AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société de pavage et des asphaltes de Paris (SPAPA), société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 mars 1999 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit de M. Mahmoud X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 septembre 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, M. Coeuret, conseiller, Mme Lebée, M. Funck-Brentano, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la Société de pavage et des asphaltes de Paris, de Me Hennuyer, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., est entré au service de la Société de pavage et des asphaltes de Paris le 29 septembre 1972 en qualité d'ouvrier étancheur ; que le 28 janvier 1992, l'employeur lui a notifié la résiliation de son contrat de travail, en raison du non-renouvellement de sa carte de séjour ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la Société de pavage et des asphaltes de Paris fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 9 mars 1999) d'avoir requalifié la rupture du contrat de travail de M. X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 / que dans son courrier du 24 décembre 1991, l'inspecteur du travail avait invité l'employeur à "suspendre sa décision de rupture du contrat de travail pour situation irrégulière et à considérer M. X... en situation de congés payés" ; que la SPAPA avait déféré à cette demande en maintenant le contrat de M. X... jusqu'au 29 janvier suivant, soit pendant toute la durée des congés payés auxquels il pouvait prétendre ;
qu'en lui reprochant d'être passée outre la demande de l'inspecteur du travail, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du courrier du 24 décembre 1991, a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que nul ne peut (...) conserver à son service pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; que cette prohibition, qui ne souffre aucune exception, est passible de sanctions pénales ; que, dès lors, le non-renouvellement, par les autorités françaises, de la carte de résident d'un salarié étranger constitue, même en l'absence de faute de sa part, un cas de force majeure rendant la rupture de son contrat de travail non imputable à l'employeur ; que, par ailleurs, la légitimité de la rupture du contrat de travail s'apprécie au jour de celle-ci ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'entre le 25 septembre 1991 et le mois d'octobre 1992, date de son renouvellement à effet rétroactif, M. X... s'est trouvé privé de carte de séjour de sorte qu'en le conservant à son service, la société SPAPA aurait sciemment enfreint une prohibition légale et pénalement sanctionnée ;
qu'il en résulte qu'à sa date, la rupture du contrat d'un salarié privé de titre l'autorisant à travailler en France était justifiée par un cas de force majeure, sans que la régularisation ultérieure, même rétroactive de sa situation, puisse influer sur sa validité, appréciée à sa date ; qu'en reprochant à la SPAPA un licenciement abusif, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 122-4, L. 341-6 et L. 364-3 du Code du travail ;
Mais attendu que le refus de renouvellement, par l'autorité administrative, d'un titre autorisant un salarié étranger à exercer une activité en France ne constitue pas un cas de force majeure, et que la rupture du contrat de travail, consécutive à ce refus, ne peut qu'être un licenciement ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'au moment de la rupture du contrat de travail, l'employeur savait que le non-renouvellement du titre de séjour du salarié était dû à une erreur de l'Etat civil algérien et qu'une régularisation était en cours, a ainsi fait ressortir la légèreté blâmable de l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de pavage et des asphaltes de Paris aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille un.