Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 mai 1983), que Mme Z..., au service de la société Delebart-Mallet, en qualité de bobineuse, a été, à plusieurs reprises, en arrêt de travail pour maladie du 14 février 1980 au 6 février 1982 ; que le 13 novembre 1981, le médecin du travail de l'entreprise a effectué à son sujet une déclaration de maladie professionnelle ; qu'elle a été, le 6 février 1981, licenciée avec un préavis de deux mois ; que, le 9 avril 1981, elle a signé pour solde de tout compte un reçu d'une certaine somme en paiement " des salaires, accessoires de salaire et de toute indemnité quelle qu'en soit la nature ou le montant qui étaient dus au titre de l'exécution ou de la cessation du contrat de travail " ; que, le 3 juillet 1981, elle a été informée que ses arrêts de travail antérieurs étaient pris en charge par la CPAM au titre de maladie professionnelle ;
Attendu que la société Delebart-Mallet fait grief à l'arrêt d'avoir, sur la demande en réintégration ou à défaut en paiement d'indemnité formée par Mme Z... en application des articles L. 122-31-1 et suivants du Code du travail, ordonné une expertise afin de rechercher si la salariée avait été victime d'une maladie professionnelle, en rejetant la fin de non-recevoir déduite de l'existence du reçu non dénoncé dans les deux mois de sa signature alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il était constant que le reçu pour solde de tout compte avait été signé à la fin du préavis de la salariée et à un moment où le contrat de travail était expiré, de sorte que méconnaît les dispositions des articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail l'arrêt attaqué qui affirme que, postérieurement à la signature de ce reçu - et par conséquent postérieurement à l'expiration de son contrat de travail - ladite salariée avait pu acquérir un droit éventuel à réclamer une indemnité du fait de la rupture de ce contrat, pour la raison qu'à la date du 3 juillet 1981, elle avait pris connaissance de la prise en charge par la CPAM de Lens de ses arrêts de travail au titre d'une maladie professionnelle alors, d'autre part, que, méconnaît encore les dispositions des articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail l'arrêt attaqué qui estime pouvoir en faire application à l'espèce, tout en relevant qu'il ne pouvait être reproché à l'employeur d'avoir méconnu, à la date du 6 février 1981 à laquelle avait été signifié le licenciement de Mme Z..., des dispositions de l'article L. 122-32-2 sur la résiliation du contrat de travail suspendu pour maladie professionnelle, car il n'était pas établi que l'employeur avait eu connaissance des présomptions de maladie professionnelle relevées pendant la durée du contrat de travail ;
Mais attendu que la cour d'appel relève que l'arrêt de travail de Mme Z... était provoqué par une maladie professionnelle ayant fait l'objet d'une première constatation médicale par le médecin du travail de la société Delebart-Mallet à une date antérieure au licenciement ; qu'il résulte de l'article L. 495 du Code de la sécurité sociale alors applicable, qu'en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date de la première constatation médicale est assimilée à la date de l'accident ; qu'en vertu de l'article L. 496 du même Code, la maladie de Mme Z... était présumée d'origine professionnelle ; que, dès lors, c'est par une exacte application de l'article L. 122-31-1 du Code du travail que la cour d'appel a retenu que le contrat de travail de l'intéressée avait été suspendu du seul fait de l'arrêt de travail provoqué par cette maladie et que la résiliation du contrat était intervenue pendant cette suspension, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-32-2 du même Code ; qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que la société Delebart-Mallet reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le pourvoi, que se contredit dans ses explications, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui affirme que la salariée avait acquis un droit éventuel à des indemnités de rupture en apprenant la décision de prise en charge par la CPAM de Lens de ses arrêts de travail au titre d'une maladie professionnelle, tout en considérant que la décision de la CPAM ne s'imposait pas à l'employeur et en ordonnant, en conséquence, une expertise à l'effet de vérifier si les arrêts du travail de l'intéressée étaient ou non dus à une maladie classée dans un des tableaux annexés au décret du 31 décembre 1946, c'est-à-dire à une maladie professionnelle ;
Mais attendu qu'un droit éventuel est un droit encore imparfait qui ne réunit pas toutes les composantes nécessaires à son existence, sa perfection même dépendant d'éléments non seulement futurs mais incertains ; qu'ainsi, sans se contredire, la cour d'appel a pu énoncer que Mme Z... avait un droit éventuel à des indemnités de rupture et ordonner une expertise, la reconnaissance de son droit étant subordonnée à la constatation que son inaptitude physique était la conséquence d'une maladie professionnelle ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Attendu, enfin, que la société Delebart-Mallet fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'à supposer que la connaissance, par la salariée, de la simple éventualité que sa maladie ait pu avoir un caractère professionnel, ait pu suffire à lui conférer un droit éventuel, c'est au prix d'une nouvelle contradiction dans sa motivation que l'arrêt attaqué a considéré que la salariée n'avait pu renoncer à ce droit au moment de la signature du reçu pour solde de tout compte du 8 avril 1981, parce qu'elle n'aurait eu connaissance dudit droit que postérieurement à cette date, tout en constatant qu'antérieurement à la signature du reçu pour solde de tout compte litigieux, le médecin du travail de l'entreprise avait établi, le 13 novembre 1980, une déclaration de maladie professionnelle au sujet de Mme Z..., ce qui impliquait que celle-ci - qui d'ailleurs, comme elle le reconnaissait elle-même, avait fait une déclaration de maladie professionnelle le 5 novembre 1980 - connaissait, antérieurement à la signature du reçu pour solde de tout compte litigieux, la situation de fait susceptible de lui donner éventuellement droit au bénéfice de la loi du 7 janvier 1981 alors, d'autre part, que la salariée ayant elle-même reconnu dans ses écritures que, le 5 novembre 1980, elle avait fait une déclaration de maladie professionnelle auprès de la CPAM de Lens, en y joignant un certificat médical du docteur Y..., dermatologue à Arras, et que, par un certificat du 13 novembre 1980, le docteur X..., médecin du travail de l'entreprise, avait également établi une déclaration de maladie professionnelle, manque de base légale et méconnaît les dispositions de l'article L. 122-17 du Code du travail l'arrêt attaqué qui considère que la salariée n'a pu envisager, lors de la signature du reçu pour solde de tout compte du 8 avril 1981, les droits découlant éventuellement pour elle du caractère professionnel de sa maladie ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que lors de la signature du reçu pour solde de tout compte, le droit de Mme Z... au paiement d'une indemnité en application de l'article L. 122-32-6 du Code du travail n'était qu'éventuel ; qu'elle a pu en déduire, un tel droit ne prenant effet qu'à partir du moment où il devient parfait, que l'indemnité réclamée par la salariée ne pouvait être envisagée par les parties à la date du règlement de compte et que dès lors, le reçu n'avait pas, en ce qui concerne cette indemnité, d'effet libératoire ;
Qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi