Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mlle X... a été engagée par la société AC Montparnasse à compter du 19 mars 1989 en qualité de chef de rang puis de maître d'hôtel ; que lors de son embauche, elle a fourni un acte de naissance à l'étranger et une carte d'affiliation à la sécurité sociale ; qu'à la suite d'un contrôle de l'inspection du Travail, l'employeur lui a demandé de justifier de sa nationalité française ou de son titre de séjour ; qu'elle a été licenciée le 10 mars 1993 pour faute grave en raison de sa situation irrégulière au regard de la législation du travail des étrangers ; que soutenant qu'elle était française, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir diverses indemnités ;
Attendu que la société AC Montparnasse fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 6 décembre 1995) de l'avoir condamnée à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnités de préavis, de congés payés et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; alors selon le moyen, premièrement, qu'il appartient au salarié dont la nationalité est mise en cause de rapporter la preuve de la régularité de sa situation au regard de l'article L. 341-4 du Code du travail en démontrant soit qu'il est de nationalité française, soit qu'il bénéficie d'une autorisation de travail ; que la salariée, qui se trouvait dans l'impossibilité de rapporter cette preuve, ne pouvait être considérée par son employeur comme étant en situation régulière au regard de la législation du travail ; qu'en retenant, pour décider que le licenciement n'était pas justifié par une cause réelle et sérieuse, que l'irrégularité de la situation de la salariée ne pouvait résulter de la mise en cause par l'employeur de sa nationalité, la cour d'appel a violé les articles L. 341-4 et L. 341-6 du Code du travail et l'article 30 du Code civil ; alors, deuxièmement, que la cause réelle et sérieuse d'un licenciement s'apprécie à la date de la notification d'un licenciement ; que les juges ne peuvent, pour se prononcer sur le caractère réel et sérieux d'un licenciement, prendre en considération un acte ou un fait intervenu après le licenciement ; qu'en se fondant sur un certificat de nationalité française obtenu par la salariée postérieurement à la notification de son licenciement, pour décider que ce dernier était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, troisièmement, que si une personne française par filiation est réputée avoir été française dès sa naissance même si l'existence des conditions requises pour l'attribution de la nationalité française n'est établie que postérieurement, l'établissement de la qualité de français postérieurement à la naissance ne porte pas atteinte à des droits acquis à des tiers sur le fondement de la nationalité apparente ; qu'en retenant, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée fondée sur sa nationalité apparente au moment du licenciement, que cette dernière avait toujours été de nationalité française, la cour d'appel a violé l'article 20 du Code civil et ; alors, quatrièmement, que dans ses conclusions d'appel, la société AC Montparnasse faisait valoir qu'après l'échange de courriers des 26 novembre 1992 et 7 décembre 1992, la salariée n'avait plus donné de nouvelles de sa situation ; que notamment après sa lettre du 7 décembre 1992, la salariée avait laissé la société AC Montparnasse dans la plus totale ignorance de l'état d'avancement de la procédure de sorte que l'employeur était fondé à procéder au licenciement pour ne pas tomber sous le coup de la loi pénale en raison du doute sérieux qui pesait sur la nationalité réelle de la salariée ; qu'en affirmant que la salariée n'était pas restée inactive après la demande de l'employeur, sans s'expliquer précisément sur le silence gardé par celle-ci entre le 7 décembre 1992 et le 2 mars 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu qu'il incombait à l'employeur de vérifier la nationalité de la salariée au moment de son embauche ;
Et attendu que, dès lors qu'il est démontré que Mme X... avait la nationalité française, le licenciement est dépourvu de cause ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.