LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., engagée le 2 novembre 1992 en qualité de gestionnaire de rayon-vendeuse par la société SO.GE.CHAR, a été en arrêt de travail à compter du 3 septembre 2009 ; que le médecin du travail ayant, à l'issue d'un second examen le 6 mai 2010, déclaré la salariée inapte à son poste de travail, celle-ci, licenciée le 16 août 2010, a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'en cas de licenciement prononcé pour inaptitude physique, la lettre de licenciement doit mentionner, outre l'inaptitude physique elle-même, l'impossibilité dans laquelle se trouve l'employeur de reclasser le salarié ; qu'il en va cependant différemment lorsque, dans le courrier de licenciement, l'employeur fait état de solutions de reclassement qui ont été refusées par le salarié pour des raisons que l'employeur considère comme abusives ; que dans cette hypothèse, l'employeur n'a pas à faire figurer dans le courrier de licenciement la mention d'une impossibilité de reclassement qui, à ses yeux, n'existe pas ; qu'en estimant que le licenciement de Mme X... pour inaptitude était nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que la lettre de licenciement ne portait pas la mention d'une impossibilité de reclassement, cependant que la lettre de licenciement faisait état d'une proposition de reclassement adressée à Mme X... qui l'avait refusée pour des raisons que la société SO.GE.CHAR considérait comme abusive, circonstance qui dispensait nécessairement l'employeur de faire figurer la mention litigieuse sur le courrier de rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et L. 1226-4 du code du travail ;
Mais attendu que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement ;
Et attendu qu'ayant relevé que la lettre de licenciement visait une inaptitude de la salariée et non pas une impossibilité de reclassement, mais le refus abusif de cette salariée d'accepter un reclassement dans un poste aménagé, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Attendu qu'après avoir relevé que l'inaptitude était d'origine professionnelle et condamné l'employeur au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt condamne l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de congés payés afférents à cette indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que conformément à l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société SO.GE.CHAR à payer à Mme X... la somme de 345,20 euros à titre d'indemnité de congés payés ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Déboute Mme X... de sa demande à titre d'indemnité de congés payés ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société SO.GE.CHAR
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré le licenciement de Mme Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société SO.GE.CHAR à la salariée les sommes de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, 8.805,63 € au titre d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement, 3.452,70 € 'indemnité compensatrice en application de l'article L.1226-14 du code du travail outre 345,20 € de congés payés, 621,48 € au titre d'un solde de congés payés et 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement du 16 août 2010 énonce qu'il s'agit d'un licenciement pour inaptitude en raison du refus abusif de la salariée d'accepter le reclassement dans son poste de « gestionnaire de rayon sans mise en rayon » aménagé à son intention qui lui a été proposé, pourtant conforme aux prescriptions du médecin du travail ; que ce refus qui relève de convenances personnelles et se trouve dépourvu de motif légitime justifie le prononcé du licenciement ; que la salariée fait valoir à bon droit que l'inaptitude physique du salarié sans mention de l'impossibilité de reclassement ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement et que le visa du salarié de la proposition faite par l'employeur ne peut pallier l'absence de mention de l'impossibilité de reclassement ; que force est de constater que la lettre de licenciement ne mentionne pas l'impossibilité de reclassement ; que le licenciement pour inaptitude physique s'avère en conséquence insuffisamment motivé ; que le défaut d'énonciation d'un motif précis équivaut à une absence de motif et que cette absence emporte l'illégitimité du licenciement ;
ALORS QU' en cas de licenciement prononcé pour inaptitude physique, la lettre de licenciement doit mentionner, outre l'inaptitude physique elle-même, l'impossibilité dans laquelle se trouve l'employeur de reclasser le salarié ; qu'il en va cependant différemment lorsque, dans le courrier de licenciement, l'employeur fait état de solutions de reclassement qui ont été refusées par le salarié pour des raisons que l'employeur considère comme abusives ; que dans cette hypothèse, l'employeur n'a pas à faire figurer dans le courrier de licenciement la mention d'une impossibilité de reclassement qui, à ses yeux, n'existe pas ; qu'en estimant que le licenciement de Mme Y... pour inaptitude était nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que la lettre de licenciement ne portait pas la mention d'une impossibilité de reclassement (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 2), cependant que la lettre de licenciement faisait état d'une proposition de reclassement adressée à Mme Y... qui l'avait refusée pour des raisons que la société SO.GE.CHAR considérait comme abusive, circonstance qui dispensait nécessairement l'employeur de faire figurer la mention litigieuse sur le courrier de rupture, la cour d'appel a violé les articles L.1226-2 et L.1226-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SO.GE.CHAR à payer à Mme Y... les sommes de 3.452,70 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L.1226-14 du code du travail et de 345,20 ¿ au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur ne saurait valablement s'opposer à l'allocation à la salariée des indemnités prévues par l'article L.1226-14 du code du travail, à savoir l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement, en faisant valoir le caractère abusif du refus de la salariée d'accepter le reclassement proposé ; qu'en effet, il reconnaît lui-même dans ses écritures que le reclassement proposé à Bergerac impliquait une modification du contrat de travail en raison du transfert du lieu de travail de Pineuilh à Bergerac ; que le refus par la salariée d'un poste de reclassement qui entraîne une modification du contrat de travail ne peut pas être abusif et priver la salariée de ces indemnités en application du deuxième alinéa de l'article L.1126-14 du code du travail ; que Mme Y... est donc bien fondée à solliciter l'indemnité compensatrice d'un montant de 3.452,70 €, outre 345,20 € de congés payés et un solde d'indemnité spéciale de licenciement de 8.805,63 € ;
ALORS QUE l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis ; qu'en condamnant l'employeur à payer à la salariée l'indemnité compensatrice prévue à l'article L.1226-14 du code du travail, majorée de l'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel a violé ce texte.