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03/02/2010 | FRANCE | N°08-44592

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 février 2010, 08-44592


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 août 2008), que M. X..., qui avait été engagé le 31 mars 1995 par la société Barreault Lafon, aux droits de laquelle se trouve la société Lafon technologies, en qualité d'ingénieur responsable bureau d'études, a été promu directeur technique matériel roulant en charge de la réglementation et des études par le groupe Lafon industries aux termes d'un avenant du 20 février 2002 qui stipulait notamment : "En contrepartie de ses fon

ctions, le salarié percevra à dater du 1er janvier 2002 une rémunération annuel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 août 2008), que M. X..., qui avait été engagé le 31 mars 1995 par la société Barreault Lafon, aux droits de laquelle se trouve la société Lafon technologies, en qualité d'ingénieur responsable bureau d'études, a été promu directeur technique matériel roulant en charge de la réglementation et des études par le groupe Lafon industries aux termes d'un avenant du 20 février 2002 qui stipulait notamment : "En contrepartie de ses fonctions, le salarié percevra à dater du 1er janvier 2002 une rémunération annuelle forfaitaire brute de 36 600 euros sur douze mois, puis de 39 640 euros au 1er juillet 2002 et de 42 700 euros au 1er janvier 2003 si la fonction dans le poste est validée à chaque étape par la direction" ; qu'estimant que l'employeur n'avait pas respecté les termes de cet accord, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a été ultérieurement licencié le 22 juin 2007 ;

Attendu que la société Lafon technologies fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à ses torts la résiliation du contrat de travail de M. X... et fixé la créance de celui-ci à diverses sommes; alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un contrat; que dans l'avenant au contrat de travail conclu le 20 février 2002, elle s'était simplement engagée à augmenter la rémunération de M. X... au 1er juillet 2002 et au 1er janvier 2003 si la fonction dans le poste était validée à chaque étape par la direction, sans fixer un calendrier d'augmentation de rémunération ferme ; qu'en jugeant qu'en s'abstenant de respecter les étapes convenues et d'informer le salarié de sa décision au terme de chacune, elle avait manqué à son obligation essentielle de payer le salaire convenu, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'avenant du 20 février 2002 en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'informer le salarié de sa décision d'augmenter ou non son salaire au terme de chaque étape contractuellement prévue constitue tout au plus une violation de son obligation d'information mais nullement un manquement à l'obligation de payer le salaire convenu ; qu'en décidant qu'elle avait manqué à ses obligations résultant de l'avenant du 20 février 2002 en ne versant pas la rémunération convenue, pour juger que la résiliation du contrat de travail devait être prononcée à ses torts, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que dans l'avenant du 20 février 2002, elle s'était seulement engagée à augmenter le salaire de M. X... après validation de sa fonction dans le poste ; qu'en fixant la créance de M. X... en rappel de salaire à un montant correspondant aux sommes qu'il aurait perçues si les changements de rémunération avaient été validés par la direction, sans constater de sa part l'existence d'un engagement ferme d'augmenter le salaire de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'en cas de différend sur les fonctions exercées par un salarié, il appartient au juge de vérifier les conditions réelles d'exécution de la prestation de travail ; qu'en se fondant uniquement sur des relevés d'activité établis unilatéralement par le salarié et sur ses courriers pour affirmer que M. X... avait été rétrogradé dans ses fonctions initiales, sans apprécier les conditions réelles d'exercice de l'activité de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur n'avait jamais remis en cause les fonctions confiées au salarié et critiqué la manière dont il les exerçait avant le 1er août 2003, soit plus d'un an après le terme convenu pour leur validation définitive et n'avait procédé à une augmentation du salaire mensuel du salarié qu'à cette date, a pu, sans dénaturation de l'avenant du 20 février 2002, en déduire qu'il avait manqué à son obligation essentielle de lui payer le salaire convenu et prononcé à ses torts la résiliation du contrat de travail ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lafon technologies aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lafon technologies à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la société Lafon technologies

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé aux torts de la société Lafon Technologies la résiliation du contrat de travail de monsieur X..., fixé la créance de celui-ci aux sommes de 16.748,76 euros à titre de rappels de salaires, 10.674,99 euros à titre d'indemnité de préavis, 1.067,49 euros à titre de congés payés correspondants, 17.215,20 euros à titre d'indemnité de licenciement et 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, et déclaré l'arrêt opposable à l'AGS, dans la limite de sa garantie légale ;

AUX MOTIFS QUE la demande de résiliation est fondée sur le non-respect par l'employeur de l'avenant du 20 février 2002, tant en ce qui concerne la rémunération convenue que les fonctions contractuellement définies, et sur l'existence de pressions sur le salarié pour lui faire quitter son poste ; que pour débouter monsieur X... de ses demandes, le conseil de prud'hommes a considéré qu'il n'avait pas satisfait aux conditions auxquelles étaient soumises les augmentations de salaire prévues par l'avenant du 20 février 2002, qu'il n'avait pas contesté ses fonctions au cours de l'exécution de son contrat de travail et que l'employeur ne lui avait pas imposé de modification de son contrat puisqu'à la suite de son refus de la mutation proposée à Châtellerault il l'avait maintenu sur son lieu de travail et dans ses fonctions ; que cependant, par l'avenant du 20 février 2002, monsieur X... a été promu « directeur technique matériel roulant en charge de la réglementation et des études pour le groupe Lafon Industries » avec les fonctions suivantes : - superviser au niveau national et international l'évolution de l'ensemble des réglementations s'appliquant aux activités de Lafon Industries, - planifier et faire réaliser en interne les évolutions nécessaires afin de maintenir le groupe au niveau optimum des réglementations, - être l'expert technique au niveau du calcul de structures et de l'évolution des matériels, - informer la direction de tous les risques de dérapage pouvant générer des problèmes de sécurité, de qualité ou mettre le groupe en retard face aux échéances réglementaires ; que la réglementation forfaitaire annuelle brute du salarié était portée à 36.600 euros (soit 3.050 euros par mois) à dater du 1er janvier 2002, puis à 39.640 euros (3.303,34 euros par mois) au 1er juillet 2002 et à 42.700 euros au 1er janvier 2003 « si la fonction dans le poste est validée à chaque étape par la direction » ; qu'il n'est pas contesté et il résulte des pièces versées aux débats que c'est seulement à compter du mois d'août 2003 que le salaire mensuel de l'appelant est passé de 3.050 euros à 3.303,34 euros, et il est resté à ce niveau jusqu'au licenciement ; que l'augmentation a été annoncée par un courrier du 1er août 2003 dans lequel l'employeur précisait qu'elle était accordée à titre d'encouragement, l'étape correspondante n'étant toujours pas validée au motif que monsieur X... remplissait peu la partie « management » de la fonction ; qu'il faut rappeler ici qu'en vertu de l'article 1222-1 du code du travail, le contrat doit être exécuté de bonne foi ; que si la société Barreault Lafon avait prévu dans l'avenant du 20 février 2002 deux étapes successives pour « valider » les nouvelles fonctions de monsieur X... et lui verser une rémunération correspondante, il lui appartenait de respecter les étapes convenues et d'informer le salarié de sa décision de mettre un terme à chacune ; que cette obligation est d'autant plus certaine que dans la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie une période d'essai – normalement exclue en cas de promotion en vertu de l'article 5 ne peut excéder six mois ; qu'en l'espèce, la société Barreault Lafon n'a jamais remis en cause les fonctions confiées à monsieur X... ni critiqué la manière dont il les exerçait avant le 1er août 2003, soit plus d'un an après la terme convenu pour leur « validation » définitive ; que l'inexécution des engagements pris dans la cadre de l'avenant du 20 février 2002 constitue donc un manquement de l'employeur à l'une de ses obligations essentielles, à savoir le paiement convenu ; que le fait que le salarié ait poursuivi son activité sans protester jusqu'à un courrier du 23 décembre 2004 n'implique nullement qu'il ait renoncé à se prévaloir des dispositions de l'avenant litigieux ; qu'il est par ailleurs indéniable que la société Barreault Lafon a progressivement cantonné monsieur X... dans des tâches correspondant à ses fonctions initiales de responsable bureau d'études mais nullement à celles définies dans l'avenant du 20 février 2002 ; que cela résulte des documents dans lesquels l'appelant a reconstitué le détail de son activité, qui ne sont pas contestés, et de multiples écrits de l'employeur, notamment une note de service du directeur industriel du 7 février 2006 (« je te rappelle donc qu'en qualité de responsable bureau d'études tu te dois » …) et un courrier du même supérieur du 16 mai 2007 : « … de fait et depuis la liquidation de Lafon Industries, vous avez sans contrainte poursuivi votre activité à la tête du bureau d'études de Barreault Lafon et n'avez jamais contesté d'être rémunéré par cette société, ce qui rend nulle et non avenue votre référence à l'avenant de février 2002» ; qu'enfin, on doit souligner que toutes les réclamations et protestations de monsieur X... à partir du début de l'année 2005, concernent tant sa rémunération que son statut, sont demeurées vaines, l'employeur ne répondant généralement pas ; que dans ces conditions, contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes, la demande de monsieur X... en résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur est justifiée, la société Barreault Lafon ayant manqué à ses obligations résultant de l'avenant du 20 février 2002 en ne versant pas la rémunération convenue et en imposant unilatéralement au salarié une modification de son contrat de travail par la rétrogradation dans ses fonctions initiales ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris, de faire droit aux demandes de rappels de salaires, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement dont les montants sont justifiés et d'allouer à monsieur X... une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi et des manquements à l'employeur au cours de l'exécution du contrat de travail ; que la saisine du conseil de prud'hommes étant antérieure au jugement de redressement judiciaire de la société Barreault Lafon, il y a lieu de fixer sa créance, étant rappelé par ailleurs que le cours des intérêts est suspendu du fait de ce même jugement (cf. jugement attaqué p.3, 4, 5).

1) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer le sens clair et précis d'un contrat ; que dans l'avenant au contrat de travail conclu le 20 février 2002, la société Barreault Lafon s'était simplement engagée à augmenter la rémunération de monsieur X... au 1er juillet 2002 et au 1er janvier 2003 si la fonction dans le poste était validée à chaque étape par la direction, sans fixer un calendrier d'augmentation de rémunération ferme ; qu'en jugeant qu'en s'abstenant de respecter les étapes convenues et d'informer le salarié de sa décision au terme de chacune, la société Barreault Lafon avait manqué à son obligation essentielle de payer le salaire convenu, la cour d‘appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'avenant du 20 février 2002 en violation de l'article 1134 du code civil ;

2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'informer le salarié de sa décision d'augmenter ou non son salaire au terme de chaque étape contractuellement prévue constitue tout au plus une violation de son obligation d'information mais nullement un manquement à l'obligation de payer le salaire convenu ; qu'en décidant que la société Barreault Lafon avait manqué à ses obligations résultant de l'avenant du 20 février 2002 en ne versant pas la rémunération convenue, pour juger que la résiliation du contrat de travail devait être prononcée aux torts de l'employeur, la cour d‘appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE dans l'avenant du 20 février 2002, la société Barreault Lafon s'était seulement engagée à augmenter le salaire de monsieur X... après validation de sa fonction dans le poste ; qu'en fixant la créance de monsieur X... en rappel de salaire à un montant correspondant aux sommes qu'il aurait perçues si les changements de rémunération avaient été validés par la direction, sans constater, de la part de l'employeur, l'existence d'un engagement ferme d'augmenter le salaire de monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4) ALORS QU'en cas de différend sur les fonctions exercées par un salarié, il appartient au juge de vérifier les conditions réelles d'exécution de la prestation de travail ; qu'en se fondant uniquement sur des relevés d'activité établis unilatéralement par le salarié et sur des courriers de l'employeur pour affirmer que monsieur X... avait été rétrogradé dans ses fonctions initiales, sans apprécier les conditions réelles d'exercice de l'activité de monsieur X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44592
Date de la décision : 03/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 14 août 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 fév. 2010, pourvoi n°08-44592


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Tiffreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44592
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