AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société UTA (Universal travel agency), dont le siège est ... (9ème),
en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1988 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section D), au profit de Mme Pusparany X..., demeurant ... à Champigny-Sur-Marne, (Val-de-Marne),
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 1992, où étaient présents : M. Cochard, président, Mme Ridé, conseiller rapporteur, M. Guermann, M. Saintoyant, M. Vigroux, M. Zakine, M. Ferrieu, M. Monboisse, M. Carmet, M. Merlin, conseillers M. Aragon-Brunet, Mlle Sant, M. Fontanaud, M. Choppin Haudry de Janvry, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Ridé, les observations de Me Vuitton, avocat de la société UTA, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 1988), que Mme X..., originaire du Sri Lanka, au service depuis avril 1982 de la société Universal travel agency dite UTA en qualité de dactylographe de langue anglaise et titulaire, depuis cette époque, d'une autorisation de séjour et de travail renouvelée périodiquement, a interrompu ses activités pour cause de maladie du 17 au 27 juillet 1986 ; que le 1er septembre, à l'issue de ses congés annuels, la société ne l'a pas autorisée à reprendre son travail ; qu'en réponse à sa lettre de protestation du 20 septembre 1986 par laquelle elle dénonçait le reçu pour solde de tout compte par elle signé le 1er septembre 1986, bien qu'il ait été daté de juillet 1986, la société lui confirmait le 25 septembre que cette mesure s'imposait, ainsi qu'elle l'en avait avisée dès la fin de sa maladie, en raison de la rupture d'office de son contrat le 23 juillet 1986 date d'expiration de la validité de sa carte de séjour et de travail ; que Mme X... dont la situation administrative avait été rétroactivement régularisée, a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société Universal travel agency fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir condamnée à payer à son ancienne salariée des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel, qui a constaté que le 28 juillet la salariée n'avait pas repris son travail faute d'autorisation administrative, qu'elle avait fait valider le 31 juillet, rétroactivement au 23 juillet, sa carte de travail et de séjour, n'a cependant pas recherché si la salariée
avait porté cette régularisation à la connaissance de son employeur avant le 17 septembre 1986, ce dont il aurait dû résulter que la rupture du contrat de travail avait une cause réelle et sérieuse, et que l'employeur avait pu légitimement remplacer la salariée, comme il l'avait fait le 26 août ; qu'en conséquence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-6 et
L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, d'autre part, que l'interdiction d'emploi d'un salarié démuni de carte de travail s'impose de plein droit, sans qu'il y ait lieu à licenciement ou notification de la rupture de son contrat de travail ; qu'à supposer le contrat de travail non rompu à la date du 28 juillet, l'employeur pouvait tirer la conséquence de la persistance de cette situation en septembre 1986, après les congés de la salariée ; qu'en considérant comme tardif et abusif ce constat de l'employeur, la cour d'appel a violé
l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors encore que la cour d'appel ne pouvait dire le solde de tout compte signé par la salariée le 1er septembre, et dénoncé par elle le 20 septembre, antidaté par l'employeur au 23 juillet sans répondre aux conclusions de celui-ci selon lesquelles le chèque correspondant à ce solde de tout compte avait été inscrit dans les livres comptables au mois de juillet ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'il aurait dû résulter, tant de l'attestation établie pour la sécurité sociale par l'employeur le 28 juillet, que du solde de tout compte en date du 23 juillet, que la société avait pris acte de la rupture du contrat de travail de la salariée ; qu'en n'expliquant pas en quoi elle estimait que le solde de toute compte était antidaté, la cour d'appel aprivé sa décision de motifs, et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en appréciant les éléments de la cause, la cour d'appel a constaté que la société, qui ne justifiait pas s'en être auparavant prévalu, n'avait invoqué l'interdiction d'emploi tirée de la situation administrative irrégulière de la salariée que tardivement, à l'issue des congés payés et à une époque où sa cause n'existait plus ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties a pu dire que la rupture était imputable à l'employeur et a, par une décision motivée, décidé dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;
Que le moyen ne saurait dès lors être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Universal travel agency, envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix juin mil neuf cent quatre vingt douze.