ND du 14 juin 2012 ;
AUX MOTIFS QUE pris de la contrariété de la sentence à l'ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile), CEGELEC soutient que le taux de responsabilité 70/ 30 mis à la charge de chacune des parties à l'arbitrage retenu par le tribunal arbitral, de même que l'application systématique et péremptoire d'une décote de 45 % sur le montant des indemnités demandées ne sont pas motivés et que cette absence de motivation dissimule une violation grave des droits de la défense ; qu'hors les cas définis à l'article 1520 du code de procédure civile de violation du principe de la contradiction ou de l'ordre public international, le contenu de la motivation de la sentence internationale échappe au contrôle du juge de l'annulation ; que les arbitres ont développé notamment dans les paragraphes 109 et 110, 46 à 62 ainsi que 64 à 107 et 111 de la sentence les motifs de leur décision ; que CEGELEC n'allègue pas précisément en quoi la sentence méconnaîtrait les droits de la défense ou l'ordre public international ; que, sous couvert de la violation de l'ordre public international, la recourante invite la Cour à une révision au fond de la sentence interdite au juge de l'annulation ;
ALORS QUE la sentence arbitrale du 14 juin 2012 ne comportait aucun motif justifiant les taux de 30 % et 70 % retenus par la juridiction arbitrale pour mettre à la charge de chacune des parties une quote-part de responsabilité dans les dommages survenus ; qu'en affirmant néanmoins que les arbitres avaient motivé leur décision sur ce partage de responsabilité, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ladite sentence, en violation de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-14421
Date de la décision : 28/05/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 mai. 2015, pourvoi n°14-14421


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14421
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award